vendredi 27 décembre 2013
Chômage : le rendez-vous manqué
Chômage : le rendez-vous manqué
La méthode Coué a ses limites. En persistant, depuis hier soir, à répéter que l’inversion de la courbe du chômage est « bien amorcée », le président Hollande et son ministre du Travail, Michel Sapin, font preuve d’entêtement, à tout le moins. Messieurs, allez donc expliquer aux 17 800 personnes supplémentaires qui se sont inscrites à Pôle emploi en novembre que la situation est en train de s’améliorer parce que derrière l’augmentation du nombre de chômeurs en France, il faut en conclure que diminution il y a !
Tout élu responsable, au premier rang duquel le président de la République, connaît l’importance des symboles. En promettant, au printemps dernier, l’inversion de la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année, François Hollande savait qu’il serait jugé à partir des données disponibles à la Saint-Sylvestre, et donc sur les chiffres arrêtés fin novembre. Quelle que soit l’interprétation de l’exécutif, le verdict est sans appel : la situation de l’emploi ne s’améliore pas, malgré un recours massif aux emplois aidés.
Bien sûr, on attendra le 27 janvier, date de publication des chiffres de décembre, pour dresser un constat définitif. Mais le chômage semble être traité au rayon bricolage : heureux bug en août entraînant une méchante correction en septembre, embellie en octobre et rechute en novembre… Il n’y a qu’à l’Élysée ou du côté de Bercy que l’on en déduit que la France est en train de renouer avec une reprise durable de l’emploi et son corollaire, le retour de la croissance. Les Français, eux, constatent toujours que les plans sociaux s’enchaînent à grande vitesse et que l’activité économique reste atone. Ce qu’a confirmé l’Insee la semaine dernière, pronostiquant une « reprise poussive » de l’économie française début 2014, marquée par une « quasi-stabilité » du chômage au 1er semestre avant de repartir légèrement à la hausse.
Si le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) est une mesure plutôt positive, il n’est en rien l’alpha et l’oméga d’une politique économique. Or, en matière d’emploi, le gouvernement est en position d’attente. Comme si la situation allait se redresser toute seule. Certes, le projet de loi sur la formation professionnelle contient des éléments intéressants. Mais il manque à l’exécutif un plan d’ensemble. Comme sur tous les dossiers de la présidence Hollande, serait-on tenté d’écrire.
BOÎTE À OUTILS
BOÎTE À OUTILS
François Hollande a un problème : il lui reste plus de trois ans à tenir. Certes, son mentor François Mitterrand professait de donner du temps au temps, mais face à la dureté persis-tante de la crise, le capitaine doit avoir des sueurs, la bar-re lui glissant sous les mains. Une nouvelle démonstration a été apportée hier avec la publication des chiffres du chômage. Ceux de novembre étaient positifs. Du jamais vu depuis plus de trois ans !
À observer les leaders socia-listes imprudents se friser les moustaches toute la journée, on attendait des chiffres flat-teurs. Le Président tenait son objectif. Du moins jusqu’à 18 h et la publication du chif-fre… de la hausse. Le balan-cier reparti dans l’autre sens, l’Élysée a maintenu une com-munication optimiste, souli-gnant sans barguigner que « l’inversion de la courbe du chômage est bien amorcée ». Une baisse non confirmée équivaut donc à une inver-sion bien amorcée. Face à ce qui ressemble au mieux à une stabilisation, peut-être eut-il été plus pertinent de parler de décélération de la hausse. Quoi qu’il en soit, le père Noël a intérêt à livrer fissa à l’Élysée une nouvelle boîte à outils, et pas de la quincaillerie chinoise !
Car l’heureux élu a intérêt
à les empoigner avec ardeur et à se cracher dans les pognes pour innover à la fois dans la bataille pour l’emploi et dans la composition d’une équipe sur le terrain qui ne chôme pas !
Le grand déni : quand l'obsession française pour les chiffres du chômage cache la défaite intellectuelle du renoncement au plein emploi
Contrairement aux prévisions optimistes, les chiffres du chômage ont continué d'augmenter au mois de novembre avec 17 800 demandeurs d'emploi en plus, soit une hausse de 0,5%. Un fait qui s'inscrit dans une longue suite d'échecs français en matière de politique de l'emploi.
Alors que les chiffres de l'emploi pour le mois de novembre 2013 viennent d'être publiés, la fameuse promesse d'inverser la courbe du chômage voit sa crédibilité se réduire comme peau de chagrin. Un fait que l'on peut déplorer mais qui révèle des enjeux qui dépassent largement la simple sphère médiatique et politique. Peut-on tout d'abord commencer par définir quelles seront les perspectives de l'emploi pour 2014 ?
Pauvre con Incapable de gouverner, démissionne !
Nicolas Goetzmann : Cette question mérite que l’on s’attarde un peu sur le déni du Gouvernement et du Président sur la réalité. Lorsque François Hollande s’empresse de réagir à la publication des chiffres de novembre, à savoir de la hausse de 0.5 % du chômage, en déclarant "l'inversion de la courbe du chômage est bel et bien engagée" ; il y a une rupture. Cette promesse politique avait été soigneusement pensée et répétée à de nombreuses reprises justement parce que le Président y croyait fermement. C’est-à-dire que l’action politique qui a été engagée devait permettre cette inversion de la courbe du chômage. Cette certitude reposait sur le diagnostic économique du parti socialiste qui lui-même reposait sur la croyance du caractère cyclique de cette crise. C’est cette faillite absolue du diagnostic du PS qui éclate au grand jour, de façon publique, et malgré tout le président persiste.
Le pouvoir se détourne de cette réalité et ne se raccroche plus qu’aux branches de la communication pour tenter de sauver la face. Le contexte exigerait une reprise en main, il ne s’agit même pas d’une demande de mea culpa, mais simplement d'une prise de conscience. Mais celle-ci semble trop douloureuse à porter pour pouvoir s’en emparer.
Malheureusement pour 2014 et en persistant avec ce même diagnostic cyclique, le président ira d’échecs en échecs, il n’y a aucune raison que le patient France guérisse dans de telles circonstances. De son côté Michel Sapin s’est presque félicité, en trouvant la statistique qui lui plaisait le plus, de rappeler que le chômage baissait depuis 3 mois sur un rythme de 1 350 chômeurs par mois. A ce rythme il faudra 203 ans pour résorber le chômage, et malgré cela, le ministre semble satisfait. Ce type de déclaration ne mérite même plus d’être commenté.
François Hollande peut-il finalement dire, comme François Mitterrand en son temps, qu'il a "déjà tout essayé contre le chômage" ?
Nicolas Goetzmann : Évidemment non. Mais la phrase de François Mitterrand est symptomatique du renoncement dont je parlais, et c’est ce qui est de plus grave. François Hollande a commis une effroyable erreur de diagnostic de cette crise en ne cherchant pas la cause de celle-ci. Il s’est contenté de traiter les conséquences, c’est-à-dire en essayant de trouver une solution pour les chômeurs. Il écope le navire mais ne répare pas la faille béante dans celui-ci. La situation est pathétique, insoutenable.
Cette plaie béante, c’est la dramatique contraction de la demande intérieure en France et en Europe, et qui est provoquée par un mandat inadapté de la Banque centrale européenne. Les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni ont tous diagnostiqué ce problème et y ont remédié. Les résultats sont sans appel, 7 % de chômage aux Etats-Unis, 7.4 % au Royaume-Uni, et 4 % au Japon, et ne parlons même pas des derniers chiffres de la croissance aux Etats-Unis (4.1 % au dernier trimestre), ce serait indécent.
La réalité est que rien de sérieux n’a été mis en œuvre pour lutter contre le chômage. Il est vraiment trop tôt pour baisser la tête lorsqu’on n’a rien tenté. La première chose à faire serait de modifier le diagnostic, mais pour cela, il faudrait que le Président parvienne à une conclusion : il s’est trompé. Aujourd’hui il a le choix de persister dans son erreur, ou d’assumer le restant de son mandat en montrant qu’il est capable d’évoluer, et de désavouer son ancienne approche. Malheureusement le communiqué de l’Elysée ne plaide pas en ce sens.
En termes de lutte contre le sous-emploi, peut-on déjà commencer à faire un bilan de cette année 2013 ?
Nicolas Goetzmann : Pour 2013, le Président est comptable d’une hausse de 5.6 % du chômage, soit 176 000 chômeurs de plus sur la seule catégorie A. A titre de contre-exemple, le chômage aux Etats Unis a baissé de 30 % en 3 ans, simplement pour rappeler qu’il existe des politiques efficaces, que le politique peut agir et que le chômage n’est pas une fatalité.
Mais les politiques mises en œuvre en France ne sont que des politiques défensives contre un mal qui est effectivement envisagé sous l’angle de la fatalité. Les emplois aidés, la réduction du temps de travail, toutes ces mesures ne sont qu’une réaction contre l’abandon d’une politique totalement oubliée : la poursuite du plein emploi. Et pourtant, économiquement, rien ne saurait justifier un tel abandon. Rien que sur le champ sémantique, le gouvernement a déjà perdu la bataille en annonçant vouloir "lutter contre le chômage" plutôt que de poursuivre une politique de plein emploi. Le défensif s’est substitué à l’offensif, et les réformes ne sont pas du tout les mêmes dans les deux cas. Avec ce choix de mots, la France renonce au plein emploi, et c’est bien cela qui est le plus insupportable. Le résultat est une politique de boutiquier.
Aucun secteur marchand ne recrute dans le pays, seules les collectivités publiques et les associations y parviennent, c’est-à-dire que les emplois aidés sont la seule ressource du gouvernement en matière de chômage. Je le répète, la seule solution proposée au pays pour tenter de résorber le chômage est l’emploi aidé, ce qui est de fait la totale négation de ce que peut le pouvoir politique en matière de politique économique.
>>>> Sur le même sujet : (Non) Inversion de la courbe du chômage : ceux qui peuvent espérer une amélioration, ceux pour qui ça va rester dur
Christophe De Voogd : Je commencerais par dire que la communication "optimiste" du gouvernement depuis le début de la semaine échoue sur la réalités des chiffres, malgré tous les efforts de présentation alambiquée des résultats de novembre. Il serait peut- être temps d'arrêter les effets de rhétorique et de "com" : la "baisse tendancielle de la dégradation", "l'amorce progressive de l'amélioration" et autres "c'est moins pire que si c'était plus grave" ne sont plus de saison.
Seule est vérifiée l'aggravation du chômage en France d'environ 6 % sur un an, +12 % depuis 18 mois. Et ce, peu ou prou, pour toutes les catégories statistiques, à un rythme nettement plus fort que dans la période précédente (+30 % en moyenne mensuelle). Ce qui suffit à dissiper le leitmotiv de "l'héritage", même si les problèmes structurels de l'économie française existaient déjà, évidemment. L'actuel gouvernement n'a fait que les aggraver. Ce qui n'exclut pas, comme je l'ai dit antérieurement, une "inversion de la courbe du chômage"... de temps à autre... qui sait ? Le mois prochain peut-être...
Mais dans un pays où les destructions nettes d'emplois continuent (là encore, depuis 18 mois), la baisse du chômage ne peut être qu'un artifice administratif. Le vrai enjeu est celui de la compétitivité de l'économie. Point barre.
La politique des emplois et des contrats aidés a été au centre de la stratégie Hollande contre le chômage. Ne peut-on pas dire paradoxalement que ses effets ont été contre-productifs ?
Christophe De Voogd : N’oublions pas tout d'abord que ces contrats ne sont pas une exclusivité de la gauche : il y en a eu jusque 40 .000 sous Nicolas Sarkozy. A quoi s’ajoutent désormais emplois d’avenir et contrats de génération : 100 000 à ce jour.
Les estimations du coût varient car il dépend du nombre, du type de contrats signés et de la nature de l’employeur ; en effet les règles diffèrent entre secteur non marchand et marchand ! Pour les emplois d’avenir le coût moyen est d’environ 11 000 euros par an, d’après l’Institut de l’entreprise. Le consensus est qu’à plein régime, le dispositif coûtera en 2014 dans les 3,3 milliards d’euros ; et il s’agit là de dépenses annuelles, donc récurrentes.
Quant au coût unitaire par emploi aidé, il est certes bien inférieur au coût du même emploi, s’il s’agissait d’un emploi public "normal", d’autant qu’il s’agit de temps partiels. Mais c’est l’expression "emplois créés" qui pose problème : il faudrait enfin comprendre en France que l’État ne crée, économiquement parlant, aucun emploi ! il crée des impôts - ou de la dette - qui lui permettent de financer des emplois. Seules les entreprises créent de l’emploi à partir de la production de richesses marchandes. Fait économique élémentaire mais qui reste largement ignoré dans notre pays, à gauche et même à droite ; et même chez certains économistes….
La réponse découle logiquement de ce qui précède : ce qu’il faut apprécier, c’est le coût non pas pour l’État, mais pour l’économie, de ces dispositifs : autant de charges supplémentaires sur les contribuables actuels ou futurs, d’autant que ces emplois sont essentiellement non-marchands ; donc autant de freins supplémentaires à notre compétitivité déjà si mal en point. Pour les bénéficiaires de ces emplois, ils peuvent y trouver une bouffée d’oxygène bien nécessaire mais gare à l’illusion : ces CDD ne conduisent que très rarement à un emploi marchand. L’expérience des années Jospin, toujours rappelée, est un leurre car les débouchés obtenus l’ont été dans le secteur public et parapublic. Pérennisation de l’emploi qui signifie en fait pérennisation des charges pour la société. Nous n’en avons plus les moyens. Certains, comme Bertrand Martinot dans son récent ouvrage "Chômage : inverser la courbe" vont même jusqu’à dire que ces emplois aidés pourraient être contreproductifs pour les intéressés en entretenant l’illusion de leur employabilité. La vraie réponse au chômage des non qualifiés est d’abord la formation professionnelle : à quand l’ouverture du chantier ?
Ce gouvernement nous ment depuis le début. Tout ce qui arrive était prévu, et ce qui reste à venir est prévu.... Ils ont prétendu prendre la responsabilité des affaires... ils n'ont pris que les bonnes places au chaud. Ils vont encore dire "responsables mais pas coupables"... et si on leur coupait la tête ??? et si on leur prenait leurs biens ??? et si on arrêtait d'être pris pour des cons ??? hélas, y a peu de chance.
La bouée de décembre
La bouée de décembre
L'heure de vérité est proche pour François Hollande sur sa promesse d'inverser la courbe du chômage à la fin de cette année. Certes il reste les chiffres de décembre à venir en janvier, mais après la publication de l'indice de novembre, plus personne ne croit sérieusement que la gageure puisse être tenue. À part le président et Michel Sapin peut-être, et encore leur conviction a-t-elle des allures de méthode Coué. Ou alors, ils ont de solides assurances sur la manière dont on va faire parler les chiffres et faire en sorte qu'ils tiennent la promesse du chef de l'État. L'opposition pouvait dès hier emboucher les trompettes du déclin, oubliant que, souvent, elle aussi a habilement mêlé baisse du chômage et hausse de l'emploi.
Le seul indicateur qui vaille est celui de la croissance annuelle et c'est poudre aux yeux de laisser croire que l'économie de notre pays tient en une statistique mensuelle du nombre de chômeurs. Sans une croissance autour de 1,5 %, on ne créera pas d'emplois. Avec notre actuel 0,2 %, on continue de détruire des postes. Le reste n'est qu'incantation continuelle depuis plus d'une décennie.
L'enjeu politique est fort pour François Hollande qui a martelé sa promesse très souvent jusqu'à en faire son engagement majeur du début de quinquennat. Et ce malgré la prévision de l'Insee d'une stagnation du chômage pour le premier semestre de l'année qui vient. Certes, nous avons sans doute touché le point bas, mais la remontée s'annonce lente, comme l'inversion de la courbe. Nos actuels 11 % de chômeurs nous renvoient aux pires moments des années 80 et font de la France l'homme malade de l'Europe. La séance de rattrapage de décembre est l'ultime bouée qui permettra au président de la République de faire bonne figure et de ne pas perdre un peu plus de crédibilité.
En répétant qu'il serait jugé sur sa capacité à lutter contre le chômage, François Hollande a, courageusement, pris un grand risque. Si le résultat est encore mauvais, il le paiera durement aux municipales et aux européennes. Un PS autour de 15 % aux européennes et, pire, devancé par le FN, ouvrirait une crise politique majeure et imposerait une dissolution.
Emploi aidé, emploi handicapé
Emploi aidé, emploi handicapé
La baisse du chômage est un objectif aussi louable qu’impératif. On ne peut que féliciter François Hollande d’en avoir fait l’étalon de son action. Mais le levier choisi - la multiplication des contrats aidés – est illusoire. Depuis plus de 30 ans, la droite comme la gauche privilégient ce «traitement social du chômage». Peut-être parce qu’il permet aux hommes politiques de se sentir comme des démiurges capables « d’inverser la courbe » de l'emploi à coup de subventions massives. Jacques Chirac l’a inventé, Lionel Jospin l’a développé, Nicolas Sarkozy s’y est rallié, François Hollande s’y est accroché comme à une bouée. Plus d’un demi-million de personnes auront, à un moment où un autre, bénéficié d’un tel contrat en 2013. Ce qui aura coûté au moins 3 milliards d’euros aux finances publiques. Pour quel résultat ? La France compte, encore et toujours, plus de 3 millions de chômeurs. Et l’Insee n'attend aucune amélioration de la situation de l’emploi au premier semestre 2014.
Ces contrats sont aussi coûteux qu’inefficaces. Et si on essayait une autre politique ? Par définition, un emploi aidé est un emploi pour lequel l’employeur reçoit une subvention publique, afin qu’il lui coûte moins cher. N’est-ce pas là l’aveu que le coût du travail en France est beaucoup trop élevé ? Plutôt que d’essayer en vain d’en effacer les symptômes, les politiciens de gauche comme de droite feraient mieux de s’attaquer aux racines du mal. Le remède est connu: pour diminuer le coût du travail, il faut réduire les charges des entreprises. Pour cela, il n’est nul besoin de subvention coûteuse, d’artifice comptable ou d’inventivité bureaucratique. Juste d’un peu de bon sens. Et si on faisait un vœu?
"la dictature du rire"
Nathalie Rheims a regardé l'émission "Complément d'enquête" de Benoît Duquesne sur "la dictature du rire", devenue symptôme de notre société malade.
Bizarre, bizarre. Normalement, la liberté en matière d'humour est le paramètre absolu de la démocratie. Moins on a le droit, dans un pays, de caricaturer, de se moquer, de rire, plus on se rapproche du modèle de la Corée du Nord, où, à l'évidence, ça ne plaisante pas. Pourtant, jeudi soir, sur France 2, Benoît Duquesne se lançait courageusement dans un Complément d'enquête particulièrement "casse-gueule" sur "la dictature du rire", suivi, il faut le souligner, par deux millions de téléspectateurs intrigués par ce sujet.
Cette interrogation prolongeait quelques expressions de "ras-le-bol" venant de personnalités inattendues sur un tel sujet comme celle deFabrice Luchini dénonçant une certaine "tyrannie du rire obligatoire" ou Jean-Louis Borloo qui, tout simplement, n'en peut plus. Le sujet était particulièrement difficile à traiter, car tous les Français sont très attachés à cette liberté fondamentale, et leur besoin d'humour et de mise à distance est d'autant plus grand que la période qu'ils traversent est pénible.
Il n'est donc pas surprenant que tous les médias se lancent dans une compétition acharnée pour exploiter le filon des talents singuliers des "faiseurs de vannes" qui tend, depuis quelques années, à devenir une véritable industrie, particulièrement rentable. De ce côté-là, le redressement productif fonctionne très bien, merci. Des reportages très intéressants permettent de découvrir les équipes d'auteurs, payés au mot qui déclenche les rires, autour ou derrière nos "stars du LOL".
Cette expression, qui s'est imposée comme un symptôme au cours de la dernière décennie, n'évoque-t-elle pas certaines de ces dérives qui finissent par saturer l'espace médiatique ? Les trois mots anglais qui la forment, Laughing Out Loud, ne traduisent-ils pas ce que pointait Luchini et qui rend le rire si lourd là où l'on aurait besoin de sa légèreté ?
"Contre-pouvoir"
Bien sûr, des hommes politiques aguerris comme Jean-Pierre Raffarin ne pouvaient que relativiser les choses en expliquant que les humoristes d'aujourd'hui n'avaient rien à envier en méchanceté aux chansonniers et caricaturistes d'autrefois. Mais justement, si le "message" de l'humour n'a pas changé, on peut se demander si le changement du "médium" ne finit pas par produire des effets inverses de ce que l'on attend. À l'époque des chansonniers, qui se produisaient sur une scène devant quelques centaines de spectateurs, on avait bien affaire à un "contre-pouvoir". On pouvait toujours lire, chaque semaine dansLe Canard enchaîné, "la cour" où de Gaulle était présenté en Roi-Soleil, il n'y avait pas de confusion possible entre "le pouvoir", d'un côté, et le "contre-pouvoir", de l'autre.
C'est bien sur cette inversion des genres que porte la question aujourd'hui. La vanne et la caricature étant devenues la matière première principale de toute médiatisation, leur "force de frappe" écrase toute tentative de faire passer quelque message que ce soit. Rien, aucun discours, aucun message, ne peut résister à l'image de Hollande en Père Noël coincé dans la cheminée ou de sa simple gestuelle incarnée par Laurent Gerra, car c'est ce qu'on finit par attendre et par voir sur toutes les chaînes, même les plus sérieuses. Il faut ajouter à cela que la plupart des médias, ayant pris conscience de cette "force de frappe", ont appris à utiliser ces nouvelles formes d'humour non plus comme des "contre-pouvoirs", mais comme des instruments idéologiques de pouvoir direct, militants, qui en font désormais le "premier pouvoir".
Hausse du chômage : François Hollande en plein déni
Malgré une hausse du nombre de demandeurs d'emploi au mois de novembre, le président de la République a assuré jeudi que l'inversion de la courbe du chômage «est bien amorcée».
C'était il y a plusieurs mois dans l'enceinte du Conseil des ministres. «Ce qui est bien, c'est que personne ne croit à cette inversion de la courbe du chômage, avait lancé un François Hollande résolument optimiste. Ce sera donc une bonne nouvelle!» Ou pas. Jeudi soir, la publication des chiffres du chômage de novembre a été une douche froide pour le gouvernement: plus 17.800 demandeurs d'emploi de catégorie A. Une mauvaise nouvelle, qui contredit l'optimisme affiché jeudi matin par le porte-parole du PS, David Assouline. Une mauvaise nouvelle qui contredit surtout les bons résultats d'octobre(baisse de quelque 20.000 demandeurs d'emploi catégorie A), la première depuis le début du quinquennat.
Cette hausse de novembre est toutefois compensée par une baisse des demandeurs d'emploi de catégorie B (moins 3,1%) et C (moins 0,4%), deux catégories en hausse en octobre. En d'autres termes, si l'on inclut les chômeurs ayant travaillé à temps partiel ou en contrats courts, la tendance est à la baisse (- 6900 inscrits). Ce qui permet au ministre du Travail, Michel Sapin, de dire que l'inversion est «bel et bien engagée au quatrième trimestre» et qu'il faut attendre le mois de décembre pour «confirmer» cette tendance. Soucieux d'allumer rapidement un contre-feu, François Hollande a immédiatement publié un communiqué, jeudi soir, estimant à son tour que si les chiffres de novembre venaient «atténuer» ceux d'octobre, «ils ne modifiaient pas la tendance». «L'inversion de la courbe du chômage, sur laquelle je me suis engagé, est bien amorcée, insiste-t-il. La diminution durable du chômage est désormais à notre portée.»
Opération «sauvons le pari de Hollande» lancée
Dès jeudi soir, le gouvernement et le PS ont lancé l'opération «sauvons le pari de Hollande»: à peine les chiffres publiés, le fidèle patron des sénateurs PS, François Rebsamen, est monté au créneau pour se féliciter lui aussi d'une inversion qui «tend à se confirmer». Quant au premier secrétaire du PS, Harlem Désir, il n'hésite pas à employer un ton conquérant: «Après l'inversion en 2013, en 2014 cap sur la consolidation et l'amplification de la baisse», titre-t-il son communiqué. Pas moins. Le premier ministreJean-Marc Ayrault et Michel Sapin se chargeront du service après-vente, vendredi à Lorient. Ils tenteront à leur tour de présenter les chiffres sous leur meilleur jour. «On peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, soupire un conseiller de l'Élysée. Chacun y trouvera ce qu'il voudra y trouver. La tendance (à la baisse, NDLR) est confortée mais ces chiffres ne sont pas mirobolants. Il faut rester très, très prudents. Ce ne sont pas les lendemains qui chantent.»
C'est un coup dur pour François Hollande. Même s'il y croit encore, le chef de l'État - qui avait repoussé sa conférence de presse en janvier pour avoir des résultats à présenter - espérait finir l'année sur une touche positive. Alors qu'il stagne dans les profondeurs de l'impopularité, pouvoir se targuer d'avoir inversé la courbe du chômage, comme il l'avait promis il y a un an, lui aurait permis de recrédibiliser sa parole et son action, démonétisées aux yeux des Français. «C'est la clé de tout, martelait cet automne un ministre. Il n'y a que ça qui compte, tout le reste n'est que littérature. Une partie du quinquennat se joue là-dessus. Si on échoue, on est très mal…» Las.
À l'Élysée, on tentait de relativiser, jeudi soir. «Il faut beaucoup de détermination, et beaucoup de sérénité», philosophait un conseiller. Les fragiles espoirs de François Hollande se reportent désormais sur les chiffres de décembre, qui seront connus fin janvier.
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