TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 29 octobre 2014

Trois virgule six...

Trois virgule six...



C’est un chiffre, un simple chiffre mais qui signifie beaucoup, car tout François Hollande y est résumé. Ce chiffre, c’est 3,6 milliards d’euros. Il représente le montant du correctif que la France a fini par consentir à apporter à son projet de budget, pliant ainsi sous la pression de la Commission de Bruxelles.


Ce chiffre, c’est aussi le symbole du zigzag permanent dans lequel se perd le président de la République : après avoir affirmé à plusieurs reprises avec force que la France, souveraine, ne changerait rien à son budget, ni à ses dépenses ni à ses recettes, François Hollande a brutalement opéré un tête-à-queue.
Ce revirement est d’ailleurs, autre symbole, la manifestation de la perte brutale d’influence de la France en Europe et l’échec de la politique alternative tentée par le chef de l’Etat autour d’une alliance des faibles, un axe mou Paris-Rome pour changer le cours de l’histoire.
Ce chiffre de 3,6 milliards, c’est également la preuve que les promesses de François Hollande ne sont pas tenues : on y trouve en effet des hausses de taxes et de prélèvements pour près de la moitié, très loin de la pause fiscale maintes fois promise. En revanche, nulle trace d’une véritable baisse des dépenses : on devra se contenter de promesses d’économies à venir sur les intérêts de la dette.
Tout cela est donc parfaitement flou, et c’est signé Hollande.
Reste à savoir, bien sûr, si la Commission de Bruxelles acceptera de se faire rouler comme ça ? Probablement oui, l’équipe sortante ne pouvant pas déclarer la guerre in extremis à Paris, et la nouvelle n’ayant pas envie de démarrer le sien par un conflit avec la deuxième puissance du continent. Exploiter les failles des autres, c’est là encore un savoir-faire que tous ses adversaires reconnaissent à François Hollande. Et c’est ainsi qu’il survit à sa propre faiblesse.

mardi 28 octobre 2014

L’impôt sur l’infortuné

Nul n'est censé ignorer la loi. Et surtout pas ceux qui la font ! Au nom de ce principe gravé dans le marbre, on a peine à souscrire aux protestations de bonne foi du président UMP de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, exposé à un redressement fiscal pour non-paiement de l'ISF. Gilles Carrez est l'un de ces soixante parlementaires de tous bords, en délicatesse avec le fisc, dans le cadre de la législation sur la transparence de la vie publique, à se poser en infortuné de l'impôt ! Et il est l'un de ceux qui ont choisi de s'expliquer publiquement avant toute révélation officielle.
On n'est pas certain, en l'occurrence, que ce système de défense préventif leur vaille l'indulgence du contribuable français, tant il témoigne d'une formidable désinvolture de la part de responsables politiques. Dans ce domaine, Gilles Carrez mérite moins que tout autre d'être excusé puisqu'il a ignoré dans sa déclaration, une disposition dont il avait été à l'origine en 2007. Voici donc, après la phobie administrative qui a valu son départ à Thomas Thévenoud, le tracassin fiscal invoqué comme excuse atténuante.
Sauf qu'elle prend plutôt dans le contexte, l'allure d'une circonstance aggravante. Spécialiste de la fiscalité et de l'immobilier reconnu, Gilles Carrez a été rapporteur du budget pendant 10 ans et président de la mission parlementaire sur la fraude fiscale des personnes physiques. On concédera simplement au député-maire du Perreux qu'il a combattu l'ISF, un impôt « stupide » dont on sait effectivement qu'il ne frappe pas les plus riches et permet, par exemple, la non prise en compte des 'uvres d'art.
Il est simplement dommage que l'absurdité d'un système apparaisse quand un élu de la République en est la victime. Certes, la faute de Gilles Carrez est moins lourde que celle d'un Cahuzac ou d'un Thévenoud, mais elle est révélatrice d'une difficulté des parlementaires à se réformer. Ceux qui accusent la presse de nourrir le populisme ont tort. Préféreraient-ils une omertà complice ? Il faut, en ces temps de crise, que nos politiques cessent de confondre la transparence avec l'art de passer à travers les gouttes.

Et basta

Et basta

  Dire ou ne pas dire la vérité… La ministre de la Culture ayant admis qu’elle n’avait pas lu notre Prix Nobel de littérature, une polémique s’est aussitôt enclenchée. Les avis sont tranchés mais les uns et les autres négligent le voluptueux confort intellectuel que procure l’insuffisance. A l’heure où les savants, les spécialistes et les experts, c’est-à-dire tout le monde, tiennent le haut du pavé, avouer son ignorance est un luxe : au moins ne se trompe-t-on pas. Tout comme il serait grossier de battre un pleutre même si c’est sans danger, critiquer un indécis est de mauvais goût. Le « je ne sais pas » est en réalité une manifestation de liberté. Il permet de se sortir des situations les plus délicates. Par exemple, comment conclure ce billet ? Je ne sais pas et basta.

Les banques sont solides, mais les entreprises ferment !

Cocorico ! Les grandes banques françaises ont toutes réussi leur "stress test". Ce qui n'empêche pas les faillites de se multiplier faute de financement.

Les 63 000 chefs d'entreprises - petites, moyennes ou grandes - qui ont mis la clé sous la porte ces douze derniers mois peuvent se sentir consolés en attendant l'huissier : si eux sont ruinés, les banques françaises sont solides. Elles ont victorieusement passé le "stress test", cet exercice de torture médiévale infligé par la Banque centrale européenne (BCE) afin de s'assurer que les établissements disposent de suffisamment de fonds propres pour faire face à un nouveau coup de tabac économique. Succès total, paraît-il : même en cas de grosse tempête les coques de nos vaillants navires bancaires résisteraient. Dont acte.
Des dizaines de milliers d'auditeurs externes et internes ont été mobilisés pour cette gigantesque revue de détail : cela, au moins, crée des emplois...
Il se murmure qu'afin de remplir les fameux critères de Bâle III, qui ont défini des obligations contraignantes après la crise de 2008, les banquiers ont, ces derniers mois, encore un peu plus resserré la vis du crédit. Histoire de prouver qu'ils sont des élèves exemplaires. Ne jouons pas les esprits chagrins : il vaut mieux que les banques françaises soient solides plutôt que chancelantes, qu'elles fassent bonne figure sur les marchés internationaux et que l'épargne des Français soit sécurisée. Mais il est tout aussi important qu'elles jouent le rôle que la société attend d'elles. D'autant que sans les efforts consentis par les pouvoirs publics, BCE en tête, c'est-à-direin fine par les citoyens, elles seraient en piteux état.

Un besoin d'argent frais

Or, on ne peut ignorer la longue plainte qui, du nord au sud, de l'est à l'ouest, monte du côté des entreprises. Organisations professionnelles, magistrats des tribunaux de commerce, avocats spécialisés, tous disent la même chose : les banques sont souvent aux abonnés absents quand il s'agit d'irriguer le tissu économique. Faute de trésorerie, nombre d'entreprises saines avec des carnets de commandes remplis prennent le chemin du redressement judiciaire, souvent antichambre de la liquidation pure et simple, faute d'avoir obtenu les crédits auxquels elles auraient pu prétendre. "Un banquier, c'est quelqu'un qui vous prête un parapluie quand il fait beau et vous le retire quand il pleut." La formule de Mark Twain se vérifie tous les jours...
Les mécanismes mis en place, comme le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), sont de redoutables usines à gaz que seules les grandes entreprises peuvent maîtriser. Les sommes récupérées sont créditées (généralement sous forme de crédit d'impôt) des mois plus tard, alors que beaucoup de petites entreprises ont un besoin immédiat d'argent frais.
Les banques, c'est vrai, ne sont pas des associations philanthropiques et n'ont pas vocation à perdre de l'argent. Les critères de Bâle III les ont obligées à reconstituer un matelas de fonds propres. C'est fait. Le pourcentage des créances douteuses dans les encours des crédits déclarés est, selon la Banque de France, très faible. Elles devraient donc maintenant être en mesure de redonner de l'oxygène aux entreprises. Inch Allah !

Par delà les incohérences de l’opinion

Les sondages se présentent comme une photographie de l’opinion publique à un moment donné. Pour être honnête, on ne peut pas les accepter quand ils vont dans un sens qui nous convient et les rejeter quand ils dérangent. Ils nous montrent en tout cas une opinion publique peu rationnelle, inconstante, versatile, voire même contradictoire. L’une des difficultés d’un responsable politique est d’interpréter un phénomène aussi insaisissable et en apparence, incohérent. Ainsi, l’idée d’une radicalisation conservatrice ou « droitière » de l’opinion publique est aujourd’hui couramment admise. Elle se retrouve dans le fameux sondage CEVIPOF de janvier 2014, selon lequel 50% des Français seraient « favorables à la peine de mort », 67% estime « qu’il y a trop d’immigrés », 47% souhaitent « se protéger du monde » et 35% (seulement) jugent que l’Union européenne « est une bonne chose ». Cependant, les enquêtes d’opinion sur la popularité des personnalités politiques paraissent démontrer l’inverse et plutôt le rejet des options clivantes, une attirance vers le consensus, le centre, l’apaisement. Le dernier sondage IFOP Paris Match sur le classement des hommes et femmes de pouvoir le souligne clairement avec Jack Lang en tête (66%), suivi de Jean-Louis Borloo (65%), d’Alain Juppé (63%) et de Bayrou (60%). Le premier ministre est lui aussi bien placé, du fait sans doute de son positionnement « social démocrate » (55%). En revanche, les personnalités clivantes, partisanes, porteuses d’une image de cassure, plus conformes à l’idée d’une radicalisation de l’opinion, se retrouvent, à l’exception de Montebourg, en queue du classement en tout cas dans le seconde moitié de celui-ci. Une explication possible de ce phénomène pourrait tenir à la distinction entre le fond et la forme. Les préoccupations, angoisses, demandes d’autorité et d’ordre sont bien présentes en toile de fond de l’actualité politique. Cependant, elles se conjuguent avec le besoin de sagesse, d’apaisement, de paix civile, de tolérance, de consensus et d’ouverture qui s’exprime dans les cotes de popularité des personnalités politiques. Les succès électoraux de l’avenir, en particulier de 2017 reposent peut-être dans l’aptitude à analyser et surmonter cette contradiction apparente. 

lundi 27 octobre 2014

Revanche

Revanche

    Aussi tendues soient-elles avec le conjoint, les enfants ou les amis, les relations ne sont jamais aussi délicates qu’avec le fisc. A peine a-t-on compris un de ses éclaircissements que le suivant l’obscurcit. Et certainement le plus grand exploit des temps modernes est de parvenir à lire entièrement la notice explicative de la déclaration de revenus. Aussi les soucis de quelques parlementaires avec le Trésor public est une merveilleuse revanche. Quoi, même les plus grands spécialistes de la fiscalité ne s’y retrouvent pas ? Quoi, voilà le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, une sommité, auteur de la disposition où il est en défaut, qui a une interprétation différente de Bercy ? Quoi, c’est donc vrai, les cordonniers sont les plus mal chaussés ?

La France désormais

La France désormais

La France est désormais le dernier pays européen dont le budget n’est pas validé par Bruxelles. Tous les autres membres de l’Union européenne sont dans les clous, ceux qui ne l’étaient pas s’étant rapidement conformés aux demandes de la Commission.
La France traverse désormais la plus longue période de croissance plate depuis la guerre : trois ans de suite à moins de 0,5 %. Du jamais vu.
La France compte désormais 3,4 millions de chômeurs et 5,8 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, un record absolu qui fait dire au ministre du Travail que le gouvernement a échoué. Un signal désastreux, pas très loin du sinistre et mensonger « on a tout essayé » lancé comme un aveu de défaite par François Mitterrand. Il y a plus de vingt ans.
La France, c’est désormais un patronat uni dans l’exaspération contre le double langage du gouvernement et qui exige rien moins que l’abrogation pure et simple de plusieurs dispositions « absurdes et anxiogènes » qui ruinent la confiance des ménages et des entreprises.
La France vit désormais au rythme chaotique des divisions de sa majorité déchirée entre gauche du rêve et gauche du réel, un pays dirigé par un président de la République dont beaucoup de ses amis disent qu’il ne pourra pas se représenter en 2017, et par un Premier ministre socialiste qui ne veut plus parler de socialisme.
La France se prend désormais à considérer normal que le Front national soit devenu le premier parti politique et que l’opposition de droite se retrouve, deux ans après sa défaite, sans projet, sans leader ni énergie, en plein doute malgré de spectaculaires succès dans les élections intermédiaires.
La France est désormais presque parvenue à la fin de la première mi-temps de la présidence Hollande. Existe-t-il en français un mot pour éviter de dire que la France va « célébrer » la mi-mandat ?

Pour le pouvoir d’achat, faisons « la révolution de la patate » !

On le sait, les Grecs n’ont plus trop la pêche, mais ils ne manquent pas de ressources pour tenter de s’en sortir, comme ils l’ont toujours fait, envers et contre tous les vents mauvais qui soufflent sur leur économie et leur niveau de vie… Avec un taux de chômage proche des 50 %, la Grèce du Nord vient même de battre un nouveau record historique qui, sur le plan national, se situe aujourd’hui au-delà des 30 %. Seul un chômeur grec sur dix bénéficie d’indemnités chômage, la durée d’indemnisation ne pouvant excéder un an ; 71 % des chômeurs grecs sont des chômeurs de longue durée.
Avec le retour au village de nombreux chômeurs, la remise en culture de terres laissées en jachère – la « révolution des jardins » –, la Grèce tente de survivre en autarcie et redécouvre l’authenticité de la vie communautaire. On a même pu parler à cet égard des « bienfaits » de la crise qui se traduisent également dans de nouvelles initiatives, comme par exemple la vente directe des fruits et légumes, du producteur au consommateur.
Née dans le nord de la Grèce, l’initiative « Pas d’intermédiaire » rebaptisée par les Grecs « mouvement de la patate » secoue depuis deux ans le cocotier d’une Grèce ankylosée par des années de spirale inflationniste qu’ont favorisée gouvernants corrompus et citoyens volontiers flambeurs. Mais lorsque le prix de la pomme de terre, payée au producteur 12 à 15 centimes le kilo, a flambé, atteignant près d’un euro le kilo, le « mouvement de la patate » s’est mis en tête de supprimer les intermédiaires, en organisant la vente directe au consommateur.
L’idée de court-circuiter supermarchés et épiceries s’est même répandue comme une traînée de poudre à travers le pays. D’autant que la vente directe s’est étendue à d’autres produits de base, comme le riz, les oignons et les olives. Et devant l’ampleur prise par le mouvement, le gouvernement a fait voter une loi qui interdit la vente directe dans les rues des communes de plus de 3.000 habitants et qui supprime toutes nouvelles autorisations de vente ambulante aux producteurs.
Après la « révolution des jardins », la « révolution des patates » aura-t-elle droit de cité au pays d’Aristophane, qui voyait dans le paysan « le sauveur de la cité »? J’ai peur que tout cela ne soit un peu utopique – οὐ-τοπος, en grec – et que le dieu des voleurs et du négoce – Hermès, grec également – ne reprenne très vite la main…

samedi 25 octobre 2014

« La Grèce est un laboratoire pour tester des politiques effroyables »

Philippe Menut, ex-journaliste à France 2 et France 3, devenu journaliste indépendant, a réalisé un documentaire… Un gros plan à la fois humain et économique sur les causes et les conséquences de la crise grecque, le film donne la parole aux salariés, militants, économistes, médecins, ministres, chômeurs, philosophes… Ils donnent leur éclairage sur la crise vécue de l’intérieur, et témoignent de la résistance et de la solidarité du peuple grec. La Grèce est un laboratoire. Le film ouvre le débat sur l’avenir d’une zone euro en crise, livrée à un capitalisme financiarisé. Un documentaire lanceur d’alerte.
Dans votre film « la tourmente grecque », une série de manipulations médiatiques sont exposées. Elles cherchent à justifier une véritable guerre économique et sociale contre la Grèce. Comment expliquez-vous, en tant que journaliste critique cette inversion des rôles et que les victimes, les citoyens grecs, soient présentées comme responsables de la crise ?

C’est sur ce constat que j’avais commencé le tournage. J’étais révolté que les Grecs soient souvent présentés – d’ailleurs depuis le début de la crise - comme les responsables d’une situation dont ils sont victimes. Depuis, j’ai été emporté plus loin, sur les raisons même de la crise.
Ces rumeurs, ces intox, ont bien sûr une fonction, celle de masquer une politique économique à l’œuvre, celle qui met en place une austérité effroyable vis-à-vis du peuple grec et des services publics avec un transfert massif de capitaux publics vers la spéculation internationale. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’argent public grec mais aussi européen.
245 milliards ont été versés dans un soi-disant plan européen de sauvetage dont les Grecs et l’économie réelle grecque n’ont quasiment pas vu la couleur. C’est démontré dans le film, ces sommes énormes vont directement dans la poche des créanciers de la dette publique grecque qui ont prêté à des taux dépassant parfois 20%… Ces prêts ont donc la garantie du contribuable européen !
Tout cela est organisé par la Troïka, les vrais patrons du pays, envoyés de la commission européenne, la Banque centrale Européenne et le FMI (qui joue plutôt le rôle d’expert).
Quelle est la responsabilité, selon vous, des médias européens dans la présentation biaisée de la réalité de ce pays ?
Les médias européens, d’abord allemands et surtout Bild, premier tirage quotidien européen, jouent un rôle considérable dans la fabrication de l’opinion. Ce n’est d’ailleurs pas seulement la réalité grecque qui est biaisée, c’est celle de la crise de toute l’Europe.
La « grande presse » française, moins violente mais tout aussi efficace nous parle de « réformes structurelle » (traduisez « d’austérité imposée à la population »), de « rassurer les marchés » (financiers, bien sûr, mais ce n’est jamais dit), de « restaurer la confiance » (des mêmes, mais ce n’est pas non plus dit). Le but est d’entretenir le fatalisme face à un système économique néolibéral « qui n’aurait pas d’alternative » comme disait Margareth Thatcher.
Le plus fort dans cette idéologie dominante est d’arriver à faire croire qu’il n’y a pas d’idéologie dominante… On pousse les gens à dire « je ne fais pas de politique » alors qu’ils cautionnent ainsi celle qu’ils subissent…
Je reconnais que j’emploie, comme tout le monde, le terme de « crise » par facilité de langage. Il est pourtant inapproprié. Cette crise n’est pas une catastrophe, une fatalité. C’est, en dernière analyse une augmentation délibérée et brutale des inégalités.
La fermeture de la télévision publique grecque en 2013 et la décision de ses travailleurs de développer un média indépendant reste un exemple frappant de la capacité de résistance du peuple grec. Quel leçon tirer de cette expérience ?
Il y a des moments où le peuple est fort, imaginatif et audacieux face à un pouvoir affaibli. La lutte de l’audiovisuel public (l’ERT) en est un exemple. Elle est développée dans le film et je vous le résume : le 11 juin 2013, le gouvernement, à la demande de la Troïka, ferme l’antenne et licencie les 2650 salariés. Immédiatement, se déclenche une énorme mobilisation en Grèce et une protestation généralisée dans le monde entier. Journalistes et techniciens occupent le bâtiment, mais le gouvernement grec, pris à contrepied, n’ose pas lancer les MAT (police anti émeute) contre les personnels.
L’occupation a duré 5 longs mois, une période de véritable autogestion, avec la remise en marche d’émissions diffusées sur Internet. Ces émissions, marquées par une totale indépendance et un véritable pluralisme ont eu un grand succès.
Au bout de 5 mois, le gouvernement – toujours conseillé par la Troïka ! – a décidé d’évacuer le personnel le 7 novembre 2013. Depuis, les anciens de l’ERT ont lancé une nouvelle radio télé, ERT Open.
Lorsqu’on parle de dette de la Grèce, il paraît que l’Allemagne aurait intérêt à cacher une épisode important de l’Histoire, concernant l’argent qu’elle doit à la Grèce depuis la 2ème guerre mondiale. Pouvez-vous nous expliquer ce chapitre important du film qui est évoqué dans le film à travers le témoignage du combat d’un ancien résistant.
Manolis Glésos, 92 ans est un « monument » en Grèce. Il est un des tous premiers résistants d’Europe, connu pour avoir décroché en mai 1941 le drapeau nazi du somment de l’Acropole. Un de ses combat actuel est de demander le paiement par l’Allemagne des dommages de guerre et un emprunt forcé incontestable à la banque d’Athènes par les nazis.
Total de la dette due à la Grèce : 162 milliards d’euros actuels… Soit plus de la moitié de la dette qui est maintenant exigée de la Grèce avec une totale intransigeance par l’Allemagne !
L’un des médecins qui témoigne dans le film, lors d’une manifestation, explique que la fermeture de sept hôpitaux à Athènes signifie tout simplement que de plus en plus de personnes vont mourir dans la rue. L’impact des mesures d’austérité en Grèce, en particulier dans le domaine de la santé semble apocalyptique…
Un seul chiffre suffirait : d’après une revue scientifique anglaise et Médecins du Monde : la mortalité infantile a augmenté de 43% depuis le début des mesures d’austérité. En Grèce, mais aussi dans l’Europe en crise, la santé est la principale cible des réductions budgétaires. Pourquoi n’est-ce pas l’éducation nationale ? Parce que vous ne pouvez pas réduire le nombre d’élèves total. En revanche, on peut moduler les parcours de soin, réduire les remboursements, etc. Dans le film, on voit un grand hôpital qui reste ouvert mais tourne au ralenti, quasi vide, faute de moyens.
Votre regard panoramique sur la Grèce risque d’être bientôt se devoir s’élargir sur d’autres pays.
Je n’avais pas lors de mes premiers tournages prévu de parler de l’importance du capitalisme financiarisé, pas plus que de l’Union Européenne. J’y ai été naturellement porté par mes investigations, mes interlocuteurs. Le film ouvre un débat sur l’Union Economique et Monétaire.
Des interviews fortes expliquent la nécessité d’une rupture avec la zone euro, d’autres expliquent qu’il faut être pragmatique et qu’il faut d’abord s’opposer à l’austérité et à une dette illégitime.
Je ne tranche pas, mais si on veut poser la question du changement de politique économique et sociale, et aussi de la démocratie, il faudra bien poser la question du pouvoir tout puissant de l’Europe actuelle. Le capitalisme financiarisé y est maître dans son organisation même, dans ses traités, l’influence de lobbies tout puissants.
Quel message adressez vous aux personnes qui regardent de loin la Grèce, subir des dégâts terribles mais présentés comme inévitables ? En quoi les Européens peuvent-ils, au-delà de la solidarité, être concernés ? Au-delà, comment les peuples européens pourraient-ils passer à la contre offensive ?
Toute la zone euro est concernée par la crise grecque. La Grèce est un laboratoire pour tester sur un petit pays (11 millions d’habitants) une politique effroyable au nom d’une dette artificiellement gonflée. Depuis le début des réformes, prétendues réponses à la crise, la dette a grimpé de 50 % et le chômage est passé de 10 à 28% ! Et ces politiques continuent.
Mais attention, cette crise de la dette est la même partout en Europe, zone la plus récessive du monde. La France, que je connais mieux, a une dette de 2000 milliards d’Euros de même nature que la dette grecque. Elle serait de moins de la moitié sans les intérêts excessifs aux banques et les cadeaux fiscaux. Le remboursement des seuls intérêts est un des tous premiers budget de l’Etat. Nos chers « confrères » journalistes des « grands médias » n’en parlent jamais…
Le rêve européen pourrait bien tourner au cauchemar. Les Grecs montrent la voie de la résistance. Des résistances isolées ne suffiront pas. La vraie question est de savoir si les peuples sauront s’unir pour une autre Europe, plus juste et démocratique, une Europe des citoyens.



VGE : la France "risque de se retrouver dans la situation" de la Grèce

Dans un entretien accordé au "Figaro", l'ex-président Valéry Giscard d'Estaing assure que Paris devrait bientôt "demander l'aide du FMI".


L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing estime que la France"risque de se retrouver dans la situation qu'a connue la Grèce" et de devoir "demander l'aide du FMI", dans une interview publiée samedi dans Le Figaro. Celui qui fut chef de l'État de 1974 à 1981 propose, avec le soutien d'Helmut Schmidt, chancelier allemand à la même époque, de former autour de l'euro un "ensemble homogène" d'une douzaine de pays dotés des mêmes règles budgétaires et fiscales, qu'il appelle "Europa".
 
Malgré une dette élevée, explique-t-il, "aujourd'hui, nous sommes protégés par des taux d'intérêt très bas, mais c'est provisoire. La Fed (banque centrale américaine, NDLR) a annoncé son intention de relever ses taux d'intérêt dès que la conjoncture le permettra, probablement dans les 18 mois. (...) Ce jour-là, notre pays risque de se retrouver dans la situation de la Grèce. Les pouvoirs publics seront conduits à demander l'aide du FMI".

"Retrouver le fil du projet européen initial"

Selon VGE, "le mécanisme de l'Europe a été disloqué avec le non français au référendum de 2005. Pour autant, les sondages l'attestent : une grande majorité de nos compatriotes ne veut en aucun cas abandonner l'euro ! Nous devons prendre appui sur ce soutien de l'opinion pour retrouver le fil du projet européen initial avec ceux qui, parmi nos voisins, le veulent bien. Et laisser les autres vivre leur vie".
Feraient partie de cette union approfondie la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Espagne, le Portugal, l'Autriche et, "le moment venu, la Pologne", précise-t-il en ajoutant que "la participation de l'Irlande et de la Finlande peut être envisagée".
"Ces douze pays constitueraient un ensemble homogène que nous appellerons Europa. Son objectif est de compléter l'euro par une union budgétaire et fiscale, dotée à terme d'un Trésor public commun et d'un mécanisme de solidarité financière", détaille Valéry Giscard d'Estaing, qui défend cette thèse dans un livre Europa - La dernière chance de l'Europe (XO Editions), préfacé par Helmut Schmidt.

La Grèce frappée par la tempête Gonzalo et un séisme

Le séisme de magnitude 5,2 s'est produit samedi matin à 249 kilomètres au nord-est d'Athènes.
Des inondations et un tremblement de terre ont frappé la Grèce. Aucune victime n'est à déplorer. Selon l'observatoire géodynamique d'Athènes, le séisme - de magnitude 5,2 sur l'échelle de Richter - s'est produit ce samedi 25 octobre matin à 249 kilomètres au nord-est de la capitale.

La dépression «Gonzalo» a quant à elle touché L'Attique, la région qui entoure Athènes. Les pompiers ont reçu plus de 600 appels dans la soirée de vendredi. L'ouragan s'est déplacé de l'ouest de l'Europe vers la Grèce, touchant toutes les régions du pays.
«Les victimes des inondations seront dédommagées au plus vite», a promis le Premier ministre Antonis Samaras, tout juste revenu d'un sommet européen à Bruxelles. Il s'est rendu dans la banlieue nord de la capitale.

La Martinique, c’est la France

La Martinique, c’est la France
Ma tournée Outre-Mer dans le cadre de mon travail se termine bientôt, avec la fin d’un bref séjour en Martinique. Malgré des journées surchargées qui ne me laissent pas une seconde de loisir, j’ai découvert ce coin de paradis français à 7000 kilomètres de la capitale. Où que l’on se trouve, le bleu de la mer est partout présent entre les collines. Pour les nostalgiques dont nous sommes tous plus ou moins, ce département a gardé les traits de l’ancienne France, celle d’autrefois. On y parle le plus beau des français, avec des tournures de phrases oubliées. Les élucubrations de la vie médiatique et politicienne nationale, les polémiques, petites phrases, déclarations haineuses ou à l’emporte-pièce, bref la folie hexagonale, sont étrangement absents. Le respect des autres, à pied dans le rue ou sur la route imprègne la vie quotidienne. On ne croise personne sur un chemin sans lui dire « bonjour Monsieur », ou « bonjour Madame » et « je vous en prie » en réponse au « merci ». Le dimanche, les dames mettent leur robe blanche pour aller à la messe ou au temple. Le sourire est ici empreint de sérieux, de retenue et d’une infinie générosité. Mais le paradis sur terre recèle un drame douloureux et omniprésent. Une partie du territoire de l’île a été empoisonné pendant des années par un pesticide, utilisé dans la culture de la banane, lechlordécone, aux effets cancérigènes. Son impact mettra de 50 à 600 ans avant de se dissiper. Interdit aux Etats-Unis en 1976, son usage n’a été prohibé en France métropolitaine qu’en 1990 et – aussi incroyable que cela puisse paraître –  dans les départements d’Outre-Mer en 1993… Donc, c’est en toute connaissance de cause que ce produit a été laissé en usage en Martinique comme en Guadeloupe, 17 ans après son bannissement aux Etats-Unis et 3 ans après son interdiction en métropole. Face à la beauté indescriptible de cette île et à la gentillesse tout aussi indescriptible de ses habitants, on se demande aujourd’hui comment un tel cynisme, un tel mépris, une telle désinvolture, et sans doute une telle lâcheté ont été possibles… Qui sont les responsables, les bureaux? Les politiques? Voilà, bien identifiée, la source du mal collectif: l’incapacité à décider, à choisir, à assumer une responsabilité. En tout cas, la Martinique, j’y reviendrai, sans cravate et sans ordinateur, et vite, cela ne fait aucun doute. 

Fracture au PS : Sony répond avec humour à Cambadélis

"PS ne veut pas dire PlayStation", a rappelé le premier secrétaire du Parti socialiste, entraînant une réponse pleine d'ironie de la célèbre console.
PlayStation a de la répartie. "J'aimerais dire une chose aux socialistes : PS, cela veut dire Parti socialiste... et pas PlayStation", a affirmé ce vendredi au Parisien Jean-Christophe Cambadélis, prenant la célèbre console de jeux vidéo de Sony comme contre-modèle du parti. 
Sony n'a pas tardé à répondre - avec humour - au premier secrétaire du PS, qui avait précisé qu'il ne s'agissait "pas de descendre le maximum de socialistes en moins de temps possible", une allusion aux jeux que commercialise la marque japonaise.


Dans un message publié sur son compte Twitter à l'intention de Jean-Christophe Cambadélis, PlayStation a ainsi affirmé que "jouer en équipe, rêver, voyager et... descendre quelques personnages. C'est ça, l'expérience PS !" Le tout accompagné d'une photo montrant l'entretien donné par l'homme politique au quotidien. Depuis sa publication, le message a déjà été retweeté 535 fois.
 

Les critiques d'Aubry

L'interview de Jean-Christophe Cambadélis fait suite aux nombreuses piques que s'envoient divers membres du PS, et notamment Martine Aubry à Manuel Valls. La sortie de la maire de Lille contre la politique de l'exécutif dimanche 19 octobre n'est pas passée inaperçue, relançant les divisions au sein de la majorité.

Sécurité sociale : la gauche m'a tuer

Alors que le gouvernement fait adopter la réforme des allocations familiales, une question hante les esprits: la modulation des prestations selon le niveau de revenus est-elle une première injection létale administrée à la Sécurité Sociale?
Un mouvement à la mode


En d'autres temps, cette question ne se serait pas forcément posée aussi crûment. Mais l'idée de quitter la sécurité sociale fait son chemin dans l'esprit de certains indépendants, notamment au travers de l'association «Liberté sociale». Celle-ci, largement animée par des médecins, soutient qu'il est possible de ne plus adhérer à la sécurité sociale française et de souscrire à un régime d'un autre pays européen.
Tous ces petits éléments font que l'idée d'une «sortie de la sécurité sociale» progresse bon an mal an, même si elle tarde à percer.
Les faux semblants de la liberté sociale
Le problème, avec «Liberté sociale», est que le raisonnement qui conduit à soutenir qu'une sortie de la sécurité sociale est possible et légale reste assez mal bâti.
Les adversaires de la sécurité sociale soutiennent en effet qu'une directive communautaire de 1992 aurait mis fin au «monopole» de la sécurité sociale. Cette rumeur est évidemment sans fondement, puisque le règlement communautaire 3096/95 définit les principes de la sécurité sociale appelée «premier pilier» dans les Etats membres de l'Union. Ce règlement prévoit explicitement qu'un Etat membre peut créer un régime obligatoire de sécurité sociale.
C'est d'ailleurs sous ce règlement que les régimes de l'AGIRC et de l'ARRCO se sont placés à la fin des années 90 pour éviter une mise en concurrence avec des systèmes privés, alors que notre régime de retraite complémentaire relève plutôt du «deuxième pilier» que du premier.
Dans tous les cas, l'obligation de souscrire à la sécurité sociale dès lors que l'on travaille sous statut de salarié ou de non-salarié existe bien.
Une jurisprudence déjà copieuse
Cette obligation de rentrer dans la sécurité sociale a d'ailleurs fait l'objet d'un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) appelé «arrêt Poucet et Pistre» de 1993. A l'époque, des employeurs de Montpellier soutenaient qu'il était possible de ne pas adhérer à la sécurité sociale française lorsque l'on y était employeur.
La Cour de Justice avait répondu: «les régimes de sécurité sociale ainsi conçus reposent sur un système d' affiliation obligatoire, indispensable à l' application du principe de la solidarité ainsi qu' à l' équilibre financier desdits régimes.» C'est en effet parce que les régimes de sécurité sociale sont «solidaires» qu'ils sont obligatoires. Sans cette obligation, ils attireraient seulement le mauvais risque et reposeraient donc sur une antisélection. Les moins exposés au risque refuseraient en effet d'y cotiser et l'équilibre économique du système deviendrait impossible.
Pour cette raison, les Etats membres de l'Union peuvent interdire à leurs travailleurs, salariés ou non, d'adhérer à des systèmes autres que leur système obligatoire.


Le précédent créé par Laurence Rossignol
Avec la réforme des allocations familiales, le gouvernement crée toutefois un précédent dangereux pour la sécurité sociale. En effet, l'arrêt Poucet et Pistre précise: «En ce qui concerne le principe de la solidarité, il y a lieu de relever que, dans le régime d' assurance maladie et maternité, la solidarité se concrétise par le fait que ce régime est financé par des cotisations proportionnelles aux revenus de l' activité professionnelle et pensions de retraite, seuls étant exclus du paiement de ces cotisations les titulaires d' une pension d' invalidité et les assurés retraités dont les ressources sont les plus modestes, alors que les prestations sont identiques pour tous les bénéficiaires.» Pour la CJUE, la définition de la solidarité regroupe deux conditions: des cotisations proportionnelles aux revenus et des prestations identiques pour tous les bénéficiaires.
Dans le cadre de la réforme des allocations familiales, on retrouve bien l'idée d'une proportionnalité des cotisations (imparfaites puisque moindres sous 1,6 SMIC du fait des «allègements de charges»), mais on perd l'idée de l'identité des prestations, puisque les revenus les plus élevés percevront moins que les revenus les plus faibles.
Cette innovation dans l'inégalité des prestations suffira-t-elle à justifier que la CJUE ne considère plus le système français d'allocations familiales comme un système solidaire de sécurité sociale?
Toute la question est là, et il sera intéressant de voir la position du Conseil Constitutionnel sur le sujet.
Peut-être, au fond, avons-nous déjà mis les pieds dans l'agonie de la sécurité sociale.-

La révolution...

La révolution...

  A n’en point douter, nous voilà repartis pour de grands changements. Pensez, les partis politiques songent à abandonner leur nom : leurs oripeaux ne leur conviennent plus. Sarkozy veut transformer sa vieille UMP, le Front national envisage de se débaptiser, Manuel Valls ne verrait pas d’un mauvais œil une nouvelle appellation pour les socialistes. L’audace est si générale, le débat d’idées fait tellement rage, la bataille qui oppose réformateurs et conservateurs si âpre qu’une révolution semble en marche. Méfions-nous : l’expérience nous a hélas appris que les politiciens sont plus doués pour le ripolinage que pour la reconstruction. Au fond, c’est comme le changement d’heure qui intervient ce week-end : six mois plus tard, tout change de nouveau et donc rien n’a changé.

Pragmatique, réformiste et républicain, un bon programme

Pragmatique, réformiste et républicain, un bon programme

Dans cette France en crise et qui doute d’elle-même, la guerre intestine que se livrent les grands féodaux du Parti socialiste paraît à première vue scandaleuse et folle. Scandaleuse parce que soulignant le décalage insensé entre la préoccupation des Français et l’entreprise de démolition mutuelle à laquelle ces combattants s’adonnent, fournissant au passage ses meilleurs arguments au Front national. Et folle parce qu’il est inimaginable qu’un parti de gouvernement, dans un des pays les plus ouverts au monde, en soit encore à s’écharper sur des dogmes que toutes les grandes démocraties modernes ont déjà dépassés depuis longtemps.
Pourtant, derrière ce déferlement de haine fratricide, se cache peut-être l’espoir de trouver une voie de passage, une manière de sortir de toutes ces postures archaïques. Et le mouvement initié par Manuel Valls, son déplacement vers le centre, s’il ne trompe personne par son côté manœuvrier, offre tout de même l’avantage de tenter de dessiner quelque chose de nouveau dans le paysage politique. Lorsque le Premier ministre dit que « la seule question qui vaille, c’est comment orienter la modernité pour accélérer l’émancipation des individus », lorsqu’il préfère une ligne « pragmatique, réformiste et républicaine » à un label socialiste, lorsqu’il affirme que « la première finalité » du mouvement de réforme est de « libérer la création d’emplois par tous les moyens », comment s’y opposer ?
Bien entendu, il y a loin de la réflexion à l’action, et les six premiers mois de Manuel Valls démontrent quelles sont les limites de sa propre audace. Bien entendu, François Hollande bouge encore, capable de tout sacrifier à son propre intérêt, à la gauche immobile. Mais la droite, aujourd’hui en grand désordre, ferait bien de réfléchir à ce que ces fractures de la gauche peuvent provoquer comme secousses chez elle.

Toutankhamon : "la vérité révélée"



Cet exceptionnel documentaire diffusé dimanche 26 octobre 2014 sur la BBC fait le point sur les étonnantes découvertes sur le plus célèbre des pharaons d'Égypte.

 Avec son pied bot, ses hanches larges et ses dents en avant, Toutankhâmon ne ressemble pas à l’image que l’on peut se faire du célèbre pharaonde la XVIIIe dynastie ! Pour l’avouer, on pouvait même être un peu effrayé en visionnant l’ « Image vivante d’Amon » dans « Toutankhâmon : la vérité révélée » diffusé dimanche 26 octobre sur la BBC…
Une reconstitution 3D du corps de Toutankhâmon, réalisée à partir des scanners 3D de la momie royale. Crédit : BBC
Ce documentaire revient, grâce à une autopsie virtuelle inédite réalisée à partir des scanners 3D de la momie royale, sur les dernières recherches menées sur le pharaon de 19 ans. Une excellente synthèse des travaux menés ces dernières années.
LÉGENDE. « En fait, il n’y a pas vraiment de nouveaux résultats mais ce documentaire souligne à juste titre qu’il est peu probable que Toutankhâmon soit mort des suites d’un accident de char, comme cela a été dit récemment. Il avait effectivement une fracture au genou gauche qui n’a pas guérie, mais elle pourrait résulter d’une simple chute, explique Albert Zink, directeur de l’Institut des Momies et de l’Homme des Glaces, joint à Bolzano, en Italie. D’autre part, on n’imagine mal qu’avec un pied bot, ce jeune homme ait pu participer à des courses de chars».

Un pharaon infirme ?

Toujours est-il que le jeune souverain ne jouissait pas d’une santé florissante. Selon Ashraf Selim, le radiologue égyptien impliqué dans ces analyses et interrogé sur la BBC,  « Toutankhamon avait en effet développé la maladie de Kohler au cours de son adolescence », une ostéonécrose douloureuse de la face dorsale du pied qui entraîne un problème de locomotionCe qui expliquerait aussi la présence de plus de 130 cannes et bâtons retrouvées dans la tombe du pharaon, dont certaines faisaient penser que Toutankhamon était infirme et avait besoin de support pour marcher.
PALUDISME. Nombre d’entre elles montraient des traces d’usure. Selon Albert Zink, sa mort précoce aurait été causée non par un accident mais en raison d’un état général de faiblesse due au paludisme qu’il avait contracté et aux déficiences génétiques héritées du mariage consanguin de ses parents qui étaient frère et sœur comme l’ont montré des études génétiques menées par Albert Zink (lire Sciences et Avenir n°758 avril 2010)
Le paléogénéticien basé en Italie a en effet mené des analyses de la famille de Toutankhâmonen 2010, en compagnie de Zahi Hawass, ex-patron des Antiquités égyptiennes, et d’une équipe internationale (voir graphique SetA ci-dessous).
Le généalogie de Toutankhamon. Crédit : Sciences et Avenir / Leemage / AP / Sipa
Avec des résultats surprenants sur les liens complexes et incestueux qui unissaient les uns aux autres. Ils ont notamment permis d’établir que le père du jeune pharaon était bien Akhénaton l’"Hérétique" (momie KV55).  Mais la Maman ? Depuis toujours, les spécialistes pensaient qu’il s’agissait de la célèbre Néfertiti.
Ne voyait-on pas les deux souverains représentés côte à côte, sur les pylônes des temples et autres décors, dans toute leur majesté ? Mais les résultats génétiques avaient été… implacables ! Néfertiti ne pouvait en aucun cas être reliée à Toutankhâmon. Dès lors, bienmalin qui allait pouvoir  retrouver une mère parmi toutes les épouses qui constituaient les vastes harems pharaoniques !

Une relation incestueuse


C’était sans compter sur la coutume qu’avaient les souverains égyptiens d’épouser leurs sœurs (lire interview sur l’inceste royal en fin d'article). La mère de Toutankhâmon se révélait être une sœur d’Akhénaton, une momie connue sous le nom de « Young Lady » et identifiée sous l’étiquette KV 35 YL.  « Nous avons essayé de poursuivre nos analyses sur l’ADN mitochondrial (celui transmis par la lignée maternelle) mais la situation politique en Egypte ne nous l’a pas permis pour l’instant. Ceci étant, les résultats préliminaires confirment bien notre analyse précédente. Les parents de Toutankhâmon –KV 55 et KV 35-  étaient probablement frère et sœur », a ajouté Albert Zink.
L’autopsie virtuelle réalisée pour les besoins du documentaire de la BBC prouverait ainsi que les handicaps physiques de cet enfant-roi, -source d’intérêt inépuisable depuis sa découverte en 1922-, aurait été directement causée par les déséquilibres hormonaux liés à la fratrie de ses parents. Ce qui n’a pas empêché le jeune souverain d’épouser lui-même… sa demi-sœur Ankhésénamon.

Automatisation : demain, tous sans emploi ?

La Tribune publie une sélection de neuf articles de Hubert Guillaud sur le même thème "Travailler demain" issus du site Internet-Actu (www.internetactu.net/). Ce site est édité par la Fondation Internet nouvelle génération (Fing) et publie en ligne des focus, des débats, une veille, une revue du web, des nouvelles des activités de la Fing et de ses partenaires.
Quel est le risque que votre emploi soit automatisé dans les prochaines années ? questionnait une récente étude (.pdf) réalisée par un économiste et un ingénieur d'Oxford et signalée par Martin Lassard sur Triplex. Pour les auteurs, Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, 47% des postes décrits dans les nomenclatures professionnelles traditionnelles (soit environ 702 professions analysées) sont susceptibles d'être remplacées par des machines, des formes d'automatisation logicielles ou robotiques. Selon eux, cette évolution devrait se faire en deux temps, la première touchant principalement le secteur des transports et de la logistique, les emplois de bureaux et d'administration et les fonctions de production. Mais dans un second temps, l'automatisation devrait toucher des emplois dans les services, dans la vente et la construction notamment, du fait du développement de robots et logiciels capables de créativité et d'intelligence sociale.
Si "le travail humain devrait avoir encore longtemps un avantage comparatif dans les tâches qui requièrent des formes de manipulation et de perception complexes", pour les auteurs, les jobs qui nécessitent de développer de nouvelles idées sont à terme les moins susceptibles d'être affectés par l'informatisation, ce qui devrait être le cas pour les métiers du management, les affaires, la finance, l'éducation, la santé, les arts et les médias. Pour les chercheurs, l'informatisation devrait surtout porter sur des emplois peu qualifiés. Ils n'ont réalisé aucune estimation pour évaluer le nombre d'emplois touchés par l'automatisation dans les années à venir, mais ils concluent leur prédiction en expliquant que les employés peu qualifiés et les professions à bas salaires qui devraient être les plus touchées devront être réaffectés à des tâches qui ne sont pas sensibles à l'informatisation, comme celles nécessitant de l'intelligence créative et sociale, compétences qu'ils devront acquérir, rejoignant par là les conclusions d'Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, dans leur livre, Le second âge des machines, qui en appelaient à un sursaut éducatif. Mais est-il si sûr que l'automatisation n'affecte que les emplois les moins qualifiés ?

La généralisation de la déqualification

Certes, le déplacement de l'emploi du fait de l'automatisation n'est pas nouveau, comme le rappelait Marc Giget aux derniers Entretiens du Monde industriel. Mais pourquoi tout le monde semble être d'accord pour laisser les machines prendre le relai ?, interrogeait Nicholas Carr sur son blog il y a quelques mois.
Il y a quelque chose de profondément rassurant à l'idée que la technologie pousse les travailleurs à des occupations plus élevées. Cela rassure nos inquiétudes sur la perte d'emplois et la baisse des salaires. "L'échelle de l'occupation humaine va toujours vers le haut, qu'importe la hauteur à laquelle nos machines grimpent, il y aura toujours un autre échelon pour nous". Mais ne sommes-nous pas là face à un fantasme ? Le problème avec ce "mythe de l'échelle sans fin" repose sur le flou de la revendication... Qu'est-ce qu'un travail de plus grande valeur ? Est-ce une valeur pour l'employeur ? Pour l'employé ? Est-ce une valeur en terme de productivité ? De profit ? De compétence ? De satisfaction ?...
Non seulement ces valeurs sont différentes, mais elles sont souvent en conflit, rappelle Nicholas Carr. Si l'automatisation peut améliorer le travail, le rendre plus stimulant et intéressant, une machine trop sophistiquée peut aussi générer de la déqualification, transformant un artisan compétent en opérateur de machine modérément qualifié.
Bien sûr, si l'automatisation réduit les besoins en compétence dans une profession, elle peut contribuer à la création de nouvelles catégories de travail. C'est en tout cas ce que nous racontent les "mythologues de l'échelle sans fin". Mais les temps sont différents et les machines ont changé, estime Carr. Les robots logiciels peuvent désormais prendre en charge bien plus de travail que les machines des usines n'en étaient capables. Les travailleurs de la connaissance sont eux-mêmes en train de se déqualifier, ressemblant de plus en plus à des opérateurs informatiques, estime Carr.
S'il y aura toujours de nouvelles découvertes permettant de concevoir de nouveaux produits et de nouveaux emplois, il n'y a aucune garantie que le déploiement des ordinateurs va ouvrir de vastes et nouvelles étendues d'emplois intéressants et bien rémunérés comme l'a fait le déploiement des machines d'usines. Les mythologues de l'échelle sans fin attribuent à la technologie une volonté bienfaisante qui nous libère des tâches difficiles et nous propulse dans un travail plus gratifiant. Mais la technologie ne nous libère pas plus qu'elle nous propulse, rappelle Carr. Les gens qui les conçoivent sont surtout motivés par le désir de gagner de l'argent. "Les emplois ont toujours été un sous-produit de la main invisible du marché, pas son but". Les plus grands bénéficiaires du mythe de l'échelle sans fin sont ceux qui ont acquis une énorme richesse par les effets de concentration engendrés. Nous ne devrions en tout cas pas supposer que les machines ont l'intérêt des travailleurs au coeur, concluait-il.
Dans un billet plus récent, il revient à nouveau sur le mythe de l'échelle sans fin. Désormais, rappelle-t-il, les ordinateurs jouent un rôle nouveau dans les secteurs où l'on a besoin d'analyse et de décisions. En lieu et place d'une "échelle sans fin", nous pourrions désormais être confrontés à une "rampe descendante", estime le professeur d'économie du MIT David Autor, qui parle aussi depolarisation (.pdf). Plutôt que de nous libérer des travaux les plus contraignants pour des travaux plus intéressants et plus stimulants, l'automatisation pourrait nous apporter demain tout le contraire !
Dans le New York Times, Thomas Edsall revient sur une étude (.pdf) des économistes Paul BeaudryDavid Green et Ben Sand qui mettent en avant une érosion généralisée de l'employabilité depuis les années 2000, quel que soit le niveau de compétence. Si dans les 20 dernières années du XXe siècle nous avons connu un exode des emplois les moins qualifiés vers des emplois qualifiés et très qualifiés, la perte d'emploi se fait désormais dans tous les domaines de compétences.
Pour les chercheurs, les employés sont poussés vers le bas de "la rampe de compétence" :
"Après deux décennies de croissance de la demande pour des professions nécessitant de hautes compétences cognitives, l'économie américaine a connu une baisse de la demande pour ces compétences. La demande pour des tâches cognitives était dans une large mesure le moteur du marché du travail américain avant 2000. Mais, une fois ce moteur inversé, le taux d'emploi dans l'économie américaine a commencé à se contracter."
En fait, depuis les années 2000, la concurrence dans les emplois manuels peu qualifiés s'est accrue et les travailleurs plus qualifiés ont pris la place des moins qualifiés pour des emplois eux-mêmes moins qualifiés.
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Graphique tiré de l'étude de Breaudry, Green et Sand montrant l'augmentation constante de 1980 à 2000 des emplois nécessitant de fortes compétences cognitives... et leur chute depuis.
Edsall rapporte que deux autres études, l'une (.pdf) par Andrew Sum et l'autre par Lawrence Mishel, qui mettent également en évidence la montée de la déqualification. Pour Andrew McAfee, le coauteur du Second âge des machines, c'est là une bien mauvaise nouvelle.
Pour Carr, c'est une preuve de plus qu'il faut remettre en question non seulement l'hypothèse que les avancées technologiques poussent les gens vers de meilleures qualifications, mais également l'idéologie même de la Silicon Valley tout entière pétrie de cette hypothèse, comme l'exprimait encore récemment l'investisseur libéral Marc Andreessen.