dimanche 8 décembre 2013
Travailleurs détachés : les mille et un visages du plombier polonais
Travailleurs détachés : les mille et un visages du plombier polonais
Entre 170 000 et 350 000, selon les estimations. C'est le nombre de travailleurs européens détachés en France, principalement dans le BTP, les transports routiers de marchandises, l'hôtellerie-restauration (HCR) et l'agriculture. Le travailleur "détaché", c'est celui qu'un employeur envoie provisoirement dans un autre État membre pour y exercer une mission. Il touche un salaire aux conditions du pays d'accueil, mais cotise dans son pays d'origine. Sauf que, dans les faits, la tentation des économies de charges permises par ces délocalisations de salariés s'est traduite par un afflux inattendu de "détachés". Et les ouvriers polonais du chantier nucléaire de Flamanville et les intérimaires roumains des abattoirs Gad ne sont que l'arbre qui cache la forêt.
En clair, le cadre juridique européen est devenu un véritable nid à fraudes. Voire à scandales. Nombre de montages ont fleuri, conduisant à des situations de dumping social flirtant avec l'exploitation humaine. La situation de salariés payés moins de 5 euros de l'heure et logés dans des conditions indécentes est chaque jour pointée du doigt. Paradoxalement, elle est le fruit d'une directive européenne qui avait précisément pour but d'éviter le recours au travail low cost et au dumping social intra-européen...
Comment enrayer cette concurrence sociale déloyale, qui, au passage, détruit des emplois ? Faut-il combler les failles de la législation ? Muscler les sanctions ? Mieux contrôler les abus ? Ces trois pistes sont au menu du projet de réforme du ministère du Travail qui annonce "une politique offensive sur tous les fronts". Mais le chantier est vaste. Car les fraudes empruntent des montages de plus en plus sophistiqués : utilisations abusives du détachement temporaire, sous-traitances en cascade, non-respect des règles sur la durée du travail, la santé ou la sécurité, création d'entreprises "boîtes aux lettres" envoyant de faux intérimaires en France, etc.
Plus concrètement, la figure du plombier polonais qui proposait sa force de travail à moindre coût tout en restant soumis au régime social de son pays d'origine est aujourd'hui multiple. Comme l'écrit Jean-Philippe Lhernould, maître de conférences à l'université d'Orléans, "il peut s'agir d'un artisan indépendant qui, démarchant des clients en France, exécuterait des travaux occasionnels sur notre territoire ; d'un salarié envoyé en France par son employeur, implanté de longue date en Pologne, qui a répondu avec succès à un appel d'offres ; d'un collaborateur d'une entreprise polonaise de plomberie, sous-traitante d'une entreprise implantée dans un autre État membre de l'Union européenne qui exécuterait un marché en France ; du collaborateur d'une entreprise française qui, pour échapper aux lois sociales nationales, aurait créé une société à l'étranger aux fins de l'envoyer travailler en France sous le couvert de la législation de ce pays, etc.".
La plupart de ces situations n'échappent pourtant pas à la loi française. Outre les sanctions pourdissimulation de salariés, l'employeur qui a recours de manière permanente à des salariés "détachés" sans pour autant effectuer de déclaration préalable à l'embauche risque 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour "marchandage" (article L. 8231‐1 du Code du travail). Les fausses prestations de services, où les salariés "prêtés" agissent en fait sous la responsabilité de l'entreprise d'accueil ou "utilisatrice", sont qualifiées de "prêt illicite de main-d'oeuvre". L'article L. 8241‐1 du Code du travail prévoit dans ce cas des peines de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Pour le gouvernement, ces sanctions ne suffisent pas. Il faut "compléter cet arsenal législatif pour davantage responsabiliser les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre quand ils recourent à des sous-traitants multiples, mais aussi permettre aux organisations professionnelles et syndicales de se constituer parties civiles en cas de travail illégal", a rappelé Michel Sapin lors du conseil des ministres du 27 novembre.
Autre mesure au menu des priorités de la lutte contre le travail illégal : intensifier les contrôles. "Avec des salariés détachés par une société qui elle-même pratique le dumping social, la capacité d'investigation de l'inspection du travail française est démunie. Les contrôleurs n'ont pas la possibilité de contrôler une entreprise dont le siège est à l'étranger", rappelle Arnaud Teissier avocat associé du cabinet Capstan spécialisé en droit social. D'où le projet de renforcer les pouvoirs des inspecteurs du travail en leur donnant la possibilité d'infliger des amendes financières immédiates à ceux qui ne respectent pas la loi. Le ministre du Travail plaide également pour que les États "fixent la liste des documents qu'ils peuvent exiger des entreprises en cas de contrôle".
Par ailleurs, le gouvernement appelle de ses voeux une coopération accrue entre les inspections du travail des États membres et les organismes de sécurité sociale. Mais la régulation passe aussi par le nivellement des salaires. Ainsi, l'instauration, dans chaque État membre, d'un salaire minimum sera proposée lors de la prochaine réunion du conseil des ministres du Travail européens du 9 décembre. Cette concertation devrait aboutir à un texte d'application de la directive destiné à lutter plus efficacement contre le "dumping social".
Autre montage à visée "low cost" : soumettre la relation de travail à un droit étranger par hypothèse plus favorable en termes de coûts sociaux. C'est ce qu'avait imaginé la compagnie d'aviation Ryanair avec une partie de son personnel. Le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence l'a condamnée en octobre 2013 pour travail dissimulé et prêt illicite de main-d'oeuvre notamment.
La société, immatriculée en Irlande, n'avait pas déclaré à l'Urssaf les 127 salariés (pilotes et personnels navigants) qu'elle employait depuis 2007, sur sa base marseillaise, en vertu de contrats de travail irlandais. Elle estimait en effet que le droit du travail français ne s'appliquait pas à ces relations de travail nouées avec des salariés qui travaillaient dans des avions enregistrés en Irlande. Tel n'était pas l'avis du parquet qui, pour marquer le coup, avait requis la confiscation, en valeur, des biens "ayant servi à commettre les infractions", soit quatre Boeing 737 stationnés pendant quatre ans à Marignane (Bouches-du-Rhône). Mais le tribunal a préféré toucher le porte-monnaie. Outre une amende de 200 000 euros, la compagnie doit verser plus de 8,7 millions d'euros de dommages et intérêts aux parties civiles (l'Urssaf, Pôle emploi, des syndicats des personnels navigants et les caisses de retraite complémentaire). "Cette décision est lourde de conséquences, puisque le tribunal a prononcé l'exécution provisoire de la condamnation, ce qui signifie que le paiement doit intervenir alors même que Ryanair compte faire appel de ce jugement", commente Myriam de Gaudusson, avocate associée en charge du département droit social du cabinet Scotto & Associés.
Quelques jours plus tard, c'était au tour d'Air France d'être condamnée par la cour d'appel de Paris. Sa filiale, la société mère de CityJet, a écopé de 100 000 euros pour complicité d'exécution d'un travail dissimulé. Dans les deux cas, "les compagnies aériennes ont volontairement soumis les contrats de travail de leurs salariés français, demeurant et travaillant dans un établissement stable situé et ayant une activité permanente en France, au droit irlandais. Or, les juridictions ont estimé que leur activité s'exerçait en France de manière pérenne et que les salariés devaient donc relever de la législation française, leur permettant notamment de bénéficier des prestations du régime de sécurité sociale français", résume Me de Gaudusson.
Le président qui nous manque
Le président qui nous manque
Ils défilent par dizaines de milliers pour acclamer l'Europe. Sauf que ce n'est ni à Paris ni à Berlin, et encore moins à Londres. C'est à Kiev que des manifestants hurlent leur désir de se placer sous la bannière à douze étoiles. Un comble.
Ne nous précipitons pas toutefois pour ajouter un couvert à la table européenne. L'Ukraine n'en a pas fini avec ses troubles de l'identité : une bonne part de sa population, surtout dans l'Est, préfère la télévision russe aux chaînes nationales. Et puis l'élargissement a tout de même des limites...
Il n'empêche, l'Europe peut encore exalter les foules. Intéressant, alors que chez nous, c'est plutôt pour le rabougrissement qu'on se passionne. Le pire, c'est que ce désamour intervient alors que l'Union est devant une opportunité historique. Le prochain président de la Commission, qui sera désigné en 2014, aura une légitimité décuplée, parce que formellement élu par le Parlement. Le poste pourrait aussi, en théorie, être fondu avec celui de président du Conseil européen.
Rêvons un peu : un vrai patron pour l'Europe, qui n'aurait pas peur de son ombre, dompterait sa bureaucratie, aurait une vision et ferait taire les ricanements rituels des responsables chinois, américains ou autres lorsqu'on parle des institutions du continent. Bref, un homme d'État européen. Sauf que, jusqu'à présent, les dirigeants des États membres, soucieux de leur rang, ont souvent poussé les plus insipides d'entre eux à Bruxelles. "Les grands esprits ont toujours rencontré une opposition farouche des esprits médiocres", disait Einstein. À chacun de choisir son camp.
Le PS tente de réduire le scrutin municipal à des enjeux locaux
Après avoir tenté de nationaliser le scrutin en 2008 pour sanctionner Nicolas Sarkozy, les socialistes s'efforcent de faire porter le vote de mars 2014 sur des enjeux strictement locaux. Et éviter de pâtir dans les urnes de l'impopularité record de François Hollande.
Enjeu local ou test national? Comme à chaque élection municipale, le débat a resurgi samedi matin à l'occasion de la convention d'investiture des candidats socialistes réunis à l'hôtel Mariott à Paris. Sur fond d'impopularité record de François Hollande et de menace de vote sanction, le premier secrétaire du PS n'a pas hésité longtemps: pour les socialistes, l'enjeu des municipales sera strictement local. «La droite veut détourner cette élection municipale de son véritable enjeu. Jean-François Copé dit «on va en faire un vote-sanction» en mettant l'accent sur la fiscalité et la sécurité. Les Français, eux, ne s'y tromperont pas. Il s'agit bien de choisir leur maire pour six ans», a déclaré Harlem Désir à son arrivée à la convention. Du local donc, pour éviter que les enjeux nationaux viennent perturber la campagne des socialistes. Et quel'impopularité du pouvoir se traduise par une forte abstention des électeurs de gauche et une forte mobilisation de ceux de droite. «Le coeur de l'électorat UMP est totalement déterminé à se déplacer pour voter contre le pouvoir en place» tandis que «notre électorat votera fortement pour des raisons locales», a prévenu Christophe Borgel, secrétaire national du PS aux élections.
Les inquiétudes des candidats PS sur les possibilités d'un vote sanction sont notables. Si beaucoup se montrent plutôt optimistes sur les résultats, certains s'inquiètent tout de même de l'impact du national. «S'ils ne nous font pas une «Leonarda» avant le scrutin, cela devrait bien se passer», ont confié des candidats à des cadres de la rue de Solférino, avec pour mission de transmettre le message à François Hollande. «Sur le terrain, les gens nous disent qu'au niveau national, c'est n'importe quoi mais qu'au niveau de la mairie, ils sont satisfaits», assure Christophe Borgel.
Pour les socialistes, ce choix de mettre en avant les enjeux locaux représente un changement de stratégie total par rapport au dernier scrutin municipal de 2008. À l'époque, ils avaient tenté de faire du vote un test national contre Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Avant de faire machine arrière face à de mauvais sondages, lui-même avait essayé de politiser le scrutin en s'impliquant personnellement dans les municipales. Ce qui avait amené Ségolène Royal, alors femme forte du PS, à relever le défi de la nationalisation du scrutin. «Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont voulu faire de ces élections municipales un test national. Ils l'ont dit. Ils l'ont voulu. Ils l'auront», avait assuré l'ex-candidate à la présidentielle devant ses camarades socialistes réunis à la Mutualité. Ce changement de pied n'a pas échappé à David Assouline qui a essayé de le justifier samedi à la tribune. «Nous menons bien une pré-campagne nationale mais pour mettre au coeur du scrutin les enjeux municipaux», a expliqué le porte-parole du PS.
Le corps sacré du président
Le corps sacré du président
Le mythe du surhomme a de beaux jours devant lui : l'opération de la prostate qu'a subie, en 2011, François Hollande, alors même pas candidat à la présidentielle, a défrayé la chronique comme si le chef de l'État français se devait d'être en acier trempé.
Les mensonges de ses prédécesseurs – par omission ou par commission – expliquent sans doute la précipitation des médias, enclins à voir derrière le moindre flou un loup de première grandeur. Mais quoi de commun entre une pathologie grave à la Pompidou ou à la Mitterrand et un « bobo » d'homme résolument « normal », qui ne s'est même pas caché au moment de son hospitalisation, ou le banal malaise vagal d'un Nicolas Sarkozy surmené ?
L'exigence de transparence est paradoxale : on voudrait tout savoir du moindre organe défaillant du chef de l'État alors qu'on se révolterait à l'idée d'une visite médicale d'embauche trop poussée. Et l'on oublie les leçons de l'histoire et des grands hommes épileptiques ou cardiaques (César, Richelieu ou Churchill) qui ont conduit leurs peuples au moment de crises qui n'avaient rien à envier à la nôtre.
Les Français n'en ont pas fini avec leur roi. Figure tutélaire et paternelle, il hante encore la mémoire d'un peuple qui ne s'est pas remis du régicide de 1793. Le président de la République est ainsi à la fois un homme ordinaire soumis aux aléas de la santé et une personne sacrée dotée de pouvoirs quasi-magiques. Il est temps de grandir.
Sondage : les Français sont-ils en train de devenir libéraux ?
Le sondage OpinionWay-La Vie publié hier est source de nombreux enseignements. Si les Français expriment majoritairement un repli identitaire, ils commencent en revanche à être moins hostiles au libéralisme et à la mondialisation.
On assiste en effet à une inversion de tendance : selon ce sondage, 58 % des Français estiment aujourd’hui que pour faire face aux difficultés économiques il faut « que l’État fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté », alors qu’il y a un an, 55 % estimaient qu’il fallait « que l’État contrôle et réglemente plus étroitement ». Autre changement visible, la perception qu’ont les Français de la mondialisation. En 2012, au moment de la présidentielle, 60 % la considéraient comme un danger, « parce qu’elle menace ses entreprises » et le modèle social de la France. Aujourd’hui près de la moitié des personnes interrogées (48 %) la voient comme une chance « parce qu’elle lui ouvre des marchés à l’étranger et la pousse à se moderniser », une augmentation de 9 points en un an.
Sans pour autant devenir libérale, la France serait donc de moins en moins étatiste.
Ceci se reflète aussi sur le plan des valeurs. On apprend ainsi que 55 % des Français ont une vision plutôt positive du mot « libéralisme ». Les mots « capitalisme » et « mondialisation » recueillent en revanche une bien plus faible approbation (respectivement 40 et 45 %) et sont moins bien vus que « socialisme » (qui reste positif pour 44 % des sondés) et « protectionnisme » (46 %). « Nationalisme » est encore vu positivement par 47 % des personnes interrogées.
Danger, c’est Noël !
Danger, c’est Noël !
C’est fou ce que les fêtes de Noël sont dangereuses ! À en juger par les contrôles de plus en plus nombreux effectués sur les jouets ou les décorations, les pouvoirs publics nous protègent à peu près autant du Père Noël que d’un autre barbu moins sympathique, adepte de la kalachnikov.
Il faut dire que le bonhomme rouge et blanc peut vite se transformer en ordure, quand il tente de fourguer aux gamins un ours en peluche toxique ou un jeu de construction qui ferait le bonheur d’un marchand de sommeil. Les Italiens viennent de saisir une cargaison en provenance de Chine qui promettait un Noël sans merci aux malheureux gogos qui auraient acheté des guirlandes dangereuses ou des jouets empoisonnés.
Si l’on en croit nos services spécialisés, jamais la hotte du Père Noël n’aura été aussi propre. Un vrai bonheur pour les maniaques du balai et les dévoreurs de notices. Encore un effort et on va nous vendre la poupée plus écolo qu’un Vert de chez nous. Il paraît même qu’il y aura la version « transformer » : on passe du gilet en laine du Larzac au tailleur ministériel.
Dans le monde aseptisé et bien policé qu’on nous bâtit, même l’alimentation est sous contrainte. Les inspecteurs traquent le frigo atteint par le réchauffement, le code-barres douteux et la terrine de lapin fabriquée avec un vainqueur d’Auteuil aussi clean qu’un cycliste américain. On n’échappe pas non plus au petit couplet sur le foie gras et son mode de fabrication. Le palmipède doit être chouchouté avant de passer de vie à trépas. Certains pays en ont même suspendu la vente. Faudra-t-il bientôt « vapoter » un produit aromatisé au foie gras pour éviter d’être taxé pour conduite addictive ?
Doucement, mais sûrement, nos Noëls sont placés sous haute surveillance. On passe des contrôles indispensables à la sécurité à une frénésie procédurière. Le mouton de la crèche est-il conforme aux normes bruxelloises ? À quand la procédure contre Joseph et Marie pour maltraitance ? Laisser dormir un gamin dans une mangeoire, quelle honte ! Quant aux rois mages, ils ont intérêt à faire gaffe : fumer de la myrrhe et de l’encens en important frauduleusement de l’or, ça va chercher dans les combiens ?
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