TOUT EST DIT

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lundi 11 avril 2011

Martine Aubry ou le programme Pirandello

Le PS a dévoilé ses propositions pour 2012. Difficile de croire aux mesures économiques avancées.
C'était il y a quelques jours. Martine Aubry présentait les 30 propositions phares du PS pour la présidentielle de 2012. Au menu : la création d'une banque d'investissement, l'encadrement des loyers, un "big bang" fiscal, le plafonnement des salaires des patrons des entreprises publiques ou encore la création de 300 000 emplois d'avenir.
Ça n'a pas manqué, Nicolas Sarkozy a dit tout le mal qu'il en pensait en deux trois phrases. François Fillon aussi (il a évoqué une "anesthésie nationale", rien de moins). Au-delà des 30 grandes mesures et de la "com'" autour de celles-ci, le document de travail sur lequel les experts du PS ont planché mérite d'être lu. Car c'est en réalité un bien drôle d'objet. Ceux qui y ont contribué ont travaillé. Ils ont aussi alimenté la bête avec toute sorte de choses. Ici, une petite phrase pour tacler Nicolas Sarkozy et sa nuit du Fouquet's. Là, deux paragraphes pour pointer du doigt les ratages diplomatiques de l'hiver. Un peu plus loin, un diagnostic solide et implacable sur la peur du déclassement des classes moyennes. Ailleurs, une analyse bien sentie sur l'impérieuse nécessité de réindustrialiser la France.
Le problème, c'est qu'il manque une chose essentielle pour que cela ressemble à quelque chose qui pourrait s'appeler "une ambition" (le PS a préféré "le changement", c'est le titre de ses propositions). C'est "le" personnage qui va porter ce texte, celui qui va l'incarner, lui donner un souffle, une voix, et donner envie à ceux qui le souhaitent d'y croire vraiment. Luigi Pirandello avait imaginé "six personnages en quête d'auteur". Martine Aubry fait le contraire. Elle a écrit un texte. Mais comme elle n'a pas encore sous la main son personnage, celui qui va habiter le texte, tout cela ne sonne pas juste. Avec ce résultat, comme dans la pièce de Pirandello (sauf que, lui, c'était son intention), le spectateur est laissé de côté. On lui passe un texte, à lui de se débrouiller avec. Tant que le PS n'aura pas son champion, il pourra promettre la lune ou de la sueur et des larmes, ce sera difficile d'y croire.

LA COCHE DES GRANDS SOIRS SOCIALISTES, MERCI LA GROSSE !!!!!

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Fort séisme ressenti dans le nord-est du Japon

À cause d'une accumulation de radiations, de nouvelles évacuations sont prévues autour de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi.

 Le Japon va procéder à des évacuations au-delà de la zone d'exclusion établie autour de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, où les efforts des ingénieurs pour la remettre en état ont été retardés lundi par une forte réplique sismique. Un mois jour pour jour après le séisme et le tsunami du 11 mars, un tremblement de terre de magnitude 6,6 a frappé le nord-est du Japon lundi soir, faisant trembler les immeubles de Tokyo et privant d'électricité 220 000 foyers supplémentaires.L'épicentre était situé à 88 kilomètres à l'est de Fukushima-Daiichi et l'alimentation électrique des pompes de refroidissement des trois premiers réacteurs a été coupée. La secousse a également forcé les ingénieurs de l'opérateur Tokyo Electric Power (Tepco) à remettre à plus tard l'évacuation de l'eau radioactive du réacteur n° 2. Les ingénieurs n'ont pas terminé de reverser dans l'océan Pacifique l'eau de mer utilisée pour refroidir les réacteurs et désormais contaminée. Ils ont déclaré dimanche qu'ils n'avaient pas progressé dans leurs tentatives de remise en état de marche des systèmes de refroidissement de la centrale, une étape indispensable pour la maîtrise des six réacteurs.
Zone d'évacuation
Le secrétaire général du gouvernement, Yukio Edano, a annoncé lundi que les villages et villes situés hors de la zone d'exclusion de 20 km et qui présentaient une accumulation de radiations allaient être évacués. Le gouvernement recommande aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes hospitalisées de quitter la zone dans un rayon de 20 à 30 kilomètres autour de la centrale, a-t-il dit. "Nous avons pris une nouvelle décision concernant les évacuations en nous fondant sur des données d'accumulation de radiation", a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse. "Il n'est pas nécessaire de procéder à une évacuation dans l'immédiat", a-t-il ajouté, tout en jugeant souhaitable que le nouveau plan d'évacuation intervienne dans un délai d'un mois. Le gouvernement avait jusqu'à présent résisté aux appels en ce sens de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Des pays comme les États-Unis et l'Australie ont invité leurs ressortissants à ne pas s'approcher à moins de 80 kilomètres du site.
L'ONG Greenpeace International plaide pour une zone d'évacuation de 30 kilomètres, arguant que "la radiation ne se propage pas de façon circulaire", a indiqué Jan Van de Putte, conseiller en sécurité du groupe. Les quelque 5 000 habitants du village de Iitate, situé à 40 kilomètres de la centrale, ont reçu l'ordre de se préparer à une évacuation qui, selon la presse locale, n'interviendrait pas avant un mois. Le Japan Times affirme que les autorités vont bientôt complètement boucler la zone d'exclusion pour empêcher les habitants de venir rechercher des éléments personnels chez eux.
Minute de silence
Le gouverneur de Fukushima, Yuhei Sato, a critiqué cette politique d'évacuation. Il a rappelé que les riverains habitant à une distance comprise entre 20 et 30 kilomètres avaient initialement reçu pour consigne de rester cloîtrés chez eux avant d'être incités à partir sur une base volontaire. "Les habitants de la zone située entre 20 et 30 kilomètres ont été complètement perdus sur ce qu'il fallait faire", a-t-il dit dimanche à la télévision NHK.
Le président de Tepco s'est rendu sur le site lundi pour la première fois depuis le 11 mars. "Je voudrais présenter une nouvelle fois mes profondes excuses pour avoir fait subir des épreuves physiques et psychologiques aux habitants de la préfecture de Fukushima et près de la centrale nucléaire", a déclaré Masataka Shimuzu. Il s'est recueilli aux côtés d'autres responsables de Tepco lors d'une minute de silence observée à 14 h 46, heure locale (6 h 46 à Paris), un mois après le séisme.
Tepco peine à reprendre le contrôle du site de Fukushima. Elle injecte de l'azote dans les réacteurs, dont certains ont subi une fusion partielle, pour éviter une trop forte concentration d'hydrogène susceptible de provoquer des explosions qui libéreraient des particules radioactives. Le déversement d'eau dans les réacteurs a en outre entravé les efforts visant à remettre en état de fonctionnement le système de refroidissement de la centrale, pourtant indispensable.

Euphorie socialiste

Les socialistes sont euphoriques. Ils ont un programme (ou plutôt un « projet », ce qui est beaucoup plus vague) et ont passé une semaine sans se tirer des rafales de petites phrases assassines dans le dos, pendant qu’à droite ça flingue à tout va. C’est assez rare pour les inciter à crier victoire. Pour François Hollande, « le prochain président ne peut être que socialiste ». À se demander s’il est vraiment nécessaire d’organiser le scrutin de l’année prochaine ou si la primaire au sein du PS suffira…

Les rendez-vous des prochaines semaines devraient conduire à plus de prudence. Hier, Hollande, Aubry et Royal étaient côte à côte. Dès ce matin ils seront en campagne et se démarqueront les uns des autres.

Le projet socialiste est censé être applicable par n’importe lequel des nombreux candidats à l’investiture. C’est évidemment une illusion. D’abord, le texte ne tranche pas les sujets qui fâchent, comme le nucléaire. Ségolène Royal est contre, François Hollande est pour. Ensuite, certaines mesures ne seront applicables… par personne : le retour de la retraite à 60 ans sera impossible sans une baisse drastique du montant des pensions. Les socialistes le savent et ils ont repris la revendication des syndicats sans insister sur ce dossier pourtant emblématique. Quelle discrétion, moins de six mois après que les retraites ont été l’objet de toutes les manifestations ! Est-ce une façon d’entamer… la retraite sur les retraites ?

Et puis, il y a DSK… Aujourd’hui gendarme des économies mondiales, le directeur général du FMI impose des cures d’austérité tous azimuts pour sauver l’euro. En Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne, les salariés sont sommés de travailler plus pour gagner beaucoup moins. Strauss-Kahn prônera-t-il le contraire en France, qui est également surendettée et en déficit chronique ? Ses camarades socialistes Papandréou (Grèce), Socrates (Portugal) et Zapatero (Espagne), à qui il a mis le couteau sur la gorge, réclamant, et obtenant, la baisse du salaire des fonctionnaires, le recul de l’âge de la retraite et la hausse des impôts, seront très intéressés de savoir par quel prodige le docteur DSK exclurait la France de ces mesures « d’assainissement ».

Que les socialistes profitent bien de l’euphorie actuelle, les débats qui les attendent vont la faire retomber vite.

L’enlisement

Il faut se rendre à l’évidence : les interventions militaires ne sont pas une promenade de santé. Voilà trois semaines que les aviateurs français, désormais placés sous la coupe de l’Otan, sont engagés en Libye, et après avoir encaissé les premiers coups, Kadhafi reprend du terrain. Voici une semaine que la force Licorne a ouvert le feu en Côte d’Ivoire, et Gbagbo fait plus que redresser la tête depuis que les frappes initiales l’ont obligé à se terrer dans la cave de sa résidence. Ses troupes ont tiré samedi sur le QG du président élu Ouattara, ce qu’elles n’avaient pas osé faire pendant quatre mois : c’est l’escalade.

Il n’y a pas eu (et il n’y aura pas) de guerre « fraîche et joyeuse » en Libye et en Côte d’Ivoire pour faire oublier l’embourbement afghan. La France s’enlise, et cet enlisement a un prix élevé, qui ne sera pas sans conséquences budgétaires pour une armée mise au régime sec depuis quatre ans, ainsi que pour des finances publiques exsangues. En d’autres termes, le temps ne joue pas forcément en faveur des « gendarmes » venus mater les dictateurs africains. Obama, échaudé par l’Irak et l’Afghanistan, était réticent à s’engager en Libye. Il a retiré ses avions de combat dès qu’il en a eu la possibilité. Quant à Nicolas Sarkozy, il serre les dents : au lieu de lui redonner un souffle perdu, les deux guerres qu’il vient d’engager ont tout pour ajouter à ses difficultés intérieures.

Officiellement, la France n’intervient que dans le cadre de résolutions très strictes de l’Onu « pour protéger les populations civiles ». Mais ne soyons pas hypocrites : les frappes ne visent que les troupes de Kadhafi et de Gbagbo, et l’objectif final – qui ne sera jamais entériné par une résolution de l’Onu, mais auquel tout le monde pense avec ferveur – est bel et bien de se débarrasser des deux potentats. Malheureusement, Paris se heurte, comme les autres capitales occidentales, à une réalité gênante : les troupes libyennes et ivoiriennes qui sont dans le collimateur appartiennent à deux armées régulières, équipées et formées, entre autres, par la France. Celle-ci s’acharne à démolir des machines de guerre que ses gouvernants de droite et de gauche ont patiemment mises sur pied, en faisant semblant de croire qu’elles n’avaient pas vocation à être utilisées, et surtout pas contre les civils. Vieille contradiction occidentale, dont nous ne sortirons donc jamais…

Le rayon vert de Fessenheim

D’ordinaire, les dictons se promènent si innocemment dans nos agendas qu’ils passent inaperçus. Pas celui d’hier, qui sifflotait sur un air de chlorophylle «Quand arrive la Saint-Fulbert tout est vert» avant d’aller planer, comme l’âne assonancé de Bashung, «autour des tours» de Fessenheim.

Dans son vol dominical, il a télescopé une actualité régionale qui, elle-même, avait largement décollé des bords du Rhin pour rejoindre un espace planétaire. Nulle autre région française, en effet, ne se sent aussi concernée par la tragédie de Fukushima que l’Alsace. Voilà tant d’années qu’elle s’interroge sur la sécurité nucléaire au rythme des incidents que collectionne la plus vieille centrale de France.

Aujourd’hui «Fessenheim» est devenue le double symbole d’une inquiétude et d’une attente. La question de sa fermeture - annoncée, repoussée, réclamée - coïncide avec la réouverture d’un débat fondamental sur l’avenir énergétique français. Selon un sondage récent (Ifop/ France Soir) plus de huit Français sur dix - dont 90% des sympathisants de gauche et 66% des sympathisants UMP! - souhaitent désormais que d’ici vingt ou trente ans, la France diminue de manière significative la part du nucléaire au profit d’autres sources d’énergies.

A Fukushima, le spectacle de l’impuissance d’une grande puissance à maîtriser les conséquences d’un accident nucléaire et la durabilité de ses dégâts, a instillé un doute nouveau, en même temps qu’on découvre que même les démantèlements les plus simples, comme à Brennilis, ne sont pas si évidents.

Les politiques ont été totalement pris de court par cette crise de confiance massive. En France, la question du nucléaire était quasiment classée, et même supplantée dans les thèmes écologistes par l’urgence climatique. Mis à part quelques centaines de militants verts ou alternatifs, et les élus locaux concernés, qui se souciait du scandale des trains chargés de déchets radioactifs traversant Strasbourg en pleine nuit?

Mais dans l’imaginaire collectif, le nucléaire a brutalement rejoint les hydrocarbures au registre des polluants dépassés dont il faut à tout prix apprendre à se passer. Sa contestation n’est plus assimilée à un archaïsme de pensée contre un progrès obligatoire. Quand le président de la République recourt à l’argument commercial de la sécurité technologique française et au prétexte éternel de l’incontournable - «sauf à dire aux Français qu’ils vont maintenant se chauffer et s’éclairer à la bougie...» - il peine à convaincre son propre camp. Quant au PS, qui a longtemps adhéré lui aussi à ce dogme consensuel, il hésite maintenant entre la fin du «tout nucléaire» et la sortie du nucléaire tout court.

Chacun pressent qu’un enjeu de civilisation surpasse les défis économiques les plus graves. Synonyme d’une fin, Fessenheim sera peut-être celui d’un commencement.

Renault, qui va porter le chapeau ?

Ce soir, les administrateurs de Renault se réunissent pour couper une tête. Voici venue l’heure de punir le responsable de l’immense pantalonnade qui a ridiculisé la marque au losange. Et réjouit la concurrence, les carrossiers de Volkswagen s’en gondolent encore…

À quel haut dirigeant, mêlant l’incompétence à la paranoïa, doit-on ce lamentable fiasco ? Qui, se fiant à une enquête interne bidon, a cru bon de virer quatre cadres pour un “espionnage industriel” parfaitement imaginaire ? Les malheureux, vite catalogués “traîtres à la patrie”, se retrouvèrent aussitôt sur le carreau. Le capitalisme sait donc aussi organiser des procès staliniens.

Mieux, le puissant PDG du groupe alla lui-même claironner la sentence au journal de TFI. On voyait bien alors, à sa mine altière, que Carlos Ghosn ne laissait à personne — même pas à la justice — le soin de décider. Un patron de pareille envergure, qui reçoit 9 millions d’euros par an, assume seul et tranche dans le vif. En pleine lumière, bravo !

Au moment de payer les pots cassés, pourtant, l’omnipotent manager s’efface volontiers. Si Renault souhaite faire “porter le chapeau” à quelques-uns de ses proches collaborateurs, il n’émettra aucune objection. Pourvu que lui, pétri de tant de qualités, reste en place. Face au réalisme économique, la morale devient secondaire.

Enfin, au nom de “l’intérêt supérieur de l’entreprise”, M. Ghosn accepte de déléguer. Non pas son pouvoir, mais ses erreurs…

Pléthore


Ils étaient seize en 2002, puis douze en 2007 - combien seront-ils en 2012 à briguer nos suffrages ? Plus, sûrement beaucoup plus, à les voir tous ces jours se bousculer au portillon. Jeudi, ce sera au tour de Dominique de Villepin, qui s’est déclaré hier en mal d’incarnation. Il aura sans doute été précédé la veille par Nicolas Hulot, sur le thème «maintenant ou jamais». La semaine dernière, nous avions jeudi entendu la grosse envie de Jean-Louis Borloo, et samedi l’émotion de Jean-Luc Mélenchon. Sans oublier François Hollande et sa déclaration de Tulle... Oui, si loin de l’échéance, cela fait déjà pléthore de prétendants. Le signe d’une fin de cycle, quand les chefs ont fait leur temps. Ou plutôt le signe d’une époque où le temps va plus vite, où le chef d’un jour est rarement celui du lendemain. De la pléthore actuelle, il n’en restera qu’un - mais il sera précaire, forcément précaire.

Le jour où le PS s'est redécouvert uni

On ne pouvait rêver meilleure photo de famille au Parti socialiste : Martine Aubry entourée par Ségolène Royal et François Hollande, tout sourire et approuvant tous le nouveau programme dévoilé mardi. Il manquait juste Dominique Strauss-Kahn pour que cet instant soit définitivement historique. De quoi presque faire oublier que leur « Projet 2012 » - adopté à l'unanimité hier - tient plus du plus petit dénominateur commun acceptable pour l'ensemble des présidentiables que d'une vision d'avenir pour la société et qu'il est surtout remarquable par ses oublis. Deux ans et demi après le calamiteux congrès de Reims qui avait vu la maire de Lille prendre la tête d'une formation déchirée par la haine et proche de l'explosion, le chemin parcouru est cependant remarquable. Tout comme le talent politique qu'a su déployer Martine Aubry afin de redonner au PS une colonne vertébrale et un fonctionnement à peu près collégial. Cette unité retrouvée est d'autant plus éclatante à la fin d'une semaine qui a vu la droite retrouver ses vieux démons de la division, avec l'annonce du départ de Jean- Louis Borloo de l'UMP, et les écologistes s'engager vers un duel tendu entre Eva Joly et Nicolas Hulot. Dans le même temps, la direction du PCF est parvenue dans un relatif consensus à afficher sa préférence pour Jean-Luc Mélenchon. Ce samedi, c'est donc l'image d'une gauche se mettant en ordre de marche qui s'imposait. Le Parti socialiste peut savourer l'instant. Mais il aurait tort d'en être grisé, car il n'est pas certain qu'il dure. Les primaires, parfaite machine à perdre, sont le prochain obstacle à l'horizon.

La « responsabilité de protéger »


L'intervention en Libye a relancé le débat autour du prétendu « droit d'ingérence humanitaire », que nombre de pays du Sud et de l'Est asiatique voient comme une notion parfaitement idéologique pour habiller les prétentions hégémoniques de l'Occident.

En réalité, il s'agit de mettre en oeuvre la « responsabilité de protéger », dont l'assemblée générale de l'Onu a fait, en 2005, un principe applicable aux situations de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Dans cette hypothèse, si l'Etat concerné ne s'acquitte pas de sa mission de protéger sa population, et a fortiori s'il se rend coupable de l'un de ces crimes, le Conseil de sécurité de l'Onu peut décider une intervention protectrice. C'est ce qu'il vient de faire par sa résolution 1793.

Le choix qui s'offrait à l'Onu était assez simple : ou bien laisser la communauté internationale assister en témoin passif à l'écrasement de Benghazi et, au-delà, de tout un pays par un despote illuminé ; ou bien, mobiliser la force au service du droit.

Certains ont soupçonné la coalition occidentale de vouloir préserver une source d'approvisionnement énergétique et d'être animée de préoccupations de politique intérieure. Mais la grande majorité de la population des pays intervenants approuve l'initiative (66 % des Français), qui nous épargne le déshonneur, ressenti en d'autres temps lors de l'abandon des Républicains espagnols en 1937 et des Sudètes en 1938, au moment des accords de Munich.

Il ne s'agit pas seulement de manifester notre solidarité active avec les peuples opprimés, mais de tirer toutes les conséquences du fait de croire à une réelle « communauté des valeurs » (1). Cette conviction, adossée à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, finit par s'imposer dans les faits, malgré les sceptiques ou négateurs, prompts à voir dans les droits humains le « pagne des classes capitalistes » ou de l'impérialisme. Le « printemps arabe » leur inflige un cinglant démenti.

Il est d'ailleurs frappant que les États contestataires soient, presque sans exception, ceux-là même qui bafouent sans vergogne les droits fondamentaux. De là à penser que leur discours ne relève que d'une stratégie de camouflage et d'habillage des violations... Le soupçon se justifie lorsque la voix de leurs peuples parvient à se faire entendre. Ils revendiquent, eux, l'application intégrale des engagements internationaux souscrits par leurs pays. À les entendre, apparaît, en deçà des différences culturelles, le caractère universel de la souffrance d'hommes et de femmes injustement incarcérés, détenus sans procès, suppliciés, écrasés par la force ou privés de leurs droits sociaux et culturels. Ces droits, universels, devraient s'appliquer en Libye, en Syrie, en Côte d'Ivoire, ou en Chine.

Enfin, écoutons l'opposante birmane Aung San Suu Kyi : « Si l'on devait nier la validité des idées et des convictions, en dehors de l'aire géographique et culturelle où elles trouvent leur origine, alors le bouddhisme serait confiné au nord de l'Inde, le christianisme à une étroite bande de terre au Moyen-Orient et l'islam à l'Arabie » (2). L'humour est aussi une façon de résister.

(1) Sous-titre du livre de Mireille Delmas-Marty, (Seuil).
(2) Rapport annuel 1998 d'Amnesty International.