TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 21 mai 2012

Après l’ombre, la lumière, c’est maintenant

La gauche ne sait plus à quel diable se vouer
Dolorisme et indignation : la campagne présidentielle 2012 aura été une longue suite de variations sur ces deux registres – le dolorisme pour câliner le citoyen, l’indignation pour gagner le concours de la plus belle âme. En d’autres termes, on n’a pas franchement rigolé – Cheminade et Mars, il n’y avait tout de même pas de quoi se rouler par terre. Les dix candidats en quête d’électeurs n’ont pas chanté la même chanson, mais ils ont tous sorti les violons, s’adressant presque exclusivement à notre désir d’être plaints – en clair, à nos pulsions infantiles. Comme vous êtes malheureux ! Comme vous êtes maltraités ! Comme vous êtes méprisés ! La compassion appelant la consolation, tous ont juré qu’eux, ils n’étaient pas comme les autres, menteurs et volages, et promis de nous aimer pour toujours. C’est gentil, mais je me demande si je ne préférerais pas être traitée en adulte. D’égal à égal. Une mère, j’en ai déjà une et elle me convient parfaitement.
Il faut croire que nous aimons qu’on s’apitoie sur notre sort. De fait, il est délicieux de récriminer auprès de ses amis parce qu’on travaille trop, qu’on entend trop de bêtises à la télé, qu’on a perdu deux points de permis, que c’est toujours les mêmes qui se crèvent à bosser et que l’État leur prend tout – ça c’est mon marchand de journaux. En même temps, à la longue, ça peut agacer. Après le premier tour, beaucoup d’électeurs de Marine Le Pen enrageaient d’être décrits comme des malheureux, déboussolés par le changement, égarés par l’angoisse et abêtis par la pauvreté.
Admettons qu’il nous arrive à tous de penser que les autres ont trop (d’argent, de pouvoir, de bonheur, de robes) et nous pas assez. D’ailleurs, c’est souvent vrai. Reste qu’entendre répéter chaque jour qu’on n’a pas le moral, ça finit par casser le moral. À force d’apprendre par voie de sondages que les Français sont pessimistes, on le devient presque par solidarité. De temps à autre, au lieu de flatter ces penchants victimaires, les princes qui nous gouvernent pourraient tenter de stimuler les affects héroïques ou ce qu’il en reste chez des Occidentaux désenchantés.
Alors, à tout prendre, le messianisme kitsch inscrit dans les appellations ministérielles de l’ère nouvelle est plus attirant que la communion dans la lamentation de ces derniers mois : ministère du « Redressement productif » ou de la « Réussite scolaire », cela évoque des joyeuses cohortes de prolétaires marchant vers l’usine où ils gagnent dignement leur pain, ou encore des théories de collégiens impatients de contribuer à l’édification d’un monde plus juste – et tout ça sans le moindre goulag en vue. Fernand Léger sans Staline.
J’en vois qui bondissent de colère. Et les huit millions de pauvres, et les jeunes condamnés à des stages à répétition, et les cités ravagées par le chômage, et les banlieusards dont le train est en rade pour la vingtième fois de l’année, et les agriculteurs qui se suicident, et les SDF qui meurent – tout ça pendant que quelques-uns se goinfrent de profits mal acquis ? Et les Grecs écrasés par le « fascisme » des marchés (ça s’est entendu), et les Palestiniens humiliés par la férule israélienne, et les Syriens massacrés – avez-vous remarqué que, depuis quelques années, on invoque beaucoup moins les petits Indiens et Chinois ?
Tout cela est vrai. Mais la terre ne se résume pas à ses damnés, et l’existence de la majorité des gens ne se réduit pas à leurs difficultés – en France en tout cas. Ou alors, vous ne regarderiez pas les images du Festival de Cannes à la télévision. Même les plus pauvres ont une vie en dehors de la pauvreté. D’accord, nous souffrons. Mais nous ne faisons pas que ça. C’est pourtant la seule chose qui fasse consensus, le seul constat partagé de l’extrême droite à l’extrême gauche. Ce qui change, d’un locuteur à l’autre, c’est le « nous » – donc le « eux », c’est-à-dire les coupables.
La rhétorique de l’indignation, déclinée en disqualification morale de l’adversaire, sert précisément à faire le partage entre les uns et les autres. Dans ce domaine, on pensait avoir tout entendu ces cinq dernières années, inutile d’y revenir. L’entre-deux-tours a été un feu d’artifice, le même message ayant été martelé sur tous les tons : « Nous sommes les bons, ils sont les salauds ». En fin de campagne, c’est devenu plus lapidaire : « Ils puent. » Cette gauche-là (que j’ai appelée « gauche olfactive ») a les narines délicates et elle trouve souvent que ceux qui ne pensent pas comme elles sentent mauvais. Qui aurait pu hésiter un instant entre un sortant cupide, raciste, sans foi ni loi, bref une sorte de Néron, et un type qui dit bonjour à sa boulangère et respecte les feux rouges – 48,3 % des électeurs, pardi !
Enfin, ça, c’est fait. Nous avons voté pour la lumière contre l’ombre. Le premier discours du « président rassembleur » était vaguement inquiétant. Après avoir insulté son prédécesseur, il a inauguré devant un parterre presque exclusivement socialiste l’ére de la Justice et de la Dignité. On aurait dit qu’il venait de prendre possession d’un couvent que les précédents occupants avaient transformé en lupanar. Mieux vaut s’amuser de cette rhétorique comme de la désopilante propagande sur la moralisation/normalisation du pouvoir. Le Président a été formel : finis les frasques, les impairs, les manquements aux bonnes manières, les coups de gueule. Qu’on se le dise : sous le nouveau régime – car c’est bien ainsi que se pensent les dirigeants du pays –, l’Élysée sera la maison des bisounours. Seulement, on risque de découvrir très vite que la normalitude, en plus d’être forcément mensonger, c’est très ennuyeux. Le Président déjeunant d’un steak dans un restaurant de quartier, le Président respectant les feux rouges, le Président qui aime les gens et pas l’argent, on ne va pas tenir cinq ans. Si les Français attendaient de leurs gouvernants qu’ils aient les mains blanches, ils ne supporteraient pas une seconde les niaiseries sentimentales débitées au sujet de François Mitterrand et de Jacques Chirac. Et s’ils voulaient qu’ils n’aient pas de mains, ils adoreraient Lionel Jospin.
Nicolas Sarkozy a quitté – définitivement ou pas, je l’ignore – la scène politique, mais l’anti-sarkozysme semble avoir un bel avenir. Il était devenu si habituel de l’injurier et de lui imputer les pires turpitudes que beaucoup semblent déjà orphelins. La politique et le comportement de l’ex-Président ont été souvent critiquables, parfois condamnables. Ce que les Français lui reprochaient n’était pas d’être monstrueux, comme on se le racontait à gauche, mais d’être comme eux. Narcissique, superficiel, présentiste, toujours prêt à reprocher aux autres ses propres insuffisances, épaté par le fric plus que par le savoir, instinctivement sensible aux hiérarchies médiatico-sociales : Sarko, c’était moi. Et même vous et moi. Notre face cachée. Notre part non pas maudite mais honteuse. Gil Mihaely explicite les ressorts de ce sacrilège dans un texte pénétrant.
Il faudra s’y faire : Sarkozy, c’est fini ! Nous savons qui gouvernera la France dans les cinq années qui viennent. Ce que nous ne savons pas vraiment, c’est ce qu’est la France. Ou plutôt, chacun a sa petite idée sur la question et chacun est convaincu que la sienne est la bonne. Assurément, on a agité des drapeaux tricolores à foison et chanté La Marseillaise à tue-tête, mais à l’évidence les trois couleurs et le chant de guerre des révolutionnaires n’ont pas le même sens pour tous.
Il faut dire que l’Histoire a l’humour vache. Pendant tout le quinquennat, la gauche brailleuse s’est déchaînée contre la discussion sur l’identité nationale. Un débat nauséabond, grognait-elle. La question elle-même était indigne, disait-elle. Or, cette question indigne d’être posée a surgi métaphoriquement le soir même de l’élection de François Hollande avec la polémique sur les drapeaux de la Bastille. Ce que personne n’a vu, dans l’euphorie (ou dans la tristesse) du moment, c’est que cette affaire d’identité était déjà l’enjeu d’une bataille idéologique interne à la gauche : elle n’oppose pas d’aimables partisans de l’ouverture à de sinistres défenseurs de la fermeture, mais ceux qui croient qu’une nation doit avoir des frontières à ceux qui n’y croient pas. Les électeurs, eux, ont compris qu’il n’y avait pas une mondialisation heureuse qui serait celle de la circulation des hommes et une mondialisation affreuse qui ferait migrer les usines et les emplois, mais un phénomène à deux dimensions, économique et culturelle.
Ce clivage s’est en quelque sorte incarné au soir du 6 mai : au moment où, place de la Bastille, les uns brandissaient des drapeaux occitans ou tunisiens, communistes ou homosexuels (ce qui est étrange quand on y pense), rue de Solferino, une marée tricolore saluait la victoire. Le symbole vaut ce qu’il vaut. Mais il montre que, même à gauche, il y a au moins deux façons (en fait beaucoup plus) de se sentir français, donc de concilier l’universel et le particulier – problème particulièrement compliqué pour la France et plus encore pour la gauche qui doit tenir ensemble l’amour de l’égalité et le respect de la différence, deux préoccupations hautement légitimes. Deux façons, cela ne signifie pas une bonne et une mauvaise, une vraie et une fausse – et pas non plus une de droite et une de gauche, cher Laurent Bouvet. Il devrait cependant être permis de se demander pourquoi un gamin né en France et instruit en France, célèbre l’élection du Président de la République française en agitant le drapeau d’un pays où, au mieux, il se rend une fois par an. (Je me poserais la même question à propos de juifs arborant le drapeau israélien). Tous ont chanté La Marseillaise et tous se sont proclamés, au moins pour un soir, fiers d’être français. Mais ils ne disaient pas tous la même chose. Pour les uns la définition de la France est d’être accueillante à toutes les identités, pour les autres l’appartenance nationale doit primer sur les appartenances particulières. Chacun a sa préférence. Mais personne ne devrait se boucher le nez devant les idées des autres.
En réalité, tout est affaire de dosage entre l’Histoire et le code, le sang et la loi. Le véritable enjeu de cette bataille, c’est l’héritage, ou plus précisément sa place dans ce qui fait de nous un « nous ». Dans un appel publié la veille de l’élection sur le site du Monde, des « Français d’origine étrangère » proclamaient: « Nous sommes des immigrés, des enfants et des petits-enfants d’immigrés, et nous n’avons ni l’intention de nous “intégrer” ni celle de nous “assimiler” à un pays qui est déjà le nôtre. » Pour eux, le passé n’existe pas : notre seul code, c’est l’égalité devant la loi – que bien sûr nul ne conteste. À l’autre extrémité, on pense que la France est contenue tout entière dans ses racines – chrétiennes – et qu’être français, c’est adopter intégralement le passé commun en laissant le sien à la porte. Pour les uns, il n’y a pas d’héritage, pour les autres il n’y a que de l’héritage. Ce n’est pas seulement parce qu’elle s’apprête avec gourmandise à faire feu sur le quartier général de la Droite que nous avons interrogé Marine Le Pen, mais pour en savoir un plus sur sa France et sur ce qui nous sépare d’elle. Nous n’avons pas besoin de lancer des anathèmes pour marquer une différence qui, dans le fond, tient dans le slogan « On est chez nous ! », scandé par ses partisans. Toute la question, encore une fois c’est de savoir qui est ce « nous ». On lui rendra cette justice qu’en théorie, elle accorde à tout individu la possibilité d’intégrer pleinement la communauté nationale. Mais les exigences qu’elle pose à cette intégration, qu’elle compare à une adoption, sont telles qu’il est presque impossible d’y satisfaire, sauf à changer radicalement ce qu’on est. Cette conception radicale de l’assimilation n’est pas raciste, elle est irréaliste.
Entre les Indigènes de la République et le Front national, il y a tous ceux – notamment à Causeur – qui croient que le monde commun ne peut résulter que d’une négociation, d’un compromis, entre ce qui demeure et ce qui change, entre la « vieille France » et le sang neuf, et qu’il s’agit de décider où on place le curseur.
Depuis cinq ans, nous avons été condamnés à un dialogue de sourds. La bonne nouvelle, donc, est que le débat traverse désormais la gauche. Le nouveau Président devra arbitrer entre deux pôles : d’un côté, la « gauche Terra Nova » – le think tank qui expliquait il y a un an que la gauche devait définitivement renoncer aux catégories populaires, franchouillardes et lepénisées, au profit d’une coalition arc-en-ciel des femmes, des jeunes et des minorités ethniques ou sexuelles ; de l’autre, la « gauche populaire », nom d’un groupe d’intellectuels et de militants proches d’Arnaud Montebourg, ou point trop éloignés de lui, qui plaident à la fois pour que la gauche renoue avec les prolos et pour qu’elle en finisse avec le mythe d’une Europe fédérale permettant de dépasser les nations.
François Hollande le sait : s’il a gagné, ce n’est pas parce que la France est devenue socialiste, mais parce qu’une proportion inattendue des électeurs de Marine Le Pen ont fait les pieds au mur. C’est bien à ceux-là qu’il pensait, à Tulle, en évoquant « les banlieues et les zones rurales » – ce qui signifie peu ou prou les « issus de » et les « de souche ». La question du droit de vote des étrangers – dont lui-même ne semble pas être un partisan acharné – sera un test de sa volonté de « rassembler » : s’il veut parler à tous, il doit comprendre que tenir cette promesse serait une erreur plus grave que de l’avoir faite.

Eurobonds : pourquoi sont-ils improbables ?

François Hollande s’est déclaré favorable à la création d’eurobonds, dont le but serait de mutualiser les dettes souveraines de la zone euro. D’autres pays plus robustes économiquement, comme l’Allemagne, s’y opposent. Alors, quels seraient les gagnants et les perdants d’une telle opération ?
L’idée des eurobonds, une proposition du programme de François Hollande, est de faire emprunter les États auprès d’une instance européenne qui lèverait sur les marchés des obligations dont l’ensemble de l’eurozone serait solidaire. Toutes les nations emprunteraient à un taux unique, plus élevé qu’actuellement pour les meilleurs élèves, principalement l’Allemagne, et très nettement inférieur aux exigences du marché pour les pays dont les budgets ont totalement dérapé.

Ces divergences d’intérêts sont le principal obstacle à la mesure. L’Allemagne refuse d’alourdir la charge de ses intérêts pour aider ses voisins. Cependant, la crise européenne de la dette a aussi un coup pour nos voisins d’outre-Rhin, tant parce qu’ils participent aux multiples plans d’aides que du fait que la croissance ralentie du continent plombe leur propre prospérité. Aussi n’est-il pas, a priori, si clair qu’il soit dans leur intérêt de refuser le principe d’obligations communes si cela permettait de sortir de la crise.
L’objet de cet article est d’estimer – grosso modo, et avec quelques hypothèses grossières – le coût et les gains pouvant être attendus des eurobonds.

L’impact budgétaire dans les États de la zone euro

La problématique centrale est celle du taux d’intérêt qui serait associé aux obligations communes. Une petite régression linéaire sur les principaux déterminants du taux d’intérêt (dette/PIB, déficit…) aboutit à un taux d’intérêt à 10 ans de 2,7%, légèrement meilleur que celui payé par la France (2,9%) ou l’Autriche (2,8%), deux pays notés AA+ par l’agence S&P.
L’hypothèse d’une note de crédit de AA+ est celle retenue par plusieurs études sommaires ayant essayé d’évaluer le coût budgétaire de la mesure. C’est aussi la note du Fonds Européen de Stabilité Financière.
En supposant le taux à 10 ans représentatif de la charge de la dette, on peut calculer assez facilement le coût budgétaire de la mesure pour chaque pays à long terme, c’est-à-dire lorsque l’essentiel de sa dette aura été convertie. Il suffit de soustraire au taux actuellement exigé le taux hypothétique de l’eurobond, puis de multiplier cette différence par la dette publique. Le tableau suivant vous propose cette estimation pour les pays de la zone euro, pour différentes hypothèses de taux de l’eurobond. Je retiens celle de 2,7% pour l’instant.
On voit qu’à l’échelle européenne, la mesure permettrait des gains budgétaires conséquents, mais au détriment des pays les plus vertueux, en particulier de l’Allemagne. À long terme, le fait de devoir emprunter à un taux de 1% supérieur coûterait 25 Mds € par an à ses contribuables. Ce coût ne serait atteint que progressivement, le temps que l’Allemagne doivent refinancer son ancienne dette au nouveau taux. Le ministre des finances allemand avait fourni à la presse une estimation semblable (source). À titre de comparaison, ce coût pour l’Allemagne dépasse le chiffrage du programme présidentiel de M. Hollande (20 Mds €)…
Concernant les autres pays, la mesure serait très salutaire à l’Italie, et, rapportée à la taille du pays, encore davantage à la Grèce. Pour cette dernière, l’économie réalisée est virtuelle vu que personne ne s’attend à ce que le pays puisse honorer sa dette. On ne fait pas d’économies sur ce que l’on ne peut pas payer…
En revanche, les eurobonds n’apporteraient pas grand-chose à l’Espagne et ne constituent donc pas une réponse à la profonde crise que traverse ce pays et ses 25% de chômage. On aurait donc tort de voir dans les eurobonds la réponse à tous les problèmes économiques de l’Europe.

Les détenteurs de dette

Une conséquence des eurobonds qui ne semble pas intéresser les commentateurs est leur impact sur les créanciers actuels des pays européens, à savoir principalement le système bancaire des différentes nations et les épargnants : les porteurs d’assurances vie par exemple, c’est-à-dire vous et moi.
Concrètement, deux obligations d’un même État ayant le même horizon temporel doivent avoir le même rendement, soit, en gros, un ratio [paiement annuel]/[valeur boursière] identique. Sans cela, les investisseurs vendraient instantanément l’obligation chère pour acheter l’obligation bon marché, donnant droit aux mêmes paiements pour un même risque. Ces transactions égaliseraient en quelques secondes les prix des deux obligations.
En conséquence, les anciennes obligations allemandes verraient leur valeur baisser jusqu’à ce que leur rendement atteigne 2,7%. Les obligations grecques profiteraient quant à elles d’une appréciation vertigineuse. Logique pour un pays insolvable dont le trésor allemand deviendrait soudainement caution.
Plus précisément, à l’hypothèse de 2,7%, on peut s’attendre au triplement de la valeur des obligations grecques et à une chute de 10% des allemandes. Une multiplication par le montant des dettes nationales estime les gains et pertes de détenteurs d’obligations de chaque nation.
Au coût annuel pour le contribuable allemand, s’ajouterait alors une perte de valeur dépassant 200 Mds € pour les créanciers de l’Allemagne, principalement les épargnants allemands. Pas sûr que les retraités allemands apprécient !

Le scénario « AA »

Le scénario AA+ est fondé sur les perspectives actuelles d’évolution de la dette européenne. Elles-mêmes dépendent de la volonté des États membres de limiter leurs déficits. Or leur incitation la plus forte vient de la crise de la dette faisant exploser le coût de financement des pays aux politiques budgétaires laxistes. Avec l’instauration des eurobonds, cette « motivation » risque de disparaître dans la mesure où un État ne verra plus sa politique budgétaire être significativement sanctionnée par les marchés. Déresponsabilisé, chaque pays serait alors moins attentif, et l’ensemble de la zone verrait sa dette s’accroître bien au-delà des perspectives actuelles.
En évoquant le cas de l’Espagne, je montrais que l’apparition des eurobonds ne résoudrait pas l’essentiel des problèmes de la zone euro. Libéré par l’Allemagne de la contrainte des marchés, les gouvernements connaissant de fortes difficultés et mettant actuellement en place des mesures d’austérité drastiques (Espagne, Italie, Portugal, Grèce… bientôt la France ?) seront tentés par des politiques beaucoup plus populaires et dépensières, leurs effets pervers étant dilués à travers le continent. Rappelons que dans son scénario actuel, la Commission Européenne prévoit un retour à l’équilibre budgétaire de l’Italie dès 2013… Est-ce crédible sans la pression des marchés financiers ?
Pour cette raison, l’Allemagne exige comme pré-requis impératif aux eurobonds des règles budgétaires extrêmement strictes et engageantes, par exemple l’inscription contraignante dans les Constitutions. Or Hollande lui-même refuse la fameuse règle d’or…
Le scénario de la Commission Européenne table sur un déficit de la zone euro de 3% et une dette publique égale à 93% du PIB en 2013, soit exactement les mêmes chiffres que ceux attendus pour la France notée AA+. La Belgique, notée AA, prévoit pour 2013 un déficit de 2,6% et une dette de 100%. Le taux d’intérêt à 10 ans sur les obligations belges est de 3,5%. Ces chiffres illustrent le fait que tout dérapage budgétaire de la part de pays jouant les passagers clandestins mènerait en deux ou trois ans à une dégradation de la note européenne. Cette dégradation impliquerait un taux plus proche de 3,7% (ce qui reste 2 pts de moins que les taux actuels de l’Espagne ou de l’Italie).
On remarque qu’à de tels taux, la France deviendra aussi perdante, tandis que les pertes de l’Allemagne deviendraient totalement inacceptables (50Mds € par an pour le contribuable, 400 Mds € pour les porteurs d’obligations allemandes). Un tel scénario n’ayant rien d’invraisemblable, on comprend alors l’hostilité farouche d’un certain nombre de pays vertueux aux eurobonds dans un futur proche, sauf à annihiler la souveraineté budgétaire des pays de la zone.

Aurélie Filippetti annonce une réforme du CSA avant début 2013

La ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, a annoncé lundi 21 mai une réforme avant début 2013 de la désignation des membres du Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA) qui sera à nouveau chargé de nommer les présidents de l'audiovisuel public.
"On a travaillé à une nouvelle manière de désigner les membres de la future autorité de régulation audiovisuelle, donc d'un nouveau CSA", a-t-elle déclaré lundi sur France Inter. "Ses membres seront désignés par l'Assemblée nationale et le Sénat, les commissions culturelles" du Parlement, "cela permettra une plus grande indépendance du CSA vis-à-vis du pouvoir exécutif, pour l'intitulé on verra, ce sera un nouveau CSA", a déclaré la ministre.

Elle a précisé que cette nouvelle autorité sera chargée de nommer les patrons des entreprises de l'audiovisuel public comme France Télévisions et Radio France, mettant ainsi un terme à leur désignation par le président de la République instaurée par Nicolas Sarkozy.
"Nos concitoyens sont attachés à des procédures transparentes, démocratiques et il y aura donc une réforme très rapide de ce mode de nomination pour que les prochains présidents, ou présidentes d'ailleurs, de l'audiovisuel public puissent être nommés par le CSA", a dit Mme Filippetti. "Le président du CSA voit son mandat s'achever début 2013, comme d'autres membres, tout devra être prêt au moins d'ici là", a-t-elle assuré.
Depuis sa création en 1989, le CSA est composé de neuf membres, nommés pour six ans par décret. Trois, dont le président, sont choisis par le président de la République, trois par celui du Sénat et trois par celui de l'Assemblée nationale.
"ARRÊTER" LA FUSION RFI - FRANCE 24
Aurélie Filippetti a aussi estimé qu'il "serait logique d'arrêter" le processus de fusion de Radio France International avec la chaîne d'information continue France 24.
Lors de la campagne présidentielle, "François Hollande avait signé la pétition contre la fusion", a-t-elle rappelé.
"Nous prendrons les mesures nécessaires pour que RFI puisse retrouver sa mission, notamment en Afrique avec une large audience, qui était très appréciée de tous ces peuples qui avaient besoin d'une information indépendante", a dit la ministre.
"Il serait logique d'arrêter cette procédure qui a conduit parfois à faire de la radio à la télévision et de la télévision à la radio", a-t-elle précisé.
RFI et France 24, regroupées sous la holding "Audiovisuel extérieur de la France" (AEF), ont récemment fusionné leurs rédactions et la radio doit déménager prochainement à côté de France 24 dans la banlieue parisienne. Ce déménagement, contesté par une partie des personnels, est à l'origine d'un sérieux conflit entre syndicats et direction.
"La question n'est pas tant le déménagement, c'est surtout la question de ce qu'on veut faire de RFI et de France 24 et en général de l'Audiovisuel extérieur de la France", a déclaré la ministre.
Interrogé sur le maintien d'Alain de Pouzilhac à la présidence de l'AEF, elle a répondu: "la question des personnes sera réglée plus tard, la priorité c'est d'abord la ligne stratégique qu'on veut définir et l'indépendance aussi des grandes structures importantes de l'audiovisuel".
C'EST LA MISE SOUS CONTRÔLE STRICT DES MEDIAS PAR L'ÉTAT, 
NE NOUS Y TROMPONS PAS !!

Les racines théologiques du libéralisme

Le chrétien est un libéral non pas par défaut, mais par excès : son expérience spirituelle propre lui prouve qu’il est éminemment libre de développer ses propres forces pour parcourir son propre chemin. Saint Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église, pilier de la doctrine catholique et interlocuteur fondamental des relations théologie/philosophie, nous le prouve.

« La Vérité vous rendra libre » (Jean VIII, 32).  Une injonction déterminante pour le chrétien, et gage du fait irréductible qui s’impose à lui : Dieu s’adresse à lui non pas pour diriger ses actions, mais pour libérer ses initiatives. Comme le dit magnifiquement le théologien François Varillon, Dieu est l’ « initiative de nos initiatives ». S’il s’infuse dans l’homme, c’est pour lui insuffler du courage, de l’ardeur et de l’initiative, non pour le diriger comme une marionnette. Pour faire de lui une aide précieuse au bien-être des hommes et du monde, un véritable co-créateur et un ami. Le chrétien est en ce sens un libéral non pas par défaut, mais par excès : son expérience spirituelle propre lui prouve qu’il est éminemment libre de développer ses propres forces pour parcourir son propre chemin. Il croit en Dieu, et par là croit à l’homme et à ses potentialités – qui sont somme toute quasi-infinies, en ce monde comme dans l’autre… Saint Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église, pilier de la doctrine catholique et interlocuteur fondamental des relations théologie/philosophie, nous le prouve.
L’étude profonde de Thomas d’Aquin convainc en effet quiconque du fait que l’alternative rigide entre liberté et vérité n’est plus valide aujourd’hui. Certains penseurs catholiques ont fait de l’insistance des modernes sur la liberté la cause de la dégénérescence de la civilisation européenne dans le relativisme et l’anarchie axiologique. La liberté, disaient-ils, doit être subordonnée à la vérité. Sous l’injonction de « péché de naturalisme », qui laisse à l’homme tous les pouvoirs, ils ont attaqué l’émancipation de la raison humaine vis-à-vis du dogme et de l’Église. Elle a opposé l’initiative rationnelle du quidam aux règles morales qui lui sont imposées d’en haut. Certes, mais la vérité elle-même ouvre à la liberté. La liberté s’impose d’elle-même comme l’accès à la vérité dès lors qu’on se rend compte qu’elle en est la condition suffisante et nécessaire. Liberté de conscience, libération de l’initiative individuelle et libre examen sont historiquement et philosophiquement fondés sur cette option théologique capitale qui est celle de l’autonomie des réalités terrestres dans leur libre parcours vers Dieu.
La théologie de Thomas d’Aquin porte en elle les germes du libéralisme politique et philosophique en ce qu’elle ouvre à la philosophie, à l’action individuelle et à la raison « pure » un champ parallèle à la théologie. Cette « libération » anthropologique des déterminants théologiques provient, in fine, du moment culminant de cette conjonction historique entre la pensée de l’antiquité gréco-romaine et de l’exégèse biblique.  Ce « passage » conceptuel considérable a été opéré en soutenant, contre de nombreux théologiens, le fait qu’« il y a des vérités auxquelles peut atteindre la raison naturelle » (Somme contre les Gentils, I, 3). Une affirmation théologique d’un poids considérable qui a ouvert la raison humaine à la possibilité de se développer de manière autonome en parallèle et complémentarité de la Révélation chrétienne, et qui donne à la raison humaine une consistance propre, détachée de son lien obligeant avec la Tradition et l’autorité dogmatique de l’Écriture. Il est dorénavant possible et souhaitable de parvenir à des vérités – qui ne peuvent être en contradiction avec la Révélation – par les propres forces de son intellect et de son existence vertueuse.
À partir de ce point strictement théologique, Thomas d’Aquin a développé la thèse de l’autonomie des réalités terrestres qui a eu des répercussions considérables dans la conception anthropologique de l’Occident. L’homo laborans de John Locke, un des pères fondateurs du libéralisme, est d’abord l’homo per se potestavium de Thomas d’Aquin : celui à qui le créateur a accordé une consistance ontologique propre (des « droits naturels ») à la propriété, à la liberté d’initiative et de création, sur le modèle du créateur…  C’est une idée forte de saint Thomas d’Aquin que d’affirmer explicitement, dans un cadre (pourtant) théologique, que l’homme est à l’image de Dieu en ce qu’il possède la maitrise de son propre pouvoir : le « per se potestavium – avoir un pouvoir par soi-même » qui ouvre la IIème partie de la Somme de théologie est significatif à bien des égards. Par quoi nous sommes imago Dei, ainsi que Dieu nous veut, à sa ressemblance, c’est-à-dire comme celui qui s’autodétermine sans être un simple instrument. L’homme a été créé à la mesure de lui-même, comme métaphore vivante de Dieu (Paul Ricœur). Ce qui fait de lui, évidemment, un lieu de contradiction, comme celui de la bonté infinie et de la présence du mal, l’homme est celui qui est capable de charité et de bestialité. Mais aussi un lieu d’infini.
Il ne faut pas sous-estimer la puissance anthropologique considérable de la pensée d’Aristote dont se sert Thomas d’Aquin pour développer la vérité chrétienne, alors même que le stagirite se contente d’un univers qui laisse à la seule action humaine les forces d’outrepasser la contigence du monde. L’homme ne saurait se mouvoir dans la création comme toutes les autres créatures. C’est parce qu’il est par lui-même principe de ses actes qu’il est au-dessus du reste des créatures – « Semper autem id quod est per se magis est eo quod est per aliud – Or ce qui est par soi est toujours plus grand que ce qui est par un autre » (IIa IIae qu. 23, art. 6, resp.) Et là, saint Thomas a cette formule magnifique, qui pourrait devenir le mot d’ordre du libéralisme chrétien : « Dieu gouverne les inférieurs par l’entremise des supérieurs, non que sa providence soit en défaut, mais par surabondance de bonté, afin de communiquer aux créatures elles-mêmes la dignité de cause. » (Somme de théologie, I pars 22, art. 3). « Être par soi » et accéder à la « dignité d’être une cause », c’est là le point nodal d’une théologie non de la libération, mais d’une théologie qui libère…
L’histoire de l’Église continuera en ce sens, et l’histoire de ce bas-monde lui en donnera des justifications factuelles. C’est face à l’ingérence du pouvoir républicain de la Révolution française que des catholiques comme Montalembert et Frayssinous ont commencé à se rapprocher des libéraux. Le livre de Lamennais, « Des Progrès de la Révolution et de la guerre contre l’Église » de 1829 fut l’acte de naissance du catholicisme libéral. Par suite, les expérience de totalitarisme à tendance étatiste et socialiste – ce qui est idem – du XXème siècle ont naturellement dirigés les haut dignitaires romains vers un libéralisme bien compris. Ainsi Jean-Paul II qui affirme :
L’ordre social sera d’autant plus ferme qu’il n’opposera pas l’intérêt personnel à celui de la société dans son ensemble, mais qu’il cherchera plutôt comment assurer leur fructueuse coordination. En effet, là où l’intérêt individuel est supprimé par la violence, il est remplacé par un système écrasant de contrôle bureaucratique qui tarit les sources de l’initiative et de la créativité.  (Jean-Paul II, Centesimus Annus, 1991)
L’opposition consacrée par la philosophe et mystique Édith Stein, déportée dans les camps nazi et sainte patronne de l’Europe, entre le l’ « égocentrisme » des contemporains et le « théocentrisme » thomasien [1] ne saurait mettre un frein à cette explication. Il s’agit en fait, avec Thomas d’Aquin, d’un « théocentrisme égoïque et libéral » : une auto-justification de Dieu à travers les intérêts personnels de l’homme. Si, comme Thomas d’Aquin le montre, Dieu nous a laissé libre de nos choix, soutient nos initiatives personnelles et nous pousse à être cause de nous-même, alors les grands axes de la philosophie libérale trouvent ici une justification théologique profonde. Et nous engage à être des chrétiens libéraux, vecteurs de liberté, d’entrepreneuriat et d’initiative, seuls à même de faire de nous de véritables co-créateurs…
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Note :
  1. Édith Stein, « La phénoménologie de Husserl et la philosophie de saint Thomas d’Aquin » (1929), dans Phénoménologie et philosophie chrétienne, Paris, Cerf, 1987, p. 43.

Pour le Medef, le changement ça devrait aussi être maintenant !

Le mandat de Laurence Parisot à la tête de l'organisation patronale court encore pendant un an. Mais le Medef est-il toujours un interlocuteur crédible face au nouveau gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault ? Certains chefs d'entreprise français se posent la question...

Les chefs d’entreprise se posent aujourd’hui la question de savoir si le Medef est un interlocuteur crédible face au nouveau gouvernement. Plus que jamais la question est de savoir ce qu’on attend d’un mouvement dit représentatif des entreprises de France.
La présidente du Medef n’aurait-elle pas dû au cours de cette campagne présidentielle défendre les bases nécessaires à la prospérité des entreprises plutôt que de publier un ouvrage contre un des candidats aux dernières élections présidentielles ? Fallait-il par la suite se colorer politiquement en soutenant le président de la République sortant ? Fallait-il pendant ce quinquennat être aussi attentif et proche du pouvoir en place ? Fallait-il, quelques jours avant l’élection présidentielle, louvoyer en se déclarant finalement sur la même ligne que celui que les sondages donnaient à juste titre gagnant. Le malaise est sensible et les changements de caps pseudo-politiques nombreux.
On attendait une prise de position sur des sujets fondamentaux qui touchent l’opinion publique et qui ont donc des répercussions sur les décisions politiques, on pense en particulier aux salaires « des grands patrons ». Les entrepreneurs de France peuvent en vouloir au Medef de son silence pesant sur le sujet et de sa tolérance vis à vis de comportements  indécents dans la période actuelle en la matière. Aujourd’hui toutes les PME vont payer ces comportements et en matière d’image et par des mesures de répression fiscale.
Lorsque l’instance patronale fait défaut et se montre indifférente ou incapable d’autorégulation, le politique prend le relais et que l’on ne s’étonne pas des lois qui menacent en ce moment pour limiter les salaires ! Le code AFEP / Medef a été ignoré sinon sur le fond, du moins sur la forme et pourtant c’est là qu’on aurait aimé entendre le représentant des patrons. La commission éthique du Medef a été inaudible, et comment aurait-elle pu communiquer puisque chacun des membres qui la composent a signé au départ un engagement justement à ne pas communiquer sur des travaux menés. Le doute s’installe lorsqu’on sait que le patron de Publicis, président de l’AFEP devient un interlocuteur peu fréquentable pour le pouvoir en place et que le président élu a refusé de rencontrer Laurence Parisot pendant sa campagne. Le patron de base se sent bien seul et bien curieusement représenté. Yvon Gattaz en son temps avait su amener sur des bases saines François Mitterrand à l’économie de marché…
On aurait aimé que se prononce à diverses reprises le mystérieux « Comité des Sages sur les rémunérations » (proposé par le Mouvement ETHIC et demandé par le Premier ministre de l’époque François Fillon) et qu’il ait accepté d’œuvrer au grand jour ; il suffisait de le décider pour
Cette élection présidentielle, et les législatives qui vont suivre sont déstabilisantes pour les chefs d’entreprises déjà affectés par une instabilité juridique et fiscale chronique. Ils ne savent pas ce qui les attend et n’ont aucune visibilité tant sur les lois sociales que sur l’augmentation du SMIC ou les heures supplémentaires… sans parler des impôts. En cette période trouble il faut un repère et un leader, un porte parole neutre et indiscutable des entrepreneurs. En quoi la ligne du Medef est-elle claire ? Quelle est sa stratégie ? On apprend dans une interview récente que la Présidente approuve les résolutions de Pascal Lamy et de Jacques Attali. Est-ce parce qu’ils sont de gauche ? Qu’en pensent les patrons ? Que viennent faire là des positions sur l’avenir  de l’Europe ?
On a aujourd’hui le sentiment d’un rétropédalage consistant à se mettre bien avec la nouvelle majorité politique ; ce n’est pas ainsi que l’on se fait respecter et cela augure mal d’un dialogue constructif sur les vrais sujets d’autant que la crédibilité du Medef est justement entachée et dans l’opinion publique et face à un Gouvernement qui a fait sa campagne sur les excès financiers que le Medef a souhaité ignorer. On ne peut plus aujourd’hui prétendre être une organisation professionnelle indifférente face à cette même opinion publique, on voit bien que la croissance est de plus en plus liée à l’image, on attend des valeurs et qu’elles soient respectées et expliquées ; on attend aussi des réactions immédiates en cas de conflit ou de drame social sans laisser le politique se précipiter seul sur place et faire semblant de trouver des solution alors que pendant ce temps là, le Medef semble ne rien avoir à dire et n’être en aucune manière concerné ; peut être, mais alors il faut le dire et expliquer pourquoi…
Aujourd’hui, les patrons veulent que leurs entreprises réussissent et c‘est bien la seule condition pour que la croissance revienne. C’est cela qu’il fallait marteler et qu’il faut encore et encore revendiquer en faisant une saine pédagogie de la place de l’entreprise et de la conception de l’éthique patronale. Vouloir privilégier le dialogue social plutôt que d‘être gérés par les lois est une approche louable à condition de ne pas jouer sur tous les tableaux et à ne pas prendre parti : la CGT pour Hollande et le Medef pour Sarkozy, c’était franchement une mauvaise idée et les entreprises n’appréciaient pas du tout.
Il y a vraiment autre chose à faire et à dire, et les contorsions qui ont précédé et suivi l’élection présidentielle pour être sur la ligne gouvernementale n’ont pas été très glorieuses. On ne doit pas laisser les responsables politiques s’approprier seuls la stratégie économique du pays, fondée sur nos entreprises. C’est le monde à l’envers : la présidente du Medef se bat contre Marine Le Pen et les candidats décident de nos investissements ! Est-ce qu’attendent nos 3.000.000 d’entrepreneurs ?
Alors certes, un nouveau président du Medef sera élu dans un an, mais un an c’est bien long lorsque la France a décidé que le changement c’est maintenant … pour le patronat ce doit être tout de suite ! Nos entreprises ont des échéances et des décisions à prendre tous les jours. La confiance c’est d’abord celle que l’on accorde à ses représentants pour qu’ils fassent passer les bons messages.
En revanche, on reste sur sa faim sur les sujets qui taraudent les chefs d’entreprise : contre propositions sur les projets fiscaux, réflexion poussée sur l’investissement ; l’Etat doit-il vraiment investir et comment ? Dans quel domaine ? Dans quels secteurs ? C’est tous les jours qu’il faut réagir, contre carrer, proposer, pas à coup de grandes messes infructueuses.
que ce comité ait le droit de s’autosaisir. En l’état actuel des choses, pour intervenir il faut que quelqu’un de l’entreprise concernée par un salaire abusif du dirigeant en fasse une demande officielle (processus obscur et marche à suivre quasi impossible à trouver). A coté de cela, des sujets qui suscitent toute la passion de la présidente ne sont pas des plus consensuels comme par exemple la bataille pour le congé de paternité…

Congélateurs explosifs 


Si les dégâts des crises financières se limitaient à quelques scènes de ménage houleuses dans les familles de petits porteurs trop aventureux et à des dépressions nerveuses de traders en chemises blanches jonglant avec les bourses mondiales derrière leurs ordinateurs, ça se soignerait vite.
Mais les déprimes financières finissent toujours par frapper au cœur l’économie réelle. Autrement dit les gens. Salariés, entrepreneurs, demandeurs d’emploi… Un été pourri s’annonce sur le front de l’emploi si l’on en croit Arnaud Montebourg. Le nouveau ministre de l’appareil productif a soulevé les couvercles des congélateurs de l’économie française remplis de plans sociaux sur le point de dépasser la date de péremption dans l’industrie, la grande distribution, les transports, les services, la banque… Comme à chaque annonce, pouvoirs publics et partenaires sociaux se mobiliseront pour sauver les emplois qui peuvent l’être dans les plans sociaux les plus massifs des enseignes les plus connues. D’autres emplois dans les PME, l’artisanat, le commerce disparaîtront par milliers dans l’anonymat des tribunaux de commerce de province. Depuis près de quatre ans, le marché du travail en Europe refoule 5 000 chômeurs supplémentaires chaque jour. M. Montebourg rappelle cette réalité socialement et politiquement explosive. Une relance concertée à l’échelle du continent et à la mesure de cette crise sociale à venir ne peut rester au congélateur.

Sommet de l'Otan : Hollande s'adapte aux enjeux afghans

Pour sauver le consensus au sommet de l'Otan à Chicago, le nouveau président est prêt à moduler sa promesse d'un retrait des troupes françaises avec un an d'avance.

De nos envoyées spéciales à Chicago
L'Amérique et l'Otan ont absolument besoin d'un succès sur le dossier afghan au sommet de l'Alliance qui s'est ouvert dimanche à Chicago, afin que ce rendez-vous des 28 puissances militaires occidentales ne se transforme pas en «sommet Potemkine».
Le blocage patent avec les Russes sur le bouclier antimissile, l'absence d'avancées sur le dossier de l'élargissement, les lourdes contraintes budgétaires qui pèsent sur les alliés ont entamé les ambitions exprimées à Lisbonne en 2010. En pleine campagne pour sa réélection, le président Obama devait, dimanche soir et lundi, démontrer sa capacité à orchestrer dans l'unité un retrait ordonné et responsable d'Afghanistan, s'assurer que l'Alliance n'abandonnerait pas la jeune armée afghane une fois la transition achevée et définir la nature de l'engagement allié après 2014. Il n'est pas surprenant que sa première rencontre à Chicago ait été pour le président afghan, Hamid Karzaï.
La fête est en réalité un peu gâchée. D'abord, «parce que l'Alliance quitte un pays toujours en guerre», note le stratège Bruce Jackson. Mais aussi parce que l'Amérique a drastiquement revu à la baisse sa définition du succès militaire en Afghanistan, limité désormais à la marginalisation d'al-Qaida et non plus à une victoire décisive sur les talibans. Obama espérait pouvoir revendiquer à Chicago un progrès dans les négociations avec les insurgés, «mais si les contacts continuent, les pourparlers sont au point mort», soulignait ce week-end une source diplomatique française.

Sécuriser les matériels

Surtout, malgré les appels insistants à l'unité venus de la Maison-Blanche et de l'Otan, l'engagement électoral de François Hollande à retirer les troupes françaises en décembre 2012 - un an plus tôt que le calendrier accepté par Nicolas Sarkozy - a bousculé l'édifice diplomatique qui avait été préparé de longue date. Les Américains n'ont pas caché l'embarras dans lequel les mettait la décision de Paris, au moment où ils tentent au contraire de freiner les velléités de départ des pays de la coalition et de prouver la solidité de leur engagement futur. Pour l'ancien ministre de la Défense Gérard Longuet, c'est une «mauvaise décision» et même une position «intenable», sur laquelle il serait bon de revenir «au nom de l'intérêt supérieur de notre pays». «L'idée clé, c'est qu'en dépit de la décision nationale qui peut être prise, on est membre de l'Alliance: on entre ensemble et on sort ensemble», notait jeudi le conseiller à la sécurité nationale du président Obama, Thomas Donilon.
De part et d'autre, on a donc tout fait en coulisses pour déminer le terrain et maintenir un compromis de façade. Tout en confirmant qu'il maintiendrait sa décision, «un acte de souveraineté», François Hollande a expliqué samedi après le sommet du G8 qu'il organiserait le retrait anticipé «en bonne intelligence avec nos alliés». «La position française a été comprise… Ce sera un sommet de consensus», a dit le nouveau ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, réfutant l'idée d'un «scénario de rupture».

La guerre se conjugue déjà au passé

En réalité, le nouveau président a largement tempéré sa promesse électorale, pour des raisons autant techniques que diplomatiques. Concrètement, seules les troupes combattantes quitteront l'Afghanistan dans les délais imposés. Et encore, pas toutes, car des «forces résiduelles» devront rester sur place pour sécuriser le retrait des matériels. Sans s'engager sur les chiffres, qui seront négociés par le chef d'état-major de l'armée française et le commandant américain de la coalition en Afghanistan, le ministre Le Drian a confirmé le maintien de contingents pour des missions de formation de l'armée et de la police: «Cela ne veut pas dire que nous quittons la coalition, mais notre présence sera différente.» Sans le dire, l'équipe Hollande reprend en fait à son compte - à trois mois près - le calendrier de son prédécesseur. Beaucoup de bruit pour rien?
Si l'épisode aurait pu être évité, il ne devrait cependant pas peser si lourd sur la relation franco-américaine. Les Français ont bien pris soin, comme le leur avaient demandé les Américains, de ne pas tenter d'entraîner à leur suite les autres pays contributeurs de troupes. Surtout, la guerre d'Afghanistan se conjugue déjà presque au passé en Amérique. Les États-Unis s'interrogent sur la dimension du contingent qu'ils laisseront après 2014. Leur souci est de s'assurer que les alliés contribueront au maintien sous perfusion de l'armée afghane, évalué à environ 4,1 milliards de dollars par an, dont Washington assurerait près de la moitié. N'en déplaise aux opinions publiques fatiguées de la guerre, si l'Afghanistan replongeait dans le chaos, ce serait un coup très dur pour l'Alliance et ses futures missions.

Le Pakistan monnaye le passage

Trois jours avant l'ouverture du sommet de l'Otan à Chicago, le président pakistanais, Asie Ali Zardari, a été invité à s'y joindre. Même s'il n'est pas sûr qu'elles aboutissent à l'issue de la réunion des pays de l'Alliance, les négociations entre Washington et Islamabad sur la réouverture de la route pakistanaise, par où transite d'ordinaire le plus gros de la logistique des forces internationales, ont fait «de grands progrès», assurent les autorités américaines. Les Pakistanais l'avaient fermée en novembre pour protester contre une attaque de drone américain qui avait fait 24 morts dans son armée. Depuis, la tension entre Pakistanais et Américains n'était jamais vraiment retombée. Islamabad exigeait des excuses de la part de la Maison-Blanche. La voie pakistanaise est moins longue et moins chère que la route traversant l'Asie centrale et la Russie. Les négociateurs pakistanais envisagent de faire payer 5 000 dollars pour chaque conteneur et camion-citerne venant d'Afghanistan. La réouverture de cette route est devenue d'autant plus importante pour la coalition que les alliés commencent peu à peu à retirer leurs troupes de combat d'Afghanistan, conformément au calendrier qui fixe le départ de l'Otan à la fin 2014.

Electionscope : pourquoi notre modèle qui prédisait Nicolas Sarkozy élu à 50,2% a échoué

Le mois dernier, entre les deux tours de l'élection présidentielle, Bruno Jérôme proposait un modèle d'analyse différent des instituts de sondage. Il était le seul à donner Nicolas Sarkozy vainqueur. Si le résultat du scrutin a prouvé l'échec de ses hypothèses, était-il vraiment si loin d'avoir raison ?

Jérôme Bruno : Le danger, lorsque l’on fait de la prévision et que l’on cherche à la vulgariser, c’est que l’on donne toujours la sensation de vouloir donner un résultat vrai à priori. Il y a toujours une marge d’erreur. Bien souvent, lorsque l’on communique, on se passe de cette marge d’erreur car les gens attendent un résultat qui doit passer pour vrai. Nous l’avions d’ailleurs bien dit lorsque nous vous avions répondu : nous évaluions cette erreur potentielle à 1,7 point.
Au premier tour, notre modèle avait été assez précis sur le rapport de force droite / gauche. Effectivement, notre modèle de second tour, qui repose sur une extrapolation fondée sur l’historique des reports de voix lors des précédents scrutins, nous a donné des résultats qui terminent du mauvais côté du trait. Par contre, petite satisfaction, si l’on raisonne en valeur absolue, nous sommes plus proches du résultat exact que les sondeurs. Finalement, notre prévision qui donnait un avantage à la droite depuis octobre 2010, montrait bien que, quoi qu’il arrive, il y aurait un résultat serré. Contrairement aux instituts de sondage qui donnaient jusqu’à 60% pour François Hollande en octobre 2011, nous avions bien perçu le faible écart entre les deux candidats.
Le problème, c’est que nous nous retrouvons du mauvais côté du trait. Notre travail, maintenant, c’est de décrypter. En regardant dans le détail, nous avons les bons rapports de force dans 16 régions sur 22. Dans les six régions où notre modèle échoue, nous pouvons enlever la Corse, qui reste totalement imprévisible. La droite a perdu la main entre les deux tours en Pays de Loire et en Basse Normandie. Ce sont deux bastions historiques qui, sous la Vème République, n’avaient jamais été à gauche sauf en 1988.

Les points où votre modèle a échoué montrent donc de gros changements historiques ?

Exactement. Moralité, nous observons qu’il s’est passé des choses. En Ile de France, Basse Normandie et Pays de la Loire, c’est clairement l’électorat centriste qui a fui Nicolas Sarkozy. Notre modèle montre que le vote blanc du Front national a pu avoir un impact en Languedoc Roussillon et en Bourgogne. Un rapide calcul, qui mérite encore d’être affiné, montre que si un tiers des bulletins blancs émis étaient récupérés par Nicolas Sarkozy, il aurait approché les 50%. Or cette présidentielle a été marquée par un record du nombre des votes blancs.
Ce vote blanc nous montre non seulement un certain suivi des consignes de Marine Le Pen dans ces régions, qui reste, par ailleurs, fortement marquée par un taux de chômage plus élevé que la moyenne. La fuite vers la gauche de l’électorat centriste est peut-être une conséquence de la droitisation du discours de Nicolas Sarkozy. Alors que la logique voulait jusqu’ici, pour le candidat

Avez-vous de premiers éléments d’analyse sur les législatives ?

Théoriquement, le Front national devrait être un peu moins haut. Il devrait tourner autour de 14-15%. Tout dépendra de l’abstention. Nous devons donc formuler des hypothèses sur cette abstention, selon qu’elle soit forte ou pas, ce qui aura pour conséquence de qualifier ou non le Front national au second tour. C’est très difficile à analyser.
Pour la gauche, il y a une prime majoritaire historique sous la Vème République aux scrutins majoritaires. Elle devrait donc l’emporter de ce fait. Maintenant, l’enjeu pour la droite, c’est d’empêcher une majorité de trois cinquièmes au Parlement. Pour ce qui est de remporter les législatives, elle a très peu de chances.
Reste enfin à voir comment la gauche obtiendra sa majorité : devra-t-elle s’allier avec Jean-Luc Mélenchon et les Verts.
sortant, de rassembler son camp au premier tour et de viser l’électeur médian au second tour, Nicolas Sarkozy s’est tourné vers l’extrême en espérant que ce réservoir de voies plus important puisse basculer vers lui. Or les analyses ont montré que les électeurs frontistes n’avaient pas tellement évolué dans leur intention de voter pour le candidat de l’UMP au second tour.

Les 6591 candidats aux législatives sont-ils vraiment représentatifs des Français...?

A trois semaines du scrutin, le politologue David Valence se livre à une sociologie des 6591 candidats. Outre la féminisation, le personnel politique est plus que jamais issu du sérail, notamment à gauche, où les collectivités territoriales fournissent l’essentiel des futurs députés.

6 591 candidatures ont été déposées ce vendredi pour les élections législatives des 10 et 17 juin. Quel est le profil type des candidats ?

David Valence : Le phénomène marquant de ces dernières années est la montée en puissance des "professionnels de la politique" : je pense aux collaborateurs d’élus, pour l'essentiel, qui parfois occupent ou finissent par occuper des postes dévolus aux fonctionnaires territoriaux. Le cursus honorum suivi par beaucoup de responsables politiques, surtout à gauche, est désormais le suivant : un poste de cabinet dans un exécutif local ou auprès d'un parlementaire, un engagement fort dans le parti, puis souvent une élection à un scrutin de liste pour commencer, avant la candidature à un  mandat parlementaire. 
Une Marylise Lebranchu (PS) ou une Sylvia Pinel (PRG), toutes deux membres du gouvernement Ayrault et candidates aux législatives correspondent assez bien a ce profil, par exemple.
Ce modèle tend à supplanter, à gauche, celui du militant pur et dur, souvent enseignant ou fonctionnaire moyen, qui conquiert progressivement des mandats locaux avant d’entrer à l’Assemblée : bref, le modèle "André Laignel" (maire d'Issoudun) ou "Edmond Hervé" (ancien maire de Rennes), qui dominait à gauche dans les années 1970.

Cette tendance se retrouve-t-elle à droite comme à gauche ?

Quoique générale, cette professionnalisation reste plus marquée à gauche. Ceci pour plusieurs raisons. D'abord, la culture de parti y est plus forte qu’à droite, même à l'UMP. Par ailleurs, la reconquête des pouvoirs locaux engagée par la gauche à partir des régionales de 2004 a produit ses effets sur la sociologie de partis comme le PS ou EELV. Les hommes et femmes qui vivent de la politique d'une façon ou d'une autre y ont pris un poids considérable, en particulier le petit monde des cabinets d'exécutifs territoriaux (mairies, conseils régionaux et généraux...).
Le phénomène est moins marqué à droite, pour des raisons de culture politique, mais aussi, tout simplement, parce que les pouvoirs locaux sont aujourd'hui à gauche, dans leur grande majorité. 

Comment s’explique le recul de la part des ouvriers ?

Pendant longtemps, l’essentiel des ouvriers candidats aux élections législatives l'étaient sous la bannière du PCF. Les communistes tenaient en effet à afficher une identité "ouvriériste". Les ouvriers se faisant rares au PCF et rechignant, plus que d'autres catégories socioprofessionnelles encore, à s'engager dans les partis, leur place dans la masse des candidats aux législatives devient infime... Alors même que la proportion des ouvriers dans la population active totale est plutôt stable, après avoir beaucoup baissé dans les années 1960-1970.

Qu’en est-il des agriculteurs ?

En milieu rural ou périurbain, ce sont souvent les agriculteurs ou des figures de notables "classiques" – médecins, pharmaciens ou notaires – qui exerçaient les mandats municipaux. Or, on assiste depuis les municipales de 1995 à une évolution silencieuse mais décisive à cet égard : agriculteurs et notables sont souvent remplacés par de jeunes retraités ou des actifs issus de la fonction publique ou des entreprises publiques.
Sans prendre de carte dans un parti, ces nouveaux élus ruraux ou périurbains sont plus à gauche que leurs prédécesseurs, souvent considérés comme des "divers droite" par les analystes électoraux. Telle est une raison du basculement du Sénat à gauche en septembre 2011. Car au-delà des grandes villes, la gauche a gagné ces dernières années des sièges de sénateurs dans des départements ruraux comme la Haute-Saône ou l'Aveyron, ou les "nouveaux maires" issus des élections de 1995, de 2001 ou de 2008 sont souvent de gauche, même de façon discrète. 

Comment expliquez-vous la sous-représentation des salariés du privé ?

La surreprésentation des fonctionnaires et des professions indépendantes (médecins, pharmaciens, avocats…) parmi les parlementaires est typique de la Vème République. Ces catégories sont celles qui bénéficient des conditions les plus favorables, en termes d'aménagement possible de leur temps de travail, pour s'engager en politique. Tout est une question de temps, même si des dispositions sont aussi prévues pour les salariés du privé qui exercent des mandats politiques.

L’absence de représentativité des élus s’explique-t-elle également par un désinvestissement des Français dans la vie politique ?

Contrairement à d’autres pays, où le repli sur la sphère privée est beaucoup plus marqué, la France ne connait pas une dépolitisation brutale de sa population.
En revanche, on observe que la réticence bien connue des Français vis-à-vis de l'engagement partisan persiste et se renforce même. La sociologie des partis a changé en conséquence ces dernières années : les partis de gauche, et notamment le PS et EELV, comptent beaucoup de fonctionnaires et/ou de professionnels de la politique dans leurs rangs. 
Enfin, la plus grande complexité des enjeux, et notamment institutionnels, a favorisé les professionnels de la politique au détriment de la société civile.

41% des candidats sont des femmes : est-ce une progression de la parité ?

Le chiffre de 41% est relativement bon. Il traduit notamment les efforts timides de la droite, qui était jusqu’à récemment le mauvais élève de la parité, et les engagements tenus de la gauche pour respecter les règles de la parité.

Existe-t-il moins de dissidents que d’habitude ?

Oui, je le crois. Dans les années 1980 et 1990, il était courant de voir plusieurs candidats dissidents à droite, notamment en raison de la souplesse de la structure de l’UDF, composée de plusieurs formations.
Aujourd’hui, le niveau électoral du Front national tend à limiter le nombre de dissidents. Ceux qui se présentent contre le candidat investi par l'UMP ou le PS risquent d'empêcher la présence de leur famille politique au second tour. C'est un mistigri difficile à porter et cela calme bien des ardeurs dissidentes !

Constate-t-on une recrudescence de candidats insolites ?

Les candidats fantaisistes ne sont pas d'hier : le Parti de la loi naturelle, assimilé par d'aucuns à un mouvement sectaire, avait présenté des candidats en 1997 ; le Parti de l’amour, animé notamment par des prostituées, était également présent en 2007.
Mais la France est encore loin d'un schéma à l’italienne, ou le parti de l'humoriste Beppe Grillo est en passe de s'imposer aux municipales à Parme, par exemple. C'est que la désillusion démocratique est moins sévère en France qu'en Italie, pour le moment. 
Le rapport des Français au politique reste marqué par une forme de sérieux démocratique, du moins pour les élections qui comptent.

S’attend-on à une forte baisse du taux de participation par rapport à la présidentielle ?

En 2007, malgré l’engouement suscité par la campagne présidentielle, la participation avait chuté de 82 à 60% aux législatives. Je tablerais volontiers sur un chiffre de 56-57% de participation en juin prochain.

Autre point important : le jugement de votre employeur quand vous vous engagez en politique. Dans l'absolu, il est préférable d'avoir un "patron" abstrait comme l'Etat, ou d'être son propre patron.

Pourquoi lâcher Athènes serait une faute politique majeure

Cette fois, nous y sommes. La question de la sortie de la Grèce de la zone euro est posée, telle une grenade dégoupillée, sur la table des grands dirigeants européens. Finies les précautions d'usage : banquiers centraux, économistes, médias et responsables politiques y vont de leurs déclarations aussi brutales que décomplexées pour affirmer qu'un tel scénario n'est pas seulement inéluctable mais qu'il est réalisable et même souhaitable. C'est la situation inextricable provoquée par les élections grecques du 6 mai qui a déclenché ce nouvel assaut contre Athènes. Le désaveu infligé à la classe politique traditionnelle a provoqué une poussée de l'extrême droite et de l'extrême gauche, empêchant la formation d'un gouvernement « responsable ». Face à cette impasse qui a obligé le président de la République, Karolos Papoulias, à organiser un second scrutin le 17 juin, la tentation d'en finir avec le « boulet grec » fait à nouveau des émules. Les Grecs auraient fait le « choix démocratique » d'un refus de l'austérité et des réformes exigées par ses créanciers le 6 mai, explique par exemple le patron de la Bundesbank, Jens Weidmann . « Nous ne pouvons forcer personne », en conclut non sans hypocrisie le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, qui sait pertinemment que les Grecs, massivement favorables à leur maintien dans la zone euro, ont moins rejeté le plan de sauvetage de l'Europe qu'ils n'ont sanctionné les deux partis, Pasok et Nouvelle Démocratie, artisans méthodiques du délabrement de l'Etat depuis trente ans. Il en ira différemment lors du second scrutin si les Grecs sont explicitement appelés à voter pour des partis qui se seront clairement engagés pour ou contre le maintien du pays de l'euro.
Tout à leur hâte de se débarrasser du mouton noir, les partisans chaque jour plus nombreux d'une sortie de la Grèce ne semblent cependant pas mesurer les conséquences d'une telle décision. Sur le plan économique, la zone euro est peut-être en meilleure situation qu'il y a un ou deux ans pour absorber un choc de cette nature. Encore que cela ne saute pas aux yeux. Les banques, qui étaient en première ligne, se sont délestées de la plus grande partie de leurs obligations grecques et ont été recapitalisées. Elles ne détiennent plus que 27 % de la dette grecque (au lieu de 61 % en 2011), mais cela représente encore 70 milliards d'euros. Le Fonds européen de stabilité (FESF) mis en place dès la mi-2010 est en outre censé secourir les Etats les plus fragiles contre un effet de contagion venu de Grèce. Mais les risques de contagion sont toujours présents et une faillite suivie d'une sortie de la Grèce de l'euro mettraient les créanciers publics - BCE, Etats, FESF -qui ont racheté l'essentiel de la dette grecque à rude épreuve. Les économistes évaluent aujourd'hui le coût d'un « Grexit » à 77 milliards d'euros pour l'Allemagne et à 66 milliards pour le seul Etat français.
Rien n'est donc plus aléatoire que le scénario d'une sortie « gérable » de la Grèce auquel certains veulent croire.
Mais c'est sur le plan politique qu'une telle amputation de la zone euro aurait les conséquences les plus dévastatrices. Car l'Union européenne s'apprête ni plus ni moins à abandonner l'un des siens. La Grèce hors de la zone euro, c'est 50 % de sa richesse qui s'effondre et une dette extérieure qui explose. Ce sont deux ou trois générations sacrifiées sur l'autel de l'intransigeance voire de l'idéologie de quelques-uns en Europe. Qui osera mettre l'Europe en situation de non-assistance à pays en danger ? Au nom de quoi pousserait-on ainsi un Etat en grande difficulté hors du club européen ? Parce que les intérêts économiques et financiers à court terme de ses partenaires sont mis à mal ? Et quelle en serait la justification économique : l'incapacité d'un pays en pleine dépression à rembourser ses dettes ? Sa difficulté à sortir d'une crise que ses partenaires ont en partie contribué à créer puis à aggraver ? La toute-puissance d'une Allemagne riche et prospère qui condamnerait par ses diktats ses vassaux les moins accommodants ?
Il ne s'agit pas de nier les fautes grecques ni de passer l'éponge sur la responsabilité d'une classe politique inconséquente. Mais de faire honnêtement la part des responsabilités. Qui a fait entrer la Grèce dans la zone euro alors que sa dette était, contrairement aux exigences de Maastricht, supérieure à 100 % du PIB ? Ce ne sont certes pas Nicolas Sarkozy ni Angela Merkel, comme aimait à le dire l'ex-président français. Mais leurs prédécesseurs - Jacques Chirac et Lionel Jospin côté français, Gerhard Schröder coté allemand -ne les lient-ils pas ? Qui a fermé les yeux pendant toutes ces années sur les comptes publics douteux de la Grèce ? Qui a refusé la proposition de la Commission européenne de donner un rôle d'inspection accru à l'office des statistiques Eurostat, l'empêchant de mettre le nez dans les finances publiques grecques ? L'Allemagne. Qui a profité durant les années 2000 du formidable appel d'air provoqué par les taux d'intérêt historiquement bas autorisés par l'avènement de l'euro, exportant en Grèce biens de production, bien de consommation et armements ? Qui a imposé à ce pays un plan de rigueur d'une dureté que nombre d'économistes ont tout de suite jugé intenable ? Qui, surtout, a échoué à accompagner la création de la monnaie unique de règles de surveillance et d'une discipline budgétaire commune et qui ont été les premiers à piétiner les règles du pacte de stabilité en 2004 ?
Paris et Berlin, le couple initiateur et moteur de la zone euro, portent une responsabilité historique dans la situation actuelle de la Grèce. Non seulement il leur sera très difficile d'assister, sans honte, à la dérive économique et sociale de ce pays s'il quitte l'euro. Mais que restera-t-il de la zone euro et de l'Union européenne si le contrat de solidarité inhérent à l'appartenance à l'Union européenne est ainsi bafoué ? Le ver sera entré dans le fruit et la confiance immanquablement ébranlée. Les gouvernements de la zone euro auront tout simplement apporté la preuve que l'expérience unique au monde qu'ils avaient ardemment souhaitée est un échec. Et ce sera sans doute alors le début de la fin de l'euro.

Trois scénarios politiques

A quelques semaines des législatives, trois scénarios se présentent, qui conditionnent l’avenir du pays pour cinq années.
1/-Une vague rose, comme en 1981 : disposant d’une forte majorité à l’Assemblée et du soutien du Sénat, le gouvernement socialiste serait en mesure d’appliquer l’ensemble de son programme en dehors de toute contrainte politique.
2/-Une victoire socialiste par un faible écart : les nouveaux dirigeants du pays se trouveraient en difficulté pour mettre en œuvre l’une des mesures phare de leur projet : le droit de vote des étrangers aux élections locales. En effet, ils ne pourraient pas se prévaloir de la majorité des trois-cinquièmes au parlement pour procéder à la révision constitutionnelle nécessaire. Donc, ils devraient passer que par la voie d’un référendum à haut risque. Se lanceraient-ils dans cette aventure ?
3/-Une victoire, même courte de la droite : nous nous trouverions dans le cas de figure totalement inédit d’un président qui vient d’être élu et qui n’obtient pas de majorité aux législatives suivant son élection. Nous aurions une situation politique sans précédent. Je ne pense pas que la droite accepterait de gouverner pour deux raisons : d’abord elle ne dispose aujourd’hui d’aucun leader crédible ; ensuite un Premier ministre de cohabitation ne pèserait pas lourd face à un Président dont la légitimité issue du suffrage universel est encore toute fraîche. Ce dernier ne prendrait sûrement pas le risque de dissoudre l’Assemblée, ce qui reviendrait à aller à l’encontre de la volonté populaire. Donc nous garderions je crois le Premier ministre actuel et nous aurions un gouvernement de centre gauche qui s’appuierait sur le Sénat. La majorité à l’Assemblée ne s’amuserait sûrement pas à le renverser, au moins avant deux ans, créant ainsi une crise politique qui lui serait cette fois-ci fatale. Donc, l’ensemble de l’action politique devrait faire l’objet d’une négociation : rien ne pourrait être décidé en dehors d’un consensus minimum. C’en serait fini du programme du parti socialiste. Tout le monde devrait travailler ensemble, un peu comme en Allemagne. Le risque de ce scénario : sauf réussite inattendue, il fait le jeu des extrêmes.

LE STAGIAIRE 
US-Präsident Obama bei einem Arbeitsessen in Camp David mit den Spitzen Grossbritanniens, Russlands, Deutschlands, der EU, Japans, Italiens, Kanadas und Frankreichs. (Bild: Keystone/EPA)  
 Nous notons que notre stagiaire n'est mentionné qu'en dernier , c'est dire son poids !

800 millions d'euros par jour : en vidant leurs comptes bancaires, les Grecs vont-ils précipiter le chaos ?

La Grèce est de nouveau entrée ce vendredi en campagne électorale pour les législatives du 17 juin. Restent les craintes provoquées sur les marchés en cas de sortie du pays de la zone euro, sans oublier les Grecs qui aggravent la défiance vis à vis de leurs banques en vidant leurs comptes.
«Quand on parle pognon à partir d’un certain chiffre tout le monde écoute ». Difficile de trouver meilleure réplique que celle imaginée par Michel Audiard et prononcée par Jean Gabin dans le Pacha (et oui, il ne s’agit pas du Audiard qui monte les marches à Cannes actuellement…) pour caractériser les informations qui sortent à propos de la Grèce.

Car on vient de découvrir avec effroi que les Grecs retirent 800 millions d’euros par jour de leur compte en banque, après avoir calculé qu’une sortie de la zone euro coûterait 55 milliards d’euros à la France. La Grèce retourne aux urnes au mois de juin dans l’espoir de dégager une majorité pour diriger le pays. Cette incertitude politique accentue l’incertitude économique. Face au risque de quitter la zone euro, les Grecs adaptent leur comportement et retirent l’argent des banques.
La Grèce poursuit donc sa descente aux enfers, et franchit un nouveau palier dans la crise : le retrait massif des capitaux hors des banques du pays. Les habitants retirent leurs avoirs des banques grecques. A première vue, on pourrait y voir de la défiance par rapport aux banques du pays : les habitants n’ont plus confiance dans les banques et donc ils préfèrent retirer leurs économies, ceci est un phénomène classique de défiance bancaire et nous pourrions trouver nombre d’illustrations au cours de l’Histoire. Toutefois, la Banque centrale européenne et son président Mario Draghi ont montré une détermination sans faille à éviter la défiance vis-à-vis des banques ainsi que risque systémique. Il fait peu de doute qu’il interviendrait pour assurer la liquidité des banques, comme il l’a déjà fait à travers les deux LTRO.

La vraie crainte des Grecs est plutôt liée à une sortie de la zone euro et un retour à une monnaie nationale. En effet, l’expérience argentine de 2001 offre un bon exemple de ce qui peut se passer quand un État décide de modifier sa politique monétaire (en Argentine le Peso était arrimé au dollar américain). Une sortie de la Grèce signifierait que l’Euro deviendrait une monnaie étrangère pour les Grecs. Dès lors, les avoirs en euros dans les banques grecs seraient convertis en monnaie locale à un taux de conversion déterminé par le gouvernement. Et là, en général, l’État choisit un taux de conversion qui l’arrange et qui lui permet de récupérer des euros à pas cher.

Car dans ce type de situation on assiste à une augmentation de l’inflation liée à la dévaluation de la monnaie, faisant que même si le pays fait de la croissance dans dix ans, au niveau individuel vous avez perdu vos économies et vous ne les reverrez jamais à cause du taux de conversion désavantageux et de l’inflation. Un second risque pour l’épargnant est ce que les économistes nomment « la répression financière », c'est-à-dire que l’État décide que vous ne pouvez plus disposer comme vous l’entendez de votre argent en devise (ce qui serait sans doute le cas si la Grèce sortait de l’euro et même peut-être si elle y restait, les ménages et les entreprises ne pourraient plus utiliser leurs euros comme ils l’entendent).

Ainsi, l’État peut utiliser ces réserves de devise à sa guise en les transformant en monnaie locale à un taux de change qui lui convient. Tous ces phénomènes mènent à la réduction du pouvoir d’achat des habitants et des entreprises. Face à ce risque que peuvent faire les administrés ? Et bien pas grand-chose… Une fois la machine lancée pas moyen de l’arrêter. Alors, les gens anticipent et préfèrent retirer leur argent des banques pour éviter cette capture. Ce comportement rationnel à l’échelle individuelle s’avère entrainer des effets négatifs d’un point de vue collectif. Cette situation déstabilise encore plus le système économique et financier du pays en provoquant ainsi un comportement de défiance vis-à-vis des banques au niveau national, mais aussi au niveau international à travers le risque de contrepartie (les banques grecques perdraient la confiance de leurs partenaires (autres banques et entreprises).
Que faire face à cette situation ? Plusieurs possibilités : soit l’Europe paie et assure que la Grèce reste dans la zone euro et en plus elle propose un plan pour relancer l’économie grecque tout en continuant les réformes structurelles. Le risque est que les gouvernants grecs prennent l’argent et ne fassent rien. La deuxième possibilité est de préparer une sortie ordonnée de la zone euro en évitant une spoliation des épargnants, ceci nécessiterait encore une très bonne coopération entre les Européens et la Grèce ce qui ne semble pas vraiment le cas actuellement. Troisième possibilité, ne rien faire en se disant que cela va permettre un nouveau départ au dépend des épargnants et des entreprises. C’est ce que l’on a pu observer en Argentine lors de la crise de 2001. Il faut, toutefois, garder à l’esprit que le « redressement » de l’Argentine n’est pas lié à sa gestion de la crise, mais bien plus à une évolution favorable des prix des matières premières et à la croissance de ses voisins comme le Brésil.
En conclusion, la Grèce connaît un nouvel épisode dans la crise qui cette fois intervient au niveau des comportements individuels. La prochaine étape étant les « bank run », où les gens font la queue devant les guichets. Il est clair que les Grecs ont intégré l’idée que leur pays puisse sortir de la zone euro et adaptent leur comportement pour minimiser leur perte. Ainsi, petit à petit le chaos s’installe et les prochaines élections pourraient ne pas apporter de réponses ni aux Grecs et ni marché.