Paris se résigne à accentuer la restructuration de la dette grecque. Une nouvelle approche risquée, mais peut-être salutaire.
À peine le "chemin de croix" de la ratification du plan de sauvetage du 21 juillet est-il achevé que tout est à recommencer. Le feu vert du Parlement slovaque à l'extension du fonds de soutien à la zone euro (FESF) n'a en aucun cas mis un point final à la crise des dettes souveraines en Europe. Elle reste même la première menace sur l'économie mondiale.
Au point de devenir le sujet n° 1 - avec le risque de récession - du G20 finances qui se tient vendredi et samedi à Paris. Les priorités de la présidence française, telles que la réforme du système monétaire international, sont reléguées au second plan. Des discussions bilatérales, avec l'Allemagne notamment, doivent permettre de faire avancer le dossier. "La priorité absolue, c'est d'avoir trouvé les éléments de stabilité de la zone euro" d'ici au sommet de Cannes de clôture de la présidence française, explique-t-on maintenant à Bercy.
Nouvelle approche
Un virage à 180 degrés : depuis des mois, Paris affirmait s'en tenir à la stratégie définie au beau milieu de l'été pour sauver la Grèce, c'est-à-dire une décote des titres grecs détenus par les banques limitée à 21 %, une nouvelle aide européenne de 109 milliards d'euros et l'extension du rôle du FESF pour venir en aide aux pays en difficulté.
Or force est de constater que cette stratégie ne marche pas. La Grèce est étranglée par ses dettes. Le nouveau FESF ne parvient pas à conjurer le risque de contagion aux autres pays en difficulté, qui affole les marchés.
Conséquence, les banques européennes, gorgées de dettes souveraines à risque, n'inspirent plus confiance aux investisseurs. Elles hésitent même à se prêter entre elles, faisant peser la menace d'un gel du crédit en zone euro comme en 2008, après la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers.
Restructuration dure
La France reconnaît maintenant que le secteur privé va devoir participer davantage à l'effort grec. Il pourrait être demandé aux banques d'éponger jusqu'à 50 % de perte sur leurs obligations. Cette restructuration dure de la dette semble devenue indispensable, mais pourrait fragiliser encore un peu plus les établissements financiers de la zone euro.
Paris s'est donc résigné à soutenir la recapitalisation des banques, comme le demande Christine Lagarde au FMI depuis fin août. À condition toutefois que le processus soit européen. Car Bercy veut à tout prix éviter de donner l'impression que les établissements français sont effectivement en difficulté. "Nous maintenons notre diagnostic sur la situation des banques françaises", explique-t-on, en justifiant l'augmentation des fonds propres par la nécessité de produire "un choc de confiance" dans la zone. Le ministère de l'Économie estime que les banques hexagonales n'auront pas besoin de faire appel à un guichet public. La discussion doit déterminer le niveau de réserve que les établissements devront atteindre et selon quel calendrier. Il plaide pour que le FESF puisse être mobilisé, y compris pour venir en aide aux banques des États qui ne sont pas sous programme de l'UE et du FMI.
Faire du FESF une banque ?
La France travaille donc activement à un nouveau renforcement de la force de frappe du fonds, aujourd'hui limitée à 440 milliards d'euros. Trop peu pour retenir le domino italien s'il venait à tomber. Toute la question est de savoir comment procéder, les Allemands refusant de remettre la main au portefeuille. Bercy espère encore la transformation du fonds en banque afin de lui donner un accès au guichet de la Banque centrale européenne. "On pense que c'est ce qui marcherait le mieux", explique-t-on, tout en pointant l'opposition de l'institution de Francfort et celle de Berlin. Le ministère de l'Économie travaille également sur d'autres pistes impliquant des bailleurs de fonds européens, voire internationaux. L'objectif est que la solution retenue ne nécessite pas une nouvelle approbation des parlements nationaux, une procédure bien trop longue et trop risquée.
Une stratégie risquée
Nicolas Sarkozy espère avoir fait adopter "des réponses durables, globales et rapides avant la fin du mois" pour que "l'Europe arrive au G20 unie et avec les problèmes résolus". Mais le plan européen est à double tranchant : la nouvelle restructuration de la dette grecque pourrait raviver l'inquiétude des investisseurs sur les autres pays européens aidés, l'Irlande et surtout le Portugal. Si la Grèce ne peut pas honorer à 100 % ses dettes, pourquoi ses voisins du Sud le feraient-ils ? Un affolement des marchés relancerait alors les doutes sur la solidité de l'Espagne et même de l'Italie.
C'est pourquoi certains économistes - de moins en moins nombreux, il est vrai - estiment que les Européens jouent aux apprentis sorciers. Pour parer ce risque, Paris assure vouloir à tout prix éviter un événement de crédit sur la Grèce, un mécanisme qui déclencherait l'activation des CDS, ces titres d'assurances contre un risque du défaut du pays. Car, non seulement les spéculateurs, qui ont acheté ces titres dans l'espoir d'empocher le pactole sans détenir de dette grecque, seraient récompensés, mais en plus ils se mettraient à jouer avec la dette d'autres pays. Selon Jean-Marc Daniel, économiste, professeur à l'ESCP Europe, cela se réglera devant la justice. Avec une forte incertitude sur l'issue des procédures.
samedi 15 octobre 2011
Crise de la dette - La France renverse sa stratégie
"Merkozy" agace les dirigeants européens
Les autres pays de la zone euro reprochent au couple franco-allemand de les mettre sur la touche.
José Manuel Barroso avait rendez-vous vendredi après-midi avec Nicolas Sarkozy pour préparer le sommet de la zone euro du 23 octobre qui devra, coûte que coûte, mettre au point un plan global de sortie de crise. Sans quoi, prévenait récemment le président de la Commission européenne, l'ampleur de la crise, devenue "systémique", ne pourra que s'accroître, pour menacer toute l'économie mondiale.José Manuel Barroso se fera-t-il l'écho auprès du président français des sentiments mêlés d'exaspération et d'attente envers le couple franco-allemand dont lui font part les autres dirigeants européens ? Beaucoup soulèvent la question franco-allemande, confirme un proche de Barroso, mais pas toujours de façon négative. "Quand le couple franco-allemand ne fait rien, on lui reproche son manque de leadership. Et quand il fait mal, comme à Deauville, on lui reproche d'imposer ses vues. La voie est étroite pour Merkel et Sarkozy", résume un diplomate européen.
Ah, Deauville ! octobre 2010, "Merkozy", comme on surnomme les deux dirigeants dans les institutions européennes, propose une vaste réforme du Pacte de stabilité et une révision des traités européens d'ici à 2013. C'est l'exemple type du donnant-donnant concocté sans consultation des partenaires. La Commission et plusieurs dirigeants réagissent très mal. "Inacceptable", condamne Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe et Premier ministre du Luxembourg. "Ce serait irresponsable de mettre sur la table des chimères à propos de nouveaux traités", renchérit Viviane Reding, vice-présidente de la Commission.
Marre de rouler à l'aveuglette
Aujourd'hui, le couple franco-allemand a-t-il retenu les leçons de Deauville ? Pas franchement, s'il faut en croire Jean-Claude Juncker. Le dirigeant luxembourgeois, connu pour ses convictions fédéralistes, a encore récemment dégainé contre ses voisins. Le gouvernement économique de la zone euro, tel que le prévoient les pays membres de l'union monétaire, "ne doit pas être un commando franco-allemand. La coordination de la politique économique ne peut pas vouloir dire j'atterris à Paris et je roule à l'aveuglette derrière une voiture marquée follow me", a-t-il déclaré au quotidien allemand Handelsblatt.
Même son de cloche à Rome. Peu après la réunion, infructueuse, de Berlin, dimanche dernier, entre Sarkozy et Merkel, le ministre italien des Affaires étrangères s'est fait un devoir de critiquer "l'axe" franco-allemand : "Cette rencontre est une perte de temps alors que la Grèce est aux abois. Une situation globale ne se résoudra pas par des axes bilatéraux", a lâché Franco Frattini.
Rien ne change ? Pourtant si, dit-on à La Haye, où l'on se réjouit "du bon travail et des contacts fréquents que nous avons avec la chancellerie à Berlin". Forts de leur triple A, les Néerlandais sont très actifs. Ils ont fait des propositions pour renforcer la discipline budgétaire, comme la nomination d'un commissaire européen doté de pouvoirs forts pour sanctionner les États laxistes. Le Premier ministre Mark Rutte en parlera d'ailleurs mardi à Paris avec Nicolas Sarkozy.
Énervant, mais indispensable
"Le problème du couple franco-allemand, c'est que les marges de manoeuvre sont infimes, résume un diplomate. Nous sommes dans une situation de crise aiguë. Du coup, plus encore que d'habitude, on ne peut rien faire sans un accord franco-allemand, mais, plus encore que d'habitude, cet accord est si bordé, les enjeux sont si importants, et les conséquences si énormes, que c'est difficile de modifier un seul paramètre de l'accord sans le mettre à mal entièrement."
Commentaire de José Manuel Barroso, vendredi, invité des journées parlementaires de l'UMP : "Évidemment, rien ne peut aboutir en Europe sans une coopération étroite entre la France et l'Allemagne et nous ne pouvons que désirer et appuyer tous les efforts pour une convergence entre les deux plus grandes économies de la zone euro. Mais en même temps, il faut travailler ensemble avec nos institutions, c'est la seule façon d'avoir avec nous tous les autres États membres, grands et petits, riches et moins riches, anciens ou nouveaux."
Les «indignés», anatomie d'un mouvement déstructuré
Ceux qui se surnomment «les 99%» et ne tolèrent plus la «cupidité» des 1% les plus favorisés vont manifester leur ras-le-bol dans 951 villes du monde entier samedi. Mais le mouvement, né en Espagne en mai, ne s'appuie sur aucune direction centrale.
Le 15 mai dernier des «indignés» espagnols campaient sur la place de la Puerta del Sol à Madrid. Empruntant leur nom au pamphlet de Stephen Hessel, ils se déclaraient inspirés par le Printemps arabe pour crier leur révolte face à l'explosion du chômage et à la politique d'austérité mise en place par le gouvernement … Depuis, la contestation s'est étendue dans le reste de l'Europe mais aussi outre-Atlantique. Cinq mois après la naissance du mouvement en Espagne, c'est dans 82 pays que ces «indignés» vont manifester le samedi 15 octobre. De Zurich jusqu'à New York, en passant par Rome, Tijuana, Hong Kong et Johannesburg, des appels ont été lancés dans 951 villes du monde entier.
Leur message aux hommes politiques et aux élites financières, tel qu'on peut le lire sur le site 15october, est le suivant: «Le pouvoir en place travaille au profit de quelques-uns en ignorant aussi bien la volonté de la majorité que le prix humain et environnemental que nous payons. Cette situation intolérable doit cesser.» Sur le site du mouvement Occupy Wall Street, la tonalité est la même: «La chose que nous avons tous en commun, c'est que nous sommes les 99% qui ne tolérerons pas plus longtemps la cupidité et la corruption des 1% restants». En Italie, le programme est résumé ainsi: «Occupation des places publiques par les millions de personnes qui ne veulent plus payer l'énorme crise économique et sociale à la place de ceux qui l'ont causée: pouvoirs politiques industriels, économiques et financiers».
Pas d'instance centrale
Cette journée d'action fait franchir un cap important au mouvement, qui se dote désormais d'une dimension internationale. «C'était nécessaire pour pouvoir faire le poids face au pouvoir des marchés financiers qui agissent à l'échelle globale», affirme Sophie Banasiak, «indignée» parisienne.
Cependant, il n'existe aucune instance centrale pour coordonner les différentes actions. «Si le collectif Democracia Real Ya a joué un rôle moteur dans la mobilisation initiale en Espagne, il ne prend pas le dessus, que ce soit au niveau de la capitale, du pays ou du monde, explique Héloïse Nez, sociologue à l'Université Paris 13. De nombreux collectifs travaillent ensemble, mais aucune n'a l'hégémonie sur le mouvement qui se veut horizontal et égalitaire. Il n'y a pas de têtes visibles et les indignés prennent soin de changer régulièrement de porte-parole».
«Si on te demande ‘qui est derrière ça', réponds leur : ‘moi'» rétorque-t-on à ceux qui cherchent les organisateurs. La propagation d'une ville ou d'un pays à l'autre doit donc se faire spontanément, par émulation. Un processus largement facilité par les réseaux sociaux, où plusieurs mots-clés émergent, tels que «yeswecamp», «#yosoy15O», «#event15oct» ou encore «#Globalrevolution»… «Je ne sais même pas qui exactement a lancé l'idée du 15 octobre, reconnaît ainsi Spyros, supporter du mouvement OccupyLSX à Londres. On a vu cet appel pour samedi et on a été inspiré par le mouvement Occupy wall street pour faire la même chose chez nous.»
Des revendications spécifiques à chaque pays
Si les mécontents du monde entier ont trouvé des dénominateurs communs, les revendications et doléances se déclinent toujours selon les problématiques nationales. En Espagne, l'accent de Democracia Real Ya a été mis sur la réforme de la loi électorale pour en finir avec le bipartisme ainsi que sur l'arrêt des expulsions de propriétaires endettés. Dans les pays anglo-saxons, c'est principalement la finance, pointée comme responsable de la crise, qui est prise pour cible. En témoigne le nom des mouvements qui s'y développent, «Occupy Wall Street» et «Occupy London Stock Exchange (OccupyLSX)». En Israël, la mobilisation vise le logement cher tandis qu'en Italie, les indignés refusent de payer «une dette qu'ils n'ont pas contractée». Mais tous ces thèmes centraux n'empêchent pas chaque manifestant d'exprimer d'autres préoccupations. En Espagne certains pointent l'impunité autour des crimes du franquisme et aux Etats-Unis on dénonce la brutalité policière ou encore la peine de mort…
Surtout, chaque ville conserve son autonomie : l'information circule globalement, mais «les décisions, elles, se prennent au niveau des assemblées dans chaque ville, explique Sophie Banasiak. Chaque ville choisit son propre mode de décision. A Paris et à Madrid par exemple, c'est au consensus. La dimension internationale ne change rien au fait que l'essence du mouvement est locale : elle est dans la rencontre physique et le dialogue sur les places».
Les dés sont jetés mais sur quelle face vont-ils retomber ? Il serait bien présomptueux d’avancer le nom du vainqueur de la primaire socialiste.
Dans le match des ralliements, François Hollande mène désormais 5-1 au tableau d’affichage mais cette unité des chefs autour de celui qui est sorti nettement en tête au premier tour ne garantit en rien sa victoire au second.
Les ralliements de Ségolène Royal puis d’Arnaud Montebourg ont pu laisser croire que cette fois, la partie était pliée et qu’elle allait donner l’avantage au Corrézien. Rien n’est moins sûr.
Les aléas de la science politique prennent un malin plaisir à contrarier les calculs mathématiques des observateurs. Inconnue majeure, les variantes de la composition du corps électoral contribuent, un peu plus, à brouiller les calculs. Quant aux fidèles des quatre éliminés du 9 octobre, rien ne peut préjuger des bons reports de leurs votes.
Cela fait beaucoup de paramètres incontrôlables et au risque de surprendre, le résultat de dimanche soir reste ce matin totalement imprévisible.
Avec le PS, en 2011, comme avec Nicolas Sarkozy en 2007, « demain, tout est possible ». Le plus drôle, c’est la discrétion nouvelle des instituts de sondage échaudés par un premier tour qui, une fois de plus — et c’est heureux pour la démocratie — a déjoué tous leurs pronostics même si, contre toute évidence, ils s’obstinent à ne pas vouloir le reconnaître…
Martine Aubry qui les pourfend volontiers mais seulement quand ils ne lui sont pas favorables, s’est appliquée à rallier « la gauche » du parti derrière son panache. C’est de ce côté, elle le sait, qu’elle trouvera les voix pour gagner. Et cette battante ne s’est interdit aucun artifice de campagne pour marquer ce positionnement fort à distinguer de la gauche prétendument « molle » de son rival.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que dans cet exercice périlleux pour l’avenir du (ou de la) futur(e) candidat(e) PS, elle a largement dépassé les bornes que lui imposait son statut de secrétaire générale sortante du parti.
Jouant le tout pour le tout, la maire de Lille a entrepris de déconsidérer méthodiquement son rival avec une férocité électorale qui n’a d’égale que celle du chef de l’État. « Le changement vraiment, le changement enfin », comme elle le répète en boucle, sur un ton volontiers populiste, c’est elle ! Son adversaire n’est que « le candidat du système ». De… « l’establishment » ? comme dirait… Jean-Marie Le Pen ?
Jamais, sans doute, « La dame des 35 heures » n’a suscité autant d’affectueux espoirs dans cette droite UMP dont elle a toujours été l’une des cibles favorites. C’est qu’elle serait une adversaire plus coriace mais beaucoup plus facile pour le président sortant ! Jusque-là, son agressivité caricaturale a payé. Cette méchanceté politique délibérée sera-t-elle finalement récompensée ?
Des cocos pour l’Europe
Après un an et demi de retard et de déni, la Grèce est en train de restructurer ses dettes. Ceci ne suffira pas en soi à tirer un trait sur la crise de la zone euro. La Grèce devra également réduire la taille de son secteur public, réformer son administration fiscale et prendre d’autres mesures pour moderniser son économie. Ses partenaires européens devront construire un pare-feu autour de l’Espagne et de l’Italie pour empêcher leurs marchés des capitaux et leurs économies d’être déstabilisés. Les banques qui encourent des pénalités sur leurs bilans devront être recapitalisées. Il faudra réparer les failles dans la gouvernance de la zone euro.
Cependant, la première étape indispensable est une profonde dévaluation de la dette grecque – en deçà de la moitié de sa valeur nominale. Le fardeau pour le contribuable grec sera allégé, ce qui est une condition préalable à la réduction des salaires, pensions et autres coûts et ceci est donc essentiel à la stratégie de « dévaluation interne » nécessaire pour restaurer la compétitivité grecque. Forcer les obligataires à accepter une « marge de sécurité » sur ce qu’ils vont percevoir, promet également de décourager à l’avenir les prêts imprudents aux souverains de la zone euro.
Ce qui nous amène à la question de savoir pourquoi il a fallu un an et demi aux décideurs politiques pour en arriver à ce point. La réponse est qu’il y a de fortes incitations à retarder. Le gouvernement grec, pour lequel la restructuration est un aveu d’échec, continue d’espérer que de bonnes nouvelles vont surgir comme par magie. De même, les banques françaises détenant des obligations grecques s’accrochent au moindre reste d’optimisme possible pour faire furieusement pression contre la restructuration. Les décideurs européens, quant à eux, craignent que la restructuration de la dette souveraine ne risque d’endommager le système financier et ne soit un mauvais point pour leur union monétaire.
Les incitations à retarder sont innombrables. La question est de savoir ce que l’on peut faire à leur sujet. Plutôt que de recourir chaque fois aux renflouements et au retard, n’y a-t-il pas là un moyen plus rapide et plus décisif de restructurer les dettes des souverains insolvables ?
Une réponse serait d’ajouter aux futurs contrats obligataires des dispositions contractuelles qui pourraient déclencher automatiquement la restructuration nécessaire. Le concept provient du débat sur la réforme du secteur bancaire, où existe un problème analogue pour les renflouements et les cautions. En raison de la difficulté à mettre les banques dans une procédure comparable à celle d’une faillite, il y a une incitation, semblable à celle qui se pose dans le contexte de la dette souveraine, à reporter le processus douloureux d’imposer des pertes sur les porteurs d’obligations et de fournir à la place un plan de sauvetage et d’espoir pour le meilleur.
Des obligations convertibles d’appoint (contingent convertible bonds) ou « cocos », ont été proposées pour résoudre ce problème. Lorsque le capital d’une banque tombe en deçà d’une limite spécifiée au préalable, ses cocos convertissent automatiquement la dette à proportion égale d’une fraction de leur prix antérieur. De cette façon, les obligataires se portent caution et aident à la recapitalisation de l’institution financière en question.
En étendant cette idée à la dette souveraine, les détenteurs d’obligations d’État pourraient stipuler que si le rapport dette souverain/PIB dépasse un seuil indiqué, les paiements du capital et des intérêts aux obligataires seraient automatiquement réduits. L’idée est que s’il n’y a pas d’incitation suffisante à la restructuration dès le début d’une crise, elle doit être intégrée antérieurement.
Les « cocos souverains » ont cet avantage que leur activation ne constituerait pas un incident de crédit déclenchant les swaps sur défaillance (credit-default swaps ou CDS) souscrits sur les obligations. L’existence de grandes quantités de CDS, avec une incertitude quant à l’identité de leurs souscripteurs, a inspiré la réticence à procéder à la restructuration. Les cocos souverains apaiseraient la crainte de créer un incident semblable à celui d’AIG, dans lequel un souscripteur trop gros pour faire faillite est surexposé.
Les objections à l’encontre de cette idée ont commencé par la question de savoir s’il y aurait une demande suffisante pour ces nouveaux instruments de la dette souveraine. En fait, le succès des banques dans l’émission des cocos suggère que les investisseurs en sont friands.
Il existe aussi un risque que le gouvernement manipule la dette et les statistiques du PIB sur lesquelles se base le déclencheur de conversion. Délocaliser le calcul de ces résultats vers une entité indépendante, comme le Fonds monétaire international, pourrait résoudre ce problème.
Des inquiétudes sont envisageables quant à l’ajout de cocos aux obligations souveraines qui pourraient augmenter les coûts d’emprunt des gouvernements. Mais la littérature sur les instruments connexes, connus comme clauses d’action collective, suggère que les coûts d’emprunt augmenteraient seulement pour les gouvernements approchant de leur limite de solvabilité – c’est-à-dire, proche du déclencheur des cocos. Et augmenter les coûts d’emprunt pour les gouvernements ayant des dettes dangereusement lourdes – ce qui les découragerait de faire d’autres emprunts – est précisément ce que nous voudrions faire.
L’ajout de cocos aux obligations d’État va exiger la résolution d’une multitude de problèmes techniques. Mais ne pas les ajouter est une recette pour obtenir davantage de retard, de renflouements et de chaos, la prochaine fois que les dettes d’un souverain comme la Grèce deviendront insoutenables.