François Fillon a assimilé, mardi 9 mars au soir, à de "la science-fiction" son intronisation médiatique dans le club des présidentiables, réaffirmant sa loyauté à Nicolas Sarkozy, avec lequel il dit former un tandem "qui dérange". Une éventuelle candidature à l'élection présidentielle de 2012 est "une question qui ne se pose pas", a affirmé le premier ministre au journal de 20 heures de France 2.
Selon un sondage Ipsos publié la semaine dernière par Le Point, qui consacrait sa "une" au "président Fillon", le premier ministre serait considéré comme le meilleur recours par les sympathisants UMP si le chef de l'Etat ne se représentait pas. "Les commentateurs sont formidables. Il y a deux ans, j'étais inexistant, il y a six mois, j'étais sur le point de démissionner, et aujourd'hui je suis présidentiable", a ironisé François Fillon. "La vérité, c'est que le tandem que nous formons avec le président de la République, depuis maintenant près de trois ans, est un tandem qui surprend, et j'ai envie de dire qui dérange", a-t-il poursuivi, dans une description inédite de ses relations, parfois tendues, avec Nicolas Sarkozy.
Selon une source gouvernementale, leurs relations traverseraient une nouvelle phase d'"agacement" mutuel. Ce regain de tension a été illustré mercredi dernier par une prise de bec en plein conseil des ministres entre les deux hommes, dont Le Canard enchaîné du 10 mars se fait l'écho, après d'autres organes de presse. Selon l'hebdomadaire satirique, François Fillon a défendu un décret mettant fin à la tutelle du ministère de l'économie sur les opérations externes de La Poste, présenté malgré les réserves du chef de l'Etat, en affirmant qu'il ne fallait pas "avoir la main qui tremble". Ce à quoi Nicolas Sarkozy aurait répondu : "Pour ce qui est des mains qui tremblent, j'ai de la marge." Un échange dont une source gouvernementale a confirmé la teneur à Reuters, de même que la décision du chef de l'Etat de reporter l'adoption du décret.
mercredi 10 mars 2010
François Fillon dément toute tension avec Nicolas Sarkozy
Des parents revendiquent un "droit aux cours"
Des parents qui se battent pour rendre obligatoire la présence d'un maître devant chaque classe, d'un professeur pour chaque cours : les temps ont bien changé depuis l'instauration de l'école obligatoire. Le "droit aux cours" est né.
"C'est devenu un droit aussi légitime que le droit opposable au logement, ou celui de trouver un médecin, observe la médiatrice de l'éducation nationale, Monique Sassier. Cela fait partie de ce que j'appelle les droits de la personne." Depuis la rentrée, la médiatrice et ses relais académiques perçoivent la montée de cette nouvelle revendication. Les dizaines de courriers reçus l'ont vite convaincue que ce sujet "allait se structurer".
Au point que Mme Sassier a alerté le ministre de l'éducation, Luc Chatel, à l'automne 2009. "Or, quand les parents demandent sans réponse l'application d'un droit, ils se tournent vers une juridiction pour rappeler ses devoirs à l'Etat", ajoute-t-elle. A ses yeux, la médiation n'exclut pas la judiciarisation. Toutes deux étant là, à leur place pour faire avancer l'école.
Donnant raison à son analyse, des parents de Seine-Saint-Denis viennent d'opter pour la voie judiciaire en postant, mardi 9 mars, une trentaine de lettres au ministre. Des missives où chaque famille rappelle à M. Chatel que "les obligations mises à la charge de l'Etat ne sont pas remplies".
En Seine-Saint-Denis, depuis la rentrée scolaire, 1 738 journées d'absence d'enseignants non remplacées ont été signalées dans le premier degré et 559 dans le secondaire, sur le site Ouyapacours, mis en place par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE).
C'est Daniel Garault, père d'une élève de Pantin, qui a ouvert la voie, excédé de voir sa fillette de CE1 sans maîtresse. "Après avoir menacé de faire soi-même classe, que reste-t-il dans la boîte à outil du citoyen?", se désole ce délégué FCPE. "Il n'y a plus que le recours devant un tribunal administratif", répond Me Patrick Roulette, un des avocats qui aident les familles à monter les dossiers.
A l'issue d'une réunion, organisée mercredi par la FCPE de Seine-Saint-Denis, une centaine de nouvelles lettres devraient partir vers le ministère demandant chacune 1 euro de dédommagement par journée d'enseignement non assuré. Si ces lettres restent sans réponse, les familles déposeront un recours, dans deux mois, devant le tribunal administratif.
Au lendemain des annonces de M. Chatel dans un entretien au Parisien du 9 mars sur l'amélioration des remplacements en collège et lycées, les parents d'élèves de primaire n'attendent pas de mieux. La gestion des enseignants absents est devenue cruciale, à la suite du non-remplacement du départ en retraite d'un fonctionnaire sur deux. Et la démarche engagée en Seine-Saint-Denis pourrait faire des émules. Même si ce problème est d'abord celui des quartiers difficiles.
MANQUEMENT DE L'ÉTAT
Selon le rapport sur la qualité du service public, remis à Eric Woerth, le 3 mars, par le député (UMP) François Cornut-Gentille, le taux global de remplacement des enseignants, de 90 % en général, tombe à 70 % dans les zones d'éducation prioritaires. Avec 10 % de cours perdus, un élève voit s'envoler une année de sa scolarité. Avec 30 %, il en perd quatre.
Or la Seine-Saint-Denis compte un fort pourcentage de ses collèges en ZEP. Les avocats ont cependant choisi de plaider le manquement de l'Etat plutôt que l'inégalité territoriale.
Dans le passé, d'autres parents d'élèves ont obtenu condamnation de l'Etat sur ce motif. Deux arrêts du Conseil d'Etat ont ainsi donné raison aux familles. La première affaire remonte à 1987. Des parents se plaignaient de la fermeture d'un collège, trois semaines avant la date des vacances. En 1998, la justice a condamné l'Etat alors que des élèves en grande difficulté avaient subi toute l'année un emploi du temps amputé de 7 heures.
En juin 2006, une autre histoire a défrayé la chronique. Jérôme Charasse, neveu de Michel Charasse, qui vient d'être nommé au Conseil constitutionnel, avait obtenu 6/20 à l'épreuve de philosophie du baccalauréat, en 2003. Il avait estimé que sa mauvaise note – qui l'a empêché de décrocher la mention très bien et d'intégrer Sciences Po – était due aux absences répétées de son professeur de philosophie. Il réclamait 169 000 euros de dommages et intérêts. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand lui a donné raison sur le fond, mais attribué 150 euros.
"Hier, on était face à la démarche isolée de quelques individus qui exigeaient un droit aux cours. Aujourd'hui, se répand l'idée que la famille a un droit de regard, qu'on peut surveiller l'école, y compris en passant par le tribunal administratif, analyse l'historien de l'éducation Claude Lelièvre. La judiciarisation est une évolution globale de la société, qui se manifeste aussi dans l'école. Cela recrée un rapport de force à l'heure où les syndicats ont perdu de leur poids."
La médiatrice estime, elle, "positif" que le sujet soit débattu sur la place publique. "Il est important que les parents soient pris en compte comme des acteurs de l'éducation, estime Mme Sassier. Demandons-leur des idées pour mieux assurer la continuité du service public d'éducation. Ils en esquissent déjà dans leurs courriers."