TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 23 février 2013

L’économie du nazisme : une étude historique


À l’occasion de la parution d’une traduction française d’un ouvrage de référence sur le sujet, retour sur la politique économique de l’Allemagne Nazie et ses résultats sur la structure productive allemande. Adam Tooze, Le Salaire de la Destruction, Belles Lettres, 2012.
Il existe de l’histoire économique pour toutes les périodes et pour tous les pays. De l’économie babylonienne aux crises monétaires contemporaines, en passant par l’aventure des banquiers florentins du XVIe siècle, l’histoire économique embrasse l’humanité entière.
À l’évidence, pourtant, certaines données historiques sont plus polémiques, plus explosives que d’autres. En tâchant de fournir une contribution positive à sa discipline, l’historien économique est parfois contraint à explorer des faits controversés. Il peut le faire avec honte, et essayer de contourner avec élégance les problèmes évidents que son sujet d’étude a dressés devant lui, ou il peut accepter avec responsabilité la lourde charge qui lui incombe. Le livre dont il est question ici relève de la seconde catégorie.
L’historiographie sur le nazisme est abondante et le flot de publications sur le sujet reste ininterrompu depuis la fin du second conflit mondial. Pourtant, peu d’auteurs peuvent se targuer d’avoir contribué de façon profonde à l’étude du passé nazi. De ce point de vue, tout comme il faut recommander les ouvrages d’Ernst Nolte ou de Götz Aly, il faut également recommander avec insistance le dernier livre d’Adam Tooze.
Le Salaire de la Destruction n’est ni une étude sur le national-socialisme ni une histoire du NSDAP. Son but est de fournir l’analyse de l’économie sous le Troisième Reich, et sous de nombreux rapports, il y réussit fort bien. Il a surtout le mérite de mettre en évidence des tendances profondes du système économique nazi, tendances qui, pour des raisons diverses, sont souvent méconnues.
La première de ces tendances a trait au système économique lui-même. Si l’on considère les mots « socialisme » ou « communisme » comme trop marqués idéologiquement pour être employés pour la description de l’économie nazie, alors on peut proscrire leur emploi, et Adam Tooze suit cette pratique tout à fait défendable. Cette précaution ne l’empêche pas pour autant, et c’est heureux, de décrire l’économie nazie comme un système interventionniste, une économie entravée de façon majeure par les lois et les réglementations. Ainsi, Tooze fait remarquer, chiffres et règlements à l’appui, que « les premières années du régime d’Hitler virent l’imposition d’une série de contrôles sur les entreprises allemandes à un niveau sans précédent en période de paix. » (p.106)
Le livre de Tooze retrace l’évolution de la structure économique allemande, ainsi que celle des entraves que le pouvoir nazi plaça de façon croissante. Sur le plan de la fiscalité, il rappelle que la charge, notamment pour les entreprises, fut des plus lourdes. En mai 1935, par exemple, le régime introduisit une taxe progressive sur le chiffre d’affaires des entreprises, à un taux compris entre 2 et 4%. Puisque l’impôt était fixé sur le chiffre d’affaires et non sur le résultat brut de l’entreprise, il impliquait souvent que la moitié des profits devaient être payés pour cette seule taxe. Dans certains cas, note Tooze, des entreprises eurent à débourser la totalité de leurs profits de l’année uniquement pour payer ce nouvel impôt (p.93).
Fiscalité, dépense publique, réglementations, niveaux des prix et des salaires, Le Salaire de la Destructionn’ignore aucun aspect de l’économie nazie, et même sans prétention d’être exhaustif. Intéressante source de travail, l’ouvrage se révèle extrêmement stimulant, car très complet, pour tous les gourmands de la connaissance.
Il faut dire aussi que son livre vient combler un manque. Bien qu’extrêmement abondante, l’étude du passé nazi reste à ce jour lacunaire. Comme l’exprime vigoureusement Tooze, la focalisation des historiens sur certains grands aspects du Troisième Reich — et notamment l’antisémitisme et la politique génocidaire — a abouti au fait que, même aujourd’hui, « nous sommes en présence d’une historiographie à deux vitesses. Alors que notre intelligence des politiques raciales du régime et des rouages intérieurs de la société allemande sous le nazisme a été transformée au fil des vingt dernières années, l’histoire économique du régime a fort peu progressé. » Et Tooze de conclure : « L’ambition de ce livre est d’amorcer un processus de rattrapage intellectuel qui n’a que trop tardé. » (p.19)
Tel est bien l’objectif de ce brillant ouvrage : remettre l’économie au centre de l’analyse du régime hitlérien en offrant « un récit économique qui aide à étayer les histoires politiques produites au cours de la génération passée et à en dégager le sens » (préface, p.20). L’intention de ce livre doit donc être saluée. Les commentateurs écrivent souvent cette phrase quand l’intention était bonne, mais que le contenu est décevant. Ce n’est pas le cas du livre d’Adam Tooze. Nous sommes face à l’œuvre sérieuse d’un grand historien, une œuvre qui mérite d’être lue et appréciée dans cette perspective.

Tapie, bon mari

Tapie, bon mari


Qu’on n’aille pas lui chercher des poux dans la tête ou pire, des arrière-pensées. L’acteur qui joua dans “Vol au-dessus d’un nid de coucou” se pose désormais en héros racinien. Le jour n’est pas plus pur que le fond de son cœur. S’il devient patron de presse, à 70 ans, c’est uniquement par passion journalistique.
Hier, une nouvelle fois, Bernard Tapie s’appliquait à nier toute velléité électorale. Sondage à l’appui, pourtant, 40 % des Marseillais le plébiscitent pour les municipales. Ils gardent un si bon souvenir du président de l’OM. Un peu escroc, d’accord, passé par la case prison… mais quoi ! Pour régner sur le Vieux-Port, mythologie locale oblige, mieux vaut un affranchi qu’un cave.
La cité phocéenne lui tend les bras, il la repousse. Ce serait un cas de divorce. Il préfère rester avec sa femme que ses ambitions, jadis, ont déjà tant fait souffrir. On n’échange pas le bail de 40 ans d’amour contre un simple mandat d’élu. Et puis, la politique est un monde “dégueulasse” où règne “l’hypocrisie”. Tapie, modèle d’intégrité et de franchise, jure qu’il n’y mettra plus les pieds. À moins d’une raison impérieuse : “Si Marseille, demain matin, se trouvait sur le point de passer au Front national, je me poserais la question…” Vu les scores du FN dans les Bouches-du-Rhône, on dirait bien que le pseudo-retraité s’apprête à rempiler. Quand il s’agit de sauver la démocratie, la patrie peut toujours compter sur Nanard le magnifique…

Tristes confirmations

Tristes confirmations


C’était malheureusement attendu : la France restera en stagnation cette année avec, au mieux, une croissance microscopique de 0,1 %. Et le déficit budgétaire atteindra 3,7 % et davantage en 2014, sans oublier une nouvelle hausse du chômage. Néanmoins, Paris devrait éviter les sanctions (pour déficit non réduit) prévues par les accords européens et s’asseoir en compagnie de Madrid (plus quelques autres) sur le banc des sursitaires sous surveillance rapprochée. Ce qui n’est guère glorieux.
Certes, à l’exception évidente de l’Allemagne – croissance de 0,5 %, déficit prévu de 0,2 % en 2013 après un excédent budgétaire de 0,2 % en 2012 –, toutes les grandes économies de la zone euro sont dans la même situation au niveau de la croissance.
Reste à connaître, autrement que par des annonces phare, les nouvelles décisions à prendre pour redresser la barre. Franchement, elles ne peuvent plus être d’ordre fiscal. La vis est déjà serrée à fond, au risque d’étrangler la consommation indispensable pour maintenir l’activité. À l’Etat avec ses dépendances subventionnées par nos impôts de se serrer la ceinture. Mais certainement pas aux dépens des services publics vitaux, bien que des privatisations ou des désengagements ne soient plus à exclure, du moins pour 2014.
L’optimiste dira que les prédictions économiques ressemblent fort à certaines prévisions météorologiques : l’imprévu n’est pas… prévu. Faut-il alors croire au miracle, à un grand retournement de la conjoncture internationale qui entraînerait l’Europe dont la France ? Il y a surtout le pessimiste qui voit s’amonceler de nouveaux nuages. Par exemple sur les Etats-Unis où la dangereuse politique de la planche à billets pour « racheter » chaque mois 70 milliards de dette publique ne peut pas continuer indéfiniment. Cet artifice pousse les taux du long terme au plus bas. Les Etats de l’euro vertueux profitent de la situation en obtenant, grâce à leur monnaie forte, des prêts avantageux sur les marchés financiers. Or le jour où les Américains changeront de politique, au nom de leurs seuls intérêts et pour éviter l’explosion d’une nouvelle « bulle », les taux regrimperont. Et tant pis pour les surendettés obligés de toujours emprunter pour assurer leurs fins de mois !
Une autre crainte porte sur les élections italiennes, demain et lundi. À défaut de prendre le pouvoir, une forte opposition « bunga-bunga » et populiste pourrait empêcher la formation d’un gouvernement stable dans la ligne des réformes Monti. Sans solides assises en Italie, la crise de l’euro reprendra, ajoutant d’autres problèmes au vrai grand problème « made in France ».

Stopper la gangrène

Stopper la gangrène


Pour une fois, la métaphore, un peu répugnante, n’est pas le fait du journaliste. Elle est de la plume du numéro 1 de la filière viande française, Dominique Langlois. «Notre filière subit, depuis plusieurs années, les effets d’une crise sans précédent qui gangrène progressivement ses différents maillons», déplore le président d’Interbev.
À la veille du Salon de l’agriculture, l’interprofession bovine et ovine a rendu public le fruit de ses états généraux. La filière avait bien entendu prévu que ses travaux trouvent un écho dans les travées de la «plus grande ferme de France» à la porte de Versailles, qui présente toujours un échantillon du meilleur de l’élevage français. Il ne pouvait anticiper la collision de son raisonnable pot-au-feu de propositions avec la folie médiatico-politique du hachis bœuf-cheval.
L’affaire, à la dimension plus européenne que française, servira-t-elle le dessein des éleveurs hexagonaux? Ce n’est pas sûr. En tout cas, ce bouton de fièvre incontrôlable invite à accorder plus d’attention aux risques qui pèsent sur cette branche immémoriale de l’économie française: plus de 19 millions de vaches, premier cheptel d’Europe, 5,8 millions de brebis, 25 000 juments de trait… Et les hommes, bien sûr, près de 90 000 éleveurs, 50 000 salariés, 20 000 boucheries artisanales. Sans oublier nos paysages et notre culture alimentaire, témoins sidérés du désastre annoncé.
L’interprofession a dressé sans complaisance la liste de maux connus: réduction des troupeaux, stagnation des revenus, démographie vieillissante des éleveurs, faiblesse des marges de la transformation – sans doute la vraie raison de la dérive observée avec effarement par les Français ces dernières semaines. Plus grave encore, le désamour prononcé des consommateurs les plus jeunes pour les produits carnés, avec des baisses de 13 à 15% de la consommation depuis 2003. Volontariste, Dominique Langlois invite les professionnels à «être acteurs de leur propre croissance». Et bien avant cela, de toute urgence, médecins de leur propre guérison.

Casse-toi pauv’canasson

Casse-toi pauv’canasson


« A quoi bon gagner la Lune, si l'homme vient à perdre la Terre. » (François Mauriac) Drôle d'anniversaire pour le Salon de l'agriculture qui débute alors que la fraude géante au cheval maquillé en b'uf n'a pas encore quitté l'actualité. Et comme un avatar n'arrive jamais seul, l'autorisation des farines animales pour les élevages de poissons vient rouvrir dans nos mémoires le traumatisme de la vache folle. Submergé par des débats trop partisans pour être clairs, le grand public a besoin de points de repères. C'est le moment ou jamais pour les producteurs d'enfiler les marinières et de nous jouer le grand air du Made in France comme antidote à celui de la calomnie. Pour convaincre que ce « chevalgate » vient du business plus que des filières, la qualité et la transparence seront leurs meilleurs instruments.
Les questions sur l'origine de la viande pousseront comme chiendent durant ces jours de rencontre entre citadins et agriculteurs. Car si les éleveurs investissent beaucoup chaque année pour expliquer leur travail durant le salon, les consommateurs, crise après crise, ont fini par assimiler la multiplication des labels et les garanties sur la traçabilité à une habileté de communication.
Pourtant, les contradictions ne sont pas que du côté des producteurs. Le retour aux sources des familles qui viennent au salon pour retrouver la ferme de papa est fort sympathique mais bien éloigné de la réalité de nos terroirs. On ne peut pas être nostalgique des vaches dans le pré, des cochons aux patates, des poules sur le tas de fumier, du paysan aux mains calleuses qui trime pour survivre et le lendemain aller faire ses courses à l'hyper en cherchant la cuisse de dinde en barquette la moins chère. Les agriculteurs d'aujourd'hui se sont spécialisés, contraints par un marché de la qualité trop cher, donc trop restreint pour rémunérer leur travail.
Plus que les grands discours, des donneurs de leçons qui n'existent que dans les crises, c'est de la raison qu'il faut produire dans ce pays qui si souvent parle de ses agriculteurs mais n'y pense jamais. Ce n'est qu'à ce prix que nous remettrons de la couleur dans le plaisir. La couleur de la vie.

Incertitudes et contradictions

Incertitudes et contradictions


Décidément, les interrogations et les incertitudes se multiplient. Les polémiques enflent, l'inquiétude grandit. Où que l'on se tourne, la situation paraît sombre.

Bien sûr, les nouvelles prévisions économiques ne rassurent pas : le rêve de la croissance à + 0,8 % s'effondre brutalement. Tendance 0 pour 2013, ce qui signifie de nouvelles fermetures d'entreprises et donc l'espoir d'inverser la courbe du chômage pour la fin de l'année qui s'évanouit.
À cela s'ajoute une certaine incohérence. En effet, il est prévu désormais un déficit public non plus à 3 % mais à 3,7 %, des économies supplémentaires s'imposent donc. Mais tous les ministres ne semblent pas accueillir ces perspectives comme si elles les contraignaient eux-mêmes. Des économies ? Oui mais d'abord pour les autres, semble être l'attitude de certains d'entre eux. Où donc est la solidarité ministérielle ? On sent que Jean-Marc Ayrault a du mal à imposer à tous son point de vue. Il faudra bien pourtant qu'il y parvienne. Il importe de le soutenir dans cette perspective.
Mais dans le même temps, on accroît certaines dépenses. Était-ce le bon moment par exemple pour abroger le jour de carence dans la fonction publique ? 60 millions d'euros là, plus 70 ou 80 millions d'euros dans les hôpitaux, ce n'est pas grand-chose en regard des économies nécessaires mais c'est un signal qui peut contribuer à ralentir la mobilisation indispensable.
Par ailleurs, une pauvre polémique éclate entre un industriel étranger vindicatif et un ministre français déçu, s'efforçant de justifier une action syndicale aux allures jusqu'au-boutistes...
Sauvegarder la confiance
Plus grave, on nous annonce aussi d'importantes économies dans le domaine de la Défense, or nous venons d'entrer en guerre, car c'est bien de cela qu'il s'agit, au Mali. Les affrontements véritables commencent tout juste. « C'est la dernière phase de l'opération », tente de rassurer le président de la République. Tant mieux ! Mais qui ne voit qu'il faudra encore longtemps appuyer les forces maliennes d'une manière ou d'une autre ? Cela va être coûteux. Il nous faudrait donc nous retirer rapidement, mais on sait que, dans ce genre de conflit, le retrait est encore beaucoup plus difficile que le début d'une opération...
Et nous voici de nouveau face à une prise d'otages d'autant plus odieuse et inquiétante que de jeunes enfants ont été enlevés. On s'investit dans l'affaire avec beaucoup de dévouement et, souhaitons-le, de compétences. Mais le cafouillage sur la prétendue libération de ces otages fait douter de notre sérieux. Comment un ministre a-t-il pu interrompre les travaux de l'Assemblée nationale pour diffuser une nouvelle non vérifiée qui s'est avérée fausse quelques minutes plus tard ? On voudrait ridiculiser le gouvernement et le Parlement français qu'on ne ferait pas autrement. Est-ce la soif de médiatisation qui atteindrait tout le monde sans retenue, abolissant toute réflexion et toute prudence ? On imagine le désarroi des familles ainsi causé.
Il est temps que ces contradictions, ces erreurs, cessent si l'on veut éviter de semer le doute dans les esprits, si l'on veut rétablir la confiance, première condition de l'efficacité gouvernementale.

Titan vs Montebourg : deux poids, une seule mesure


Le feuilleton Titan contre Montebourg continue. La guerre du gouvernement contre l'entreprise se poursuit, et l'issue est courue d'avance.

Au lieu de passer la lettre de Maurice Taylor, CEO de Titan, sous silence, et de la laisser sans réponse, Arnaud Montebourg a choisi de répondre, mettant en avant la grandeur et l'attractivité passées de la France dont demeurent quelques traces. Cette conversation épistolaire peut durer longtemps ; le ministre veut avoir le dernier mot, et l'homme d'affaires est sûr de l'avoir.
Je dois avouer que la plupart des hommes d'affaires avisés seraient d'accord pour dire que je suis fou d'avoir eu l'idée [d'investir en France]
Qu'un investisseur ne veuille pas investir en France est une raison suffisante pour qu'un ministre soucieux de la compétitivité et de l'emploi en France se remette en question. Qu'il évoque comme motifs l'idéologie du gouvernement et des syndicats est plus inquiétant encore. Qu'il indique que les hommes d'affaires sont à peu près unanimes sur le sujet ne peut que susciter les plus vives interrogations. Mais le plus grave, c'est qu'un ministre choisisse de s'indigner et d'adopter une posture dommageable à la France et à son image pour gagner un peu de publicité et réaffirmer son adhésion à une idéologie qui détruit l'économie à feu de moins en moins doux - ce qui le conduira sans doute à répondre à la nouvelle missive.
L'extrémiste Monsieur le ministre, c'est votre gouvernement et son manque de connaissances sur la façon de bâtir une entreprise.
Arnaud Montebourg n'est pas un entrepreneur. Malgré leur proximité avec certains chefs d'entreprise français auxquels ils accordent volontiers leurs faveurs, les membres du gouvernement n'ont aucune connaissance de l'entreprise et ne conçoivent l'économie que comme un système centralisé de génération d'impôts et d'emplois.
Votre lettre n'a jamais mentionné pourquoi le gouvernement français n'était pas intervenu pour sauver l'activité agricole de Goodyear. Votre gouvernement a laissé les barjots du syndicat communiste détruire les emplois les mieux rémunérés. Pourquoi le chômage est-il si élevé en France, et particulièrement chez les jeunes? C'est à cause de la politique de votre gouvernement, monsieur.
Les patrons français l'avouent à demi-mot : la situation est inquiétante et le gouvernement n'a pas l'air de s'en inquiéter. Au lieu de cela, Arnaud Montebourg tente de faire passer les attaques ciblées de Maurice Taylor pour des insultes envers la France, les attaques contre les syndicats pour des attaques contre l'ensemble des salariés français. Pourtant, la meilleure preuve d'amour qu'on puisse aujourd'hui témoigner à la France, c'est de détester la France d'aujourd'hui et faire son possible pour qu'elle change.
Pour se défendre, le ministre ne peut évoquer son bilan, ni celui des politiques menées en France depuis des décennies. Pas plus qu'il ne peut évoquer sa familiarité avec le monde de l'entreprise, sa capacité à mobiliser des fonds -dont les siens - pour son engagement politique ou sa connaissance d'autres pays. Maurice Taylor, lui, le peut, et il peut d'ores et déjà savourer le doux plaisir, dans un combat de coqs, d'avoir le dernier mot - qu'il a d'ailleurs prononcé il y a des semaines.
Le dernier mot sera un "Non", jeté à la face d'un ministre qui aura, une fois de plus, voulu se mêler de ce qui ne le regarde pas - dans le cas présent, l'économie. Après avoir longtemps évoqué Titan comme un potentiel repreneur pour l'usine Goodyear d'Amiens, Arnaud Montebourg aurait pu faire amende honorable et avouer que personne ne veut de cette usine que les syndicats ont conduit à la faillite.
Le ministre ne pourra pas contraindre Titan à investir, de la même façon que le gouvernement ne pourra pas contraindre quiconque à venir en France ou à y rester à moins de rendre palpable sa conception du monde selon laquelle les citoyens et entreprises d'un pays doivent servir l’État et non l'inverse. L'issue est courue d'avance ; on pourra mesurer le succès de la politique de Montebourg au refus de Titan d'investir en France. Mais les autres conséquences de sa politique seront, elles, difficiles à mesurer.
Il n'y aura pas de gagnant. Maurice Taylor n'a rien à gagner, si ce n'est le soutien de ceux qui partagent son amour pour la France et son point de vue sur sa situation actuelle. Arnaud Montebourg ne pourra pas gagner, et il n'a plus grand chose à perdre. En revanche, l'image de la France se détériore un peu plus, le modèle français est une fois de plus raillé et les Français ne semblent pas comprendre pourquoi.
Comme le déclare Maurice Taylor, "La France a vraiment de belles femmes et du vin fantastique." Espérons que les Français puissent s'en contenter ; bientôt, ils n'auront probablement plus le choix.

Délai de carence. Le jour de trop

Délai de carence. Le jour de trop


À contretemps. L’annonce de la ministre Marylise Lebranchu, selon laquelle le gouvernement proposerait dans la prochaine loi de finances de supprimer le « jour de carence », c’est-à-dire non indemnisé, en cas d’arrêt de travail pour les salariés de la fonction publique, ne pouvait pas tomber plus mal : le déficit public de l’État français ne sera pas au rendez-vous des 3 % promis. Alors, dans tous les ministères, les sources d’économies sont traquées, désespérément.
Ce geste est destiné à compenser la stagnation des rémunérations des fonctionnaires et est censé rassurer une population qui, dans sa majorité, a voté pour la gauche. Ce jour de carence était vécu comme « humiliant »,a notamment dit la ministre, les fonctionnaires étant réputés plus fréquemment absents que les salariés du privé, constat que ne valident pas les dernières études, même si les hôpitaux par exemple jugent que l’absentéisme du personnel a été réduit, depuis l’instauration de ce jour de carence. 
On doit donc comprendre que les trois jours auxquels sont soumis les salariés du privé sont trois fois plus humiliants, même s’il n’est apparemment pas question de revenir sur le sujet. Il est vrai qu’une majorité d’entreprises compense cette « carence », mais toutes ne le font pas.
Une telle décision n’est pas de nature à rassembler les Français ; au contraire elle accentue les clivages, réels ou ressentis, et le sentiment d’injustice. Les fonctionnaires, même si leur salaire est bloqué, ne doivent pas oublier qu’en cette période de chômage élevé, la sécurité de l’emploi demeure un avantage important. Au demeurant, il n’est pas sûr – et d’ailleurs leurs syndicats l’ont déjà fait savoir – que l’annonce suffira à calmer leurs revendications. La création de postes dans l’éducation nationale n’a pas aidé Vincent Peillon à faire avancer ses réformes : l’exemple des rythmes scolaires en est la flagrante illustration.
Les sommes en jeu autour de ce jour de carence ne sont sans doute qu’une goutte d’eau par rapport aux besoins d’économies. Mais ces gouttes d’eau, tombant de façon répétitive et obstinée, finissent par agacer l’oreille.

De l’impossibilité du socialisme


Les réponses du socialisme et du capitalisme à la rareté sont opposées, mais l'une des deux est vouée à l'échec : le socialisme est fondamentalement impossible.

L’auteur s’appuie sur la théorie économique pour montrer que la collectivisation des moyens de production a des conséquences économiques et sociologiques néfastes. Le socialisme réduit l’investissement, l’épargne et le niveau de vie, il est inefficace, il conduit à une surutilisation des facteurs de production et à une réduction de la qualité des biens et des services offerts aux consommateurs. Enfin et surtout, le socialisme conduit à la politisation totale de la société.
Le socialisme et le capitalisme [1] offrent des solutions radicalement différentes au problème posé par la rareté : puisque les ressources disponibles sont rares, comment en attribuer la propriété et le contrôle ? La solution adoptée a d’importantes implications. Répondre à cette question revient à choisir entre la prospérité et la pauvreté, entre l’échange volontaire et la coercition politique, et même entre le totalitarisme et la liberté.
Le système capitaliste résout le problème de la rareté par la reconnaissance du droit de propriété. La première personne à utiliser un bien en devient propriétaire. Les autres ne peuvent obtenir ce bien que par l’échange volontaire. Mais jusqu’à ce que le propriétaire de la ressource décide contractuellement de l’échanger, il peut l’utiliser comme bon lui semble, du moment qu’il n’endommage pas la propriété d’autrui.
La façon dont le système socialiste tente de résoudre le problème de la rareté est radicalement différente. En régime socialiste, les individus peuvent, certes, être propriétaires de biens de consommation. En revanche, la propriété des moyens de production y est collective. Les machines et les ressources servant à produire les biens de consommation ne sont pas individuellement appropriables. C’est le genre humain tout entier, pour ainsi dire, qui en est propriétaire. Mais seuls les responsables de la communauté socialiste sont habilités à utiliser ces moyens de production.
La théorie économique établit que la collectivisation des moyens de production a des conséquences économiques et sociologiques néfastes. L’expérience socialiste est condamnée à l’échec.
Premièrement, le socialisme réduit l’investissement, l’épargne et le niveau de vie. Lorsque le socialisme est initialement imposé, la propriété doit être redistribuée. Les propriétaires des moyens de production sont expropriés, et leurs ressources sont confiées aux bureaucrates. Bien que les propriétaires les aient acquis par l’échange volontaire, ces moyens de production sont transférés à des personnes qui, au mieux, deviennent utilisateurs et producteurs de ressources qu’ils ne possédaient pas auparavant.
Dans ce système, les propriétaires d’origine sont pénalisés au profit des nouveaux propriétaires. Les bureaucrates, qui ne produisent pas et n’utilisent pas les moyens de production, sont privilégiés en étant promus au rang de responsables de la propriété d’autrui. Leurs revenus augmentent en conséquence. Les individus qui n’épargnent pas sont également favorisés : ils bénéficient de l’expropriation des épargnants.
À l’évidence, si le socialisme favorise les individus qui n’utilisent pas, ne produisent pas, n’épargnent pas, et n’échangent pas les ressources, il augmente les coûts que doivent supporter ceux qui utilisent, produisent, épargnent et échangent ces ressources. Il est aisé de comprendre pourquoi un nombre restreint de personnes serait alors disposé à remplir ces rôles-là. Les ressources naturelles seront moins convoitées, moins de nouveaux biens d’équipement seront produits, moins d’échanges se feront. Les individus deviendront moins prévoyants pour l’avenir parce que les débouchés se tariront. L’épargne et le travail seront découragés, alors que la consommation et le loisir seront encouragés.
Cela doit contribuer à réduire la quantité de biens de consommation disponibles pour les échanges, ce qui réduit le niveau de vie de chacun. Si les individus sont disposés à prendre des risques, la solution pour eux est alors de s’adresser au marché noir.
Deuxièmement, le socialisme est inefficace : il crée des pénuries et des gaspillages extraordinaires. Telle fut l’intuition de Ludwig von Mises, qui découvrit que le calcul économique rationnel est impossible en régime socialiste. Il démontra que sous un tel régime, les biens d’équipement sont utilisés, au mieux, pour satisfaire des besoins de second ordre, et, au pire, pour produire des biens totalement inutiles.
L’intuition de Mises est simple, mais d’une importance capitale : aucun prix ne peut être établi pour les biens de production, en raison de l’inexistence de marchés sur lesquels ces biens pourraient être vendus ou achetés. Le bureaucrate socialiste est donc incapable de déterminer le coût monétaire de l’utilisation des ressources ou des changements dans la longueur des processus de production. Il est également incapable de comparer ces coûts avec le revenu monétaire des ventes. Il n’est pas en mesure d’accepter les offres que d’autres producteurs proposent pour acquérir ces moyens de production, de sorte qu’il ne peut pas connaître le coût d’opportunité de leur utilisation. Sans cette connaissance, il ne peut pas évaluer ses coûts. Il est même incapable de savoir si ses méthodes de production sont efficaces, désirées, ou rationnelles. Il est incapable de savoir s’il satisfait les besoins les plus urgents des consommateurs.
En régime capitaliste, les prix monétaires et les marchés libres fournissent cette information aux producteurs. En régime socialiste, en revanche, il n’existe aucun prix pour les biens d’équipement et aucune opportunité d’échange. Le bureaucrate opère à l’aveugle. Ignorant donc le statut de sa stratégie de production, il est incapable de l’améliorer. Moins les producteurs sont en mesure de calculer et de perfectionner leurs méthodes, plus il est probable que des surproductions ou des pénuries apparaissent. Et le dilemme auquel fait face le producteur est pire encore lorsque le marché pour ses produits est très étendu. Il n’est guère besoin de le souligner : lorsqu’est absent le calcul économique rationnel, la société s’appauvrit progressivement.
Troisièmement, le socialisme conduit à une surutilisation des facteurs de production, au point qu’ils se détériorent et sont endommagés. Un propriétaire capitaliste a le droit de vendre son facteur de production à tout moment, et de conserver les revenus de la vente. Il est donc dans son intérêt d’éviter que la valeur de son capital s’amoindrisse. Parce qu’il en est propriétaire, son objectif est de maximiser la valeur du facteur qu’il utilise pour produire les biens et les services qu’il vend.
Le statut du bureaucrate socialiste est entièrement différent. Il ne peut pas vendre son facteur de production, il n’a donc aucune incitation à ce qu’il conserve sa valeur. Il a plutôt intérêt à maximiser le rendement productif de son facteur de production, en négligeant sa perte de valeur. Si le bureaucrate socialiste prend conscience qu’il est possible d’employer les moyens de production à des fins personnelles (comme la production de biens à destination du marché noir), il est alors incité à augmenter la production aux dépens de la valeur des biens d’équipement. Quelle que soit la façon dont on aborde la question, en régime socialiste, où la propriété privée est absente et les marchés inexistants, les producteurs seront incités à consommer la valeur des capitaux en les utilisant à l’excès. La consommation du capital conduit à l’appauvrissement.
Quatrièmement, le socialisme conduit à une réduction de la qualité des biens et des services offerts aux consommateurs. En régime capitaliste, une entreprise ne peut survivre et croître qu’à condition de couvrir ses coûts de production. Et puisque la demande pour les produits de l’entreprise dépend de l’évaluation que font les consommateurs du prix et de la qualité (le prix étant une composante de la qualité), la qualité du produit doit être une préoccupation constante des producteurs. Cela n’est possible que si sont respectés les échanges marchands et la propriété privée.
Cela n’est pas le cas en régime socialiste. La propriété collective s’applique non seulement aux moyens de production, mais également aux revenus dérivés de la vente des biens et des services. Autrement dit, les revenus du producteur ne sont pas dépendants de l’évaluation que font les consommateurs de son produit. Tous les producteurs, naturellement, en sont conscients.
Le producteur socialiste n’a aucune raison de faire l’effort d’améliorer la qualité de son produit. Il consacre moins de temps et d’énergie à la production des biens que désirent les consommateurs, et plus de temps à ses loisirs. Le socialisme est un système qui incite les producteurs à la paresse.
Cinquièmement, le socialisme conduit à la politisation de la société. Il n’y a guère de conséquences plus néfastes pour la production de richesses.
Le socialisme, du moins dans sa version marxiste, prétend vouloir atteindre l’égalité parfaite. Les marxistes soulignent qu’autoriser la propriété privée des moyens de production revient à autoriser les différences. Si je suis propriétaire de la ressource A, alors vous n’en êtes pas propriétaire, et notre relation à l’égard de A devient différente et inégale. Les marxistes prétendent qu’en abolissant la propriété privée d’un seul coup, tous les hommes deviennent copropriétaires de toutes les ressources. Cela reflète l’égalité naturelle qui doit exister entre les hommes.
La réalité est très différente. Faire de tous les hommes les copropriétaires de toutes les ressources ne résout que nominalement le problème de l’inégalité face à la propriété. Cela ne résout pas le véritable problème sous-jacent : il subsiste des différences en termes de pouvoir de contrôle sur l’utilisation des ressources.
En régime capitaliste, le propriétaire d’une ressource peut l’utiliser comme il l’entend. Dans une économie socialisée, cela n’est pas le cas, car la propriété est abolie. Mais le problème du contrôle ne disparaît pas pour autant. Qui décide de l’utilisation qui doit être faite des ressources ? En régime socialiste, les désaccords sur le contrôle des ressources ne peuvent être résolus que d’une seule façon : par l’imposition autoritaire d’une volonté. Aussi longtemps que des désaccords subsistent, des moyens politiques seront utilisés pour les résoudre.
La seule façon d’accroître son revenu dans un régime socialiste, c’est de gravir les échelons de la hiérarchie bureaucratique. Cela requiert de l’habileté politique. Dans un tel système, moins de temps et d’énergie sont consacrés au développement des compétences productives, et davantage à cultiver les talents politiques.
À mesure que les individus cessent leurs activités productives, leur personnalité change. Ils ne cultivent plus leur capacité à anticiper les situations de rareté, à saisir les opportunités productives, à être attentifs aux possibilités technologiques, à anticiper les variations de la demande des consommateurs, à développer des stratégies de commercialisation. Il n’est plus nécessaire pour eux d’initier des projets, de travailler, de satisfaire les besoins d’autrui.
En revanche, ces mêmes personnes développent la capacité d’attirer les faveurs du public par la persuasion, la démagogie, l’intrigue, par les promesses, la corruption, et la menace. Le succès personnel en régime socialiste exige des compétences très différentes de celles que requiert le succès personnel en régime capitaliste. Au sommet de la hiérarchie socialiste, se trouvent des personnes incompétentes aux postes qu’elles occupent. La bêtise, l’indolence, l’inefficacité, l’indifférence, ne sont pas des obstacles au succès du bureaucrate. Seules les compétences politiques importent. Cela contribue à l’appauvrissement de la société.
Les États-Unis ne sont pas totalement socialisés, mais les conséquences désastreuses d’une société politisée se font déjà sentir, à mesure que nos hommes politiques continuent d’empiéter sur les droits des propriétaires. Tous les effets appauvrissants du socialisme sont bien présents aux États-Unis : des niveaux moindres d’investissement et d’épargne, une mauvaise allocation des ressources, une utilisation excessive et une détérioration des facteurs de production, une qualité moindre des biens et des services. Et tout ceci n’est qu’un avant-goût du socialisme total.
Source Everything Voluntary: From Politics to ParentingRepublié avec l’autorisation de l’éditeur : Skyler J. Collins.
  1. Au sens de « marché libre » (free market), et non de capitalisme d’État, tel qu’il a existé à travers l’histoire.