TOUT EST DIT

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mercredi 19 décembre 2012

Exil fiscal : le leurre de l'harmonisation fiscale

Peut-on, avec l'harmonisation fiscale ou l'impôt sur la nationalité, faire payer ceux qui se résolvent à l'exil fiscal pour échapper à la folie taxatoire française ?
À entendre certains Français, notamment au sein de la classe politique - François Hollande, Jean-Marc Ayrault pour ne citer qu'eux - les Français qui s'expatrient manqueraient à leur devoir de solidarité en ne contribuant plus à l'impôt. En ces temps difficiles où l’État a besoin de leur contribution, l'obligation de s'acquitter du différentiel d'imposition entre le pays où ils sont versés et la France est envisagée. Plusieurs problèmes sont soulevés, aussi bien sur le plan éthique et moral que sur le plan technique.

Sur le plan technique, la mise en œuvre d'une telle mesure reviendrait à considérer que les systèmes d'imposition sont comparables, alors qu'ils s'appliquent sur des bases différentes, se fondent sur des règles de calcul différentes, et sont censés financer des États qui n'ont pas le même périmètre. Le calcul du différentiel suppose de connaître le niveau d'impôt théorique des expatriés en France - ce qui suppose d'obtenir d'eux un certain nombre d'informations qu'ils n'ont a priori aucune obligation de dévoiler - et à considérer que les niveaux et modes de vie sont identiques entre les pays ; par exemple, que l'éducation est partout financée par l’État, contraignant alors les expatriés à payer deux fois pour la même chose (pour l'éducation que reçoivent leurs enfants à l'étranger et pour celle qu'ils ne reçoivent pas en France).
L’État devrait également se résoudre à envoyer des chèques aux Français payant plus d'impôts à l'étranger qu'ils n'en paieraient en France - cas qui, compte tenu du niveau d'imposition en France, est de plus en plus théorique, mais ne manquerait pas de provoquer un tollé parmi ceux qui financeraient par leurs impôts ce cadeau aux Français expatriés...
L'harmonisation fiscale au sein de l'Union Européenne, souhaitée par monsieur Hollande, pourrait se retourner contre lui : les Français qui s'installent dans des pays voisins pour des raisons fiscales le font parce qu'ils jugent le cadre de ces pays plus attractif. On voit mal pourquoi nos voisins européens iraient vers une imposition à la française, qui gréverait leur compétitivité et leur attractivité. La concurrence fiscale est une bonne chose, mais si l'harmonisation évoquée permet de diminuer le niveau d'imposition en France...
Pour inciter les Français à rester en France, François Hollande en appelle à l'éthique. Il salue le courage de ceux qui collaborent à son régime de redistribution forcée, qui ont "le mérite" de "payer leurs impôts en France, de produire en France, de faire travailler en France et de servir leur pays". À l'inverse, ceux qui s'en vont produire ailleurs, créer ailleurs, travailler et faire travailler ailleurs manqueraient à leur devoir de solidarité nationale. Cela revient à faire croire aux Français que leurs impôts sont utilisés dans des dépenses de solidarité, pas pour financer un État qui ne veut pas maigrir et surtout pas trop vite alors que la situation est urgente. Cela revient également à faire croire aux Français qu'ils ont le devoir de servir leur pays.
Être Français, ce serait donc bénéficier d'un cadre de vie idyllique payé par l’État mais, en contrepartie, on aurait une dette éternelle envers la France. Être citoyen français supposerait de servir son pays à vie par l'impôt ; l’État, grand seigneur, accepterait de protéger l'ensemble des Français contre les accidents de la vie et serait l'intermédiaire bienveillant d'un altruisme sans bornes. Il les protégerait également contre une mondialisation présentée comme destructrice d'emplois et de pouvoir d'achat, contre trop de chansons en langue étrangère à la radio et les publicités à la télévision, contre le chômage, contre une liberté bien trop dangereuse à cause des autres et à cause de soi. Et comme les grands seigneurs de l'époque, l’État se sert grassement au passage, à tel point qu'il ne consacre aux services qu'il prétend rendre qu'une partie infime des ressources qu'il prélève à la collectivité.
Et on sent déjà poindre un nouveau discours, qui tombe à point nommé pour la classe politique. Au fur et à mesure que la spoliation et la privation de liberté auront convaincu tous ceux qui créent, produisent, inventent de quitter la France, les ressources de l’État s'amenuisent et, plus grave, l'économie est au point mort voire en décomposition. Le potentiel de croissance disparu, plus personne ne voudra prêter à un pays de moins en moins solvable. L’État-providence ne parviendra plus, même par la contrainte qu'il déploie déjà, à remplir les missions qu'il s'était fixées. On tentera de trouver de nouvelles ressources en taxant même ceux qui proposent des services gratuits de référencement à une presse subventionnée, mais cela ne suffira pas.
La retraite par répartition à laquelle tous ont été contraints de contribuer, l'assurance-maladie obligatoire, l'assurance-chômage obligatoire, la caisse d'allocations familiales et l'ensemble des prestations sociales de l’État ne pourront plus être versées. Si cela se passe lentement, les montants et le nombre de bénéficiaires seront progressivement réduits ; sinon, elles disparaîtront, purement et simplement, après avoir été versées sporadiquement comme les salaires en Espagne. Le service public, lui aussi, disparaîtra ; il faudra privatiser les services que l’État rendait et qui depuis longtemps auraient pu devenir marchands mais n'ont jamais réussi à se moderniser, bercés qu'ils étaient par les subventions de l’État.
Et tout cela, cet effondrement dans la précipitation d'un État qui aurait pu maintenir son emprise sur l'économie pendant encore longtemps s'il avait su faire preuve d'un peu plus de pragmatisme pour composer avec son idéologie nauséabonde. Il n'en a rien été, et bientôt, on entendra dans la bouche de la classe politique un refrain unanime envers tous ceux qui font preuve d'assez de courage pour partir et d'assez d'intégrité pour préférer leurs valeurs à celles qu'on aura tenté en vain de leur imposer : "C'est la faute aux émigrés".

C’est la lutte finale !

Il est inévitable que les circonstances seront bientôt réunies en France pour que la vraie rupture, fondamentalement libérale, s’impose chez nous.
Dans le combat intellectuel et politique, il est essentiel et indispensable de bien connaître ses adversaires comme dans un combat de boxe. La gauche semble bien connaître la droite tant elle lui imprime ses schémas de pensée, mais la droite sous-estime la gauche qu’elle connait si peu en fin de compte.
La droite ne reviendra jamais au pouvoir ou, revenue au pouvoir, elle fera les mêmes erreurs que la gauche si elle ne fait pas ce travail préalable et indispensable. On perd un combat politique quand on parle le langage de son adversaire, adoptant son vocabulaire et donc sa logique d’analyse.
J.F Revel, de l’Académie Française, a écrit que les socialistes français étaient surdéterminés par un « sur-moi communiste » inscrit profondément dans leurs racines culturelles et idéologiques [1]. J’admets volontiers que nos socialistes hexagonaux ne comprennent pas le libéralisme (il est déjà peu compris à droite) car ils n’ont jamais lu et ne liront jamais les auteurs classiques libéraux qui ont posé les fondations du libéralisme (JB Say, Ricardo, Adam Smith, Turgot, Bastiat, Benjamin Constant…).

Mais on se demande parfois s’ils ont bien lu leurs propres mentors, notamment Marx et Engels. Le socialisme a été pensé et conçu dans un seul but exclusif : certainement pas gérer une économie de marché et lui fournir les biens et services publics nécessaires à son épanouissement, mais prendre le pouvoir pour installer un régime communiste.
Ainsi, le rose finit toujours par virer au rouge, programme qui a été fidèlement et scrupuleusement appliqué par Lénine, Mao, Castro et tant d’autres petits « pères des peuples ». Loin d’être une analyse et objective du fonctionnement de l’économie et de ses mécanismes de croissance, le Capital de Marx n’a été écrit que dans ce but. Et le programme politique qui en découle a clairement été exposé dans le Manifeste du Parti Communiste rédigé par Marx et Engels. Comme dans Mein Kampf de Hitler, tout est écrit. On ne peut pas dire « je ne savais pas ».
En 1974, à la demande de François Mitterrand, Lionel Jospin, qui fut le premier ministre de la France, a écrit un petit opuscule à l’attention des jeunes militants enrôlés au parti socialiste dans lequel il recommande des lectures destinées à se forger une culture politique de combat. Dans ces recommandations, il cite inévitablement Marx, Engels, Lénine, Rosa Luxembourg, Gramsci, Marcuse et Mao. Tous de grands économistes devant l’éternel !
Je n’ai jamais adhéré au parti socialiste mais j’ai suivi les recommandations du « guide suprême » et j’ai donc lu tous ces auteurs, me forçant à avaler de colossales couleuvres par souci d’ouverture et d’objectivité intellectuelles. Ils font aussi partie de ma culture d’économiste. J’ai pu ainsi goûter les mauvais vins, ce qui m’a permis de découvrir et de déguster les saveurs des meilleurs vins.
Mais j’ai compris pourquoi les socialistes français installés au pouvoir sont incapables de proposer des réformes susceptibles de faire revenir durablement la croissance et la prospérité, qui restent fondamentalement la croissance d’une économie de marché, d’une économie capitaliste. C’est pourquoi, prisonniers d’une grille de lecture obsolète et totalitaire, ils ne peuvent pas comprendre ce qui se passe en France, a fortiori ce qui se passe dans le monde de plus en plus ouvert et globalisé et porté par la croissance mondiale de l’économie de marché.
Alors, il est inévitable que les circonstances seront bientôt réunies en France pour que la vraie rupture, fondamentalement libérale, s’impose chez nous. Je forme le vœu le plus cher, pour l’avenir de mes enfants et de mes étudiants, que les dirigeants, qui sont appelés à revenir au pouvoir demain, prendront toute la mesure des enjeux qui nous attendent, et ne s’enferment pas dans des réformettes qui ne mènent qu’à l’impasse, sous prétexte de ne pas remettre en cause les lois mises en place par la gauche au pouvoir.
Et j’engagerai toutes mes forces dans cet espoir. Mais un n-ième rendez-vous manqué serait un gâchis historique que notre pays n’a aujourd’hui plus les moyens de se permettre, qui ouvrirait une avenue aux partis extrémistes.

Note :
  1. Lire à ce propos J.F. Revel (2000), La grande parade. Essai sur la survie de l’utopie socialiste, Éditions Plon, Paris. Un ouvrage qui devrait être la bible de tous les combattants de la liberté. Je me sens tout particulièrement un devoir moral et intellectuel de recommander cette lecture salvatrice car son auteur m’a fait l’honneur de m’adresser une lettre d’encouragement avant de disparaître et j’ai eu la faiblesse de penser qu’il cherchait à me transmettre un flambeau bien fragile sur le point de s’éteindre.

Depardieu : la paille, la poutre et le député Jérôme Lambert

Le député Jérôme Lambert (PS), élu charentais, donne aux Français l'occasion de comprendre la rhétorique étatiste dans toute sa splendeur.
"C'est la surenchère chez les députés socialistes au sujet de l'exil fiscal de Gérard Depardieu. Plus fort que son collègue qui propose de lui retirer son passeport, qu'il a de toute façon décidé de rendre, Jérôme Lambert a une autre idée: "pour l'exemple, je pense que nous devrions confisquer les biens de ce monsieur, lui qui mord la main de la patrie qui l'a nourri et fait prospérer. Ce ne serait que justice après un tel comportement honteux", écrit l'élu charentais sur son mur Facebook.
"Quand on a autant d'argent qu'un homme comme lui, argent gagné grâce aux Français et à la France qui aide tant le cinéma et la création sur son territoire, il est parfaitement honteux de fuir au moment où l'on a besoin de toutes les énergies et contributions pour redresser notre pays si mal en point", justifie-t-il. "Je ne supporte pas ce comportement de la part d'un homme qui doit tout à la France et aux Français.""
Monsieur Lambert, souffrez que j'apporte à votre propos quelques corrections. J'espère qu'elle vous aideront à vous rendre compte de l'ampleur de votre bêtise au moment où vous avez écrit ces quelques lignes.
Qu'on ait de l'argent ou pas, on a jusqu'à nouvel ordre le droit d'aller résider où on le souhaite. Cet argent, il l'a gagné lui-même. Certes, l’État aide le cinéma et la création artistique, et bien d'autres choses encore, et je le déplore au moins autant que vous. Mais avez-vous pensé à le dénoncer plus tôt ?
L’État a besoin de toutes les énergies et contributions, mais cela ne lui donne aucun droit sur la vie ou la richesse des Français. Au cas où vous l'auriez oublié, ce sont les impôts des Français qui financent l’État et non l'inverse. Les Français ne doivent rien à l’État et doivent tout à eux-mêmes ; l’État doit, lui, tout aux Français. Le pays est mal en point à cause de gens comme vous qui n'avez jamais su compter assez bien pour refuser de voter des budgets déficitaires. C'est vous qui mordez la main de ceux qui vous ont longtemps nourri par l'impôt et refusent aujourd'hui de le faire. Pensiez-vous que l'argent gratuit tombait du ciel, que les poches des Français seraient toujours à proximité pour que vous puissiez vous servir à l'envi ?
L'expropriation que vous proposez est une remise en cause des principes fondateurs de la France, que vous prétendez pourtant aimer. J'espère que vous rougissez à l'heure qu'il est et vous fendrez, comme nombre de vos amis l'ont fait à demi-mot, d'excuses. Cela ne suffira pas.
Les Français, Monsieur, ne vous rendront pas leur passeport, ils vous le jetteraient à la figure s'ils n'en avaient tant besoin pour partir.

Prêts toxiques et incompétence crasse des politiciens

On parle régulièrement des affres financières abominables dans lesquelles sont plongés des maires de villes de toutes tailles, forcés qu'ils furent, pistolet sur la tempe, de contracter des prêts alambiqués auprès de Dexia, contrats dont les termes obscurs et les modes de calculs volontairement übercomplexes ont entraîné les municipalités à leur perte. Gatignon, dernier exemple d'une telle mésaventure financière, nous a ainsi ému, snif snif, sur les contrats de prêts (qualifiés de toxiques) au bas desquels il a apposé sa signature dans un coup de folie, sur un malentendu et à l'insu de son plein gré...
Ce tableau maintes fois dressé, on l'a lu, on en a parlé. De frétillants incompétents élus, le téléphone vissé sur l'oreille, nous ont vigoureusement interpellé sur la triste situation dans laquelle des communes, des collectivités territoriales, des pans entiers d'institutions républicaines se trouvaient suite à la prolifération de ces contrats incompréhensibles distribués par une banque dont l’État est pourtant actionnaire à plus de 25% (en direct à 5.7% et via CDC à 17.6%) et qui a donc laissé faire dans la plus parfaite incohérence qui le caractérise. Et à chaque fois, on nous aura présenté les maires en victimes, les collectivités en martyrs de commerciaux bancaires prêts à toutes les vilenies pour arriver à fourguer du prêt explosif.
Partant de ce corollaire, chaque municipalité ou chaque département n'a maintenant plus aucun mal à mettre en avant ce statut commode de victime pour renoncer à toute décence et planter les créanciers. Dernier exemple en date avec les élus de l'Ain qui ont refusé unilatéralement de rembourser un tel prêt.
Tout ceci serait bel et bon dans un monde où on pourrait croire sur parole nos honorables élus. S'ils nous disent que les prêts sont à ce point complexe, on peut les croire, pas vrai ? S'ils nous disent que personne n'y comprend rien, c'est forcément exact, bien sûr ! Et s'ils nous expliquent qu'il leur était impossible de ne pas tomber dans les pièges tendus par les affidés du complot bancaire mondial, pourquoi ne pas les croire puisqu'ils sont si honnêtes, après tout ?
Un lecteur m'a très opportunément donné un lien fort intéressant : il s'agit, justement, d'un petit billet décrivant, en détail, un tel contrat Dexia, passé à l'époque entre la mairie de Chatenay-Malabry, pour la somme rondelette de cinq millions d'euros. D'ailleurs, vous pouvez le retrouver ici. Ce contrat, comme vous pourrez le lire, est tout à fait limpide dans son fonctionnement, constitue en un bel exemple de carry-trade sur les devises Euro / Franc Suisse : en substance, le taux de l'emprunt varie en fonction du taux de change entre les deux monnaies.
L'argument des maires qui ont tous, d'une façon ou d'une autre, contracté ce genre de prêts, est que la complexité des prêts ne leur permettait pas de comprendre dans quel terrible piège ils venaient de se fourrer.
La lecture du contrat ne laisse pourtant aucun doute : nos élus sont de parfaits incompétents, la règle de trois et la lecture d'une clause contractuelle est complètement hors de leur portée. Qu'ils soient à ce genre de poste ne cesse alors d'étonner. Pour preuve, voici la façon dont le contrat Dexia est ici rédigé :

Taux d'intérêt :
  • Du 13.07.2006 au 01.08.2009 : fixe à 1.31% l'an
  • Du 01.08.2009 au 01.08.2026 : si un Euro vaut plus de 1.42 Francs Suisses, on appliquera "EURIBOR 3 Mois" - 0.90% et sinon, ("EURIBOR à 3 Mois" - 0.90%) + 0.5 x ((1.42 / taux de change CHF/EUR) - 1)
  • Du 01.08.2026 au 01.08.2036 : "EURIBOR 3 Mois"
Comme on le voit, il n'y a là aucune formule magique, aucune complexité hors de portée du maire normalement constitué. Certes, il faut avoir une idée de ce qu'est l'EURIBOR à 3 mois, mais n'importe quel conseiller bancaire peut expliquer ça de façon simple. Certes, il faut aussi comprendre une condition Si / alors / Sinon ; et c'est ça qui semble poser un grave problème à nos élus puisque c'est là-dedans que se situe le petit grain de sable qui transforme le prêt à taux fixe ridicule (1.31%, belle perf, les gars) en bombe à retardement.
En effet, au moment de la signature, le cours de change entre le Franc Suisse et l'Euro se situe autour de 1.5 CHF par euro, ce qui veut dire que c'est la première branche de l'alternative qui s'applique. Autrement dit, vu en 2006, le taux de la période de 2009 à 2026 sera de l'Euribor 3 mois, moins 0.90% ; tout va donc très bien (encore qu'en 2006, l'Euribor 3 mois a évolué entre 2.48 et 3.73% ce qui laissait supposer, déjà, que le prêt était assis sur une base assez fluctuante.) Dans le même temps, l'Euro tendait à se raffermir face au Franc suisse. Tout baignait.
Cependant, n'importe qui est capable de faire un vague calcul hypothétique. Que se passe-t-il si, par un furieux hasard, le Franc Suisse se renchérit un peu ? Dans ce cas, c'est la seconde formule qui s'applique. Et là, tout de suite, cela devient rigolo comme tout : pour un taux de change à 1.40, on ne retranche plus que 0,19% à l'Euribor, une partie des 0.90% de retrait ayant été gobé par la hausse du Franc Suisse. À 1.36 CHF par Euro, l'Euribor 3 mois doit être augmenté de 1.31% ... Et le taux grimpe ensuite très très vite. Et ce, toujours en imaginant un Euribor calme.
Malheureusement, l'Euribor a subi de fortes agitations, tant à la hausse qu'à la baisse. Le beau taux fixe à moins de 2% fut vite oublié. Et de son côté, le taux de change entre le Franc Suisse et l'Euro a lui aussi pas mal évolué. D'ailleurs, voici deux jolis graphiques qui résument très bien ce qui s'est passé une fois le contrat signé.
euribor 3 mois
Ça, c'est pour l'EURIBOR 3 mois, qui a donc fluctué entre 0.25% et 5.11%.
cours CHF EUR
Et ça, c'est le nombre de Francs suisses par Euro. Comme on le voit, ça gigote bien.
Si à 1.42 CHF par EUR, et avec un Euribor de 3.72 (comme il l'était fin 2006), le taux appliqué est de 2.82%, il en sera différemment avec un taux de change qui s'effondre. Même en conservant un Euribor très stable, on s'aperçoit que le taux appliqué grimpe très vite ; à 1.32 CHF par EUR, le taux est déjà à 6.61% ; pour 1.21 CHF par EUR, comme actuellement, le taux appliqué dans ce contrat grimpe à 11.50% (oui, oui, vous avez bien lu, pas loin de dix fois le taux fixe de la période rose). Or, absolument rien n'indiquait que le cours de change entre le Franc Suisse et l'Euro serait constant sur les trente (oui, trente) années à venir (durée totale du prêt), et rien non plus n'indiquait que celui de l'Euribor le serait aussi.
Notez que tout ces calculs sont faisable avec une calculette d'écolier, et qu'un peu de lecture suffit pour comprendre le fonctionnement du prêt. Au pire, le maire désemparé et pas du tout à l'aise avec Excel pourra se faire épauler d'un joyeux fonctionnaire de l'administration fiscale, après tout, ils sont là pour ça. Même un avocat fiscaliste à 500€ de l'heure (!!) serait rentable puisqu'il évitera de faire une bourde à plusieurs millions en épluchant le contrat et en montrant, petit graphique à l'appui, ce à quoi mènent le carry-trade ainsi proposé.
Et enfin, même sans calculette, même sans l'aide du fisc local, même sans tableur, même sans fiscaliste chevronné, qu'est-ce qui empêchait le maire de demander à son banquier de présenter un échéancier différent de celui qui fut présenté, avec des hypothèses moins roses comme, par exemple, un Euribor défavorable, un taux de change défavorable, ou les deux ? Quelle compulsion étrange a poussé tant de responsables de collectivités territoriales, tant de maires, tant d'élus locaux à signer ainsi des contrats qu'ils trouvaient illisibles et dont le risque, s'il ne leur sautait pas aux yeux, était pourtant facile à trouver ?
Le Bartolophone

En réalité, la réponse à cette question est fort simple : les maires n'ont absolument rien à faire des finances de leur ville. Ceux qui ont signé les prêts et pleurnichent maintenant de leur situation lamentable sont, de loin, les plus à blâmer. Ceux qui héritent de la situation précédente nous font maintenant le refrain de l'outragé pris dans l'engrenage impossible, mais sont fort contents d'avoir été élus, autrement dit veulent bien de la charge et des honneurs et bénéfices qui y sont attachés sans supporter le nettoyage des écuries qu'Augias a laissé pour eux. De ce point de vue, ils ne sont pas différents des gouvernements qui se sont succédé en France et ont tous, à un moment ou un autre, rejeté la faute d'un endettement national monstrueux sur le dos du prédécesseur perdant. Dans tous les cas, la responsabilité attachée à la charge ... Connaît pas !
Et c'est là le cœur du problème : dès que les agglomérations, les villes, les collectivités deviennent importantes, cette responsabilité qui devrait faire fuir les hommes sans courage semble s'évaporer et laisser alors libre champ aux escrocs, pleurnicheurs, baltringues et aigrefins divers qu'on récolte dans notre vie politique de tous les jours. Regardez-les, ces tristes filous, qui se présentent aux élections, acceptent volontiers l'indemnité, la voiture avec chauffeur, les conseillers et les petits fours, mais s'écrient, vertu toute outragée, qu'on ne les avait pas mis au courant que ces méchants prêts avaient ruiné qui la ville, qui le département, qui le pays !
Au mieux, nous avons à faire à une belle brochette de crétins qui découvrent, la gueule enfarinée, un pays en faillite après tout le monde. Pourquoi les conserver à cette place, s'ils sont si mauvais ? Au pire, ils étaient au courant, voire ont participé, et ce sont des pillards que nous devons nous farcir.
Gouverné par des pillards ou des crétins, ce pays est foutu

En passant par la Lorraine avec leurs sabots

En passant par la Lorraine avec leurs sabots 

 
Le phénomène se reproduit avec la régularité d'un métronome. Personne ne sait pour autant l'expliquer. Des radiations terrestres ? le rougeoiement des hauts-fourneaux, qui affolerait les neurones, qui étourdit le comprenoir ? Dès qu'un homme politique français fait le déplacement en Lorraine, le voici qui déraisonne. Le pied posé sur la terre de la sidérurgie, nos gouvernants déclament, s'époumonent. Ils jurent qu'il fera désormais jour en pleine nuit. Que les blés mûriront au mois de décembre. Que la politique est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire. Le dernier accès en date de cet étourdissement frappe l'actuel gouvernement tout aussi sévèrement qu'elle avait atteint Sarkozy. Gandrange, Florange, même combat. Le cap de la politique économique, que le chef de l'État avait mis six mois à rendre explicite, sinon à définir, se brouille à nouveau. Socialiste lorsqu'il préparait le budget, social-démocrate le temps de présenter le pacte de compétitivité, le gouvernement ressort aujourd'hui la ferblanterie de la politique industrielle à la française. Tantôt effets de manche, tantôt capitulation devant une réalité qui ne se laisse pas oublier. De quoi décevoir à la fois la gauche et le centre. De quoi tourner en ridicule la fameuse "révolution copernicienne" exaltée par Pierre Moscovici, le ministre des Finances, celle d'une gauche qui serait devenue sérieuse. Après les palinodies de Florange, Copernic lui-même aurait la tête qui tourne. L'épisode, s'il est coûteux pour le président et son gouvernement, a révélé une consternante unanimité pour remonter de la cave les vieilleries de l'"État stratège" et de la nationalisation. Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, voulait exproprier les maîtres de forge actuels, le groupe Arcelor-Mittal, et mettre les hauts-fourneaux de Florange sous contrôle public. C'est également ce que préconisaient les syndicats. C'est encore ce que souhaitaient bon nombre de socialistes, ainsi que Jean-Luc Mélenchon, Jean-Louis Borloo et jusqu'à François Bayrou lui-même. Une union sacrée de la classe politique et syndicale française comme on n'en rencontre que rarement. Seule l'UMP n'a pas pris position sur le sujet de façon audible. François Fillon et Jean-François Copé n'ont sans doute pas eu le temps de se tenir au courant de l'actualité. On le leur pardonne. Ils sont occupés par des sujets bien plus importants que le chômage et l'avenir industriel du pays. Quant aux Français, si l'on en croit les sondages, ils sont près de 60 % à recommander que l'État pilote la production d'acier du site lorrain en difficulté. Mousquet en main, les nouveaux sans-culottes invoquent un précédent : les États-Unis eux-mêmes n'ont-ils pas nationalisé General Motors, reniant Milton Friedman et ses outrances du tout-marché ? Comparaison hors de propos, parce qu'elle omet un détail - si les États-Unis ont nationalisé leur constructeur automobile, ce n'était pas pour protéger l'emploi, mais pour sauver l'entreprise. Et la nationalisation a réussi grâce à de sévères plans sociaux et réductions de capacité, que l'État américain a conduits et non interdits. Rien de comparable avec le projet de Montebourg, qui ambitionnait au contraire d'empêcher les licenciements dans une unité de production qui n'a plus de clients. Aux États-Unis, la nationalisation était un outil pour réaliser les adaptations plus rapidement. En France, c'est un moyen pour les éviter. Alstom est l'autre fait d'armes des "nationalistes". Au début des années 2000, l'État français avait pris une forte participation au capital de l'industriel, lui épargnant une crise de liquidités qui l'aurait conduit à la faillite. Mais ici comme chez General Motors, le répit financier offert par le contribuable a permis de lourdes restructurations, malheureusement coûteuses en termes d'emplois, mais salutaires pour l'entreprise. Et, si l'État actionnaire a finalement réalisé une plus-value importante en cédant ses titres, c'est parce qu'il a eu la chance de vendre juste avant la crise, au plus haut du marché sur un siècle... Celui qui se fonderait sur un alignement de planètes aussi rare pour préconiser que Bercy se transforme en banquier d'affaires serait aussi imprudent qu'un joueur, enivré par le gain d'un soir, qui déciderait de gagner sa vie au casino. Certes, l'État n'est pas, en lui-même, un mauvais gestionnaire. Mais les décisions qu'il prend sont biaisées par la défense de l'emploi existant, au détriment des salariés eux-mêmes, qu'on n'aide pas à se reconvertir. Dans le monde de la politique industrielle à la française, l'usine d'Aulnay continue à produire malgré les surcapacités, Pétroplus continue à raffiner même sans clients et les fabricants de bougies d'éclairage continuent à usiner même si l'électricité est inventée. Arnaud Montebourg affirme avoir sauvé plusieurs milliers d'emplois depuis sa nomination. Passons sur la définition mystérieuse d'un emploi "sauvé". Passons même sur l'idée saugrenue que l'entreprise, si elle n'était pas surveillée par notre bouillonnant ministre, ne penserait qu'à licencier. De deux choses l'une : ou bien ces emplois sont utiles, et le ministre du Redressement ne l'est pas, car on n'a pas besoin de lui pour les préserver. Ou ils ne le sont pas, et l'intervention du ministre n'est ni opportune ni durable. Depuis toujours, l'industrie travaille à produire davantage avec moins de salariés, grâce au progrès technique. Un État efficace ne saurait ralentir ce mouvement vital, qui crée la croissance. Le mieux qu'il puisse faire, c'est de se concentrer sur deux tâches pour lesquelles il est irremplaçable. Aider des victimes de ces mouvements incessants, d'abord, en les indemnisant et en les formant pour les préparer au monde qui vient. Et créer un cadre favorable à l'innovation et à l'entreprise, pour faire émerger l'industrie de demain.

Hollande se donne (décidément) le beau rôle...

François Hollande se rend aujourd'hui en Algérie et s'exprime dans les colonnes du Point. Il cherche à répondre aux critiques sur le manque de lisibilité de sa politique. Votre parti pris : Hollande se donne décidément le beau rôle. Que voulez-vous dire ?
Après sept mois à l'Élysée, il semble que François Hollande ait trouvé son style présidentiel. Le style, c'est à la fois la forme et le fond : la façon d'exercer le pouvoir et aussi de l'expliquer. Il y a eu la séquence de la banalisation, avec la fameuse "normalité", qui privilégiait l'apparence ; puis l'accélération, après l'été, qui trahissait un début d'affolement. Voici la phase de l'élévation : celle qui permet au président de prendre de la hauteur. Il observe l'action politique de son piédestal institutionnel... et il a tendance à prendre de haut ses ministres, sa majorité, ses opposants, la crise, le monde entier. Nous avons un président très assuré. Ce n'est pas forcément rassurant.
Vous trouvez qu'on peut lui reprocher une forme d'autosatisfaction ?
Qu'il défende sa politique, c'est normal. Surtout, il ne veut délivrer que des messages positifs. On est loin du registre churchillien ; c'est plutôt le docteur Tant-mieux de la fable. Il a déjà annoncé deux fois la fin de la crise de l'euro (qui ne saute pas aux yeux). Il dit dans Le Point que sa politique va produire ses effets - avec la croissance aux USA et en Chine (acceptons-en l'augure)... Et puis il a balayé d'un sourire l'affaire Depardieu : sans le blâmer mais en félicitant ceux qui restent en France. Il y a aussi l'exemple du débat sur la PMA pour les couples gay : il n'en voulait pas dans le projet du gouvernement, mais il est d'accord pour que le PS vote l'autorisation... C'est tantôt Salomon, tantôt Ponce Pilate... et surtout Machiavel.
Est-ce que ce n'est pas finalement le retour à une conception arbitrale de la fonction présidentielle ? C'est ce qui s'est passé sur le dossier de Florange, non ?
C'est en effet le cas d'école - on peut supposer qu'il se reproduira. Il y avait bien deux lignes au sein du gouvernement. Arnaud Montebourg préconisait la nationalisation, Jean-Marc Ayrault voulait négocier avec Mittal. Contrairement à ce qui a été dit, ce n'est pas Jean-Marc Ayrault qui a arbitré contre son ministre ; c'est François Hollande qui a tranché. Mais après avoir donné son feu vert (il le confirme) à Montebourg pour brandir la menace de la nationalisation. Il a donc appuyé le PM et le ministre alternativement (ou en même temps) et il les a envoyés au casse-pipe tous les deux. Le beau rôle pour lui, le sale boulot pour eux.
Est-ce qu'il peut laisser durablement plusieurs lignes politiques coexister au sein du gouvernement ? Il a aussi des problèmes avec les Verts...
Il le peut et il le veut. Il faut lire ce qu'il dit des Verts : "Il faut voir ce qu'on leur a fait avaler !" Pas des OGM, mais la baisse des dépenses, le budget européen... C'est la façon de faire de François Hollande - cynique et conforme à notre modèle présidentiel. Mitterrand et Chirac l'ont fait avant lui. La pratique autoritaire de Nicolas Sarkozy l'a fait (un peu) oublier. Avec Hollande, c'est le retour à une conception manoeuvrière de la présidence - il a passé 11 ans, à la tête du PS, à former des majorités de congrès avec des courants qui s'entredéchiraient. En fait, Hollande est plus attaché à la constance qu'à la cohérence. Il avance comme les marins : il cherche les vents favorables et il tire des bords. La question reste (encore et toujours) de savoir où il va - et s'il le sait lui-même.

Affaire Depardieu : les contradictions de la gauche

Suite à la lettre ouverte de Gérard Depardieu adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, les masques des socialistes sont tombés : invectives et contradictions idéologiques.
C'est en ces termes que Gérard Depardieu, guère connu pour garder sa langue dans sa poche, a choisi de répliquer à Jean-Marc Ayrault, Premier ministre de François Hollande, qui avait sur un plateau de télévision jugé "assez minable" le départ de l'acteur pour la Belgique, vraisemblablement pour des raisons fiscales. Triste affaire, car il est évident que Gérard Depardieu aime la France et qu'il la quitte à regrets.
Mais il n'est de loin pas le premier à agir ainsi.

MINABLE...J'AI DIT MINABLE, COMME C'EST MINABLE.
Gérard Depardieu n'a strictement rien fait d'illégal. Il a prévu de s'installer dans le village de Néchin, à un kilomètre de la France. Difficile de se livrer à un "exil" plus modeste, même si le symbole n'en paraît que plus fort. Ce faisant, M. Depardieu n'a fait qu'appliquer les principes d'ouverture propres à l'Union Européenne - ouverture largement souhaitée par la France socialiste comme le rappelle Causeur :
[Gérard Depardieu] applique à la lettre l’Acte unique européen qui prévoit la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes.
Qui a négocié et mis en place cet Acte unique ? Le gouvernement alors dirigé par Laurent Fabius. Qui a négocié le traité de Maastricht ? Qui a entériné toutes les négociations du Gatt (la future Organisation Mondiale du Commerce) prévoyant l’ouverture intégrale des frontières ? Qui a appelé à voter oui au traité constitutionnel européen ? Qui a soutenu le traité de Lisbonne ? Qui soutient et négocie le mécanisme européen de stabilité prévoyant de transférer à Bruxelles le contrôle du budget français, donc des impôts ? De Delors à Lamy, de Mitterrand à Hollande, des socialistes, des socialistes, toujours des socialistes.
Sur quelles bases les socialistes peuvent-ils critiquer un homme utilisant des moyens qu'ils ont largement contribué à mettre à sa disposition ? À en croire leur attitude, ces libertés ne seraient qu'une forme de décorum. Qu'un illustre Français ait l'audace de jouir de sa liberté, la levée de boucliers est immédiate !
Dans sa lettre courte et incisive, Gérard Depardieu rappelle quelques vérités crues :
J'ai commencé à travailler à l’âge de 14 ans comme imprimeur, comme manutentionnaire puis comme artiste dramatique. J’ai toujours payé mes taxes et impôts quel qu’en soit le taux sous tous les gouvernements en place. À aucun moment, je n’ai failli à mes devoirs. (...) Je pars, après avoir payé, en 2012, 85% d’impôt sur mes revenus. (...)
Je n’ai jamais tué personne, je ne pense pas avoir démérité, j’ai payé 145 millions d’euros d’impôts en quarante-cinq ans, je fais travailler 80 personnes dans des entreprises qui ont été créées pour eux et qui sont gérées par eux.
(...) Malgré mes excès, mon appétit et mon amour de la vie, je suis un être libre, Monsieur, et je vais rester poli.
Gérard Depardieu est-il réellement l'être libre qu'il affirme être ? Selon plusieurs hommes politiques français de tous bords, on pourrait en douter. Bien que s'étant acquitté de ses impôts année après année, l'acteur français resterait une sorte de "débiteur éternel" du pays où il a accompli sa carrière.
S'être enrichi en France est un péché. Les sommes versées année après année ne suffisent jamais. Il faut expier, jusqu'à la mort.
Ensuite, on applique les droits de succession.
La Belgique n'y est pour rien. Elle ne devient attractive que par défaut, la France ressemblant de plus en plus à un enfer de prélèvements obligatoires et de taxes. En matière fiscale, comme le dit un internaute plein de sagesse, on ne peut pas parler d'évasion sans accepter l'existence, en premier lieu, d'une prison.
La France perd ses fortunes – et ses entrepreneurs – parce que le monde devient comparativement plus attractif. Avec la fine équipe aux commandes du pays, le mouvement n'est pas près de s'inverser. Pourtant, les socialistes français peuvent changer d'avis, on en a même une preuve : il suffit de voir leur revirement complet sur le nationalisme.
Pour un socialiste, normalement, rien n'est plus haïssable que le nationalisme. Rien de plus désuet que le patriotisme. Demandez-leur autour de vous : le drapeau, l'amour du pays, toutes ces reliques surannées teintées d'heures sombres leur donnent des nausées. Mais que la crise survienne et patatras !, les valeurs ignobles d'hier deviennent les vertus montantes de demain.
Arnaud Montebourg, ministre du "redressement productif" appelle à acheter français, payant de sa personne jusque sur une couverture de magazine.
Jean-Marc Ayrault, premier ministre, en appelle à "l'esprit de patriotisme" et à la "solidarité citoyenne" en matière d'impôt.
François Hollande quant à lui "[salue] le mérite de ceux qui ont certes beaucoup mais qui acceptent de payer leurs impôts en France, de produire en France, de faire travailler en France et de servir leur pays."
Voilà des discours qu'on n'aurait pas manqué de pointer du doigt s'ils avaient été prononcés dans un autre parti. Mais qu'il s'agisse de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l’État la patrie c'est cool, la préférence nationale c'est hype !
L'opération de séduction a tourné court. Selon un sondage en ligne du Figaro où plus de 100'000 votants se sont mobilisés, les Français donnent raison à 80% à la colère de Gérard Depardieu. Ils comprennent largement son ras-le-bol. Nombre d'entre eux, dans la même situation, prendraient une décision similaire et choisiraient probablement l'exil. Rares pourtant sont les gens en France à pouvoir se permettre de déménager à l'étranger, même à Néchin, à un kilomètre de la frontière française.
Car la triste affaire Depardieu nous rappelle que seuls ceux qui ont les plus gros moyens, les gens vraiment riches, sont réellement mobiles et ont les moyens de se défendre. La classe moyenne n'a pas ces atouts. On peut reprocher son départ à l'acteur français, mais à moins de transformer la France en camp d'internement à ciel ouvert (ce qui se discute peut-être dans certains cercles) sa liberté lui appartient. Quand M. Depardieu ne versera plus ses millions d'euros annuels au fisc français, pensez-vous que l’État du même nom réduira son train de vie d'autant, ou qu'il reportera la charge fiscale sur les suivants dans la liste ?
Le départ d'un riche contribuable est toujours une catastrophe pour le pays de départ. Pareil événement invite à l'introspection, non pas à de méprisables critiques.
La Suisse mériterait elle aussi un examen critique. Elle n'a visiblement jamais été prise en compte par le bouillant acteur français lorsqu'il étudiait ses points de chute possibles. Fière du sabotage continu de ses avantages, elle peut désormais se targuer de ne plus être aussi séduisante que la Belgique, le Luxembourg ou même... le Portugal. Bel autogoal de l'Helvétie, fruit d'un long travail de sape en interne pour atteindre un objectif de médiocrité.
Gérard Depardieu ne voulait probablement pas plus aller en Suisse qu'en Belgique, en Angleterre ou à Monaco. Il voulait surtout quitter la France. Quand quelqu'un en arrive là, il est devenu pratiquement impossible de le faire changer d'avis. Diminuer l'attractivité fiscale d'un pays ne fera pas renoncer les riches étrangers à s'exiler ; ils choisiront juste d'autres destinations.
Il serait bon que les socialistes, Suisses cette fois-ci, parviennent à le comprendre.

Panne de richesse

Impayé. Le mot est déjà lourd de sens quand on l’écrit froidement. Il est terrible quand il est synonyme de factures qui s’amoncellent, de privations quotidiennes et de promesses de lendemains pires que les jours de privation écoulés.
La France des impayés grossit chaque jour sous l’effet de la crise. Depuis longtemps, elle n’est plus celle des arnaqueurs qui taillent leur vie légère dans les chèques du meilleur bois. Quasiment toutes les catégories sociales connaissent ce mot sans pitié. Des chômeurs, qui cherchent désespérément à quitter Pôle Emploi, aux femmes seules et à leurs enfants pour qui le Père Noël sera forcément Père fouettard, faute de moyens de subsistance, tous portent en eux la douleur infinie des impayés.
Le retraité, qui se résout à frapper à la porte du Resto du Cœur, et la caissière abonnée aux temps partiels savent que chaque augmentation de tarifs générera un nouvel impayé. La hausse du prix du fuel ne déchaînera peut-être pas une crise pétrolière mondiale, mais ce sera un choc pétrolier qui ébranlera un portefeuille à la limite de la rupture.
Au regard de la montagne des impayés, les hausses des prestations sociales paraissent dérisoires, quand on sait qu’elles ne serviront même pas à régler une facture en souffrance. Le Smic horaire augmentera de trois centimes le 1 er janvier prochain. Quand la baguette dépasse un euro, ces trois centimes représentent, réellement, une miette de pain.
Et pourtant, rapportés au budget de l’État, ces quelques centimes représentent une énorme dépense. Il suffit d’examiner les comptes de la nation, comme ceux des collectivités territoriales, pour mesurer l’ampleur de la protection sociale dans notre pays. Cet effort demeure insuffisant au regard de la pauvreté qui grandit.
Menacé lui-même d’impayés, afin de ne pas déchoir au rang de la Grèce, l’État arbitre, rabiote, comme bien des ménages. Le débat actuel sur la fiscalité est le signe évident d’un pays en crise, où la création de richesse est en panne.