Peut-on, avec l'harmonisation fiscale ou l'impôt sur la
nationalité, faire payer ceux qui se résolvent à l'exil fiscal pour
échapper à la folie taxatoire française ?
À entendre certains Français, notamment au sein de la classe politique - François Hollande, Jean-Marc Ayrault
pour ne citer qu'eux - les Français qui s'expatrient manqueraient à
leur devoir de solidarité en ne contribuant plus à l'impôt. En ces temps
difficiles où l’État a besoin de leur contribution, l'obligation de
s'acquitter du différentiel d'imposition entre le pays où ils sont
versés et la France est envisagée. Plusieurs problèmes sont soulevés,
aussi bien sur le plan éthique et moral que sur le plan technique.
L’État devrait également se résoudre à envoyer des chèques aux Français payant plus d'impôts à l'étranger qu'ils n'en paieraient en France - cas qui, compte tenu du niveau d'imposition en France, est de plus en plus théorique, mais ne manquerait pas de provoquer un tollé parmi ceux qui financeraient par leurs impôts ce cadeau aux Français expatriés...
L'harmonisation fiscale au sein de l'Union Européenne, souhaitée par monsieur Hollande, pourrait se retourner contre lui : les Français qui s'installent dans des pays voisins pour des raisons fiscales le font parce qu'ils jugent le cadre de ces pays plus attractif. On voit mal pourquoi nos voisins européens iraient vers une imposition à la française, qui gréverait leur compétitivité et leur attractivité. La concurrence fiscale est une bonne chose, mais si l'harmonisation évoquée permet de diminuer le niveau d'imposition en France...
Pour inciter les Français à rester en France, François Hollande en appelle à l'éthique. Il salue le courage de ceux qui collaborent à son régime de redistribution forcée, qui ont "le mérite" de "payer leurs impôts en France, de produire en France, de faire travailler en France et de servir leur pays". À l'inverse, ceux qui s'en vont produire ailleurs, créer ailleurs, travailler et faire travailler ailleurs manqueraient à leur devoir de solidarité nationale. Cela revient à faire croire aux Français que leurs impôts sont utilisés dans des dépenses de solidarité, pas pour financer un État qui ne veut pas maigrir et surtout pas trop vite alors que la situation est urgente. Cela revient également à faire croire aux Français qu'ils ont le devoir de servir leur pays.
Être Français, ce serait donc bénéficier d'un cadre de vie idyllique payé par l’État mais, en contrepartie, on aurait une dette éternelle envers la France. Être citoyen français supposerait de servir son pays à vie par l'impôt ; l’État, grand seigneur, accepterait de protéger l'ensemble des Français contre les accidents de la vie et serait l'intermédiaire bienveillant d'un altruisme sans bornes. Il les protégerait également contre une mondialisation présentée comme destructrice d'emplois et de pouvoir d'achat, contre trop de chansons en langue étrangère à la radio et les publicités à la télévision, contre le chômage, contre une liberté bien trop dangereuse à cause des autres et à cause de soi. Et comme les grands seigneurs de l'époque, l’État se sert grassement au passage, à tel point qu'il ne consacre aux services qu'il prétend rendre qu'une partie infime des ressources qu'il prélève à la collectivité.
Et on sent déjà poindre un nouveau discours, qui tombe à point nommé pour la classe politique. Au fur et à mesure que la spoliation et la privation de liberté auront convaincu tous ceux qui créent, produisent, inventent de quitter la France, les ressources de l’État s'amenuisent et, plus grave, l'économie est au point mort voire en décomposition. Le potentiel de croissance disparu, plus personne ne voudra prêter à un pays de moins en moins solvable. L’État-providence ne parviendra plus, même par la contrainte qu'il déploie déjà, à remplir les missions qu'il s'était fixées. On tentera de trouver de nouvelles ressources en taxant même ceux qui proposent des services gratuits de référencement à une presse subventionnée, mais cela ne suffira pas.
La retraite par répartition à laquelle tous ont été contraints de contribuer, l'assurance-maladie obligatoire, l'assurance-chômage obligatoire, la caisse d'allocations familiales et l'ensemble des prestations sociales de l’État ne pourront plus être versées. Si cela se passe lentement, les montants et le nombre de bénéficiaires seront progressivement réduits ; sinon, elles disparaîtront, purement et simplement, après avoir été versées sporadiquement comme les salaires en Espagne. Le service public, lui aussi, disparaîtra ; il faudra privatiser les services que l’État rendait et qui depuis longtemps auraient pu devenir marchands mais n'ont jamais réussi à se moderniser, bercés qu'ils étaient par les subventions de l’État.
Et tout cela, cet effondrement dans la précipitation d'un État qui aurait pu maintenir son emprise sur l'économie pendant encore longtemps s'il avait su faire preuve d'un peu plus de pragmatisme pour composer avec son idéologie nauséabonde. Il n'en a rien été, et bientôt, on entendra dans la bouche de la classe politique un refrain unanime envers tous ceux qui font preuve d'assez de courage pour partir et d'assez d'intégrité pour préférer leurs valeurs à celles qu'on aura tenté en vain de leur imposer : "C'est la faute aux émigrés".