mercredi 28 janvier 2015
Pétros Màrkaris : "La campagne électorale a été un cadeau pour Syriza"
Le romancier et dramaturge grec, auteur d'une trilogie sur la crise et prix "Le Point" du Polar européen 2013, revient sur l'élection de Syriza en Grèce.
Romancier prisé des hautes sphères économiques européennes, prix Le Point du Polar européen 2013, l'auteur de la Trilogie du jugement, sur la crise grecque (Seuil), revient sur l'arrivée de la gauche radicale dans son pays.
Concrètement, que va changer l'arrivée au pouvoir du parti d'extrême gauche Syrizaen Grèce ?
Pétros Màrkaris : Il est trop tôt pour avoir une vision nette. Le problème avec Syriza a été la confusion entre les différentes politiques et les déclarations. Il n'y a aucune ligne claire. Il y a, au sein du même parti, des hommes politiques plutôt raisonnables, et d'autres qui tendent vers les extrêmes. Par conséquent, nous ne savons pas à l'heure actuelle quelle ligne prévaudra.
François Hollande félicite la Grèce, David Cameron s'inquiète. Est-ce un nouveau départ ou l'annonce d'une division pour l'Europe ?
Je ne peux faire qu'une supposition : François Hollande envisage probablement Alexis Tsipras, le leader de Syriza, comme un allié pour une réorientation de l'Union européenne et de son concept économique. En revanche, David Cameron est toujours inquiet lorsqu'il s'agit de l'Union européenne et surtout de la zone euro... La Grèce a toujours été le maillon faible, et le pays le plus profondément endetté. Je ne vois pas comment elle pourrait trouver là un nouveau souffle. En ce qui concerne la division que pourrait engendrer le résultat de cette élection, disons que l'Europe est déjà divisée entre Europe du Sud, Europe centrale et Europe du Nord. Elle est également divisée entre les pays qui soutiennent les mesures d'austérité et ceux qui au contraire misent sur les politiques de croissance. Un nouveau départ ne peut venir que s'il y a une volonté commune d'un certain nombre de pays européens à changer le cours des choses pour l'Europe. La Grèce peut faire partie de cette équipe.
Et Aube dorée, le parti néonazi auquel vous deviez d'ailleurs consacrer un roman, qu'en est-il dans tout ça ?
Vous avez raison, j'ai écrit un épilogue à ma trilogie sur la crise dans laquelle Aube dorée tient une place centrale. Elle est déjà traduite en français et devrait paraître très prochainement au Seuil. Aujourd'hui, en Grèce, Aube dorée est toujours là. Ne nous leurrons pas en pensant qu'elle pourrait disparaître si facilement. Cependant, la raison pour laquelle elle a atteint la troisième place du podium dans ces élections revient, en grande partie, à la faute du parti de centre droit Nea Demokratia. Sa campagne électorale a été si inefficace qu'elle a poussé une partie des électeurs vers la droite conservatrice, les Grecs indépendants, et l'extrême droite, avec Aube dorée. Et l'autre partie, les libéraux, vers le nouveau parti centriste La Rivière et même Syriza. Alexis Tsipras devrait envoyer des fleurs à Antonis Samaras, l'ex-Premier ministre et président du parti Nea Demokratia, pour le remercier. Parce que sa campagne électorale a été un cadeau pour Syriza.
La Trilogie du jugement : Liquidations à la grecque, de Pétros Màrkaris, traduit du grec par Michel Volkovitch (Seuil, 336 pages, 21,50 euros), Le Justicier d'Athènes (Seuil, 336 pages, 21 euros), Pain, éducation, liberté, (Seuil, 256 pages, 21 euros).
Ces très chers vols présidentiels
Malgré son amour déclaré pour le train, François Hollande est celui qui utilise le plus l'ensemble de la flotte présidentielle. Avec 579 heures au compteur en 2013, il devance largement tous ses ministres.
L'information est un peu passé inaperçue. Pourtant, le 6 janvier dernier, la veille de l'attentat àCharlie Hebdo, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a répondu au député PS René Dosière qui lui avait demandé six mois plus tôt le détail des déplacements du gouvernement en avion sur l'année 2013. Ayant déjà fait la même démarche auprès de l'ancien président Nicolas Sarkozy, le député socialiste réputé pour faire la chasse au gaspillage, voulait voir si François Hollande avait réduit la voilure par rapport à son prédecesseur. Voici ce qu'il faut retenir des réponses, repérées parLe Lab d'Europe 1.
Le président, premier dans les airs
Malgré son amour déclaré pour le train, François Hollande est l'homme qui utilise le plus l'ensemble de la flotte présidentielle au sein de l'exécutif. Avec 579 heures au compteur en 2013, l'Elysée devance largement Matignon (279 heures), le ministère des Affaires étrangères (193) ou encore le ministère de l'Intérieur (121). Le président aurait-il abandonné ses bonnes résolutions de 2012? «Le chef de l'Etat ne peut pas prendre le train systématiquement, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité», veut
relativiser René Dosière. A l'inverse, certains ont très peu volé. C'est notamment le cas de l'ancien ministre de l'Education nationale Vincent Peillon qui cumule neuf heures de vol en 2013. Idem pour le ministre délégué chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche qui n'affiche «que» deux heures de vol quand son homologue de la ville n'a volé qu'une demi-heure sur toute l'année.
Sur les 10 appareils que compte la flotte gouvernementale, l'Airbus A330 est le plus cher à faire voler. A chaque fois que l'appareil présidentiel - uniquement utilisé par l'ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault et François Hollande - effectue un vol d'une heure, le gouvernement dépense 20.776 euros,selon le ministère de la Défense. «Plus économiques», le Falcon 7X coûte quant à lui 4742 euros, le Falcon 900, 3998 euros, et l'hélicoptère Super Puma fait grimper la facture à 6411 euros de l'heure. Une compagnie privée, telle que Wijet propose un vol d'une heure à 2400 euros TTC seulement. Mais ces avions, des Cessna Citation Mustang, ne peuvent transporter que 4 personnes alors qu'un Falcon 900 peut en accueillir deux fois plus, comme le rappelle BFM TV.relativiser René Dosière. A l'inverse, certains ont très peu volé. C'est notamment le cas de l'ancien ministre de l'Education nationale Vincent Peillon qui cumule neuf heures de vol en 2013. Idem pour le ministre délégué chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche qui n'affiche «que» deux heures de vol quand son homologue de la ville n'a volé qu'une demi-heure sur toute l'année.
«Quand on compare ces données à celle récoltées sous Nicolas Sarkozy, on se rend compte que les ministres d'aujourd'hui volent moins que ceux du gouvernement Fillon», commente encore le député socialiste qui avait aussi interrogé le ministère de la Défense en 2010. Cette année-là, on apprenait que Nicolas Sarkozy avait passé quelque 1218 heures dans les airs. Soit deux fois plus que François Hollande. Idem pour les ministres des affaires étrangères de l'époque (Bernard Kouchner puis Michèle Alliot-Marie) qui avaient passé 375 heures dans l'avion en 2010, contre 300 pour Laurent Fabius en 2013.
» Une baisse des dépenses mais des coûts encore élevés
Résultat, les dépenses ont quelque peu baissé. Quand Nicolas Sarkozy dépensait 8 millions en 2010, François Hollande présente une note de 6,5 millions, semblable à celles de Jacques Chirac. En tout, la facture globale est passé de 17 à 14 millions d'euros, relève Le Lab d'Europe 1. Une baisse de presque 17% entre les deux présidences en l'espace de trois ans, souligne René Dosière. Reste que les dépenses en transport aériens de l'actuel gouvernement sont élevées. En 2013, l'ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault a dépensé 4,3 millions d'euros, son ministre ministère des Affaires étrangères Laurent Fabius affiche une note de 1,4 millions d'euros) quand son ministre de l'Intérieur de l'époquie Manuel Valls devait payer 517.000 euros la même année.
» Certains ministres n'ont pas fini de régler la note
Tout le monde n'est pas à jour dans ses paiements. C'est ce que montre la réponse du ministère de la Défense. Les sommes dépensées en 2013, qui devaient normalement être remboursées au ministère de la Défense dont dépend l'Etec, n'ont pas encore été toutes honorées. Par exemple, le premier ministre n'a payé que 2,1 millions d'euros sur les 4,3 qu'il devait à Jean-Yves le Drian. Même Bercy n'est pas à jour. Le ministère de l'Economie et des Finances doit encore régler 20.000 euros,comme l'indique la réponse du ministère de la Défense.
» La France, loin derrière les Etats-Unis
Si ces montants peuvent paraître très élevés, ils n'ont rien de comparables avec ceux des Etats-Unis. Outre Atlantique, l'avion présidentiel Air Force One de Barack Obama coûte pas moins de 210.000 dollars (186.000 euros) de l'heure, selon le département américain de l'Armée de l'air, interrogé par la fondation néoconservatrice Judicial Watch qui a publié ces informations en avril 2014. «Barack Obama est hors classement, réagit René Dosière. Il vole dans un Boeing 747 qui peut accueillir une centaine de personnes et qui est doté de protections anti-missiles. C'est une maison blanche volante cet avion!»
10 appareils utilisés par le gouvernement
C'est l'Escadron de transport 60, une unité de l'armée de l'air, qui est chargé du transport du président de la République, du premier ministre et des autres membres du gouvernement. La flotte présidentielle comprend actuellement 10 appareils, tous situés sur la base aérienne 107 de Villacoublay dans les Yvelines. Dans les hangars, stationnent l'avion présidentiel, un Airbus A330-200, baptisé «Air Force One» par l'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy qui l'a acheté en 2009 pour 176 millions d'euros à la compagnie Air Caraïbes. Cet appareil comprend notamment un espace privé pour le président, un bureau, une salle de réunion, une salle de communication et une cuisine. A côté, deux Falcon 7X, entrés dans la flotte en 2009-2010 assurent les voyages de courtes distances et peuvent remplacer l'avion présidentiel en cas de panne. A cela s'ajoutent deux Falcon 2000, deux Falcon 900 et trois hélicoptères Super Puma.
La Grèce, l'Europe et la France
La victoire d'Alexis Tsipras aura des conséquences pour l'Union et pour la France, car elle alimente le doute des populations sur les politiques menées.
Sur la crise grecque et le rebondissement qu'elle a connu dimanche avec la victoire spectaculaire de Syriza, c'est d'abord un regard européen qu'il convient de porter. En quoi risque-t-elle de déstabiliser l'Europe, et dans quelle mesure ? Elle est un nouveau signal, cette fois très alarmant, de la fracture qui divise le continent sur la politique à mener pour résoudre les problèmes financiers, économiques et sociaux qu'il traverse depuis sept ans. Cette fracture est historique, elle date des origines de l'Union européenne ; elle est de nature idéologique et s'est accentuée avec le temps, au fil de l'élargissement de l'Europe. La crise mondiale, par les effets qu'elle a produits sur les conditions de vie des peuples, lui a donné une nouvelle dimension qui atteint des proportions dramatiques dans certains pays et qui porte à son paroxysme le débat politique autour de l'Europe, jusqu'à provoquer ici et là la mise en question de son existence même.
Ce rappel n'est pas inutile si l'on veut évaluer à sa juste mesure l'événement grec, qu'on a tendance à assimiler à un rejet de l'Europe. À bien analyser les déclarations d'Alexis Tsipras, président du parti de la gauche radicale Syriza, c'est à un autre enjeu que répond son combat : l'abandon des mesures d'austérité imposées par la Commission et la renégociation de la dette publique de la Grèce. Certes il assortit ses propos d'une violente attaque contre la politique européenne, certes il profère une menace de rupture, mais il ne cesse d'espérer "une Europe qui change". C'est un homme politique. Il sait que son pays a tout à perdre dans cette rupture, il sait que la Grèce vient d'être sauvée par l'Europe au cours de ces dernières années.
Une conclusion négociée
L'Europe n'a de son côté rien à gagner d'un départ de la Grèce, qui compromettrait sa propre stabilité, devenue aléatoire, et qui par sa contagion réactiverait le feu politique dans certains États membres, eux-mêmes en difficulté sur le plan économique et social. De ces raisons, on peut induire la probabilité d'une conclusion négociée de la crise actuelle, non sans dégâts, certes, et non sans prix pour l'ensemble de la communauté européenne, sous la condition que Tsipras s'engage à une politique rigoureuse propre notamment à éradiquer les abcès qui gangrènent la société grecque. Ne dispose-t-il pas à cet effet d'une majorité considérable ?
La référence au risque de contagion nous amène à porter un regard français sur cette crise. La situation de notre pays n'est pas comparable à celle de la Grèce. Sur le plan économique d'abord. Quelles que soient les difficultés traversées actuellement par la France, quel que soit son état financier, économique et social, son potentiel est sans commune mesure avec celui de la Grèce. Certes François Hollande a échoué dans son pari stratégique initial. Il en a pris conscience il y a un an et a initié depuis lors une correction de tir encore timide qui ouvre des perspectives plus heureuses. Le problème est celui de sa volonté. On peut craindre que le renforcement de la réaction contre la politique d'austérité, telle qu'on l'observe non seulement en Grèce mais dans les pays d'Europe méditerranéenne, ne l'amène à faiblir dans la détermination qu'il affiche.
L'inconnue du niveau du PS dans l'opinion publique
Mais l'équation politique française n'a rien à voir avec celle de la Grèce. Le courant radicalement hostile à l'Europe est plus fort dans notre pays, si l'on additionne les voix de l'extrême droite et celles de l'extrême gauche. Mais leur alliance est impensable. Sauf à envisager une détérioration de la situation économique dans les mois à venir, une relative stabilité du rapport droite-gauche devrait se maintenir. La seule inconnue est dans le niveau auquel se situera le Parti socialiste dans l'opinion. On le voit mal sombrer dans les abîmes où est tombé le Pasok dimanche en Grèce. Là encore la clé du problème est dans les mains du président de la République.
Il s'est engagé dans une voie libérale modérée qui pourrait lui permettre d'éviter les écueils de l'austérité tout en apaisant certaines appréhensions des milieux économiques sans trop heurter la sensibilité de la gauche libérale. Qu'il se tienne avec constance à cette ligne difficile et le pire sera évité, dût la droite en tirer le profit en 2017 !
La possible synthèse
Sans attendre, Alexis Tsipras, tout juste chargé de former le nouveau gouvernement grec, est invité par François Hollande à se rendre à Paris. Le président français, qui milite assez vainement depuis le début de son quinquennat pour une réorientation de la politique européenne, trouve dans le vote grec un levier imprévu mais opportun. La France est à la croisée de deux cultures dans l'Union : celle des fourmis du nord et celle des cigales du sud. Paris jouant à la fois des deux cordes, François Hollande sera-t-il l'homme de la synthèse européenne s'appuyant sur un axe Paris-Rome pour peser vers davantage de croissance et vers un assouplissement du Pacte de stabilité ?
Le nouveau Premier ministre grec va être observé doublement, par son peuple et par les Européens. Par son peuple qui attend du concret. Alexis Tsipras hérite d'un pays mis à genoux par les politiques d'austérité. Il doit d'urgence proposer les réponses d'un État caritatif pour simplement redonner de l'électricité à ceux qui en sont privés, du pain à ceux qui ont faim, quelques euros à ceux qui n'ont plus rien. Et peut-être, plus tard, pourra-t-il reconstruire un État social à défaut de promettre un retour à l'État providence…
Tsipras va être observé par l'Europe contrainte de réviser son orthodoxie au moins pour deux raisons. D'abord par nécessité d'endiguer la contagion du vote grec. Contagion qui viendrait des partis anti-austérité mais aussi des partis europhobes qui ont rendez-vous avec les électeurs en Espagne, en France, en Grande-Bretagne, etc., dans les prochains mois. Ensuite parce que la Grèce occupe une position géostratégique pour l'Europe, aux portes du monde musulman.
Renégocier une dette ne serait pas une première dans l'histoire. Ni une première pour l'Allemagne qui a bénéficié d'une telle attention en 1953. Car c'est bien le c'ur du dossier que pose le peuple grec. À charge pour l'Europe d'être assez solidaire et pour la Grèce d'être assez européenne pour que les règles communes s'accordent avec les espérances d'un peuple à bout.
La supercherie grecque
Combien de temps faudra-t-il au peuple grec pour s’apercevoir de la supercherie ? En d’autres termes, combien de temps Alexis Tsipras, le nouveau Premier ministre grec, mettra-t-il à enterrer ses promesses ? Ces interrogations ne sont pas l’expression d’un cynisme arrogant, mais le simple résultat d’une observation clinique des faits. L’augmentation massive des salaires, la revalorisation brutale des retraites au niveau d’avant la crise, l’exonération d’impôts pour une frange importante de la population modeste, tout cela plus la restauration de très nombreux emplois de fonctionnaires aboutira rapidement à une impasse budgétaire. Quelque 12 milliards d’euros vont être distribués, dont les Grecs n’ont pas le premier centime en caisse… Dans le même temps, l’interdiction des licenciements économiques devrait provoquer une paralysie sociale dans un pays rongé par le chômage.
Au vu de toute cette prodigalité, on peut comprendre la liesse populaire qui a envahi le pays et les sourires triomphants de tous ceux qui, parmi nos hommes et femmes politiques français, rêvent à leur tour de voir la réalité économique se coucher devant la volonté politique : c’est tellement poétique. Cependant, entendre la ritournelle de la victoire de la démocratie contre l’argent ne fait plus rire personne. Les créanciers, déjà échaudés, manqueront de tolérance et plus encore d’humour. Ils rappelleront que, pas plus en Grèce qu’en France, on ne peut vivre durablement au-dessus de ses moyens. Ils souligneront que le pays en est là parce qu’il a maquillé ses comptes, triché sur les chiffres, joué avec ses engagements. C’est avant tout sa responsabilité, pas celle des autres pays, du FMI ou de la BCE qui, à la longue, pourraient se lasser de voir les Grecs recommencer à faire la fête avec l’argent de leurs voisins.
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