TOUT EST DIT

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mercredi 30 octobre 2013

Inquiétude à la Banque de France sur la hausse du nombre de billets en circulation : les Français basculent dans le black


Moins de crédits, moins de virements, moins de chèques et plus de billets de banque : les fonctionnaires de la Banque de France ont noté une augmentation anormale de la circulation des billets en France.
Des billets de 50 euros et 20 euros passent de la main à la main comme jamais. Ce qui a obligé la Banque de France à en faire imprimer beaucoup plus qu'auparavant. Environ 20% de plus pour répondre à la demande des agents de l’économie. La demande primaire vient des banques dont les DAB (distributeurs automatiques de billets) doivent être réapprovisionnés plus souvent dans la semaine. Le cash circule de plus en plus. Pour tous les économistes c’est évidemment le premier marqueur de développement d’une économie souterraine, d’un marché noir. L’évolution est particulièrement évidente dans le commerce de détail, dans la distribution de carburant, dans la restauration, la réparation automobile ou encore le bâtiment.
Les Français étaient pourtant ceux qui avaient, depuis dix ans, adopté le plus les moyens de paiement électronique en Europe. La carte de paiement et l’ordre de virement avaient pris des parts de marchés et supplantés la monnaie papier, le chèque et les billets de banques. La politique commerciale des banques a certes beaucoup dissuadé les clients d’utiliser les chèques au profit des moyens de paiement direct ; mais la crise qui, en 2008, a cassé la confiance dans les banques a redonné aux billets une place importante. Une fois la confiance rétablie, l’usage de la monnaie n’a pas décru au contraire.
La raison en est très simple. Les Français se sont mis au cash pour échapper à la pression fiscale. Alors que les riches avaient les moyens de se payer des spécialistes pour faire de l’optimisation fiscale ou la possibilité de s’exiler sous d’autres cieux, une partie de la classe moyenne et modeste a renoué avec le travail au noir ou le troc. Il faut dire que les facteurs qui encouragent le «black» se sont multipliés.
Le premier catalyseur du travail au noir a été la suppression de l’exonération de la fiscalité sur les heures supplémentaires. Cette mesure a mis dans l’embarras près de 3 millions de salariés qui ont vu leur feuille de paie rabotée de quelques centaines d’euros et leur feuille d’impôt grossir. Ceux qui ont pu, ont travaillé au noir. D’autant qu'au même moment, le statut des auto-entrepreneurs s’est retrouvé menacé et amputé. Le principe des heures supplémentaires et le statut de l'auto-entreprise avaient eu le mérite de "blanchir" une grande partie du travail au noir qui avait alors perdu de son intérêt. La suppression de ses mesures a redonné le goût et l’envie de dissimuler des activités. L’augmentation de tous les impôts a fait le reste.
Parallèlement, une partie des activités d’entretien de logements et de bâtiments, d'entretien des voitures, où la culture du travail au noir était déjà forte, sont retombées dans l’ombre du travail officiel pour échapper à la TVA et aux charges sociales. Enfin, le développement des sites internet de vente de produits d’occasion du type eBay ou Le Bon Coin, ou même des sites de co-voiturage et de colocation, ont évidemment favorisé la multiplication de transactions hors TVA et fait basculer une partie de l’activité économique dans une zone d’ombre où l’État trop gourmand n’a pas d’accès.
A l’origine de ce mouvement, il y a évidemment le matraquage fiscal qui touche désormais toutes les couches de la population, mais il y a aussi le manque de sécurité économique et l’instabilité de l’écosystème dans lequel on travaille. En 2009 et 2010, les trois économies européennes les plus fragiles, l’Espagne, l’Italie et surtout la Grèce carburaient pour l’essentiel au cash et très souvent avec des petites coupures. Ni les chèques, ni les cartes bancaires n’étaient acceptées chez les commerçants ou les artisans. En fait, les économies de l’Europe du Sud regorgeaient de liquidités sous forme de billets de banques. Ce qui a posé, d’ailleurs, des problèmes de sécurité aux commerçants.
La France d’aujourd’hui n’est pas dans la situation de la Grèce en 2009 ou de l’Italie avant l’arrivée de Mario Monti. Il y a cependant des symptômes qui montrent le trouble grandissant du corps social. Les banques ont parfaitement mesuré ce phénomène. La Banque de France devrait publier des statistiques très prochainement, mais Bercy sait très bien que si l’impôt ne rentre pas, ou mal, c’est parce que l’activité est faible mais aussi parce qu’une partie de cette activité est volontairement dissimulée pour échapper à la pression fiscale.
Pourquoi les riches seraient-ils les seuls à pouvoir se protéger ? Le travail au noir c’est la façon soft que la classe moyenne emprunte pour échapper au carcan fiscal, dans tous les pays, à toutes les époques. Quand la fiscalité devient confiscatoire, le contribuable s’enfuie ou il peut. «Les hauts taux tuent les totaux » disait Laffer. Les Français n’ont désormais plus confiance dans l’euro ni dans leur gouvernement.

PIERRE JEAN VAILLARD N'A PAS PRIS UNE RIDE

MAI 1984

Vous nous avez bien eus en Mai quatre-vingt un
Avec vos sortilèges, vos rires et vos promesses.
Vous vendiez du bonheur comme on vend du parfum
Et oui, deux ans plus tard…vous nous bottiez les fesses.
Le bon peuple de gauche caressait l’or des songes,
Il le sait maintenant, ce n'’était que mensonges !
Le chômage s’installe, le franc est chancelant,
Le Dollar au Zénith, le Super à cinq francs.
Le pays incrédule gît au sol, pantelant.
Ah ! Ne claironnez plus vos avancées sociales,
Nous sommes tous meurtris par vos ponctions fiscales.
Votre grand argentier nous prend bien pour des cons
En réclamant toujours et encore du pognon !
Tout le monde est saisi par un affreux vertige,
En cauchemar atroce devant nos caisses vides ;
Expliquez-nous comment, vous avez en deux ans,
Endetté ce pays pour plus de cinquante ans !
Vous rabâchez sans cesse cet éternel refrain :
C’est la faute à la droite, et aussi aux Ricains !
Et tant que vous y êtes, pourquoi pas aux putains ?
Il faut savoir, messieurs, quelquefois dans la vie
Reconnaître ses torts, ses erreurs, ses oublis,
Et non se réfugier dans un défi hargneux.
Les vrais hommes publics sont francs et courageux.
Nous allons sans détour et sans ambiguïté
Vous servir tout de go, vos quatre vérités :
Vous êtes des charlots, des guignols, des manants,
Et votre chef débile, le triste « mythe errant » !
Homme au visage pâle et au regard fuyant,
Ce bouffon d'opérette qui trône à l'’Elysée
Est de toute l'’Europe, devenu la risée !
Arrêtez vos salades et vos propres mensonges,
La coupe amère est pleine, elle va déborder.
Halte là ! Ça suffit ! Foutez le camp, partez !
Nous n'’aimons pas, Messieurs, passer pour des cocus,
Et nous vous chasserons à coups de pied au cul !
                                                        Pierre Jean Vaillard

Légitimité zéro : qui peut encore sauver la France du quinquennat perdu de François Hollande ?


Avec seulement 26% de bonnes opinions, François Hollande est officiellement le président le plus impopulaire de toute la Ve République, et la contestation s'étend dans son propre camp. Dans une interview au Parisien, la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann appelle à "un nouveau pacte majoritaire" et à "un Grenelle de l'ensemble des forces de gauche".

Depuis  l'intervention ratée du président de la République dans l'affaire Leonarda, l'exécutif multiplie les reculades. Dernière en date, la suspension de l'écotaxe pour cause de fronde bretonne. La légitimité de l'exécutif semble profondément atteinte. A tel point que même dans les rangs socialistes on s'interroge sur les capacités du pouvoir en place. Dans ce contexte, qui pourrait être susceptible de reprendre la main politiquement ?

Gérard Grunberg : Il faut rester prudent avant de parler de délégitimation. Le président est protégé par les institution de la Ve République. François Hollande restera président jusqu'à la fin de son mandat et bien que sa majorité soit divisée, je ne crois pas qu'il puisse être débordé par la gauche. L'exécutif a des cartes en main et les parlementaires qui n'ont pas tous envie de perdre les élections pourraient faire profil bas à l'approche des prochaines échéances électorales. François Hollande est donc le seul à pouvoir reprendre la main politiquement. Pour cela, il ne pourra pas attendre l'après élections européennes pour opérer un remaniement. Mais un remaniement n'aura de sens que si une ligne politique est clairement définie.
Avec la difficulté actuelle à lire la politique du gouvernement, un changement de gouvernement ne servirait pas à grand chose. Le problème est de savoir si le président de la République veut vraiment affirmer sa ligne politique. Il a commencé à le faire sur la question de la réduction des déficits et de la compétitivité, sans oser l'appliquer durement. Le fait que cette ligne ne soit pas clairement tranchée au sein du Parti socialiste vient compliquer sa tâche. Mais l'augmentation des impôts devient insoutenable et le seul moyen de tenir les engagements de la France à l'égard de Bruxelles est de baisser les dépenses publiques, c'est à dire tailler dans les dépenses sociales. François Hollande doit avoir le courage de faire ce qu'aucun gouvernement n'a osé faire depuis 25 ans. La situation est objectivement très difficile et en particulier pour un gouvernement de gauche.  Toutefois, s'il se décide enfin à aller clairement dans ce sens, François Hollande pourra reprendre la main en commençant par recomposer son gouvernement en fonction de cette nouvelle ligne.
Marc Crapez : En principe, vous avez raison, il y aurait urgence à reprendre la main politiquement mais, dans la pratique, les choses peuvent très bien continuer à vau-l’eau.François Hollande peut être tenté de s’évader sur la scène internationale. Car son impopularité record est amplifiée par la focalisation médiatique. N’oublions pas l’immense déception un an après l’élection de François Mitterrand. Ni celle qui régnait un an après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Et faut-il rappeler le pitoyable scénario qui suivit la première élection de Jacques Chirac (pays paralysé par une grève des transports et dissolution de l’Assemblée qui fit passer la gauche) ?
Cette affaire Leonarda est sidérante. C’est un abaissement sans précédent de la fonction présidentielle. En comparaison, le fameux « Casse-toi, pauv’ con ! » de Sarkozy n’était qu’un propos « volé ». Pour revenir à l’actualité, il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’actualité, précisément. Des évènements qui ne sont pas tous historiques, et qu’un peu de sable efface. Une affaire chasse l’autre. Qui se souvient des récentes accusations gravissimes d’une ministre en exercice, Marie-Arlette Carlotti, contre sa rivale au 1er tour de la primaire socialiste à Marseille (clientélisme « à plein régime », avec « échanges d’argent » et « intimidation ») ?
Éric Verhaeghe : Il faut reconnaître que Marie-Noëlle Lienemann n'y est pas allée par quatre chemins, mais elle a le mérite de mettre le doigt sur l'un des sujets de fond : François Hollande a instrumentalisé des thèmes de gauche auxquels il ne croyait pas pour se faire élire par une coalition de circonstance et mener une politique très différente de celle qu'il avait annoncée. Ce genre d'exercice de funambule est toujours très risqué, et là on sent bien que le Président a du mal à garder son équilibre sur son fil. Il doit être tenu pour personnellement responsable de cette déroute. 
Mais celle-ci a le mérite de révéler un phénomène plus profond et plus complexe à appréhende r: l'affaiblissement du pouvoir central, et la montée des régionalismes, encouragés depuis des années par une décentralisation coûteuse, inefficace et mal comprise. La catastrophe finale pour la France serait que l'alternative politique vienne des élus locaux, ou de leurs mentors, les parlementaires, qui ne sont jamais, en France, que des élus locaux qui ont réussi. Nous avons mis des siècles à bâtir un pays qui tenait la route. On ne peut pas gâcher l'héritage en redonnant le pouvoir aux féodaux.

Le style de François Hollande ne semble pas très adapté à la Ve République et certains observateurs le comparent même à un président du Conseil de la IVe République. Peut-on envisager un rééquilibrage du pouvoir en faveur du parlement  et une place plus importante accordée aux députés socialistes ?

Gérard Grunberg : Encore faudrait-il que le parlement soit vraiment capable d'exercer son pouvoir parlementaire. Depuis trop longtemps, le parlement a été habitué a être asservi par le pouvoir exécutif. C'est une donnée qui est inscrite dans la culture politique française. Il faut du temps pour changer des rapports de force installés si durablement. Le renforcement du pouvoir parlementaire dépend des parlementaires eux-mêmes. Pas sûr qu'ils en aient la volonté ni la capacité. L'impression que donne François Hollande est de ne pas être capable d'imposer ses vues et de trancher en dernier ressort.Cela affaiblit l'action générale du gouvernement socialiste. Mais plus que la relation Président-Parlement,  le vrai problème demeure plutôt la relation entre le Président et le Premier ministre. Celle-ci a toujours été très complexe sous la Ve République. Quel est la marge d'autonomie du Premier ministre ? Peut-il être chargé de conduire lui-même une partie de la politique du pays ? Il faut trouver le bon équilibre, ce qui est toujours compliqué, car les textes eux-mêmes ne sont pas clairs sur cette question. 
Marc Crapez : Je ne pense pas qu’un rééquilibrage en faveur du Parlement remédierait à la situation. Il a déjà eu lieu, du reste, avec la réforme institutionnelle sous Sarkozy. Quant à Hollande, son drame est qu’il ne veut mécontenter personne. Je l’ai comparé, en janvier 2012, à un "radical-socialiste de province sous la quatrième République. Il aime les tractations, sans faire de tractations, tout en en faisant… Il est de l’avis de celui de ses conseillers qui a parlé en dernier". En mai 2012, j’ai aussi évoqué "le style louis-philippard du nouveau locataire de l’Elysée".
Par-delà les ridicules, ce qui est dramatique pour la France, c’est l’absence d’expérience ministérielle préalable du tandem exécutif et, je crois, sa nullité en économie. Comme je l’avais raconté, Hollande fut conseiller pour les questions économiques du parti socialiste de 1979 à 1983. Il fut donc actif durant la période dogmatique du PS. Et au moment de mettre en application le tournant du réalisme, il se déroba en devenant directeur de cabinet de deux porte-paroles successifs du gouvernement Mauroy, puis journaliste au Matin, un journal resté dogmatique.
Éric Verhaeghe : Ce rééquilibrage existe déjà. Le gouvernement est très affaibli face à ses parlementaires. Il ne contrôle pas le Sénat, et les députés socialistes ont obtenu des quantités colossales d'amendements lors du débat budgétaire. Est-ce la bonne formule? 
Si nous étions dans un système raisonnable et transparent, je dirais oui ! c'est-à-dire dans un système où les investitures aux élections législatives se font dans des conditions honnêtes, et dans la mesure où être élu député ou sénateur ne se transforme pas en élection à vie sur le modèle soviétique qui conduit par exemple un Bartolone à être élu sans discontinuer depuis 1981, en cumulant une multitude de mandats locaux.
Parce que les partis politiques ne sont pas démocratiques, l'alternative parlementaire est dangereuse et à écarter. Il faut trouver des solutions plus respectueuses des intérêts et de la diversité du pays. 

Alors que la tentation de fronde fiscale s'étend aux artisans et aux commerçants, la réponse à la crise passera-t-elle forcément par les politiques ? Comment la sphère privée pourrait-elle profiter de la situation ? Dans un pays où historiquement, l'Etat a toujours joué un rôle important, le monde de l'entreprise peut-il prendre le relai ?

Marc Crapez : L’aspect positif est que le citoyen se réapproprie des questions qui le regardent. Internet favorise d’ailleurs de libres associations et la prise de conscience que ces regroupements peuvent avoir de l’écho. Le monde de l’entreprise se retrousse aussi les manches, sans attendre que l’Etat sorte de sa torpeur. Des chaînes dispensent, par exemple, des formations qui pallient les carences de l’éducation nationale et de la formation professionnelle. Quant à l’université, l’inculture et la politisation de l’universitaire de base est devenue effarante. Comme pour les retraites, il faudrait une deuxième réforme pour hisser le système au même stade que celui de nos voisins. Sans quoi, comme pour les retraites, il y aura un effet de bascule vers le privé.
Éric Verhaeghe : Ma position sur ce sujet ne varie pas d'un iota depuis plusieurs années. La classe politique dans son ensemble est l'une des principales sources de blocage dans ce pays. Sa sclérose tient largement à son mode de recrutement : des héritiers sans envergure, des apparatchiks et des carriéristes qui ne connaissent rien du pays réel et n'ont aucune vision pour lui. Il faudra donc tôt ou tard que, conformément à leur tradition millénaire, les Français se décident à mettre cette caste entre parenthèses pour bâtir une autre société.
Nous disposons d'ores et déjà des outils pour le faire. La révolution du numérique, tout ce que l'on appelle l'innovation sociale (et qui n'a rien à voir avec des œuvres de charité, contrairement à ce que croient beaucoup de ministres), sont autant de possibilités pour changer la donne politique. La Révolution française de 1789 s'était appuyée sur les clubs. La Révolution de demain s'appuiera sur les réseaux sociaux.

Comment pourraient réagir les différentes catégories de populations face à la progression du sentiment d'absence de légitimité ? Quels groupes seraient les plus enclins et préparés à en tirer parti, et selon quels scénarios ? 

Marc Crapez : Vous avez raison de parler de « progression du sentiment d’absence de légitimité ». Mais personne ne va en tirer parti. Le leadership politique est aux abonnés absents de tous côtés. Cette dévaluation de la parole publique est en lien avec celle de la morale publique. Et la "peopolisation" accentue cette démonétisation du personnel politique.
Les syndicats paraissent court-circuités par des mouvements plus contractuels, comme celui des Bonnets rouges. Quant au Front national, il bénéficie surtout d’un effet de convergence entre impatients de droite et déçus de gauche, ce qui rappelle sa naissance en 1983. Quand la droite est au pouvoir, le vote utile des électeurs de droite évite la déperdition des voix, alors que, quand la droite est dans l’opposition, le vote FN est, pour les impatients, une façon de peser sur les orientations de la droite en la tirant vers la droite.
Éric Verhaeghe : La perte de légitimité est constante depuis la mort de Pompidou. Aucun Président, depuis 1973, n'a rassemblé sur son nom plus de 10 millions d'électeurs au premier tour... alors que le corps électoral a augmenté de 50%. Les Présidents qui se succèdent (et c'est particulièrement net depuis Chirac) sont d'abord le fruit de coalitions, d'accords électoraux, d'habiletés en communication. Même Sarkozy a finalement assez peu rassemblé sur son nom au premier tour. Le processus auquel nous assistons clôt donc une série qui a commencé il y a quarante ans.
Le Front National en tirera-t-il parti? Je ne le crois pas, et pour plusieurs raisons. D'abord parce que tout le monde en parle, mais personne n'a encore rien vu. Ensuite parce que, de mon point de vue, le Front National est plus une machine à faire tomber le régime qu'une machine à en créer un autre. Il existe une alliance tactique dans des secteurs très larges de l'opinion pour porter le Front National comme on porterait un bélier. Mais pas comme on chercherait un fondateur.

Peut-on imaginer que la fronde se propage dans tous le pays ? Quels sont les précédents historiques ?

Marc Crapez : Une fronde qui se propage ne fait pas une subversion ni un soulèvement. Il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat. Les crises actuelles sont très profondes, je l’ai théorisé dans un livre en 2010 : crise économique, crise du parti socialiste, crise des banlieues, crise des universités, crise de l’Europe… Mais tant que la Bourse tient, la majorité tire son épingle du jeu. Les partis politiques révolutionnaires ont beau s’égosiller, rien ne se passe. Car le mécontentement reste épars. La démocratie est un puissant rempart qui, le cas échéant, comme en Mai 68, lâche du lest.
Cela a été constaté vers 1900, le suffrage universel est une machine à désamorcer les velléités révolutionnaires. C’est une assurance tous risques pour les gouvernants. Les grandes fièvres sont révolues. Au cours du 20ème siècle, la démocratie française s’est progressivement tranquillisée, avec un apaisement des démonstrations de rue et un adoucissement des mœurs politiques. La situation actuelle est d’autant plus stable que la 5ème République est insubmersible. Et puis les socialistes ont toujours eu des ministres de l’Intérieur qui n’hésitent pas à « faire donner la troupe », comme on disait autrefois quand les manifestants se faisaient canarder.
Éric Verhaeghe : En fait, c'est une grande inconnue. L'historiographie officielle (celle qu'on enseigne à la Sorbonne) vous dira que oui, et que cela s'appelle une révolution. Quand on regarde de plus près ceux qui firent la Révolution française, on s'aperçoit que la réalité est bien plus nuancée. Les journées révolutionnaires où toute la France s'embrasait se comptent sur les doigts d'une main (et encore...) sur une période de 10 ans, entre 1788 et 1798. 
En revanche, la Révolution française s'est plus illustrée par des révoltes sporadiques, par des jacqueries, par des soulèvements brutaux et la constitution de maquis, spécialement dans l'ouest. Un scénario de ce genre est imaginable aujourd'hui, selon moi. Il a même déjà commencé: quand le Printemps Français a décidé de "polluer" tous les déplacements officiels en France, il a donné le coup d'envoi à quelque chose de ce genre. Reste à savoir si cela va prospérer ou non.

NKM a évoqué un Etat voyou qui ne respectait pas ses engagements. La crédibilité de la parole de l’État est-elle plus largement aujourd'hui en jeu ?

Marc Crapez : Si j’ai le choix, je préfère ne pas commenter le propos tape-à-l’œil de la politique people que vous citez. En revanche, la « crédibilité de la parole de l’Etat » est une excellente question. Hollande, à la tête du PS, et Ayrault, à la tête du groupe socialiste à l’Assemblée, ont eu l’habitude des motions de synthèse qui n’engagent à rien, sans intention de tenir ses promesses.
Cela dit, n’ayons pas la mémoire courte, le problème ne date pas d’aujourd’hui. Le chiraquisme fit la même impression à François Furet, ou à Pierre Mazeaud qui, comme président du Conseil constitutionnel, diagnostiquait « la perte des repères : perte des références, perte de lisibilité de l’action publique… délitement des civilités et du sentiment d’appartenance, déficit d’autorité à tous les niveaux de l’édifice social ».
Éric Verhaeghe : Tous ceux qui ont travaillé en région avec les services de l'Etat savent que la principale caractéristique de l'Etat est sa versatilité et son incapacité à tenir son engagement. Ce problème couve depuis de nombreuses années. Comme nous sommes en phase de pénurie, cette versatilité apparaît enfin au grand jour, prend des proportions incontrôlables, et devient insupportable. Mais elle n'est pas neuve.

Grèce – Un cimetière en mer Egée


De plus en plus de réfugiés syriens meurent dans l’indifférence en tentant la traversée vers l’Europe.

Le 19 mars 2013, sur une côte de Lesbos, en mer Egée, les corps d’une femme et de ses deux enfants ont été repêchés, ainsi que ceux d’une jeune femme enceinte de 17 ans, d’un mineur et d’un homme. Il s’agissait de réfugiés syriens. 

Dans la barque qui les transportait, il y avait d’autres personnes, qui sont portées disparues. Parmi elles, une famille de cinq personnes, ainsi qu’un jeune homme de 14 ans. Tous vivaient en Grèce et avaient été contraints de retourner en Syrie à cause de la crise économique qui s’est abattue sur notre pays. Mais quand la guerre civile a éclaté en Syrie, ils ont décidé de faire le chemin en sens inverse pour revenir là où ils avaient vécu des années, là où sont nés leurs enfants et où ils ont grandi – sans pour autant obtenir des droits ou des papiers. 

On ne s’intéresse pas assez à la douleur qui se cache derrière les mots “immigré clandestin” et les données statistiques sur les immigrants illégaux ou sur ceux qui ne sont pas arrivés dans notre pays parce qu’ils se sont noyés. La tragédie de Lampedusa a mis en lumière la situation horrifiante que l’on peut voir aux frontières maritimes de l’Union européenne et l’application d’une politique élaborée pour interdire l’approche de la “forteresse Europe” aux migrants et aux réfugiés. La mer Egée pourrait raconter de très nombreuses histoires dramatiques, puisque, depuis des années, elle est l’un des principaux itinéraires par lesquels les réseaux de passeurs acheminent les immigrés illégaux en Europe. 

Ces derniers temps, l’augmentation des contrôles aux frontières terrestres dans la région d’Evros, dans le nord du pays, a conduit les réseaux d’“esclaves” à reprendre la voix maritime. Ainsi, au premier trimestre 2013, les garde-côtes ont procédé à 880 interpellations pour “entrée illégale” sur le territoire et à 13 pour “organisation de passage”, alors qu’à la même époque l’année dernière il n’y avait eu que 31 interpellations et 1 arrestation pour les mêmes motifs. 

Les réseaux de passeurs, surtout d’origine turque mais agissant souvent avec des collaborateurs grecs, chargent des familles entières (qui ont payé très cher) sur des embarcations misérables. Ceux qui ne se noient pas, à cause de leur embarcation, en arrivant dans les eaux grecques ou près des côtes provoquent eux-mêmes le chavirement pour contraindre les garde-côtes ou d’autres bateaux à repêcher et à sauver les migrants et leur permettre d’arriver en Europe – même s’ils sont mis en détention. Or, très souvent, dans ce genre de situation, le chavirement de l’embarcation de fortune fait que ses passagers se noient. 

Rares sont ceux qui s’en émeuvent. Les trafiquants ont déjà été payés et, pour les autorités grecques et européennes, les immigrés clandestins sont souvent un poids. D’ailleurs, des “batailles navales” entre garde-côtes grecs et turcs se seraient récemment déroulées : chacun cherchait à pousser une embarcation chargée de migrants dans les eaux territoriales de l’autre. Quel est le bilan en mer Egée ? Pour 2011, on dénombre 7 morts et 44 disparus, contre 36 morts et 5 disparus en 2010 et 24 morts et 59 disparus en 2009. Il n’y a pas de données pour 2008. L’organisation Forteress Europe parle de 662 morts et 842 disparus en mer Egée entre 1988 et 2013. 

Il s’agit d’une tragédie sans fin. Le 26 juillet dernier, les corps de 6 migrants, dont 2 enfants, ont été repêchés sur l’île de Kos, dans le Dodécanèse. Le 14 janvier, 3 corps avaient été découverts à Chios. Le 15 décembre 2012, on dénombrait 20 corps sur les côtes de Lesbos – un seul naufragé avait pu être sauvé. Le 6 septembre 2012, 67 migrants, dont 31 enfants, s’étaient noyés près des côtes de Smyrne. 

Giannis Elafrou

Nouveaux visages industriels à l'Ouest

Nouveaux visages industriels à l'Ouest


Licenciements, plans sociaux et fermetures de sites se succèdent dans nos régions de l'Ouest. Les coups de massue se multiplient pour les salariés. Nos régions doivent aussi faire face à des problèmes qui leur sont propres : éloignement des marchés porteurs, remise en cause de certains soutiens européens, prédominance de productions basiques, donc très concurrencées...
Indépendamment des décisions que le gouvernement s'apprête à prendre concernant l'écotaxe, et qui ne résoudront pas, loin s'en faut, toutes les fragilités de nos industries, il convient de ne pas perdre de vue les activités nouvelles qui surgissent déjà. Elles sont bien positionnées sur des marchés porteurs, et animées par une myriade d'entreprises, de tailles plutôt modestes, comme c'est souvent le cas à l'Ouest.
La plupart de ces entreprises, en s'appuyant sur des technologies nouvelles (biotechnologies, nanotechnologies, matériaux avancés...), ont fait de l'innovation et de la créativité les facteurs clés de leur compétitivité. Produire des biens nouveaux (ou améliorés), à plutôt forte valeur ajoutée, ou adopter des outils de production plus efficaces, leur assure un avantage compétitif durable. Elles échappent ainsi à l'implacable concurrence par les coûts et se mettent plus sûrement à l'abri de délocalisations ravageuses. L'Insee a confirmé que les firmes de l'Ouest, y compris celles de l'agroalimentaire, avaient, pour l'innovation et la recherche-développement, une appétence plus importante que la moyenne.
Gare à ne pas trop rêver
Ainsi se profile la lente construction d'un nouveau visage industriel. Certes, celui-ci reposera encore longtemps sur des pans d'activités qui ont traditionnellement fait la marque de l'Ouest : agroalimentaire, automobile, construction navale et aéronautique, télécommunications... Mais ce nouveau visage reposera, de plus en plus, sur ces activités qui s'efforcent de répondre à des demandes nouvelles, sur des marchés proches ou lointains : économie numérique, économie de l'environnement, logiciels, activités liées à la santé, valorisation des richesses marines...
Devant une telle mutation, il faut toutefois se garder de trop rêver ! Outre que ces nouvelles activités ne seront pas en mesure de générer les taux mirifiques de croissance du temps des « Trente glorieuses », il apparaît surtout que les effets sur le marché du travail de ce nouvel essor de l'emploi industriel seront quand même limités.
Implacablement, l'accroissement de la productivité s'imposera et les machines automatisées remplaceront les tâches routinières. Ce sont déjà les firmes les plus économes en travail qui progressent le plus. Malgré de nombreuses créations dans ce domaine industriel, la baisse des postes offerts risque donc de se poursuivre.
Conclusion : il faudra chercher ailleurs que dans une croissance industrielle effrénée la solution à nos problèmes d'emploi. À cet égard, bon nombre d'activités de services, souvent nécessaires au développement des activités industrielles, constitueront des opportunités intéressantes sur le marché du travail. À condition que soient mieux prises en compte les articulations entre les problèmes de qualification et d'emploi, et beaucoup mieux soutenues les possibilités de reconversion professionnelle.

"Touche pas à ma pute", le manifeste des "343 salauds" qui défend la prostitution

Un manifeste à paraître dans Causeur en novembre, et relevé par Libération, proteste contre la proposition de loi qui vise à sanctionner les clients de prostitués. Les signataires ? Frédéric Beigbeder, Eric Zemmour, Nicolas Bedos et l'avocat de Dominique Strauss-Kahn.
Quel est le point commun entre Frédéric BeigbederEric Zemmour, Nicolas Bedos et Richard Malka, l'avocat deDominique Strauss-Kahn ? Ils vont "aux putes", y sont allés ou connaissent des copains qui y vont. Ces "homos ou hétéros, libertins ou monogames, fidèles ou volages", comme ils se qualifient eux-mêmes, viennent de signer un manifeste à paraître dans le prochain numéro du magazine Causeur,relèveLibération. Son petit nom : "Touche pas à ma pute ! Le manifeste des 343 salauds." 
Tous protestent contre la proposition de loi qui vise à sanctionner par une amende les clients de prostituées et à abroger le délit de racolage public. Déposée le 14 octobre par le groupe socialiste de l'Assemblée, elle devrait être débattue fin novembre. 
"Emmerder les féministes d'aujourd'hui"
Ce manifeste rappelle une autre initiative, celle des "343 salopes", publiés en avril 1971 dans Le Nouvel Observateur, pour défendre la liberté d'avorter. Proposé par Frédéric Beigbeder, qui a récemment lancé le magazine Lui, la directrice de la rédaction de Causeur, Elisabeth Levy, a été séduite. Elle explique dans Libération que  ce manifeste répond surtout "à l'envie d'emmerder les féministes d'aujourd'hui", notamment celles d'Osez le Féminisme!, ces "brigades des plumeaux" parce qu'elles "ne s'intéressent qu'au partage des tâches ménagères".  
Autres signataires : Ivan Rioufol, l'écrivain Philippe Caubère, l'écrivain et journaliste Benoît Duteurtre ou le mari de Frigide Barjot, Basile de Koch. Dans leur texte, ils se défendent d'être "les frustrés, pervers ou psychopathes décrits par les partisans d'une répression déguisée en combat féministe". Ils refusent "que des députés édictent des normes sur [leurs] désirs et [leurs] plaisirs". Et ils s'inquiètent : "Aujourd'hui la prostitution, demain la pornographie, qu'interdira-t-on après-demain ?" Ils rappellent cepandant qu'ils condamnent le sexe "sans consentement", "la violence" et "le trafic des êtres humains". 
Ces hommes "se préoccupent plus d'utiliser ces dames que de les défendre"
Dans une tribune dans LeMonde, Anne Zelensky, Présidente de la Ligue du droit des femmes et signataire du manifeste de 1971,  dénonce déjà ce texte qui "s'inscrit dans la guéguerre que se livrent les sexes". Pour elle, les signataires "se préoccupent plus d'utiliser ces dames que de les défendre." Elle s'interroge : "Quelle filiation peut-il bien y avoir entre nous, les "salopes" qui réclamions la liberté interdite de disposer de notre corps, et ces "salauds" qui réclament aujourd'hui la liberté de disposer contre rémunération et sans pénalité du corps de certaines femmes ? Dans le premier cas, il s'agit de lever une oppression, dans le second, de la reconduire.
Pour Anne Zelensky, "la liberté de disposer de son corps, revendiquée dans le "Manifeste des 343", se voit étendu à des pratiques  -  liberté de se prostituer  - qui en constituent le contraire."

La gauche cible les chaînes d'info


La gestion calamiteuse de l'affaire Leonarda a avivé les tensions entre les médias et le pouvoir. La communication de l'Elysée est à revoir
Les faits - La séquence Leonarda a révélé samedi dernier les failles dans la communication présidentielle, mais aussi l’impact des chaînes d’information en continu, que le pouvoir socialiste a largement sous-estimé depuis le début du quinquennat. Du coup, les critiques fusent au sommet de l’Etat contre ces robinets à image. Le gouvernement cherche la parade.
On n'en veut pas
C’est devenu un leitmotiv: le couplet contre les chaînes d’information en général, et contre BFM-TV en particulier, revient en boucle dans les allées du pouvoir. Ainsi Arnaud Montebourg vocifère-t-il contre une « bfm-isation » de la vie politique. Michel Sapin s’emporte de son côté contre « l’emballement médiatique » suscité par le traitement de l’information des chaînes en continu, dans lequel « une tornade chasse l’autre ». Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ironise sur « Fox News… pardon BFM ». Dans les cabinets ministériels, on ne parle plus que de « B-FN », tant la chaîne d’Alain Weill serait « populiste », « bas de gamme », coupable de produire à jet continu des « fast news » sans recul ni analyse.
Nées à la fin des années 1990, LCI, i-Télé et BFM ont décollé durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au point que Franck Louvrier, chargé de la communication de l’ancien président à l’Elysée, prédisait dès juin 2011 que « la campagne de 2012 se ferait sur les chaînes d’info ». De fait, les principaux candidats ont séquencé leur agenda de campagne en fonction des chaînes d’info. D’une visite de Rungis au petit matin au meeting du soir, il s’agissait avant toute chose, pour François Hollande comme pour son rival UMP, d’abreuver d’images la grille de ces chaînes.
Chaque jour il est vrai, plus de 9 millions de personnes regardent BFM-TV, alors que les trois journaux télévisés historiques (les 20 heures de TF1 et France 2 et le 19-20 de France 3) affichent près de 17 millions de téléspectateurs à eux trois. L’audience de BFM représente 2 % de part de marché en France alors qu’en Grande-Bretagne, Sky News est à 0,8% et, aux Etats-Unis, Fox News à 1,5%. Autant dire que les chaînes d’info concurrencent sérieusement les grandes chaînes. La miniaturisation des moyens techniques leur permet désormais de faire du direct d’où elles le souhaitent, quand elles le souhaitent : sortie du conseil des ministres, salle des Quatre-Colonnes, siège de l’UMP, trottoir devant le ministère de l’Intérieur, etc.
Du coup, le temps s’accélère et, comme le souligne Michel Sapin, « une information chasse l’autre ». Syrie, Roms, rythmes scolaires, travail du dimanche… Les polémiques enflent aussi vite qu’elles se dégonflent. Et l’émotion véhiculée par l’image l’emporte largement sur la réflexion induite par l’écrit. Ainsi, le jour où le Conseil constitutionnel valide en partie le projet de loi sur la transparence de la vie publique, décision lourde de conséquences, comme l’avenir le montrera, l’actualité est-elle dominée par la fronde des élues de gauche de l’Assemblée contre un député UMP coupable d’avoir caqueté dans l’hémicycle la veille alors qu’une députée écologiste prenait la parole. Il est vrai que la première information ne pouvait s’appuyer que sur un plan de la façade du Conseil constitutionnel, tandis que la seconde était illustrée par l’image inédite de plusieurs dizaines de députées en colère. « On est dans la société du rire, où l’info légère, anecdotique, qui fait du buzz, est préférée au fond, déplore le conseiller en communication d’un ministre. Le gouvernement ne s’est pas adapté à cette nouvelle forme de communication. La gauche doit faire une révolution copernicienne ».
C’est bien ce qu’a montré l’affaire Leonarda : l’Elysée a été surpris de découvrir sur les écrans samedi la jeune collégienne répliquer en direct au président de la République, quasiment sur un pied d’égalité. « C’est étonnant car les caméras campaient depuis trois jours devant le domicile de la famille de Leonarda, raconte un journaliste de BFM. Idem pour France Info ou France 2. L’Elysée pouvait très bien anticiper qu’elle serait interrogée après l’intervention de François Hollande ».
« L’époque où vous aviez un président à l’Elysée, atteint d’un cancer et entretenant de surcroît une seconde famille, est révolue depuis longtemps », concède un proche de François Hollande, qui milite pour un président qui s’expose davantage et donne le tempo, et pour un service de communication qui vive au rythme de « l’actu chaude ». Le hic, c’est que François Hollande « ne veut pas faire comme Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire intervenir au gré des émotions », relève un ministre. Par ailleurs, « la démarche du président, qui est de rechercher le compromis sur tous les sujets, et qui donc nécessite du temps, est contradictoire avec ce système de traitement de l’information en accéléré». « François Hollande ajuste en permanence sa politique par rapport à l’opinion portée par les journaux, mais se préoccupe peu des chaînes d’information », ajoute un responsable socialiste.
Un conseiller ministériel relève aussi qu’on est passé « de journalistes de presse écrite qui prennent le temps de réfléchir et d’analyser une information à des journalistes précarisés et pressurisés des chaînes d’info, qui se contentent de relater les faits. Du coup, on va arriver à une information à deux vitesses, pointue et payante pour les classes supérieures; gratuite, rapide et sans valeur ajoutée pour le peuple. C’est un vrai problème ».
De fait, l’influence de plus en plus large de ces chaînes inquiète au sommet de l’Etat. « Elles tirent toujours plus vers le bas, observe un conseiller de l’Elysée. Ce qui est clair, c’est que cela influence le fonctionnement et la fabrication des 20 heures, car les gens sont alimentés toute la journée par le robinet à images, et ils les revoient le soir dans les JT. On ne sait pas si ça produit des effets directs sur les citoyens, mais ce qui est clair, c’est que ça occupe les yeux et les oreilles ».
L’exécutif s’interroge donc au positionnement à adopter dans cette bataille de l’image. « Les chaînes d’infos sont là, on n’est pas la Corée du Nord, on ne va pas les supprimer, donc il faut faire avec, et essayer de les gérer », estime le conseiller d’un pilier de la majorité. « On ne va pas changer ces chaînes et leur mode de fonctionnement, donc c’est à nous d’essayer d’être plus intelligents qu’eux », approuve un autre conseiller. En attendant, « tous les politiques se précipitent sur nos plateaux », fait remarquer Céline Pigalle, directrice de la rédaction d’i-Télé. Ce qui relativise les critiques d’une classe politique qui a toujours tendance à considérer les médias comme le support de sa communication.

Heureusement pour François Hollande, il n'est plus "normal"


En chute libre dans le baromètre BVA-L'Express -73% des Français (+7) disent aujourd'hui avoir une "mauvaise opinion" de lui-  à quoi, légitimement, François Hollande peut-il maintenant s'adosser pour tenir et présider, sinon aux institutions de la Vème République, que la gauche avait jadis combattue dans la rue en pourfendant "le pouvoir personnel" ? Des institutions qui protègent le "monarque républicain", élu pour cinq ans et non pour dix-huit mois, et le hissent au-dessus... Disons: au-dessus des citoyens.
Encore faut-il ne se pas se présenter comme cela a été le cas au lendemain du 6 mai, façon Europe du nord, comme un président "normal". Un président "normal", une simple tempête le balaie. Pour un monarque républicain, il faut un ouragan, et l'ouragan, c'est plus rare. Heureusement pour l'Elysée, la sotte parenthèse de la "normalitude" a été assez vite close.

Nouvelles solutions

Nouvelles solutions


Puisque le gouvernement n’a pas reculé, juste écouté, qu’il va négocier (pardon, dialoguer) et que l’écotaxe n’est pas renvoyée aux calendes grecques mais suspendue, chacun se doit de proposer des solutions. Modestement nous en suggérons quelques-unes. Que les poids lourds ne paient que lorsqu’ils roulent à vide. Que le prix soit acquitté uniquement les jours fériés. Ou les journées de pluie dans les régions ensoleillées et de soleil dans les pluvieuses. Quant aux portiques, leur usage est tout trouvé : seules les voitures de l’administration auront à verser leur obole, ce qui satisfera le goût du pouvoir pour l’impôt sans augmenter la dépense publique. Si rien ne marche, on pourra toujours décréter un nouveau délai, puis un report, ensuite un sursis, enfin un moratoire.

La suspension de l’écotaxe divise la région


Le retrait temporaire de la taxe sur les poids lourds réjouit professionnels et UMP, mais énerve les Verts.

Face à l’opposition des Bretons, le Premier ministre a annoncé, hier, la suspension à l’échelle du pays de l’instauration au 1er janvier de l’écotaxe. Le retrait, dont la durée n’est pas fixée, vise à « donner le temps nécessaire d’un dialogue national et régional. Suspension n’est pas suppression, et ce dialogue aura pour objectif d’améliorer les dispositions propres à la filière agricole et agroalimentaire » , précise Jean-Marc Ayrault.

Les milieux économiques respirent

« Il faut mettre en place des politiques écologiques mais, devant une inquiétude économique extrême, il faut savoir prendre le temps de dialoguer. C’est aussi ça proposer une gouvernance moderne » , commente Antoine Homé, le président du groupe PS à la Région. « Si l’écotaxe doit être repoussée aujourd’hui, alors qu’elle a été élaborée en 2008 dans le cadre du Grenelle, c’est uniquement parce que le dossier a été mal ficelé au préalable par le gouvernement Fillon » , poursuit le maire de Wittenheim.
Faux, répond l’UMP. « La suspension du projet n’a pour seule cause que les mouvements en Bretagne. Au même titre que dans l’affaire Leonarda, ce recul illustre l’ambiance ‘’sauve qui peut’’ du gouvernement face aux pressions » , avance le député sélestadien Antoine Herth.

« Le mouvement de protestation correspond à une exaspération liée à une multiplication des taxes et impôts, qui entraînent un réel rejet de toute nouvelle proposition fiscale , surenchérit Philippe Richert, le président de la Région. Cette nouvelle marche arrière est cependant une mauvaise réponse à un projet qui a traversé des aménagements successifs certes, mais qui faisait désormais consensus et recueillait l’unanimité des parlementaires. »
Refusant de rentrer dans des considérations politiques, Michel Chalot, le président de l’Union régionale du transport d’Alsace, pointe pour sa part que « la décision du gouvernement enlève aux transporteurs un sacré poids sur les épaules. Nous allons pouvoir retravailler sereinement avec nos clients, car les négociations sur les prix de nos prestations ont été polluées par la question de l’écotaxe ces derniers mois ».
Et pour cause : « Certains transporteurs alsaciens pourraient avoir à payer jusqu’à 200 000 € de taxe par an. Cette somme, ils devront la reporter sur leurs clients qui feront de même sur les consommateurs. Ceci est juste impensable en cette période de crise durant laquelle le pays ne produit pas de richesses » , déplore Jean-Luc Heimburger, le président de la CCI du Bas-Rhin, qui promet de « poursuivre son lobbying » contre l’écotaxe. « Nous allons aussi continuer à sensibiliser les élus car, si elle passe, cette taxe coûtera cinq millions d’euros par an aux agriculteurs alsaciens , lâche Denis Ramspacher, de la FDSEA 67. Il faut aller donc plus loin qu’une suspension ! »

Des négociations à venir

« Cinq pays européens, dont l’Allemagne, ont déjà instauré des taxes similaires et cela se passe très bien. Nos décideurs nationaux et régionaux manquent juste de volonté et de courage » , lance le conseiller régional Europe Ecologie-Les Verts Jacques Fernique. Mettant en exergue l’aspect environnemental de l’écotaxe qui pourrait réduire le nombre de camions sur les routes, l’élu propose de « profiter de la suspension nationale pour lancer l’expérimentation d’une taxe dans la région, comme il était prévu de le faire depuis la loi Bur de 2005 ».
Silence gêné d’Antoine Homé. Tout en expliquant « comprendre » l’idée de son ami écologiste, le socialiste n’y souscrit pas. « Avant de faire quoi que ce soit au niveau régional ou national, comme l’a dit le Premier ministre, il faut prendre le temps d’examiner les choses de façon très précise » , martèle le socialiste.
Pour l’UMP, Antoine Herth, il est surtout venu le moment « de reparler des projets que le gouvernement a décidé de ne pas financer dans la région, comme la deuxième phase de la LGV Rhin-Rhône. Il ne peut pas à la fois demander des recettes supplémentaires à travers l’écotaxe et ne rien redistribuer. » Selon lui donc, la question de la taxe sera au cœur du débat sur le volet transport inhérent au contrat de plan 2013-2017 que les collectivités et l’État doivent étudier en décembre. D’ici là, elle le sera aussi lors de la séance plénière du conseil régional du 22 novembre, à laquelle le préfet doit participer.

Hollande : le grand dévissage

Hollande : le grand dévissage


De turbulences impétueuses en reculades tumultueuses, ce gouvernement de pompiers pyromanes ne cesse de courir éteindre les incendies qu’il a lui-même allumés. Cela finit par ressembler à un film burlesque où le chef de l’Etat se ridiculise et perd le peu d’autorité et de crédibilité, déjà bien minces, qui lui restaient. Pas étonnant s’il bat aujourd’hui ses propres records d’impopularité. Et, à chaque fois, ces embrasements mal maîtrisés laissent dans l’atmosphère une irritante odeur de cendres chaudes et d’imperceptibles traces de substances inflammables susceptibles, à force d’accumulation, de mettre le pays à la merci de la moindre étincelle…
On l’a vu avec la mesure d’uniformisation au taux unique (et inique) de 15,5 % des prélèvements sociaux sur les plans d’épargne logement (PEL), plans d’épargne en actions (PEA), « certains contrats d’assurance-vie » et l’épargne salariale. Epargne notre épargne, ont grondé les épargnants en colère. On le constate encore avec les manifestants bretons toujours vent debout contre l’écotaxe et ses portiques espions, que le gouvernement envisage également « d’aménager ». Car, contrairement à ce que les mauvais esprits prétendent, le gouvernement ne recule pas : il « amende » et « aménage ». Certains disent même qu’il « déménage ». En l’occurrence, ce dernier mot recouvre ici deux sens différents. On peut dire du gouvernement, lorsque ce dernier abandonne furtivement les projets qu’il nous annonçait, qu’il « déménage » à la cloche de bois. Mais plus vraisemblablement ses dénigreurs entendent, avec ce terme, dire que le gouvernement déraisonne. Qu’il franchit de plus en plus les limites du raisonnable, d’où la grogne, la rogne et la hargne des Français à son égard.

La Bretagne, ex-fief de gauche…

La Bretagne, bastion socialiste jusqu’aux dernières élections, marque de façon ô combien symbolique ! le désenchantement de l’électorat à l’égard du gouvernement. Dans les quatre départements bretons, François Hollande avait obtenu 56,35 % des voix en mai 2011. Que reste-t-il de cet enthousiasme déçu ? Beaucoup de colère. La Bretagne, où les socialistes avaient succédé – via un clergé progressivement et progressistement glissé à gauche – aux démocrates chrétiens, était l’une des régions les plus européistes de France. Aujourd’hui désillusionnés, les Bretons bernés conspuent Bruxelles.
« Un double désastre », souligne cruellement le billettiste du Monde : « L’exécutif et sa majorité n’ont plus prise sur rien, ils sont attirés dans une spirale infernale. Aux ratés succèdent les reculs qui alimentent la défiance et l’inquiétude. “On ne peut plus rien toucher”, se désespère un ministre, après que le gouvernement a dû, une nouvelle fois, revoir sa copie fiscale. Désormais, il apparaît d’une totale vulnérabilité, incapable de résister à la moindre bourrasque ». Alors que les météorologues de la politique nous annoncent des avis de tempête tous azimuts…
Il y a quinze jours, pour rendre compte des primaires socialistes à Marseille, l’éditorialiste Jacques Camus avait forgé un mot-valise amusant et très expressif : la « brouillabaisse ». On pourrait aujourd’hui acclimater ce néologisme dans les jardins de l’Elysée pour qualifier la politique incertaine et aux ingrédients douteux mitonnée par le chef de l’Etat le plus impopulaire de toute la Ve République.

L’ère des entreprises "hub" et des salariés nomades

Donner aux collaborateurs davantage de marge de manœuvre dans leur façon de travailler et de s’organiser est une tendance qui devrait s’imposer. Car tout le monde y gagne.
Ce vendredi matin, Julie Rieg, directrice des études du cabinet de prospective Chronos, n’est pas allée au bureau. Elle a travaillé tard la veille et a préféré troquer son temps de trajet contre trois quarts d’heure de sommeil supplémentaires : elle travaillera sur ses dossiers, mais de chez elle. Dans quinze jours, cette ­Parisienne d’adoption a prévu de partir se ­ressourcer en Alsace, sa région d’origine, pendant une semaine… Elle n’aura pas besoin de poser de vacances : là encore, elle «télé­tra­vaillera». Julie est peut-être le parfait exemple de ce qui nous ­attend demain. Un mode de fonction­nement et d’organisation flexible, adapté aux contraintes professionnelles et ­personnelles de chacun.
Télétravail généralisé. Le nomadisme tel que le pratique Julie est déjà courant chez les commerciaux et certains consultants. Mais, grâce aux nouvelles technologies, ce qui constituait une exception est en train de devenir la règle. Premier coin enfoncé dans le fonctionnement traditionnel de l’entreprise (des salariés tous réunis au même endroit, au même moment, sous les yeux de leur supérieur hiérarchique), le télétravail fait tomber les réticences à ­mesure qu’il se ­généralise. Au­jourd’hui, 14% des salariés le pratiquent de façon formelle – via un avenant à leur contrat de travail – ou informelle. La moitié des entreprises du CAC 40 ont signé un ­accord sur le sujet : Air France, Alcatel-Lucent, Hewlett-Packard, HSBC, Canal+, L’Oréal, Capgemini, Accenture, Areva, Bouygues Telecom, Michelin, Renault, Axa, Orange, SFR ou, tout récemment, La Poste.

Productivité accrue. Si l’objectif ­affiché est d’offrir une meilleure qualité de vie au ­salarié – moins de transport, plus de calme qu’en open space –, les entreprises ont vite compris l’avantage qu’elles pouvaient elles aussi en tirer. «Les collaborateurs se montrent plus motivés, plus efficaces, et c’est un excellent outil pour les fidéliser», ­résume Eric Couté, chargé du télétravail chez Renault. D’ailleurs, 1 450 salariés de la firme au losange, soit 9% des métiers de l’ingénierie et du tertiaire (la population con­cernée par l’accord), ont opté pour cette formule de un à quatre jours par semaine. Selon certaines étu­des, la productivité d’un télétravailleur serait supérieure d’environ 25%. «Le principal risque n’est pas que le salarié “bulle” sur son canapé, mais au contraire qu’il travaille trop, souligne Michel Barabel, professeur de management à l’université Paris-Est et auteur de “Manageor” (Dunod). La priorité pour les managers est de s’assurer que le col­la­borateur réussisse à décrocher de son poste.»
Pour répondre à cet appel à une flexibilité accrue, de plus en plus de sociétés proposent à leurs salariés de travailler dans des lieux annexes, plus faciles d’accès, qu’el­les mettent à leur disposition. IBM, par exemple, compte sept télé­centres répartis dans toute l’Ile-de-France. La moitié des 4.000 salariés du siège de Bois-Colombes y aurait régulièrement recours. Renault, de son côté, a ouvert depuis peu des «business centers» au sein de ses différents sites. «Certains collaborateurs sont souvent en déplacement, explique Eric Couté. L’idée est de leur offrir une salle dans laquelle ils peuvent s’installer lorsqu’ils ne sont pas sur leur lieu de travail habituel.»
Trajets studieux. Autre formule en plein essor, les espaces de «coworking», du type La Cantine, La Ru­che ou Soleilles Cowork. Ces lieux ne sont plus réservés aux seuls travailleurs indépendants en mal de sociabilité. «De plus en plus d’entreprises les envisagent comme des lieux d’accueil potentiels pour leurs salariés, confirme Frantz Gault, directeur général de LBMG Worklabs (cabinet spécialisé dans le nomadisme). Mais le modèle économique reste à trouver : payer pour ses propres locaux, en louer d’autres et prendre en charge les frais des collaborateurs en télé­travail, cela fait beaucoup.» Dans les faits, ce sont les moyens de transport – bus, métro, train… – qui deviennent les «tiers lieux» (ni locaux de l’entreprise ni domicile) privilégiés des salariés : ils sont en effet de plus en plus nom­breux à profiter du temps de trajet pour travailler. «On pourrait imaginer, à terme, que l’entreprise considère le temps de transport comme un temps de travail à part entière», propose Julie Rieg, de Chronos.
Moins de hiérarchie. Il n’y a pas que les murs de l’entreprise qui tombent. Les barrières hiérarchiques aussi tendent à s’effacer. Google France est, en la matière, un cas d’école. La plupart des services sont éclatés sur plusieurs lieux, ce qui modifie en profondeur les relations de travail. «A Paris, la moitié des 500 salariés ont leur manager fonctionnel dans un autre pays, en Allemagne, en Angleterre ou aux Etats-Unis, décrit Dorothée Burkel, la DRH. Le principe, c’est la confiance a priori. Il est donc impératif que les collaborateurs soient responsabilisés.» Les objectifs sont fixés chaque trimes­tre par le manager au cours d’une réunion qui rassemble physiquement tous les membres de l’équipe. Et chaque semaine, un point individuel avec le collaborateur – en tête à tête ou par vidéoconférence –permet d’évoquer les difficultés rencontrées. Autre particularité qui pourrait, d’ici à quelques années, devenir la règle : les managers sont eux-mêmes évalués par leurs équi­pes, qui vont noter, par exemple, leurs qualités d’écoute ou leur capacité à les faire évoluer.
Leaders "fonctionnels". «Dans tous les secteurs, on voit émerger des organisations plus plates qu’aupa­ra­vant, avec des organigrammes réduits et une autonomie accrue accordée aux salariés», observe Isaac Getz, professeur de leader­ship à l’ESCP Europe. Rien qu’en France, on dénombre une ­quinzaine d’entreprises qui ont fait de la responsabilisation des salariés leur nouveau credo : l’équipementier automobile Favi, la biscuiterie Poult… «Attention, l’absence de manager ne signifie pas qu’il n’y a personne pour coordonner l’activité ou encadrer l’équipe, précise Isaac Getz. Mais ce leader est “fonctionnel” et, bien ­souvent, désigné par l’équipe elle-même.»
IMA Techno­logies, un centre d’ap­pels de 400 person­nes situé près de Nantes (lire l’encadré page 51), a fait sa révolution il y a un an et demi : un niveau hiérar­chique a été supprimé, et si le terme «manager» n’a pas encore disparu du vocabulaire, dans les faits, tous ses attributs ont été abandonnés. Exit les places de parking réservées et les grands bureaux fermés. Terminé également le contrôle de l’information : des rapports financiers aux notes de frais des salariés, tous les documents de l’entreprise sont désormais affichés dans les couloirs. ­Enfin, fini, le «flicage» des collaborateurs. «Je considère que, sur un plateau d’appels, les conseil­lers clientèle sont les mieux placés pour régler les questions opération­nelles qui relèvent de leur activité», explique Christophe Collignon, directeur général de l’en­treprise depuis treize ans.
Mode projet. Autre évolution qui pourrait, elle aussi, s’imposer de plus en plus à l’avenir : le fonctionnement en mode projet. Chez IMA Technologies, il a été généralisé : en plus de son activité, chaque salarié participe à des «groupes d’inno­vation». Il en existe 40, qui traitent de questions aussi bien externes (les nouveaux produits à développer…) qu’in­ternes (leurs travaux ont débouché en juin dernier sur un accord de télétravail, y compris pour les télé­opérateurs). «Un de nos conseillers a, par exemple, piloté la mise en place d’une nouvelle offre – une formation à la relation client – pour les entreprises. Cette activité va générer 500 000 euros de chiffre d’affaires dès cette année, s’enthousiasme le directeur. En temps de crise, faire fonctionner 400 cerveaux au lieu d’un seul, c’est loin d’être un luxe.»
Travail à distance, généralisation du mode projet, fin de l’obsession de la présence du salarié sur le lieu de travail, rapport à la hiérarchie plus décomplexé… Pour les experts, pas de doute, les modes d’organisation comme les façons de travailler vont devenir de plus en plus souples. «C’est obligatoire, car le modèle traditionnel est en bout de course, analyse Michel Barabel. Il ne répond ni aux impératifs d’innovation et de performance des entreprises, incapables de sortir de la crise, ni aux exigences des nouvelles générations de salariés qui souhaitent davantage de liberté et une meilleure prise en compte de leur vie privée… Sans oublier le pro­blème des temps de transport entreprise-domicile, qui ont tendance à s’accroître constamment.» Frantz Gault, de LBMG Work­labs, se risque à une hypothèse : «L’en­treprise de demain sera une sorte de hub, un lieu de convivialité où les salariés viendront deux ou trois fois par semaine pour participer à des réunions d’équipe, gérer des dossiers en commun, pren­dre un café entre collègues ou, tout simplement, profiter de la salle de sport.» Mais les autres tâches se ­feront ailleurs.
 Laure Cailloce