jeudi 5 juillet 2012
Sortir de la crise
Dire qu’une solution à la crise actuelle n’existe pas relève
tout simplement d'une analyse économique erronée. Nous pouvons sortir de
la crise et nous pouvons le faire par le haut en rétablissant
l’étalon-or avec pour conséquence des finances publiques assainies et
des acteurs économiques pouvant fonder à nouveau leurs décisions sur de
vrais signaux.
Comment éviter la crise qui vient ? Ou plutôt comment sortir des
solutions qui nous ont conduit à la crise de la dette souveraine ? Dans
les semaines qui viennent un grand nombre de décideurs publics vont nous
expliquer que la sortie de la Grèce de l’euro n’est pas si grave et que
cette issue était prévue. Ils vont nous dire que la situation est
maîtrisée et que les politiques qu’ils vont mettre en œuvre à l’avenir
vont nous sauver.
Le problème est que depuis qu’une grande majorité de nos décideurs
politiques sont convertis au keynésianisme ils ont toujours affirmé des
lois économiques erronées :
- Les crises que traverse le capitalisme sont le fruit d’une insuffisance de la demande globale.
- Seule une relance de cette demande globale peut éviter à l’économie d’un pays de sombrer dans une dépression et/ou récession.
- Seul le gouvernement est capable de pratiquer la politique budgétaire et le dosage monétaire pour atteindre cet objectif de croissance de la demande globale.
- La coordination des politiques économiques entre les pays d’une même zone économique peut permettre à ces pays de traverser une crise en atténuant les effets néfastes de celle-ci.
Revenons sur un point d’histoire. Keynes dans les années 1920 ayant perdu une fortune en Bourse a voulu en quelque sorte prendre sa revanche en tentant de bâtir une théorie qui lui permettrait de récupérer sa fortune en devenant le serviteur zélé des décideurs politiques en leur permettant de justifier l’interventionnisme politique dans l’économie. Pour Keynes, l’épargne était une fuite dans le circuit économique et constituait un frein à l’augmentation de la demande globale. Il fallait, selon lui, tout faire pour augmenter la propension à consommer. Les gouvernements pouvaient alors mettre en place une politique de relance de la demande globale en dépensant l’argent du contribuable dans les politiques de soutien à la consommation, de soutien à l’investissement. Ces politiques permettaient à ceux qui en bénéficiaient de dépenser plus et par conséquent de soutenir la croissance de l’économie.
Ne croit-on pas entendre là les partisans actuels de la mise en place de politiques de relance en Europe ? Est-il bien raisonnable de présenter les faits aussi simplement et surtout sans voir que dès le départ le raisonnement est vicié !!
En fait Keynes a tout simplement oublié que l’épargne n’était qu’un renoncement à une consommation présente et était réservée à une consommation future. Ce partage entre consommation présente et consommation future est capital car il est la base sur laquelle va se former le taux d’intérêt originaire. Si la préférence pour la consommation présente est forte alors l’épargne est peu abondante. L’offre de fonds prêtables est faible par rapport à la demande de fonds prêtables qui n’est autre que la demande d’investissement pour l’avenir. La productivité ne va pas augmenter significativement dans ces phases où les investissements ne peuvent pas être financés. La rentabilité attendue pour les investissements sera donc élevée et par conséquent un grand nombre d’investissements ne remplissant pas ces conditions de rentabilité seront reportés.
Mais au fur et à mesure les décisions des acteurs de l’économie se modifieront et l’épargne augmentera à nouveau permettant un abaissement du taux d’intérêt originaire qui entraînera dans son sillage la réalisation d’investissements reportés précédemment, la productivité augmentera et le prix de certains biens jusque là élevé finira par baisser. Cette baisse du taux d’intérêt et cette élévation de la productivité permettront le déclenchement de cette fameuse croissance que tout le monde attend. On le voit, le schéma ici est plus conforme à ce que connaissent les vrais acteurs de l’économie : les entrepreneurs, les consommateurs, les épargnants.
Les crises que nous avons traversées depuis la première guerre mondiale n’ont jamais résulté d’une insuffisance de la demande globale mais plutôt d’une manipulation de la monnaie et du crédit à des fins politiques de guerre ou de relance. Car, en abaissant artificiellement le taux d’intérêt, les autorités monétaires envoient de faux signaux aux investisseurs qui vont alors prendre des décisions fondées sur ces faux signaux. Une fois que ces autorités monétaires penseront que nous allons entrer dans une phase de « surchauffe », elles vont procéder à une élévation du taux d’intérêt : cela aura pour effet de révéler la fausseté des décisions prises dans la phase précédente. Les crises récentes de la Bulle internet dans les années 2000 et de la crise dite des « subprimes » relèvent de ces schémas. La crise de la dette souveraine n’est que l’aboutissement de ces politiques budgétaires et monétaires laxistes.
Rappelons-nous aussi de Keynes qui parlait de l’Or comme une « relique barbare ». Là encore c’était une erreur car, pendant l’étalon Or véritable ente 1880 et 1914, l’économie se développait en adéquation avec ce partage épargne / consommation. À partir de 1914 et le passage à l’étalon de change or où seuls la livre sterling et le dollar étaient convertibles, les choses ont commencé à se compliquer et les autorités monétaires ont commencé à s’organiser afin de mettre en place le système de réserves factionnaires à l’origine de l’effondrement actuel de l’économie mondiale.
Pour en finir définitivement avec les crises, il est impératif de revenir à des bases saines : un étalon or et une concurrence monétaire ainsi qu’un équilibre permanent des finances publiques sans recours à l’endettement et sans recours à l’inflation.
Dire qu’une solution à la crise actuelle n’existe pas relève tout simplement d'une analyse économique erronée et prétendre que la solution de l’étalon-or n’est pas possible fait tout simplement preuve de la mauvaise foi des décideurs politiques.
Nous pouvons sortir de la crise et nous pouvons le faire par le haut en rétablissant l’étalon-or avec pour conséquence des finances publiques assainies et des acteurs économiques pouvant fonder à nouveau leurs décisions sur de vrais signaux pour leur épargne et pour leur consommation.
Alors si nous souhaitons véritablement sortir de la crise mobilisons-nous pour un retour rapide à l’étalon or et pour une vraie économie de marché au service de tous.
On a l'impression d'une politique qui va partir dans tous les sens avec des sessions extraordinaires du Parlement à la clé, alors que la question essentielle porte sur les finances publiques et les moyens de réduire la dette. Jean-Marc Ayrault peut s'en défendre, le cœur de sa politique économique est une austérité rude. Parce que le redressement passe par une baisse durable du niveau de vie en France et que cette assertion est politiquement invendable. Comment mettre le changement en mouvement si les corps intermédiaires se rendent compte trop vite qu'ils vont être essorés et que les plus aisés sont convaincus qu'ils vont subir une authentique confiscation fiscale par une taxation sans précédent de leurs biens ? Le danger est là et Jean-Marc Ayrault le sait, c'est la désespérance brutale qui conduit à l'isolation du gouvernement par tous les acteurs du champ sociétal.
On comprend que le Premier ministre veuille les convaincre mais son créneau très mitterrandien de laisser du temps au temps ne répond pas à l'urgence de la crise. Son rabotage des prévisions de croissance n'est-il pas la première étape avant l'annonce d'une France en récession ? Jean-Marc Ayrault a été sérieux et appliqué mais sûrement pas enthousiasmant.
La grande Arnaque de l'euro
Un reportage choc a été diffusé hier sur la chaine TV publique
allemande ARD, incriminant l'UE, mais aussi les politiciens allemands,
dans les fraudes aux critères de Maastricht qui ont eu lieu pour le
lancement de l'euro.
La chaine de télévision allemande ARD a diffusé lundi 2 juillet au soir un documentaire très intéressant, intitulé, la Grande Arnaque de l'euro, qui reconstruit comment les politiciens européens se sont trompés les uns les autres sur l'euro.
La crise de l'euro, y apprend-on, est une histoire de fraudes et de
tromperies ; tous les membres, même les Allemands, sont impliqués.
D'après notre source, le documentaire montre que la Bundesbank
(Tietmeyer, Issing) a averti Kohl et Waigel que la Grèce et la Belgique
n'étaient pas en conformité avec les règles de l'Union Monétaire
Européenne. Regling, le Directeur Général de la Commission de l'Union
Européenne, le savait aussi. Ces vieux hommes amers ont été interviewés.
Quand les Grecs ont voulu rejoindre l'euro, les analystes de la
Bundesbank ont pu voir que les données étaient apparemment falsifiées.
Un membre de conseil d'administration de la Bundesbank a publié ses
remarques mais, comme résultat, s'est fait sévèrement remonter les
bretelles par Hans Eichel.
Eichel et Schröder ont ensuite décidé que l'Allemagne ne devrait pas
non plus être en conformité avec les règles. Des officiels de haut rang
de la Bundesbank et des politiciens de premier plan ont donc
délibérément dit des mensonges à la population, qui doit maintenant
payer la facture.
Un programme de cette nature aurait dû être de la dynamite dans le
débat politique allemand, sauf qu'il a été programmé tard dans la
soirée, de 22h45 à 23h30. Les journaux du 3 juillet n'ont pas (pour
l'instant) commenté ce programme.
S'il y a des Germanophones qui souhaitent servir le public, une
traduction des passages clés serait vraiment utile, pour donner une plus
grande audience à ce documentaire, ne serait-ce que pour faire
contraste avec celui, bien plus faible, de Peston (journaliste
britannique)
Face à Ayrault, une droite sous influence
Dans ce domaine, c’est plutôt la cacophonie qui règne, car les principaux dirigeants de l’UMP se déchirent sur le passé récent, notamment sur la manière dont a été menée la campagne de Nicolas Sarkozy. A la différence du débat au sein du PS lors des primaires, qui portait sur des choix d’avenir, celui qui s’ouvre pour l’élection du président de l’UMP se limite, pour l’instant, à un règlement de comptes entre ceux qui assument la ligne suivie lors de la campagne présidentielle (Jean-François Copé) et ceux qui dénoncent aujourd’hui la prétendue « droitisation » de cette campagne incarnée par le sulfureux conseiller Patrick Buisson (NKM, Roselyne Bachelot, Chantal Jouanno). François Fillon reste prudemment hors de cette polémique, mais n’interdit pas à ses partisans d’y mettre leur grain de sel. Quant à Alain Juppé, sa posture de vieux sage qui garderait la maison jusqu’à la désignation du candidat à la présidentielle de 2017 le contraint à tenir un discours rassembleur pour ne vexer personne.
Ce type d’affrontement n’est pas de nature à doter la droite française d’un corpus idéologique et programmatique se fondant sur une analyse approfondie du quinquennat écoulé, de ses réussites (oui, elles existent) et de ses échecs. On observe, pour l’instant, aucune autonomie de pensée dans cette droite déboussolée, sommée chaque jour de s’expliquer sur des thèmes que lui impose la gauche politique et médiatique comme la « droitisation » de l’UMP et la tentation d’alliance avec le Front National. Lancer, comme le propose J.F. Copé, un débat sur les « valeurs » de la droite républicaine, c’est aussi céder aux pressions de cette même gauche qui met constamment en cause la vertu républicaine de l’autre camp.
D’ailleurs, pourquoi un parti politique devrait-il être producteur de valeurs qui le distinguent des autres ? La droite, comme la gauche, rassemblent des individus dont les convictions éthiques peuvent diverger sur des questions dites « sociétales» (avortement, mariage gay, euthanasie). S’il s’agit de s’approprier de manière partisane un patrimoine commun (la Nation, le drapeau, la laïcité etc.), il faut que soit déniée au camp d’en face la légitimité à les incarner, donc à transformer l’adversaire politique en ennemi à abattre. Ce que la gauche a parfaitement su faire en utilisant à son profit l’antisarkozysme viscéral distillé pendant cinq ans par une classe politico-médiatique majoritairement acquise à cette cause.
La droite ne reviendra pas au pouvoir parce qu’elle aura mis en ordre ses « valeurs ». Le peuple ne veut pas d’un pouvoir qui vous fasse la morale, mais d’un gouvernement qui agisse avec lucidité et compétence dans une époque où les idéologies d’hier ne sont d’aucune utilité pour naviguer en temps de crise.
Traditionnellement, la droite était créditée d’une plus grande compétence économique que la gauche, réputée dépensière. On lui faisait également plus confiance sur les questions de sécurité face à une gauche supposée laxiste dans ce domaine.
Or, aujourd’hui cet avantage n’est plus aussi évident, car la gauche a tiré les leçons du 21 avril 2002. Le programme économique de François Hollande peut être qualifié de « blairiste », même si ce terme est rejeté avec horreur sur les bancs socialistes. L’orientation donnée par Manuel Valls au ministère de l’Intérieur ne laisse pas beaucoup de champ à une critique de la permissivité d’une gauche inspirée par les sociologues habituels de la culture de l’excuse.
La droite devrait donc se soucier prioritairement de reconquérir ce capital de confiance dans ces deux domaines essentiels. Comment ? En ne se laissant pas intimider par les anathèmes de la gauche : non, le libéralisme n’est pas un gros mot et la droite serait dans son rôle en proposant plus de liberté et moins de contraintes aux acteurs de l’économie nationale. Le discrédit dont souffre actuellement ce terme dans l’opinion à la suite de la crise des subprimes aux Etats-Unis ne pourra éternellement masquer que le libéralisme est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres, pour assurer le bien-être matériel des populations des pays avancés.
Elle doit également articuler un discours répondant à cette « insécurité culturelle » 2 ressentie par bon nombre de Français de toutes origines devant les formes prises par cette fameuse « diversité » des composantes de la société française. La présence de plus en plus visible d’un mode de vie islamiste dans nos villes inquiète, et faute d’une réponse adaptée à la complexité du problème, on laisse le champ libre aux démagogues. L’affirmation républicaine, le refus des quotas, l’affirmation des limites à ne pas franchir dans la « différenciation » pourraient constituer les piliers d’un discours de droite crédible sur cette question.
Le futur chef de la droite, quel qu’il soit, ne pourra pas faire l’économie de ce qui fait l’honneur de la politique : mettre des idées en mouvement dans la société, et se donner les moyens de les mettre en œuvre.
- Robert-André Vivien (1923-1995) député gaulliste du Val-de-Marne de 1962 à 1995. Il était célèbre pour la qualité de ses interruptions des orateurs à l’Assemblée nationale ↩
- Expression inventée par le politologue Laurent Bouvet. ↩
Vous pensez avoir un comportement rationnel ? Vous avez tort !
"Sincérité de gestion" mais pas de langage... Jean-Marc Ayrault et l'euphémisation de la rigueur
Après le rapport de la Cour des comptes, la déclaration de politique générale et la présentation du projet de budget rectifié, Jean-Marc Ayrault a terminé une longue séquence consacré au budget en étant interviewé mercredi sur le plateau du 20h de TF1. Sur le fond, puis sur la forme, l'avez-vous trouvé convaincant ?
Premier ministre est toujours mis en avant au moment du discours de politique générale. Mais là, il était seul sur le devant de la scène pour annoncer les premières mesures gouvernementales et encore en vedette mercredi soir à la télévision. Le message recherché était celui du « retour à la norme » du fonctionnement de la Ve République : au Premier ministre, chef de la majorité, les questions intérieures et quotidiennes ; au Président, l’international, la crise de l’euro, les grands « domaines réservés ». Et, pour marquer symboliquement cette répartition des tâches, Hollande, chef des armées, a choisi hier de faire une visite surprise au sous-marin nucléaire « Le Terrible », tandis qu’Ayrault était à Paris sur le dossier de la crise économique française. Un contraste d’image moins dû au hasard qu’à une communication bien réfléchie.
Aux Français de dire s’il a été convaincant. En tout cas, il s’est efforcé de rassurer les « classes populaires » et les « classes moyennes » (« les efforts sont justes »), mais aussi de montrer qu’il tenait fermement le gouvernail de la politique française. C’était une opération « pédagogie », justifiant ses choix (mot plusieurs fois utilisé) : gouverner, c’est choisir ! Pas d’annonce particulière, mais la volonté d’affirmer une proximité avec la vie quotidienne des Français, comme l’indiquent ses propos sur le prix du gaz qui ne doit pas dépasser la hausse générale des prix.
Comment interpréter le fait que le Premier ministre n'utilise pas le mot "rigueur" ? Il est même allé plus loin en se déclarant "fondamentalement hostile à l'austérité".
Sur le fond, ne risque-t-il pas de se mettre à dos un certain électorat de gauche avec ces 7,2 milliards de hausse d’impôts ?
Mais, pour l’heure, deux catégories sont en jeu. La première est celle d’une frange d’ouvriers qui, bénéficiant jusqu’ici des heures supplémentaires défiscalisées, risquent de se retrouver privés d’une partie de leurs revenus. La seconde est celle des fonctionnaires. Là, la question fiscale n’est pas seule en cause : le blocage des traitements, la contraction des avancements, le non-remplacement des départs à la retraite dans les ministères non prioritaires risquent de produire beaucoup de mécontentement. Le gouvernement Ayrault pourra toujours dire que Sarkozy réélu aurait fait pire, beaucoup de fonctionnaires à petit revenu auront du mal à encaisser le coup.
Une politique de rigueur n’est jamais populaire, qu’elle soit de droite ou de gauche, et le thème de l’ « héritage » n’aura qu’un temps (six mois tout au plus). Or, d’ici fin 2012 au moins, les perspectives restent sombres (chômage, croissance…). Le pire pour un gouvernement n’est pas de proposer un plan de rigueur, mais de devoir en annoncer un deuxième, puis un troisième… Le « sérieux » se transforme alors en impuissance, et l’opinion fait payer les promesses de meilleurs lendemains après l’effort au prix
maximal de la défaite. On perd alors les élections parce qu’on a été abandonné par son électorat. La gauche l’a appris à ses dépens. On verra bientôt si elle en a tiré les leçons.
Grèce : le spectre de la famine
N'empêche, à gauche on se félicite de la décision d'une Chambre de Justice athénienne, déclarant inconstitutionnelles les diminutions forcées et unilatérales des salaires et des primes dans la fonction publique, en violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, et des Conventions du Bureau International du Travail. Il s'agit certes d'un pas significatif, et le quotidien de la Gauche radicale Avghi, daté de ce mardi (03/07), n'hésite pas à «saluer cette fissure de la construction salairophage». Mais pour quelle efficacité dans les faits ? Encore mystère.
«La main nourricière»
Aux antipodes, Alexis Tsipras a déjà souligné la nécessité d'un plan d'urgence «dans l'entraide et la solidarité citoyenne et de gauche». La crise humanitaire serait toute proche. Plus à gauche, chez les paléocommunistes du KKE, on demeure pourtant dubitatif : «Je préfère mourir plutôt que d'accepter l'aide alimentaire, il n'y a que la lutte qui compte», résumait ainsi une militante rencontrée lors du meeting préélectoral du parti, à Athènes, il y a deux semaines.
En tout cas, nul doute que la politique se fait et se fera désormais aussi dans l'assiette du pauvre. Là résiderait toute la force historique de ce «possible politique se réduisant aux acquis les plus élémentaires». Et la réflexion citoyenne se réduira à son tour – qui peut en douter – à la seule contemplation politiquement correcte restante, que suggère désormais la «main visible nourricière». Et ce n'est pas sans raison que certains éditorialistes à gauche rappellent que du temps du Front National de Libération (EAM) des années 1940, une des priorités essentielles de la politique armée des partisans était la lutte contre la famine, tandis qu'au même moment, les autorités allemandes occupantes ainsi que les organisations de droite de l'époque, n'ont pas non plus négligé le biais politique de l'aide d'urgence. Nous n'en sommes pas à la famine des années 1941-1943 bien évidemment. Mais le refrain de ce vieux temps de toutes les misères réunies se fait de plus en plus entendre...
«Depuis le 17 juin, nous sommes morts»
C'est sans doute pour cette raison que lundi soir, le 2 juillet, Antonis Samaras et les autres chefs politiques de la coalition, se sont réunis pour enfin trouver une parade face à la Troïka, attendue dans la semaine en Grèce. En réalité ils n'ont aucune marge de négociation et tout le monde le comprend : «Ils appliqueront le Mémorandum, rien que le Mémorandum, on le sait. Samaras est un nul, d'ailleurs au Sommet de Bruxelles, il n'y a pas eu un seul mot pour la Grèce. Il s'avère que depuis le 17 juin, nous sommes morts», entend-on dire au café de la forteresse de la ville de Trikala. Mais la discussion ne va pas plus loin. Car chez certains en tout cas, sans doute à cause du vote en faveur du tripartisme de la «Troïka de l'intérieur», vouloir tirer davantage le raisonnement devient un exercice délicat.
En pareilles circonstances mieux vaut se taire. On préfère alors changer de sujet de conversation pour ainsi évoquer «l'histoire infaillible de notre glorieux peuple», et autres stéréotypes de ce genre en guise de pommade, recyclables à souhait dans tout café du commerce qui se respecte. On regrette néanmoins la fuite des jeunes, leur nouvelle émigration d'urgence, et pour clore la discussion, certains se remémorent même leurs vieux souvenirs du temps de la «RFA positive» de Willy Brandt ou de Helmut Schmidt : «J'étais à mes débuts ouvrier-carrossier à Karlsruhe, ensuite je suis devenu restaurateur, et au bout de quinze ans, je suis revenu en Grèce disposant de 800.000 DM pour enfin réaliser mon rêve : monter un restaurant au pays et quitter l'Allemagne. Je suis sur le point de faire faillite actuellement, il n'y a plus de rêve, mais dans moins d'un an je serai à la retraite».
Déjà des provisions pour l'hiver
On se prépare en effet déjà pour l'hiver. Chacun selon ses capacités, chacun selon ses besoins. C'est ainsi que deux popes au département voisin de Karditsa ont escroqué le Trésor Public, en falsifiant les formulaires d'usage servant au versement des pensions des prélats par l'État. Résultat (divin) : 700.000 euros entre janvier et juin 2012. Les deux hommes ont été mis en examen. Et pour ce qui est du clergé, aux dires de certains ici à Trikala, des commissaires politiques de l'Eglise locale auraient suggéré une ligne politique officieuse sans équivoque : «Votons et faisons voter Aube dorée, c'est notre seule manière d'être sauvés». D'autres habitants réfutent ces propos : «Il s'agit sans doute de certains cas isolés. Car tout le monde sait qu'ici, l'Eglise et les monastères se sont prononcés en faveur d'un député Nouvelle Démocratie et pas n'importe lequel, il s'agit de l'ancien Préfet (élu). Combien de routes ou autres travaux d'aménagement du territoire sacré sous commande des moines, ont été engagés durant son passage par l'administration préfectorale ?»
Lors de son passage dans un colloque organisé par The Economist, le 2 juillet, Alexis Tsipras a encore une fois souligné que l'idée de la croissance n'était envisageable qu'après «abandon du mémorandum, instauration d'une taxe Tobin, édition d'eurobonds, et mise en place d'une législation réglementant le secteur des banques et neutralisant les paradis fiscaux». C'est peut-être encore une nouvelle forme de lutte épicière à un autre niveau...
En attendant, les épiciers mondiaux nous quittent. Carrefour par exemple, qui a vendu sa part à son associé indigène Marinopoulos. Le Crédit Agricole également, qui met en vente sa filiale grecque Emporiki Bank. Le capitalisme français serait sur le point de nous quitter, car cette Baronnie serait alors plutôt allemande, davantage parait-il, depuis le 17 juin. New Deal, ou simple partage du nouveau Levant, qui sait...
Selon la presse locale, on attend dans quelques jours la visite probable du porte-avion USS Dwight D. Eisenhower, qui devrait rencontrer sous peu en Méditerranée Orientale, le Charles de Gaulle... De tout temps, l'Orient est un mirage de l'Occident...
Nuages dissipés entre Italie et Allemagne
Affichant une "excellente entente", les deux dirigeants ont aussi nié que l'un soit sorti vainqueur et l'autre vaincue du sommet européen de la semaine passée à Bruxelles.
"Nous avons trouvé des solutions satisfaisantes pour tout le monde", a affirmé Mme Merkel, en ajoutant, lors d'une conférence de presse commune avec M. Monti, qu'elle a "toujours réussi à trouver un accord avec Mario".
"Nous ne vivons pas une période facile, mais nous voulons surmonter ensemble les difficultés", a-t-elle dit au cours d'un sommet bilatéral, en affirmant que le président du Conseil, de par son expérience de commissaire européen, "connaît très bien" l'Allemagne et "l'apprécie". Elle a jugé nécessaire "une telle intensité d'échanges qu'il faut chaque jour renforcer la collaboration qui fonctionne très bien avec Monti".
M. Monti a répondu que la chancelière et lui-même "travaillent très bien ensemble" car ils "croient tous deux à une économie sociale de marché (Sozialmarktwirtschaft, un concept né en Allemagne) hautement compétitive".
La chancelière a aussi loué les réformes structurelles entreprises par M. Monti depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2011, en remplacement de Silvio Berlusconi.
"Le gouvernement de Monti a réalisé un grand nombre de réformes dans un temps bref", a-t-elle dit en saluant des réformes structurelles (des retraites, libéralisations, réforme du travail) qui ont "lancé des signaux importants" aux marchés.
A propos des décisions prises les 28 et 29 juin à Bruxelles pour contrecarrer la crise de la dette en zone euro, interprétées dans certains médias comme un contournement de la chancelière ou un bras de fer entre Nord et Sud de l'Europe, celle-ci a rétorqué: "pour moi, ce qui est important c'est que le Conseil européen a pris des décisions sur la base des règles en vigueur".
L'accord conclu prévoit notamment le rachat sur le marché secondaire d'obligations de pays, vertueux sur le plan budgétaire mais en proie à la spéculation sur les marchés (surnommé "bouclier anti-spread"), par les fonds de secours européen et la possibilité d'une recapitalisation directe des banques par ces fonds européens, deux mesures réclamées par l'Italie et l'Espagne.
M. Monti a répété toutefois que l'Italie n'a pas l'intention de faire appel au "bouclier anti-spread" (contre l'accroissement du différentiel entre les taux obligataires italiens et allemands, ndlr) car elle "s'efforce de parvenir à la stabilité essentiellement en contrôlant ses dépenses".
Il a annoncé que le déficit public italien devrait grimper à 2% du PIB fin 2012 au lieu des 1,3% prévus initialement, mais que cela représente "la moitié de la moyenne" des déficits européens.
Pour 2013, il a annoncé un excédent primaire (avant paiement de la dette) des comptes publics, "c'est la raison pour laquelle l'Italie ne demande pas l'aide" du mécanisme européen, a déclaré M. Monti.
Le gouvernement a officiellement prévu un retour de ses comptes pratiquement à l'équilibre (-0,5% du PIB) à la fin de l'an prochain.
Mme Merkel s'est pour sa part expliquée sur son crédo d'"'austérité" qui lui est souvent reproché, en affirmant que, quand elle était devenue chancelière en 2005, cinq millions d'Allemands étaient au chômage (2,96 millions en avril dernier), et que réduire ce chiffre était "le devoir unique" de son gouvernement.
En Allemagne, des réformes structurelles comme la réforme des retraites, qui a rehaussé l'âge de départ, "ont suscité contre nous de la colère", mais "c'étaient les réformes justes pour nos enfants et nos petits enfants", a-t-elle dit. "L'austérité ce n'est pas une plaie, mais cela signifie laisser de l'espace aux enfants et aux petits enfants", a-t-elle estimé en soulignant avoir réussi à "diminuer de plus de moitié le chômage des jeunes".
Langue de bois socialiste : Belkacem, élève surdouée
Najat
Vallaud-Belkacem apprend vite. Très vite. A la différence de certains
de ses confrères spécialistes es couacs (Duflot, Peillon, Lebranchu,…)
la porte-parole du gouvernement maîtrise à la perfection la langue de
bois socialiste. Au point de nier l’évidence de la « rigueur » et du
matraquage fiscal que prépare le gouvernement Ayrault.
Le terme rigueur « n’est pas approprié », a affirmé sans sourire la
ministre, avant de se lancer dans une explication de texte toute en
beaux sentiments socialistes : « je n’emploie pas le terme de rigueur,
sauf à nous l’appliquer à nous-mêmes, les membres du gouvernement, qui
devons faire preuve de rigueur en effet dans la gestion des fonds
publics ».
Un discours plein de pathos et d’hypocrisie, digne du concours Miss
France, mais qui a l’insigne mérite de rester dans le flou entretenu en
permanence par François Hollande. Au final, Najat Vallaud-Belkacem,
demeure l’une des satisfactions évidentes du gouvernement Ayrault… et il
n’y en a pas tant que ça…
En effet, dans le même temps, Marylise Lebranchu avait franchi la
ligne jaune en annonçant un « grand moment de rigueur » dans la fonction
publique. Une déclaration sincère et de bon sens… mais politiquement
désastreuse. Dont acte.
Cinq gestes pour changer l’Europe
Corollaire de l’union monétaire, l’union politique ne pourra
se faire que si l’UE se dote de structures plus démocratiques,
impliquant davantage les européens. Eric Jozsef, chroniqueur à
Internazionale, donnes quelques pistes pour y parvenir.
Pour la première fois depuis cinquante ans, des mécanismes se mettent en marche, qui font entrevoir aux citoyens une cascade de réactions, de peurs et de nationalismes semblable à celle que les pays européens avaient connue dans les années 1930. Si l’histoire ne se répète jamais deux fois à l’identique, il est toutefois bon de rappeler que c’est précisément pour conjurer ces spectres, pour dépasser les nationalismes et les totalitarismes, que l’on avait bâti un espace européen démocratique fondé sur une économie sociale de marché.
Face à la mondialisation, à la course effrénée de la finance, à la mutation du monde, l’Europe, quoique étant la première puissance économique mondiale, n’a pas su faire un pas de plus vers l’intégration pour défendre ce patrimoine, dépasser la crise et s’atteler tout de suite à la question grecque. Au bord du précipice, la chancelière allemande Angela Merkel a finalement proposé, voilà quelques semaines, de faire ce pas et d’avancer vers l’union politique, sans toutefois expliquer dans le détail la nature de son projet (qui semble néanmoins se limiter à l’exercice d’un contrôle européen sur les budgets, les banques et les comptes des pays membres de l’Union).
Il convient de rappeler que les pères de l’Europe n’avaient pas comme seul horizon l’intégration économique, mais qu’il s’agissait uniquement d’un moyen de parvenir à l’objectif d’une Europe unie sur le plan politique. Les plaies de la guerre étaient encore vives, et il n’était pas possible de faire autrement. La coopération économique devait rapprocher les peuples et réduire le risque de nouveaux conflits.
"L’Europe avance masquée", a dit un jour Jacques Delors, alors président de la Commission européenne. Pendant des années, cette stratégie a fonctionné. Mais aujourd’hui, en plein chaos économique et monétaire, cette méthode élitiste, qui n’associe pas les citoyens aux processus décisionnels, révèle toutes ses limites.
A tel point que bon nombre d’électeurs imputent la crise à un excès d’Europe et non au manque d’instruments dont disposent les institutions de l’Union. Et, avec la montée de mouvements extrémistes opposés à l’Europe, le risque d’une désintégration semble réel.
Nous nous trouvons donc à la croisée des chemins. Aucun pays européen n’a le poids nécessaire pour peser seul dans les enjeux mondiaux. Pas même l’Allemagne. Il n’y a pas de politique, au sens de faculté de choisir son destin, en dehors de l’Europe. Mais on ne peut consolider l’Europe sans les peuples voire contre les peuples. La seule approche envisageable est celle d’un transfert de souveraineté vers un pouvoir européen pourvu d’une légitimité démocratique.
Voilà pourquoi les nombreux sommets européens auxquels nous assistons depuis des mois ne peuvent apporter, dans le meilleur des cas, qu’une solution provisoire. De ce point de vue, l’approche de la question grecque est emblématique. Il apparaît désormais évident qu’Athènes ne pourra pas rembourser sa dette, aussi énormes soient les sacrifices consentis. L’option qui s’offre à la Grèce est l’annulation ou la mutualisation de la dette grecque en échange d’une surveillance étroite de la gestion future des comptes publics d’Athènes. Et seule l’Union européenne pourra se charger d’une telle mission.
Mais, dans le même temps, le peuple grec, comme les autres citoyens de l’Union, ne pourra pas accepter la perte de souveraineté (en réalité déjà bien affaiblie par les marchés) si l’autorité européenne chargée de contrôler ses comptes publics n’est pas pourvue d’une plus grande légitimité démocratique. Pour ce faire, il convient de rouvrir dès aujourd’hui la question des institutions et transformer l’Union en un espace de démocratie directe.
D’aucuns soutiennent qu’il faut d’abord résoudre les problèmes économiques, bancaires et financiers de l’Union avant d’ouvrir le chantier institutionnel. En réalité, ils veulent empêcher le transfert de pans entiers de leur souveraineté, sous prétexte que les citoyens ne seraient pas prêts à faire le grand saut. C’est donc aux citoyens européens de revendiquer un espace politique commun et fédéral. Et c’est aux politiques de démontrer qu’ils sont vraiment disposés à faire émerger une Europe forte, souveraine, unie et démocratique.
Voici quelques propositions non exhaustives pour fonder cette union politique, sur lesquelles les dirigeants politiques, mais aussi les citoyens, devraient prendre clairement position :
1. instituer l’élection directe du président de l’Union européenne au suffrage universel ;
2. fusionner les fonctions de président de l’UE et de président de la Commission européenne afin d’avoir un représentant unique de l’Union ;
3. instaurer la prise de décisions à la double majorité simple : 51% des 27 États membres par le vote des ministres, et 51% de la population par le vote de leurs représentants au parlement européen ;
4. établir des listes européennes pour les élections au parlement de Strasbourg (avec une proportion substantielle de candidats européens, et non nationaux) ;
5. introduire le référendum d’initiative populaire à l’échelle européenne.
Face à la crise, l’Europe doit aujourd’hui choisir entre le courage et le déclin.