TOUT EST DIT

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vendredi 19 mars 2010

À l'UMP, le débat sur le remaniement fait son chemin

À deux jours du second tour, les ministres d'ouverture se retrouvent sur la sellette.

Nicolas Sarkozy va-t-il être contraint de procéder à un remaniement plus large que prévu ? La question est désormais ouvertement posée dans la majorité. «On a fait les mêmes conneries en 2004. Si on ne reconnaît pas la défaite, on renforce la gauche et ceux à droite qui nous ont envoyé un message de mécontentement», tonne un chiraquien. Officiellement, l'Élysée s'en tient toujours à a la ligne fixée par le président dans Le Figaro Magazine où il avait évoqué «quelques adaptations gouvernementales» après le 21 mars.

L'hypothèse du grand coup de balai ne semble pas d'actualité. Difficile pour le chef de l'État de renier ce qu'il a martelé à la veille du premier tour : «À scrutin national, conséquences nationales, à scrutin régional, conséquences régionales.» Mais difficile aussi de tenir cette position si la défaite est amplifiée au second tour - par la perte de l'Alsace, notamment.

En attendant la réunion de mardi à l'Assemblée nationale, sous la houlette de Jean-François Copé, les parlementaires affûtent leurs arguments. Une tribune à l'initiative de plusieurs proches de ­Jacques Chirac est en préparation. Ils formulent quelques priorités pour l'après-régionales. Ils appellent à «se concentrer sur l'essentiel : la réforme des retraites, l'emploi et la sécurité». Et ils demandent que le président ajourne la taxe carbone, reporte la réforme de la procédure pénale, allège celle des collectivités et gèle les suppressions de postes dans la police et l'éducation. Selon plusieurs élus, ce débat sur le calendrier des réformes pourrait se prolonger jeudi sous la forme d'un «séminaire» avec des parlementaires de la majorité. «L'idée est de proposer à l'Élysée un agenda de réformes sur lesquelles tout le monde serait d'accord», plaide un ancien ministre.

D'autres élus - plus nombreux - demandent un geste fort pour marquer la fin de l'ouverture. Soit en sacrifiant des ministres d'ouverture, soit en nommant des personnalités capables d'incarner les attentes de l'électorat de droite. Entre Martin Hirsch, accusé de favoriser l'assistanat, et Bernard Kouchner, qui exaspère les parlementaires UMP, Fadela Amara, jugée «incompétente», ou Éric Besson, très contesté, le président a le choix… Mais, à tout prendre, le départ de Bernard Kouchner semble le plus envisageable. Édouard Balladur, qui n'aime pas le ministre des Affaires étrangères, a incité le président à «droitiser» son action en se séparant de ministres d'ouverture.

À l'Élysée, la ligne reste néanmoins la même qu'avant le premier tour. L'objectif n'a pas été atteint dimanche dernier. Mais l'hypothèse la plus sombre, celle d'un quasi grand chelem de Martine Aubry, ne fait pas varier l'entourage du président. «Il faut garder son sang-froid, prendre le temps de réfléchir », prévient un conseiller. «Sarkozy voudra s'en sortir par l'action. Un gouvernement prolongé, c'est l'action sans délais», parie un dirigeant de la majorité qui rappelle que le calendrier parlementaire est «très chargé». Lundi, le chef de l'État consultera à tout-va. Et mardi, il recevra José Luis ­Zapatero pendant une partie de la journée. Quant aux conseils d'Alain Juppé, qui suggère dans son blog de réfléchir au rythme des réformes, un sarkozyste répond : «Heureusement que le ridicule ne tue pas. C'est vrai qu'avec les grèves de 1995 et le crash de 1997, il peut faire valoir sa légitimité en la matière.»

Cinquième gouvernement

Une entrée en force des chiraquiens au gouvernement, pour faire taire ceux qui élèvent le plus la voix ces jours-ci, paraît en tout cas peu probable. «Ce serait donner une prime à ceux qui nous crachent dessus», répond un fidèle du président. «Ils n'ont pas compris que notre objectif n'était pas de rentrer au gouvernement, ce que nous voulons, c'est faire vivre les sensibilités à l'intérieur de la majorité», corrige François Baroin.

En attendant, une chose est quasiment sûre : François Fillon, comme l'avait fait en 2004 Jean-Pierre Raffarin, devrait présenter lundi sa démission au chef de l'État, qui la refusera. À charge pour le premier ministre de former son cinquième gouvernement.

Prix du lait : les industriels se rebiffent

Ça bout du côté des industriels mais aussi des producteurs. Le différentiel de prix avec l'Allemagne est au coeur des discussions.
Tensions. Les industriels laitiers (Fnil) veulent passer en force sur le prix du lait. Lors d'une réunion, hier matin, dans le cadre de l'interprofession, la Fnil a claqué la porte de la réunion organisée avec la FNPL (Fédération nationale des producteurs laitiers). « Les industriels privés veulent aligner le prix du lait français sur le prix allemand, c'est une véritable déclaration de guerre », réagit avec colère Franck Guéhennec, secrétaire général de la FRSEA Ouest et administrateur de la FNPL.

Pourtant les hausses tendancielles pour le second trimestre n'ont rien d'exceptionnel. L'augmentation du prix du lait payé aux producteurs pour le deuxième trimestre 2010 aurait dû afficher + 5,7 % soit 15 €/1 000 litres. Cette hausse résultant de l'application de l'accord du 3 juin 2009.

Les Allemands moins chers. Pour les industriels, le problème se situe de l'autre côté du Rhin « Avec un prix du lait supérieur de 15 % en 2009 à celui payé en Allemagne, notre principal client et fournisseur, le prix français s'inscrit parmi les plus élevés d'Europe », explique la Fnil. Le différentiel est d'environ 35 €. Pas question pour eux d'accepter une nouvelle hausse de 5,7 % sur le deuxième trimestre 2010. « Ne pas tenir compte de cette situation serait dévastateur en termes de développement économique pour les territoires français, d'emplois industriels et de débouchés pour les producteurs de lait français », explique-t-on du côté des industriels.

En présentant les résultats du groupe Bongrain à Paris, hier matin, Pascal Breton, le directeur général du groupe ne disait pas autre chose : « Sur le marché européen du fromage, la situation est intenable. Les producteurs de lait français ont un besoin vital de l'export pour valoriser leur production. La balance commerciale française des produits laitiers est passée de 3 milliards d'euros à 2,5 milliards en 2009. Nous perdons chaque mois des parts de marché ! »

Plus prudentes sur l'accord interprofessionnel, les coopératives (FNCL) n'en soulignent pas moins le différentiel France-Allemagne. Évidemment les producteurs de lait ne l'entendent pas de cette oreille. Pour la FNPL, le prix du lait ne suffit pas à expliquer le différentiel de compétitivité. Le syndicat maintient que l'accord du 3 juin doit s'appliquer. Sauf que, dans la réalité, il ne l'est plus depuis hier matin.

Manifestation. Pendant ce temps, chez les producteurs, le feu couve sous la braise. L'APLI a lancé pour la soirée de ce mercredi, une opération de « grandes flambées de détresse dans les campagnes en attendant une manifestation de grande ampleur ». De son côté, la Confédération paysanne, par la voix de son représentant au conseil de l'élevage de France Agrimer a dénoncé avec 25 militants, tenus eux à l'écart des grilles fermées, l'avis émis ce jour par le conseil spécialisé des filières laitières françaises, « favorable à l'augmentation de 2 % du quota national pour 2011. Cela équivaudra à remettre potentiellement 500 000 tonnes de lait supplémentaire sur le marché ». Points de vue décidément irréconciables.

En toile de fond, 2012

2012 commence dimanche à 20 h. Que les ambitions présidentielles prématurées ne soient pas une bonne chose pour les Régions et la pureté de la politique, le fait est là : du second tour des régionales, il sera fait une lecture nationale.

On regardera d'abord la participation. Le réveil des gauches et le remords d'abstentionnistes de droite devraient provoquer un petit sursaut. Qui ne bouleversera pas l'équilibre final.

On surveillera le score de la majorité. Elle espère sauver l'honneur en conservant l'Alsace, l'une des deux Régions, avec la Corse, présidées par la droite. Rien n'est moins sûr.

En une semaine, on ne relance pas la dynamique étouffée par le choix inadapté de la liste unique. Les Régions ne sont pas devenues subitement des modèles attractifs. Les doutes sur la capacité de la majorité à redorer l'avenir demeurent. L'inopportun débat identitaire continue de servir le Front national. Le discours écologique, de crédibiliser les écologistes. Et l'ouverture, de souligner qu'il y a tant de gens bien à gauche.

Nombre des cadres de la majorité en veulent à Nicolas Sarkozy. En niant la sanction des électeurs, il donne l'impression de les négliger. Ils lui en veulent d'exhumer, au pire moment, l'idée explosive de taxer les produits consommés, et importés, pour financer la Sécu. La fameuse TVA sociale, défendue par le sénateur centriste mayennais Jean Arthuis, pour alléger le coût du travail.

Ces erreurs vont affaiblir l'exécutif, entraîner un ajustement gouvernemental - Xavier Darcos aura du mal à porter le dossier des retraites - ralentir les réformes et réveiller les sarkosceptiques : Alain Juppé, Dominique de Villepin, Jean-François Copé. Lequel Copé réunit, dès mardi, les députés UMP, mais pas les ministres, pour tirer les leçons du scrutin. Ambiance assurée.

On scrutera, enfin, le score de la gauche pour vérifier si un et un font deux ou deux et demi. Le fameux grand chelem, expression qu'elle n'a d'ailleurs jamais employée, conforterait Martine Aubry dans le double rôle d'opposante numéro un à Nicolas Sarkozy et de favorite de la primaire à gauche.

Mais il lui restera à trouver, avec ses puissants et remuants alliés, un contenu politique compatible avec une crise qui n'en finit pas, tout en étant assez séduisant pour des catégories désabusées. Vaste chantier, même si la gauche assume ouvertement ses divergences.

D'où l'espoir obstiné de François Bayrou qui poursuivra le grand rêve de sa vie : juché sur un MoDem en ruines, il songe toujours à la présidentielle. Il considère - comme d'autres centristes - que la droitisation inévitable de la majorité et la gauchisation prévisible de l'opposition rouvriront un espace. Le Nouveau Centre d'Hervé Morin, dont l'alliance avec l'UMP n'a guère pesé, y voit une opportunité. Oui, 2012 commence dans trois jours.