TOUT EST DIT

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mardi 10 septembre 2013

Apprendre à user du chéquier

Apprendre à user du chéquier


Si vous vous demandez quels sont les secteurs économiques porteurs en France, cochez, sans hésiter, la case « soutien scolaire ». Et pour le coup, cela ne vous coûtera rien, pas même le tarif horaire moyen (36,50 €) du soutien à domicile ou dans les organismes privés. Plus sérieusement, l’explosion de cette activité du soutien scolaire, qui générerait un chiffre d’affaires annuel de 2,5 milliards d’euros dans notre pays, démontre à la fois la faillite du système éducatif et le fossé qui, toujours, se creuse un peu plus, dès qu’il est question d’éducation, au sein de la société française. Des belles paroles de Jack Lang aux promesses de Nicolas Sarkozy, aucun gouvernement, de gauche comme de droite – laquelle n’a jamais hésité à envoyer sur ce front des ministres centristes qui n’ont pas fait mieux – personne n’a réussi le défi de « l’école de la réussite pour tous ». Le trio Hollande-Ayrault-Peillon ne fera pas mieux. Malgré sa tentative, pour une fois concrète, d’aller plus loin qu’un simple rafistolage avec la loi sur la Refondation de l’école. Subsistent cependant trop les réalités des années 80 plaçant les séries générales au sommet de la pyramide, puis les filières technologiques et, quand on ne sait plus quoi faire de l’élève, la voie professionnelle. Une hiérarchie qui s’est imposée tant parmi le corps enseignant que dans les familles. C’est ce système qui aboutit au fait qu’un collégien sur cinq et un lycéen sur trois ont, selon un sondage TNS Sofres, recours au soutien scolaire. Les enseignants sont mal payés et peu considérés ? Alors qu’eux-mêmes peinent à transmettre leur foi en l’Éducation nationale, il ne faut pas s’étonner que les Marchands du Temple aient trouvé une porte d’entrée. Loin de la solidarité entre voisins qui prévalait il y a plusieurs décennies – et pouvait rapporter quelques pièces – le soutien scolaire est aujourd’hui une activité organisée. Méritant même le statut d’auto-entrepreneur, qui « est un gage de sérieux (du marketing) pour inciter les prospects à vous contacter », précise un site spécialisé. Le sujet est tabou, mais deux réalités s’imposent : tandis que les familles qui en ont les moyens ont, souvent à tort, l’impression de pallier, moyennant un beau chèque, aux manquements de l’Éducation nationale, certains enseignants trouvent aussi dans le soutien scolaire une source, pas toujours déclarée, de revenus complémentaires.

Rentrée sociale : en ordre dispersé

Rentrée sociale : en ordre dispersé
À chaque semaine, sa rentrée. Après la rentrée politique fin août, la rentrée scolaire la semaine dernière, c’est donc, aujourd’hui, jour de rentrée sociale. Un retour sur le pavé en ordre dispersé et un très fort absentéisme à craindre dans les manifestations organisées sur le thème des « salaires, de l’emploi et des retraites ». Difficile, pourtant, de trouver un thème de manif plus fourre-tout, comme si cet appel à descendre dans la rue au sortir de l’été était devenu un rendez-vous festif traditionnel, sorte de pendant au 1er Mai où le folklore l’emporte déjà sur la problématique sociale.
En veillant à ne pas employer le terme d’échec qui pourrait froisser les syndicats (CGT, FO, FSU et Solidaires), le gouvernement n’a pas caché, depuis plusieurs jours, qu’il ne craint pas la mobilisation d’aujourd’hui. D’abord parce que la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ne s’y sont pas associées, ces organisations considérant que le projet de réforme des retraites présenté fin août par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, est peu ou prou équilibré et répond à un impératif. Plus grossièrement, l’exécutif a réussi, sur le dossier des retraites, à étouffer dans l’œuf tout risque d’une rentrée sociale explosive en épargnant les fonctionnaires et autres bénéficiaires des régimes spéciaux. Ceux-là, majoritairement électeurs de gauche, ne seront pas dans la rue.
Le gouvernement aurait cependant tort de se réjouir trop vite. D’abord parce que le débat parlementaire à venir s’annonce délicat. Et aussi parce qu’à l’heure où les Français reçoivent leurs avis d’imposition, le pays ne cesse de gronder à propos du pouvoir d’achat. Lequel suit une courbe inversement proportionnelle à celle des impôts. Si la courbe du chômage doit s’inverser d’ici la fin de l’année sous l’effet des emplois aidés, tout reste à faire pour l’équipe Hollande. Compétitivité des entreprises, réduction des déficits à l’heure du « ras-le-bol fiscal », situation dans les banlieues… Sans même parler d’une intervention militaire en Syrie dont ne veulent pas les Français, ce ne sont pas les dossiers explosifs qui manquent. Et rien ne dit que les Français attendront les rendez-vous électoraux du printemps prochain pour exprimer leur mécontentement. Un automne tempéré sur le plan social n’a jamais empêché que le pays ne s’enflamme lorsque l’hiver fut venu.

Matzneff : vous avez dit valeurs républicaines ?

 Matzneff : vous avez dit valeurs républicaines ?

Sous la IVe République, nous autres, garçonnets et fillettes d'origine russe, italienne, espagnole, arménienne, avec nos noms souvent difficiles à écrire et à prononcer, nos parents qui se rendaient régulièrement à la préfecture de police pour le renouvellement de leur carte de séjour, et, pour certains d'entre nous, nos religions réputées exotiques, nous savions, sans que personne au collège, au lycée, nous en parlât, ne pas être des petits Français semblables aux autres. Cela ne nous dérangeait pas outre mesure. Et ceux d'entre nous qui n'étions pas catholiques romains jugeaient naturel le fait que les fêtes religieuses officielles fussent celles de l'Église catholique, que l'aumônier fût un prêtre catholique. Nous étions petits, mais il n'était pas nécessaire d'avoir l'âge d'étudier à Sciences-Po pour savoir que la France était un pays catholique, et que l'école fût laïque n'effaçait d'aucune façon cette prééminence historique, culturelle du catholicisme dans la société française.
Nos professeurs étaient volontiers agnostiques, parfois marxistes, mais dans le secondaire ils nous faisaient étudier Polyeucte, lire Pascal et, en classe d'histoire, celle de la France ne commençait pas en 1789. Les rois qui avaient durant 1 000 ans construit la France étaient étudiés, leurs bonnes oeuvres louangées, et,Alexandre Dumas aidant, nous étions nombreux parmi les fils d'émigrés à nous réputer mousquetaires, à nous sentir plus français que d'Artagnan lui-même, et, en cour de récréation, à galoper en criant "Vive le roi !" Il faut dire qu'à l'époque on ne nous cassait pas les oreilles avec "les valeurs de la République". Je suis même certain de n'avoir jamais entendu, lorsque j'étais enfant et adolescent, cette expression "les valeurs de la République" dans la bouche d'un proviseur ou d'un professeur. Quand ceux-ci voulaient nous donner des leçons de civisme, ils se contentaient de nous enseigner l'amour de la France.

Le pouvoir soviétique s'est employé à lobotomiser le peuple russe

En 2004, lors d'un "Forum de la réussite des Français venus de loin" organisé au Palais-Bourbon (il y avait là le fameux savant d'origine asiatique, la fameuse actrice d'origine maghrébine ; moi, je portais la casquette de l'écrivain d'origine russe), je fus frappé par l'insistance avec laquelle certains orateurs mettaient l'accent sur ces "valeurs de la République". C'était la première fois que j'entendais des hommes politiques de tous bords, droite et gauche confondues, faire de ces "valeurs de la République" un vrai synonyme de "patriotisme", et cela m'intriguait car, à tort ou à raison, ce mot de "République" me semblait réducteur, ne serait-ce que parce qu'il excluait implicitement de la communauté nationale ceux d'entre les citoyens français qui auraient, par exemple, des convictions monarchistes. De fait, au cours de cette journée, tous les exemples historiques donnés par les organisateurs furent des exemples postérieurs à la révolution de 1789, comme si avant celle-ci la France n'existait pas, comme si l'an zéro de la République était aussi l'an zéro de la France, comme si l'État n'avait rien d'autre à proposer aux nouvelles générations d'enfants d'immigrés que ces froides et abstraites "valeurs de la République".
Certes, pendant 70 ans, d'une manière sanglante, implacable, le pouvoir soviétique s'est employé à lobotomiser le peuple russe, à le couper de ses racines culturelles et spirituelles, à lui faire croire que cela seul qui importait, c'étaient désormais "les valeurs du marxisme-léninisme", à interdire aux enfants chrétiens de porter au cou leur petite croix de baptême. Vu la catastrophe inouïe que constitua cette hystérique tentative de décervelage (je pense que la Russie mettra au moins un demi-siècle pour panser ses blessures, réparer les dégâts, et c'est une des raisons pour lesquelles je conseille aux intellos parisiens d'être un peu plus mesurés dans les jugements sévères qu'ils se permettent de porter sur l'actuel gouvernement russe), je n'imagine pas une seconde que notre ministre de l'Éducation nationale, M. Vincent Peillon, puisse désirer quoi que ce soit de comparable pour la France.

Faire aimer Louis XIII et les mousquetaires, l'histoire de France, Alexandre Dumas

M. Peillon m'objectera que l'époque du président Hollande n'est plus celle des présidents Auriol et Coty, qu'aujourd'hui les enfants d'immigrés ne sont plus des petits Européens, qu'espérer faire aimer Louis XIII et les mousquetaires, l'histoire de France, Alexandre Dumas, à de jeunes Maghrébins est une illusion, que ce qu'il faut à ces gens-là, ce sont des terrains de football et des lois qui interdisent aux professeurs de parler de Dieu, de l'Église, de Jeanne d'Arc, de saint Vincent de Paul, de la victoire de Rocroy.
Je suis désolé, monsieur le ministre, mais je juge cela injurieux vis-à-vis des jeunes musulmans. Une des femmes que j'ai le plus aimées était une lycéenne française d'origine marocaine, d'un milieu très simple. Elle ne jouait pas au football, mais elle lisait Baudelaire et Dostoïevski. Certes, son amant écrivain y était peut-être pour quelque chose, mais, même sans ma présence dans sa vie, cette adolescente de tradition mahométane aurait, j'en suis sûr, été capable de découvrir les beautés de la culture de l'Europe - qui est un mixte de culture gréco-latine païenne et de culture judéo-chrétienne -, de devenir, grâce à ces enrichissantes, épanouissantes beautés, pleinement française.

TOUJOURS DANS LA PRESSE





EN VRAC DANS LA PRESSE





Grève pour les retraites : Français, syndicats, gouvernement, tous perdants ?

Alors que la cote de popularité de François Hollande est en berne, la journée de mobilisation du mardi 10 septembre contre la réforme des retraites aurait pu cristalliser tous les mécontentements. Pourtant, elle s'annonce très peu suivie. Francetv info vous explique pourquoi. 

Les syndicats ne devraient pas faire le plein

Il est loin le temps où les syndicats unis pouvaient revendiquer 2,5 à 3 millions de manifestants, contre le projet de loi Woerth, qui a repoussé l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. C'était il y a trois ans, à trois jours près, le 7 septembre 2010.
Cette fois-ci, les syndicats sont divisés, et la barre des 3 millions apparaît bien trop haute pour être atteinte. Les organisations syndicales reconnaissent à demi-mot que la partie s'annonce compliquée. Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche, Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français, et Olivier Besancenot, du Nouveau Parti anticapitaliste, appellent à rejoindre les manifestations aux côtés de la CGT, de FO, de la FSU et de Solidaires. En revanche, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC (cadres) soutiennent le texte du gouvernement et ne défileront pas.
Pour Guy Groux, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Science Po (Cevipof)"la division syndicale est à l'image de la division de la gauche". De plus, estime-t-il, "si la mobilisation connaît une faible ampleur, c'est avant tout que les bases les plus mobilisables, épargnées par la réforme, n'ont pas de raisons de manifester". Les fonctionnaires et les bénéficiaires des régimes spéciaux, plutôt peu concernés par la réforme, devraient ainsi être beaucoup moins nombreux à défiler qu'habituellement. L'impact de la grève devrait être, de la même façon, assez limité dans les transports, annonce Le Monde

Les Français résignés

61% des Français trouvent justifiées les manifestations de mardi contre la réforme des retraites, selon le baromètre OpinionWay publié dimanche par Metronews.D'après un sondage CSA pour L'Humanité, 81% des interrogés se disent également inquiets pour leur retraite, et 69% jugent que la réforme proposée par le gouvernement va plutôt dans la mauvaise direction. Cependant, ils ne devraient pas être très nombreux à battre le pavé. 
Pour Guy Groux, "l'opinion publique est ambivalente. D'un côté, comme le montrent les sondages, elle est solidaire du mouvement social, mais de l'autre, une partie de la population, par fatalisme, résignation ou conviction, est persuadée de la nécessité d'une réforme et n'ira donc pas manifester."

Le gouvernement prudent

Cette première mobilisation de la rentrée est scrutée de près par le gouvernement, même si ses membres interrogés dimanche se sont montrés confiants. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a ainsi minimisé l'importance de la mobilisation, affirmant sur France 5 que les organisateurs de la journée d'action ne visent pas une"confrontation" avec le gouvernement, mais "demandent une modification" du projet de réforme. Il a assuré que le texte n'était "pas figé", même si "les grands principes sont posés".
Cependant, une inconnue demeure et sera tout particulièrement scrutée par le gouvernement : la participation de la jeunesse. La CGT comme FO ne manquent pas de souligner que la réforme cible surtout les jeunes. Un argument relayé par l'UMP. Et même si la rentrée universitaire n'a lieu que fin septembre, l'Unef, le syndicat étudiant majoritaire, a d'ores et déjà appelé à manifester aux côtés de Jeunesse ouvrière chrétienne et de Génération précaire pour dénoncer "43 annuités" qui ne prennent pas "en compte les années de formation et d'insertion"
Pour Guy Groux, "il n'y a aucun risque mardi pour le gouvernement, qui s'est montré extrêmement prudent en préservant les régimes spéciaux et les fonctionnaires." Le gouvernement va-t-il sortir sans égratignures de cette mobilisation ? Pas tout à fait, estime Jean-Marie Pernot, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales, dans Les Echos : une faible mobilisation "ne sera pas forcément une bonne nouvelle pour le gouvernement. Si la contestation ne s'exprime pas dans la rue, elle risque de s'exprimer plus tard dans les urnes et d'alimenter le vote Front national."



Syrie : François Hollande peut-il sortir du piège de l'intervention ?


Exception dans un monde qui rechigne de plus en plus à intervenir en Syrie, François Hollande semble s'obstiner. Pourquoi ?
Aujourd’hui, suite aux preuves dont le gouvernement disposerait sur la responsabilité de Bachar El-Assad dans les attaques à l’arme chimique survenues le 21 août dont ont été les cibles trois faubourgs à l’ouest de Damas, le débat fait rage en France sur l’opportunité d’intervenir ou non militairement en Syrie. Contrairement au Mali, où un large consensus fut obtenu pour l’intervention lancée, la classe politique Française semble cette fois-ci très divisée à droite comme à gauche et l’opinion publique est à 68 % hostile à toute forme d’intervention militaire.
Alors que le Parlement Britannique, par son refus de s’associer à une action militaire a infligé un vrai revers à Cameron, et qu’Obama a préféré solliciter d’abord le feu vert du Congrès et du Sénat avant de lancer une quelconque opération, quelles motivations poussent le Président Français à persévérer tout seul dans l’affirmation de sa détermination à punir le régime en place. Au-delà des intérêts dits ou cachés ou des arguments brandis, justifiés ou non, se trouve-t-il piégé par… lui-même ? De quoi s’agit-il ?

Les pièges de la décision

Suite à la mise en attente par une standardiste, fusse-t-elle accompagnée d’une belle musique, qui n’a pas été confronté au dilemme suivant : est-il temps que je raccroche mon téléphone ou dois-je continuer à patienter ? La prise de conscience du coût en temps perdu, doublée de l’espoir que cette attente devrait bientôt s’achever, pousse à persister dans celle-ci augmentant, du même coup, le coût déjà supporté.

Et cet étudiant ayant choisi une filière qui découvre rapidement qu’elle ne correspond aucunement à ses attentes, va-t-il décider, comme le bon sens le supposerait, d’interrompre les études entreprises ou va-t-il, sous prétexte d’être « quelqu’un qui va toujours au bout de ce qu’il entreprend » ou pour satisfaire à une exigence parentale, les poursuivre jusqu’à leur terme, quitte d’ailleurs ensuite à se réorienter dans une autre direction ?
Dans ces deux exemples, la personne est confrontée à un piège classique de la prise de décision qui s’intitule : « Je me suis trop engagé pour faire machine arrière ». Si je raccroche ou si je change de cursus en cours de route, la prise de conscience que tout le temps déjà consacré l’aura été pour rien, pousse à persévérer dans une direction qui, en définitive, accroît le coût dont je me plains. Ils relèvent tous d’un même processus d’adhésion des personnes à leurs décisions dans le seul besoin d’attester du bien-fondé de celles initialement prises et d’en affirmer le caractère rationnel.
Les choix politiques n’échappent malheureusement pas à la règle. Qu’il s’agisse de grands travaux (le concorde, les abattoirs de la Villette et bien d’autres) ou du déclenchement d’une guerre (Vietnam pour les américains, Afghanistan pour les Russes), le piège de l’engrenage est tout aussi enfermant pour les décisionnaires. Quand les prévisions budgétaires pour achever tel ou tel projet sont largement dépassées ou quand le nombre des victimes atteint des sommets intolérables, face aux voix qui s’élèvent afin d’arrêter la gabegie ou de stopper l’enlisement militaire, d’autres voix vont, sous prétexte que l’argent déjà dépensé ou les lourdes pertes en soldats et en matériel déjà subies l’auront été pour rien, réclamer d’accorder les rallonges budgétaires nécessaires et d’engager davantage les armées dans la guerre.
Si le politique persiste, ce n’est pas simplement par consistance comportementale (montrer qu’il est fiable, ce qui en soi est louable), mais parce qu’il s’était engagé à le faire. Les chercheurs en psychologie sociale* ont mis au jour, qu’après avoir pris une décision, qu’elle soit justifiée ou pas, « les gens ont tendance à persévérer dans un cours d’action, même lorsque celui-ci devient déraisonnablement coûteux et ne permet plus d’atteindre les objectifs fixés ». Ceci devient plus vrai encore quand les décisions s’accompagnent d’un sentiment de liberté c’est-à-dire que les personnes ont le sentiment d’avoir elles-mêmes librement décidé du comportement à tenir. Ces chercheurs parlent alors de « soumission librement consentie ».

Intervenir, mais pour quels intérêts ?

Les responsables français doivent, avant de décider d’une intervention punitive et dissuasive, faire une analyse exhaustive des intérêts de notre pays. Quels sont les intérêts que la France voudrait défendre relativement à la crise internationale qui se joue depuis deux ans en Syrie et qui a déjà provoqué plus de 110.000 morts et autres destructions matérielles de sites et de villes ?
Les intérêts avancés pour justifier une intervention Française sont les suivants :
1- Faire respecter la convention sur l’interdiction des armes chimiques signée par tous les pays de la planète, sauf 5 dont la Syrie, et ne pas créer de précédent d’un recours à ces armes sans sanctions. C’est la fameuse « ligne rouge » à ne pas franchir sous peine de sévères représailles définie par Obama. En effet, cette violation donnerait un signe négatif encourageant à d’autres pays tentés à leur tour de s’en servir ou au pouvoir syrien, s’il est prouvé qu’il l’a fait, de recommencer.
2- Protéger les populations civiles et empêcher le massacre d’innocents au nom des valeurs de défense des droits de l’homme.
3- Bénéficier d’éventuelles promesses de contrats d’armements futurs de la part des deux protagonistes arabes qui sont en faveur d’une intervention militaire mais qui préfèrent la voir conduite par d’autres pays qu’eux, l’Arabie Saoudite et le Qatar.
Il n’y a en Syrie aucun autre des intérêts classiques de la France : contenir les terroristes de Al Qaïda, défendre la sécurité d’Israël, sécuriser ses approvisionnement en pétrole.
Les Intérêts pour ne pas intervenir
1- Risquer de trop affaiblir le pouvoir en place et voir les fondamentalistes islamistes renverser le régime et établir une république islamique. Sur ce plan, il s’agit d’un intérêt divergent avec les États-Unis qui veulent faire tomber Assad pour priver l’Iran d’un allié. Alors qu’il s’agit d’un intérêt convergent avec la Russie qui redoute l’extension de l’islamisme.
2- Protéger les minorités notamment chrétiennes. Les exemples des Chrétiens massacrés en Irak et en Égypte après la chute des dirigeants en place, sont encore présents dans les esprits.
3- Ne pas mettre en danger les forces Françaises stationnées au Liban et menacer gravement la cohabitation, déjà au plus mal, dans ce pays.
A partir de cette analyse, nos décisionnaires doivent définir l’objectif qu’ils poursuivent pour satisfaire les intérêts bien compris de la France. Ensuite, comme tout bon stratège, ils doivent, avant d’agir, définir et évaluer toutes les options qui sont à leur disposition pour mettre fin au bain de sang et aux destructions.
Dans le cas de la Syrie, il y en a cinq :
1-      L’inaction, humainement inacceptable face au nombre de victimes qu’on dénombre chaque jour depuis deux ans.
2-      Intervention militaire lourde destinée à provoquer la chute du régime Assad. Elle  recueille peu d’adhésion dans les opinions publiques.
3-       Intervention « limitée » sous forme de frappes punitives sur des cibles désignées (stocks d’armes chimiques, bases aériennes) dont l’efficacité dissuasive n’a pas été démontrée par le passé.
4-       Armement des rebelles (à condition de bien choisir lesquels) avec le risque de favoriser les radicaux islamistes et une alternative pire que le pouvoir actuel. Toutes les informations semblent indiquer que les États-Unis et la France le font déjà.
5-       Il en reste une, que beaucoup jugeront peut être comme naïve, que peu de voix portent, qui a été envisagée puis repoussée : recourir plus que jamais à la diplomatie tous azimut avec un autre type d’armes, la négociation à partir des intérêts de tous les acteurs. Elle devrait favoriser une alternative politique avec une période transitoire permettant l’émergence d’une opposition représentative capable d’endosser les habits du pouvoir. Elle avait achoppé à cause du préalable posé par la France et les États-Unis exigeant l’exclusion d’Assad de la négociation et provoquant ainsi une crispation de ses positions et une désolidarisation de la Russie.

Chat échaudé craint l’eau froide

Les options 2 et 3 pour acquérir une légitimité doivent normalement se faire sur la base juridique d’une résolution de l’ONU. Or, cette voie était perdue d’avance. Pourquoi ?
Un proverbe oriental dit : « la corde du mensonge est courte ».
Les Russes ont eu le sentiment de s’être fait avoir quand ils s’étaient ralliés il y a deux ans à une motion favorable à une intervention aérienne en Libye. En effet, à aucun moment il n’était question de renverser Khadafi (ce n’est pas qu’il ne le méritait pas) mais uniquement de protection des populations civiles. Et pourtant, une fois l’action déclenchée, et dès que l’objectif initial fut atteint, les forces de la coalition occidentale emmenées par la France ont sur leur lancée élargi leur objectif à celui d’abattre le dictateur.

Les Russes ont ainsi été victimes d’une technique de manipulation bien répertoriée, « le pied-dans-la-porte » qui consiste à obtenir d’abord l’accord pour une petite chose avant de demander un service plus grand. Du coup, les portes d’une résolution à l’ONU sans veto Russe, même pour des frappes limitées, étaient cette fois définitivement closes. Le manipulé a de la mémoire, et on ne lui fait pas deux fois le même coup.
Quant aux sondages, pourquoi montrent-ils des opinions publiques non seulement en France mais surtout en GB et aux EU, hostiles à toute intervention militaire et réclamant avant tout la publication des preuves des experts de l’ONU ?
Hormis la crise économique dont ils souffrent et les coûts pour leurs pays qu’ils anticipent, c’est le précédent Irakien qui ici a joué à fond. Rappelez-vous, des soi-disant preuves brandies par Colin Powell agitant une fiole contenant de l’anthrax lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU en janvier 2003. Le mensonge ayant été depuis avéré sur l’ensemble des arguments avancés par Bush pour justifier la guerre lancée en Irak – détention d’armes de destruction massive (on les cherche encore), soutien aux terroristes (Saddam Hussein était l’ennemi juré de al-Quaïda), soustraire un peuple à un tyran (combien d’attentats et de morts depuis qu’il a été écarté) et instaurer la démocratie (demander au peuple Irakien s’il se sent plus libre)- la crainte de se faire une fois de plus manipulé sème le doute et la suspicion.

La France peut elle encore éviter le piège en privilégiant une solution politique ?

Les chercheurs qui ont théorisé les pièges de la décision recommandent, pour éviter de tomber dans l’engrenage, que ça ne soit pas la même personne qui prenne une décision et qui en évalue les effets en vue de son éventuelle reconduction. Tout le monde le dit, la Syrie, ce n’est pas le Mali.
Dès lors, n’est-il pas dommage que le Gouvernement n’ait pas opté exceptionnellement de recourir au vote du parlement pour se donner une voie de sortie honorable de l’engagement d’intervenir qu’il s’était empressé de prendre ? Il aurait évité de se retrouver piégé tout seul dans une intervention dont on peut se poser la question de son adéquation et sa pertinence par rapport aux intérêts bien compris de la France.  Car la diplomatie qui veut modifier les réalités du terrain, sauf à être utopique, ne peut être guidée uniquement sur des considérations morales relatives aux Droits de l’Homme. La France ne peut de surcroît se permettre d’être la seule à les porter même si, pour exister sur la scène internationale, la seule frappe dont elle dispose, vu son rang sur le plan économique qui recule année après année, est désormais d’ordre politique.
Il est vrai qu’en Syrie comme ailleurs au Proche Orient, il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre, les méchants. La multiplicité des puissances régionales (Israël, Iran, Turquie, Arabie Saoudite, Qatar) et internationales (Russie, Chine, États-Unis) qui interfèrent pour faire avancer leurs intérêts propres, oh ! combien contradictoires, rendent la situation, et donc sa résolution, toujours plus complexe et le terrain plus miné qu’on veut bien le dire.
Dès lors, s’il apparaît que la guerre n’est pas la solution, la diplomatie devient la voie. Ce ne sont pas les émotions, fussent-elles plus qu’appropriées, qui règlent les affaires internationales. C’est la capacité, en fonction d’un rapport de forces donné, à concilier les intérêts contradictoires et multiples. Compte tenu de la détérioration des relations entre Russes et Américains, la France pourrait être en pointe sur le plan d’une solution diplomatique négociée en favorisant la prise en compte des intérêts des Russes en Syrie :
1- Commerciaux : préserver leur client en armes le plus important ;
2- Militaires : protéger leur base navale à Tartous ;
3- Économiques : barrer la route à la concurrence potentielle du Qatar qui projette, en passant par la Syrie, de fournir l’Europe en gaz ;
4- Politiques : freiner l’extension de l’islamisme et ne pas à leur tour risquer d’être accusés de non respect des droits de l’homme en Tchétchénie ou ailleurs.

En conclusion

Il ne s’agit aucunement d’être naïf en niant le caractère répressif ou violent du régime syrien. Il s’agit encore moins de ne pas être conscient, que dans la « nouvelle guerre froide » que se livrent la Russie et les États-Unis, Poutine cherche à engranger des avantages tactiques face à Obama. Mais le dialogue et la coopération internationale pour régler les crises doivent inlassablement être poursuivis et tentés.
Avec sa lettre au président du G20 pour promouvoir une solution pacifique grâce à une conférence de paix pour la Syrie, l’appel du Pape François a-t-il une petite chance d’être entendu sans hâtivement être repoussé comme le soutien à un dictateur ?
Et vous, si vous étiez à la place de Hollande, quelle serait votre décision ?
*Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, par Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, éd. PUG.




Retraites, une passion française


Combien seront-ils cette fois à battre le pavé ? Organisée mardi 10 septembre par quatre syndicats (CGT, FO, Solidaires et FSU), rejointes par des organisations de fonctionnaires, de retraités, et de jeunesse, et soutenue par l’extrême gauche, la journée d’action contre la réforme des retraites crû 2013, qui inclut aussi des mots d’ordre de défense des salaires et de l’emploi, s’annonce peu suivie. Mais elle aura lieu. Et sans doute aura-t-elle une suite, comme l’a déjà annoncé Thierry Le Paon, le numéro un de la CGT.
Car plus que tout autre, la question des retraites s’est imposée comme une arlésienne de l’agenda social. Mis à part la réforme Balladur de 1993, qui, adoptée en plein été, a peu mobilisé, toutes les autres se sont soldées par de véhémentes réactions du corps social. Tant en 1995, où l’économie fut paralysée plusieurs semaines, qu’en 2003, où les taux de grève des fonctionnaires avaient été très forts, ou en 2007, où les cheminots s’étaient fortement mobilisés contre la réforme des régimes spéciaux. Surtout, à l’automne 2010« on a assisté à une des plus fortes mobilisations sociales du XXe  siècle », rappelle Stéphane Sirot, professeur d’histoire sociale à l’université de Cergy-Pontoise.

UNE CONQUÊTE SOCIALE TRÈS FORTE

Alors pourquoi ces traumatismes nationaux à répétition ? « D’abord,analyse Stéphane Sirot, c’est sans doute sur les retraites qu’il y a le plus de réformes depuis 1993. Surtout, à chaque fois, on amoindrit les protections, d’où un ressentiment très fort. » Ensuite, poursuit l’historien,« les retraites renvoient à un phénomène de société très profond. Alors que les régimes de retraite existent depuis cent ans, jusqu’aux Trente Glorieuses, peu de gens vivaient assez vieux pour en profiter longtemps. L’augmentation de l’espérance de vie, y compris en bonne santé, a changé les choses. Alors, quand, en 1981, l’âge légal de départ a été abaissé de 65 à 60 ans, la retraite est devenue non plus la fin de la vie, mais une période de l’existence où on pouvait enfin vivre tranquillement pendant une vingtaine d’années. C’est une conquête sociale très forte. »
Or si l’allongement de la vie n’est pas spécifique à la France, la concomitance de cette évolution avec le choix politique de baisser l’âge légal en 1981 l’a été. Enfin, estime Guy Groux, directeur de recherches au Cevipof, chez nous, « les retraites font partie du patrimoine social car elles renvoient au compromis social de 1945 », qui a donné naissance à la Sécurité sociale.

POUR UN GOUVERNEMENT, LE DOSSIER EST TOUJOURS MINÉ

Bref, autant dire que, pour un gouvernement, le dossier est toujours miné. Du coup, « à la différence de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne,reprend Guy Groux, les autorités politiques françaises, de droite comme de gauche, se sont toujours montrées d’une grande prudence ».Notamment quand il s’agit de modifier les régimes des salariés du public, où se retrouve le gros des troupes militantes des syndicats.
Reste que, ajoute le chercheur, « depuis quelques années, la société s’est peu à peu résignée à la nécessité de réformer, c’est peut-être ce que Raymond Barre appelait la “pédagogie de la crise” ». Circonstance aggravante, rappelle Stéphane Sirot, « hormis la mobilisation de 1995 et de 2006 contre le Contrat première embauche, les mouvements sociaux se sont soldés par une succession d’échecs ». Y compris la mobilisation des cheminots en 2007 et celle contre la fin du départ à 60 ans en 2010. Enfin, la création du service minimum a légèrement atténué l’impact des grèves dans les transports.
Bref, les chercheurs ne croient guère à la réussite de la journée d’action de mardi. D’autant qu’à la différence de 2010, les syndicats sont désunis, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ne participant pas. Pour Guy Groux, certes, « il y a de la déception vis-à-vis du gouvernement, mais je ne vois pas ces mécontentements s’agréger alors que les gens vont s’exprimer en votant l’année prochaine ». Et « comme l’allongement de la durée de cotisation intervient après 2020, les mots d’ordre ne sont pas très fédérateurs, poursuit Stéphane Sirot. La seule inconnue, c’est la mobilisation des jeunes, toujours difficile à prévoir. Mais je ne vois pas l’Unef, très proche du PS, se mobiliser vraiment contre un gouvernement socialiste. »
NATHALIE BIRCHEM  

Pouvoir d'achat : le malaise grandit à gauche


À l'approche des élections municipales et européennes, les socialistes redoutent de décrocher avec leur électorat. François Hollande cherche une mesure pour redistribuer du pouvoir d'achat aux bas revenus.
La question est abrupte. C'est un député socialiste de premier plan qui la pose: «Voyez-vous aujourd'hui une seule raison pour que notre électorat se déplace et vote pour nous aux municipales et aux européennes?» Cette angoisse de décrocher avec leurs électeurs, beaucoup la partagent au PS. Car, pendant leurs courtes vacances d'été, les députés n'ont cessé de se faire interpeller, sur les marchés ou en famille, sur un seul thème: que fait le gouvernement pour le pouvoir d'achat des catégories populaires? Celles qui ont largement participé à la victoire de François Hollande lors de l'élection présidentielle de 2012.
Cette question a récemment provoqué la résurgence du débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Mais, ne pouvant donner l'impression de renouer avec la mesure emblématique du «travailler plus pour gagner plus» de Nicolas Sarkozy, et donc de se renier, François Hollande l'a vite refermée. «En supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires, nous avons fais la même erreur qu'avec les 35 heures: une réforme cathédrale devant laquelle l'ensemble des socialistes sont invités à s'incliner sans réfléchir», s'agace un parlementaire. À des proches, le président de la République le reconnaît: «Nous avons été trop vite sur la défiscalisation des heures supplémentaires». Les sondages sont éloquents: 71 % des Français se disent «plutôt favorables à un retour à la défiscalisation (…) car cette mesure augmenterait le pouvoir d'achat des salariés et valoriserait le travail et l'effort», selon une enquête Ifop pour Sud-Ouest Dimanche.

Redistribuer du pouvoir d'achat aux bas revenus

La mesure permettait aux personnes qui en bénéficiaient de s'assurer un complément de revenu. Selon Camille Bedin, secrétaire générale adjointe de l'UMP, quelque 9 millions de salariés avaient ainsi gagné 500 euros net de plus par an. Or la disparition de ce revenu complémentaire a nourri le ressentiment des catégories populaires à l'encontre du pouvoir socialiste. D'autant qu'entre lecrédit impôt compétitivité (Cice) ou la réforme des retraites, ce sont les entreprises qui ont pour l'instant bénéficié de l'ensemble des mesures de redistribution.
«Hollande a du pif, veut croire un député. Il sent monter le truc». Le chef de l'État a demandé à Bercy de rechercher une mesure pour redistribuer du pouvoir d'achat aux bas revenus. «Une réflexion est en cours. Les arbitrages ne sont pas rendus», a assuré la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. Ils le seront à l'occasion de la présentation du budget 2014. À temps pour permettre aux socialistes de renouer avec l‘électorat populaire? «Cela ne nous évitera pas de grandes difficultés aux municipales et aux européennes», redoute un socialiste qui dit s'attendre, pour ces scrutins, «à une bérézina».