TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 22 juillet 2011

Pourquoi un défaut de la Grèce ne fait plus si peur

L'accord signé jeudi par les dirigeants de la zone euro avalise la perspective d'un défaut de la Grèce sur une partie de sa dette. Un événement longtemps comparé à la faillite de Lehman Brothers. Les marchés semblent pourtant satisfaits. Explications.

A l'issue d'une réunion cruciale pour l'avenir de toute la zone euro, les dirigeants européens se mis d'accord jeudi soir sur un accord pour réduire la colossale dette de la Grèce. Une solution qui devrait déboucher sur un défaut de paiement du pays. Un événement inédit dans l'histoire de la zone euro. Les Bourses européennes ont pourtant salué cet accord, valeurs bancaires en tête. Voici pourquoi ce plan rassure plutôt même s'il ne lève pas tous les doutes.
Les Européens se sont enfin mis d'accord sur un nouveau planLa dette grecque atteint 350 milliards d'euros, soit près de 160% du PIB. Pour commencer à réduire son endettement, la péninsule hellénique doit dégager un excédent primaire (excédent budgétaire hors charges de la dette) d'au moins 6 points de PIB. Aucun pays, hormis la Norvège grâce à sa rente pétrolière, n'y est jamais parvenu. Et comme 250 milliards d'euros de cette dette sont en circulation, la Grèce doit se refinancer sur les marchés financiers quotidiennement pour honorer ses échéances. Mais les taux auxquels elle pourrait emprunter sont prohibitifs (16 à 17% contre 2,5% pour l'Allemagne). C'est pourquoi la zone euro a décidé jeudi - après plus d'un mois d'atermoiements - d'accorder une nouvelle aide financière au pays, d'un montant global de 109 milliards d'euros, pour lui permettre de rembourser ses créanciers jusqu'en 2014 sans avoir recours aux marchés. "Les marchés étaient nerveux depuis deux semaines car ils s'inquiétaient de l'impossibilité de la zone euro à s'entendre sur un nouveau prêt à la Grèce. Ils sont aujourd'hui rassurés", commente Jean-François Robin, stratégiste chez Natixis.
Le fardeau de la dette pour la Grèce va être allégé"La soutenabilité de la dette grecque doit être améliorée", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel à son arrivée au sommet, jeudi. Les pays de la zone euro se sont ainsi entendus pour porter de 7 ans et demi à 15 ans, au minimum, la durée de ses prêts aux pays en difficulté. Cela concerne bien sûr la Grèce et son nouveau prêt, mais aussi l'Irlande et le Portugal. Parallèlement, le taux d'intérêt qui leur est demandé en échange de l'aide sera réduit de 4,5% à 3,5%, ce qui diminuera la charge de leur dette. Pour la Grèce, cela va encore plus loin. Pour réduire le volume de la dette grecque, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) va en racheter une partie à prix "cassé" (60% de la valeur faciale), ce qui se traduira par une réduction d'environ 12,6 milliards d'euros du montant de la dette. Au total, sur la période 2011-2014, la Grèce pourrait voir sa dette publique allégée d'au moins 26 milliards d'euros, soit 12% du PIB, a déclaré le premier ministre grec Georges Papandréou.
La perspective d'un défaut est désormais assuméeL'Allemagne est en effet parvenue à imposer que les créanciers privés du pays (banques, assurances, fonds de pension...) participent à la restructuration de la dette grecque. Leur contribution est chiffrée à environ 50 milliards d'euros sur la période 2011-2014, dont 37 milliards viendront d'une "contribution volontaire". Ils auront le choix entre deux options, outre la participation à un programme de rachat de leurs crédits. Soit échanger les obligations grecques qu'ils détiennent contre des titres de plus longue durée, jusqu'à 30 ans. Cela permet de rééchelonner la dette. Soit prêter à nouveau de l'argent à la Grèce lorsque celle-ci rembourse les dettes arrivées à échéance. Mais toutes ces solutions impliquent une modification du contrat initial entre la Grèce et ses créanciers. Ce qui est considéré par les agences de notation comme un "événement de crédit" assimilé à un défaut de paiement. L'accord européen ne fait aucune référence directe à un défaut de la Grèce, mais reconnaît le pays "requiert une solution exceptionnelle et unique".
Mais les risques de contagion sont circonscritsPourquoi la BCE, qui s'est fermement opposée des semaines durant à tout défaut de la Grèce, craignant un "effet Lehman Brothers", a-t-elle finalement accepté cet accord? D'abord parce que "tous les autres pays de la zone euro (y) réaffirment solennellement leur détermination inflexible à honorer pleinement leur propre signature souveraine". Autrement dit, aucun autre Etat ne sera autorisé à faire défaut.
Ensuite, parce que la participation du secteur privé au nouveau plan de sauvetage d'Athènes est limitée et ne porte que sur une partie de la dette de la Grèce. C'est pourquoi on parle d'un défaut sélectif ou partiel. Ce défaut ne devrait en outre durer que "quelques jours": si ces mesures contribuent effectivement à réduire la dette grecque, les agences de notations pourraient en effet rapidement retirer les obligations du pays de la catégorie "défaut sélectif".
Enfin, parce que la BCE a obtenu que les Etats prennent leurs responsabilités. En principe, en effet, elle ne peut accepter des obligations publiques entachées d'un défaut comme garantie pour prêter de l'argent aux banques. La zone euro s'est donc engagée à fournir à la BCE des garanties financières pour qu'elle continue à prêter de l'argent aux banques grecques, même en cas de défaut de paiement. Ce qui lève la menace d'asphyxie du système financier grec. La FESF va par ailleurs prêter 25 milliards d'euros à la Grèce pour recapitaliser ses banques. En outre, c'est désormais au FESF que reviendra le rôle d'acheteur en dernier ressort. C'est-à-dire qu'il est autorisé à racheter des obligations d'Etat sur le marché secondaire. Cela va soulager le bilan de la BCE, qui assumait ce rôle à contrecoeur depuis mai 2010.

 

Les Grecs soulagés mais méfiants

Le nouveau plan de sauvetage annoncé le 21 juillet après le sommet extraordinaire de la zone euro écarte le risque d'une faillite grecque. Mais la presse athénienne est divisée sur ses conséquences.
Le sommet crucial de l'eurozone s'est conclu sur "un accord européen pour la Grèce et l'Europe", se félicite Kathimerini. "L'Europe était au pied du mur, elle devait envoyer un message fort de solidarité et c'est chose faite", estime le quotidien de centre-droit, qui ajoute que "le président français a su mettre la pression nécessaire pour construire un mur européen contre les attaques des marchés".
Ta Nea titre même sur "un plan Marshall pour la Grèce". L'aide annoncée de 158 milliards d'euros va "redonner de l'oxygène au pays et au gouvernement", estime le journal, tout en prévenant que "cela ne signifie pas qu'il ne faut pas continuer de mener à bien les réformes pour réduire les dépenses et convaincre de la solvabilité. Cela signifie que le deuxième plan de rigueur sera renforcé avec une obligation de résultat : les privatisations",dont l'Europe attend qu'elle rapportent 50 milliards.
"Cet accord apporte une bouffée d'oxygène", renchérit To Ethnos, mais "resoudra-t-il complètement le problème de la dette grecque ? Finalement, on repousse les échéances et la crainte de contagion ne disparaît pas".
Une prudence qu'Eleftherotypia exprime de manière beaucoup plus tranchée : "30 ans de saignée de plus pour le peuple". "Un accord oui, mais pour qui ?", s'interroge le quotidien de gauche. "La véritable question est : à quel prix pour le peuple déjà saigné a blanc par l'austérité. Le gouvernement va devoir faire ses preuves aux Européens sur le dos de Grecs déjà étouffés par la rigueur." 
"Le pays est a présent plongé dans un tunnel d'emprunt de 30 ans", ajoute Eleftherotypia, pour qui "le futur est incertain quant à la sortie de la Grèce de la tutelle économique internationale, d'autant que la dette grecque va désormais être qualifiée de défaut sélectif par les agences de notation." ET le journal de se demander : "Peut-on vraiment parler de plan de sauvetage ?"

L’union monétaire, une bombe à retardement

La France et l'Allemagne ont encore une fois réussi à éviter un effondrement la zone euro. Mais l'union monétaire qui enserre les pays dans une politique économique homogénéisée mène au désastre, estime un chroniqueur britannique. 

Enfin une crise, une vraie. L’opération franco-allemande de sauvetage de la zone euro était inévitable pour la simple raison que l’Apocalypse n’a jamais lieu. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont concocté ensemble un renflouement “temporaire” de plus pour les Grecs, et ils le feront aussi pour les Portugais et les Irlandais si besoin est. Les contribuables allemands vont payer les factures des Grecs et vont aider les banques d’Europe qui, elles, vont continuer à profiter de leurs 20 % d’intérêts sur les prêts souverains. C’est toujours le pouvoir qui l’emporte, tant qu’il trouve quelqu’un pour débourser.
La Grande-Bretagne est quant à elle le théâtre d’une crise plus curieuse. George Osborne, le chancelier de l’Echiquier, a fait montre d’un cynisme impressionnant et a cessé de s’opposer à une Europe "à deux vitesses", pour réclamer la mise en place rapide d’une union fiscale dans la zone euro — dont la Grande-Bretagne serait solidement exclue. Seule une union de ce genre, a-t-il dit, permettrait de discipliner les nations endettées et d’éviter que l’anarchie bancaire ne finisse par contaminer l’économie britannique. Londres ne prendrait part à aucun plan de renflouement, mais tient à ce que la zone poursuive sur la voie d’une intégration toujours plus étroite.
Osborne est peut-être cynique, mais son analyse historique est juste. Le dernier renflouement grec en date marque l’instant où l’Europe continentale se voit contrainte de se métamorphoser, et de passer du statut de fédération souple à celui d’Etat unitaire friable. Si la politique européenne commence à imposer et à revenir à la xénophobie, à des frontières armées, des nettoyages ethniques et des boycotts commerciaux, ce sera à partir d’aujourd’hui. Nous nous trouvons véritablement à un tournant.
Dès les premiers jours de la cohésion européenne, dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, cette évolution a toujours représenté le plus grand danger. Tant que les devises nationales pouvaient fluctuer avec flexibilité dans un environnement de libre-échange, l’économie politique de l’Europe, d’une formidable diversité, pouvait profiter de sa "géométrie variable". La soupape de sûreté de la dévaluation permettait aux membres de s’adapter avec le temps. Leurs autonomies et leurs cultures politiques distinctes pouvaient survivre.

Une risque de contre-réaction

Cette soupape de sûreté est actuellement en train de s’obturer. Les pays à haute performance déversent d’énormes subventions sur les économies à la peine au sein de la zone euro pour pouvoir payer les factures des Etats, soutenir les projets et financer les dettes souveraines. Ces subventions sont synonymes d’ingérence bureaucratique et de discipline fiscale, et par conséquent d’une harmonisation des impôts, de leur mise en œuvre, de la réglementation et du gouvernement, le tout ne rendant que vaguement des comptes aux électorats. Une fois l’union monétaire en vigueur, en 1999, le reste ne pouvait que suivre. Mais chaque avancée vers une "union toujours plus étroite" a augmenté le risque de contre-réaction.
Cette fois, le test ira jusqu'au bout, jusqu'à la destruction s'il le faut. Quelque chose doit être fait pour que les Grecs paient leurs impôts, ou les Allemands refuseront de payer leurs subventions. Comme le dit Osborne, il faudrait des euro-obligations qui contraignent l'Allemagne à soutenir la dette des Etats du Sud, mais cela implique de la part des Etats du Sud qu'ils acceptent une "politique économique de fabrication allemande".
Bruxelles doit définir des objectifs en matière de fiscalité et de dépenses publiques pour les Etats les moins solides de la zone euro, ou les faillites des banques anéantiront l'équilibre économique déjà précaire de l'Europe. Pourtant, déjà, les tentatives faites par Bruxelles pour imposer une fiscalité uniforme des entreprises chancellent. Comment faire tenir une véritable union fiscale ?
Nous l'avons vu, les exigences de l'axe franco-allemand et du Fonds monétaire international suscitent une violente indignation dans les pays en difficulté. Les Grecs se révoltent contre leur humiliation, les Allemands se révoltent contre leur générosité. Dans toute l'Europe, le bon vieux consensus pro-UE part en fumée. Les Slovaques, qui ont refusé de participer au sauvetage de l'euro, sont accusés par la Commission européenne de "manquement à la solidarité", des mots qui rappellent l'ancienne Union soviétique.
Le dernier Eurobaromètre de l'opinion publique montre pour la première fois qu'une majorité d'Européens ne fait pas confiance à l'UE, en particulier en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France. Selon les enquêtes, de moins en moins de pays voient leur adhésion à l'Union comme une bonne chose, et l'opposition se fait plus forte à mesure que l'on s'éloigne vers le nord du continent. Fait des plus inquiétants, l'euroscepticisme s'enflamme le long de vieux clivages historiques.

L'union budgétaire entraînera sa chute

Quand l'UE était une solide union commerciale, elle avait le soutien de l'Europe du Nord protestante. A mesure qu'elle a glissé vers l'orthodoxie institutionnelle et la mise en place d'importants transferts de ressources transfrontaliers, elle a davantage séduit le Sud de la contre-réforme. La langue ampoulée utilisée par Valéry Giscard d'Estaing dans le premier projet de Constitution européenne [qui devait aboutir au traité de Lisbonne] était au fond celle d'une encyclique pontificale.
Comme avant la Réforme, taxer le Nord de l’Europe pour payer les subventions et les dettes du Saint-Siège a duré un temps mais cela ne pouvait durer éternellement. Les contribuables allemands peuvent bien sauver les Grecs parce que la moitié de la dette grecque a été contractée auprès de banques étrangères. Mais ces contribuables ne peuvent pas non plus renflouer les Portugais, les Espagnols et les Italiens. Toute tentative de ressusciter le Saint Empire romain germanique est voué à l’échec. Les thèses de Luther seront bientôt placardées non sur les portes de Wittenberg mais sur celles de Berlaymont à Bruxelles.
Ce fantasme d’"une union toujours plus étroite" a toujours été des plus dangereux, une sorte d’impérialisme au sommet né dans les esprits malades des cardinaux de cette religion paneuropéenne. Ils croyaient pouvoir faire fi de la réalité politique. Et cet orgueil démesuré prenait racine dans le dogme qui voulait que par l’opération du Saint Esprit, l’union monétaire laisserait indemne l’identité nationale et qu’un parlement corrompu offrirait suffisamment de gages démocratiques. Cet âge d’or est désormais révolu et ces gages démocratiques ne peuvent justifier les terribles restrictions qui doivent être imposées aux pays en faillite.
La tentative d’imposer à toute l’Europe une union budgétaire entraînera sa chute. Mais là où Osborne et les eurosceptiques ont tort, c’est quand ils souhaitent cette chute. Quand l’union monétaire s’effondrera et débouchera sur une orgie de xénophobie, le Royaume-Uni ne sortira pas indemne du chaos. Les Napoléons en culottes courtes embarqués dans cette aventure risquent fort de connaître leur Waterloo. Mais l’économie britannique risque de ne pas échapper au carnage. L’union monétaire, qui a toujours été irréalisable, a déclenché un désastre européen.

Un bol d'air qui coûte cher

Réunis en sommet extraordinaire à Bruxelles, les pays membres de la zone euro ont fini par s’entendre sur un nouveau plan de sauvetage à destination de la Grèce. Le problème de fond n’en est pas réglé pour autant et plus le temps passe, plus l’addition risque d’être salée, prévient Die Welt. 

On pourrait dire que le verre est à moitié plein. Invités à une réunion de crise à Bruxelles, les 17 chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro semblent avoir fait de grands progrès. En dépit des résistances du gouvernement français et surtout de la Banque centrale européenne (BCE), la chancelière allemande, Angela Merkel, serait en effet parvenue à obtenir la participation des créanciers privés au plan de sauvetage destiné à la Grèce.
La chancelière allemande enregistre là un succès remarquable. Les discussions semblent également avoir bien progressé sur d’autres questions importantes. Sachant ce que nous en attendions il y a encore quelques jours, ce sommet est une heureuse surprise.  En réalité pourtant, le verre est à moitié vide. L’objectif de ce sommet était en effet d’éviter la contagion de la crise à d’autres pays. Or, il n’est pas certain que ce but ait été atteint.
A l’origine du mal européen demeure l’incapacité de l’Etat grec à rembourser ses propres dettes. Le rééchelonnement de la dette prévu par les responsables européens est bien trop limité pour permettre à la Grèce de restaurer sa solvabilité. Athènes reste dépendante du goutte-à-goutte européen.

Un pas de plus vers l'union de transfert

Les garanties que doit assurer le fonds européen de stabilité pour les nouveaux emprunts grecs à long terme, ressemblent davantage à une mise sous perfusion. Le sommet de Bruxelles semble ainsi faire un pas supplémentaire en direction de l’union de transfert. Les taux d’intérêt des crédits d’Etat allemands ont immédiatement bondi après l’annonce d’hier.
Quiconque exige le "grand saut libérateur" est taxé d'angélisme: les choses ne sont pas si simples en politique. Pour certaines questions – comme la réforme du système de protection sociale –, seule une politique des petits pas est possible.
De telles argumentations témoignent d'une méconnaissance de la véritable nature de la crise de l’euro. Chaque moment de répit que se ménagent les responsables européens dans cette affaire, finit par leur coûter de plus en plus cher. Pendant ce temps, la situation ne fait que s’aggraver, et toujours plus vite.
Si les dirigeants européens avaient proposé une véritable solution au problème grec dès le printemps 2011, le Portugal n’aurait peut-être pas eu besoin de faire appel à leur aide. Leur approche prétendument pragmatique, consistant à ne faire que le minimum nécessaire, est la raison pour laquelle la Grèce affiche une dette encore plus importante qu’il y a un an et que l’Italie figure sur la liste des prochaines victimes possibles de la crise.
Cela fait un an et demi que l’Europe pratique cette politique de demi mesures. Elle ne peut pas se permettre de la poursuivre pendant encore un an et demi.

Contrepoint

C'est la BCE qui a gagné

La Banque centrale européenne a perdu une bataille, mais elle gagné la guerre, juge Handelsblatt. Les responsables politiques ayant augmenté les moyens pour sauver la Grèce et consolidé les compétences du mécanisme de sauvetage, l'UE "est intervenue beaucoup plus fortement pour aider Athènes. C'est exactement ce que la BCE souhaitait depuis toujours, ayant été souvent seule à devoir acheter des obligations pour lutter contre une chute du pays endetté."
Au bout du compte, remarque Handelsblatt, "les politiques soulagent la BCE. Désormais, cette dernière pourra se concentrer sur la politique monétaire laissant la politique financière aux ministres des Finances. Pour cela, la BCE peut largement accorder une petite défaite."


Agences de notation : responsables mais pas coupables ?

Les agences de notation sont dans le collimateur des gouvernements. La dégradation brutale de la note du Portugal par Moody’s a déclenché la colère des États et un soupçon de collusion avec les spéculateurs : une dégradation de quatre niveaux d’un coup, avec passage en catégorie spéculative, sans aucun élément factuel nouveau, au moment même où le pays venait d'adopter un plan de rigueur exigeant, cassant ainsi ses efforts de redressement. Cette note détaille les accusations contre les agences ainsi que leur argumentaire en défense. Il décrypte également les principales propositions de réforme : mise en place d'un régulateur fort en charge du service public de la notation financière, création d'une agence de notation publique européenne, modification du système de rémunération des agences de notation actuelles, renforcement des obligations de transparence et d'éthique professionnelle...

SYNTHÈSE


Sévérité et brutalité injustifiées des abaissements de notes, prophéties autoréalistrices entraînant des paniques de marché, soupçons d’incompétence et de collusion avec les spéculateurs… Les relations des Etats avec les agences de notation, déjà tendues avec la crise financière, ont atteint le point de rupture avec la crise de la dette souveraine.
 
Les reproches contre les agences de notation sont nombreux :
 
- Une situation malsaine d’oligopole.Il n’y a que trois agences internationales pour se partager le marché de la notation (même s’il existe plusieurs centaines d’agences locales ou régionales) : Moody’s, Standard and Poor’s, Fitch.
 
- Un secteur largement dérégulé. Pour faire bref, les agences de notation peuvent faire à peu près ce qu’elles veulent, tant dans leur méthodologie, leur mode de financement ou leur niveau de transparence. La crise financière a toutefois permis une première évolution : le passage d’une logique d’autorégulation par les acteurs vers une forme minimale de réglementation (Dodd Franck Act aux Etats-Unis, régulation européenne des agences de notation).
 
- Un problème de business model : des conflits d’intérêts structurels, la tentation permanente du « délit d’initiés ». Les agences de notation sont payées par l’émetteur du titre qu’elles notent. Le conflit d’intérêts est structurel. Pire, les agences détiennent une information – l’évolution d’une note – qui aura un impact crucial et connu sur les cotations de marché et tous leurs clients sont par ailleurs des acteurs de marché. Comment ne pas soupçonner, par exemple, que la dégradation brutale de la note portugaise par Moody’s, qui n’est justifiée par aucun élément factuel nouveau, n’obéisse pas à d’autres logiques…
 
- Un biais autoréalisateur et procyclique : les « pompiers pyromanes ». Hors environnement de crise, les investisseurs pondèrent les avis des différentes sources d’information. En période de crise, à l’inverse, chaque information négative tend à renforcer la crainte des investisseurs et chaque dégradation de notation a donc un impact fort. Cet effet « pompier pyromane » est par ailleurs directement lié aux méthodologies utilisées pour la notation, et en particulier à la très forte pondération de la « flexibilité financière », c’est-à-dire la capacité à se refinancer, dans la notation des souverains. Il y a là un mécanisme de cercle vicieux purement autoréalisateur : les conditions de financement sur les marchés se durcissent, entraînant la dégradation des notes des agences de notation, qui provoquent elles-mêmes un durcissement des conditions de financement… Enfin, l’effet « pompier pyromane » peut être renforcé par les pressions politiques. Il est difficile pour les agences de notation de dégrader des Etats souverains, même quand elles l’estiment justifié, car elles savent que cela aura de fortes répercussions sur les économies. Les agences ont donc souvent la tentation de décider d’une dégradation une fois que le marché est déjà à la baisse, renforçant ainsi la spirale à la baisse.
 
Les agences de notation ont toutefois quelques contre-arguments légitimes à faire valoir.
 
Les agences ont beau jeu de dire que leurs notes ne sont que le thermomètre d’une situation critique. Casser le thermomètre ne fera pas partir la fièvre. Certes. Mais ce n’est pas ce qu’on leur reproche : le thermomètre est accusé de faire augmenter la fièvre, voire de tuer le malade. A leur décharge, les agences ont raison de souligner que le problème est moins dans leurs notes que dans l’utilisation qui est faite de leurs notes.
 
- Une utilisation laxiste. Les analystes des grandes institutions financières ont trop facilement délégué leur responsabilité aux agences.
 
- Une utilisation fautive. Les agences évaluent la solvabilité à long terme d’un emprunteur (remboursera-t-il sa dette aux échéances ?). Or leurs notes sont utilisées pour juger de la liquidité à court terme du titre sur le marché.
 
- Une utilisation, surtout, défaillante car systématique. Il y a quinze ans, les notations faisaient partie d’un panel d’indicateurs et de travaux d’analyse, internes et externes, utilisé par les investisseurs financiers pour faire leurs choix. Or les ratings des agences sont devenus ultra-dominants, pour ne pas dire exclusifs, dans les choix d’investissement. Pire, ce rôle est devenu automatique : ils ont été intégrés dans les programmes informatiques des investisseurs pour la composition de leur portefeuille. Pour un portefeuille d’investissements sans risque, par exemple, la dégradation de la notation d’un titre entraîne non seulement la cessation de tout achat mais aussi la revente immédiate de l’intégralité des titres en portefeuille, alimentant ainsi la spirale à la baisse. Même la Banque centrale européenne utilisait initialement un seuil de notation pour accepter de prendre en pension (repo) des titres. Cela avait entraîné une défiance des marchés sur la dette grecque : les opérateurs, anticipant la chute de la notation en-dessous du seuil, se débarrassaient des titres de dette grecs auprès de la BCE, de peur de ne plus pouvoir le faire. Pire encore, la prise en compte des ratings a été rendue juridiquement obligatoire : les notations des agences ont été intégrées dans les exigences de fonds propres de la régulation « Bâle 2 ».
 
Des réformes profondes et urgentes sont nécessaires.
 
- Il faut un régulateur fort. La réforme est en cours, avec l’obligation pour les agences de s’enregistrer auprès du CESR, le Comité européen des régulateurs. On peut aller plus loin et transformer le secteur en service public (il est au cœur du financement de l’économie), en en confiant la responsabilité d’organisation au CESR. Les agences seraient alors des délégataires de service public, soumises aux régulations du CESR.
 
- L’idée de créer une agence de notation publique, adossée au FMI ou à la BCE, en complément des agences privées, est séduisante. Cette proposition, en débat depuis plusieurs mois au niveau de la Commission européenne, permettrait de créer les conditions d’une plus grande concurrence, de lutter contre le problème de business model – le financement proposé pourrait reposer sur une cotisation obligatoire de la part de toutes les entreprises européennes cotées ou émettant des obligations –,  tout en permettant de contrôler les baisses de rating et d’émettre sur le marché un avis alternatif à celui des agences « traditionnelles ».
 
- Organiser davantage de concurrence parmi les agences serait bienvenu. C’est le sens des propositions faites récemment par le Commissaire français Michel Barnier. Elles laissent toutefois sceptiques, tant il serait en pratique difficile pour un nouvel acteur privé de casser l’oligopole et se créer une réputation ex nihilo sur le marché.
 
- La modification du système de rémunération des agences de notation est une piste essentielle. Les agences sont aujourd’hui payées par les émetteurs et les entreprises qu’elles notent. Une manière de lever ce soupçon serait d’établir en Europe un financement de ces agences par une taxe sur l’ensemble de l’économie et/ou du secteur financier, indépendamment de leurs courses aux mandats.
 
- Les obligations de transparence et d’éthique professionnelles doivent être renforcées. La Commission européenne mettra sur la table cet automne de nouvelles règles pour imposer aux agences plus de transparence sur leur méthodologie. En cas de non-respect des règles, elles doivent pouvoir être sanctionnées financièrement et/ou se voir interdire l'exercice de leur profession pendant un certain temps.
 
- Autre piste : créer une responsabilité civile des agences en cas de fautes manifestes d’appréciation entraînant des conséquences néfastes et majeures sur les économies et les entreprises. Cette piste, inspirée du « statut d’expert » de la loi américaine Dodd Franck, fait également partie des propositions de la Commission européenne pour l’automne.
 
- Dernière proposition : prévoir la possibilité de suspendre la notation d'un pays qui fait l'objet d'un plan de soutien. Cette piste fait également partie des propositions de la Commission européenne que Bruxelles discute en ce moment avec le Fonds Monétaire International.

NOTE


Les grandes agences internationales de notation sont aujourd’hui au nombre de trois : Fitch, Moody's, Standard and Poor's.
 
Ces sociétés de droit privé jouent un rôle central dans le système financier : en notant la capacité des emprunteurs à rembourser leurs dettes, selon une échelle de risques particulière à chacune, elles constituent un  outil de travail irremplaçable pour les investisseurs qui n'ont pas le temps ou les moyens d'évaluer tous les risques, et contribuent en principe à la transparence de l'information financière.
 
Leur montée en puissance date des années 1990. D’influence modeste jusque là, elles sont devenues incontournables. Par leur champ d’action, très large : elles évaluent aujourd'hui des produits aussi différents que les obligations d'État, celles émises par les entreprises privées, ou les produits structurés à partir de dettes obligataires comme les fameux CDO, ces obligations adossées à des actifs. Et par leur impact, décisif : une dégradation de la notation renchérit automatiquement le coût d’accès au crédit des emprunteurs, privés mais aussi souverains, jusqu’à leur interdire purement et simplement l’accès au refinancement sur les marchés financiers.
 
 

I - Agences de notation : les faits reprochés

 

1. 1 - Les agences sont considérées comme l’un des éléments coupables du déclenchement de la grande crise financière en 2008-2009

En attribuant les notes les plus favorables (AAA) à des produits structurés complexes, qu’elles-mêmes n’arrivaient plus à comprendre, elles ont induit massivement le marché, et les épargnants, en erreur. La crise financière mondiale, la déstabilisation du système bancaire et financier, et l’effondrement d’institutions entières comme Lehman Brothers n’auraient pas été possibles si les agences avaient revu leurs méthodologies d’évaluation et avaient souligné en amont le caractère extrêmement risqué d’un certain nombre de produits « toxiques ».
 
De même, la brutalité du retournement de la notation sur ces produits, dégradés du jour au lendemain de produits sans risque à produits « pourris » hautement spéculatifs, a contribué à la panique systémique des marchés. Ce retournement brutal n’était pourtant pas dû à une évolution de la réalité du risque de ces produits, mais à une reconnaissance de l’erreur d’évaluation commise par les agences.
 
Certains y ont vu la manifestation de conflit d'intérêts insurmontables : la structure de leur rémunération, assise essentiellement sur la contribution des émetteurs, les aurait à cette époque incitées à faire preuve de complaisance dans les notations des dettes titrisées pour gagner des parts de marché.
 

1. 2 - Les agences jouent un rôle démesuré et délétère dans la crise de la dette publique

Un rôle démesuré : qu’un petit nombre d’analystes junior tout juste sortis de l’école puisse dans les faits interdire le refinancement d’Etats comme la Grèce ou le Portugal, ou demain l’Espagne, contre l’avis d’institutions européennes (BCE, Commission européenne) ou internationales (FMI), avec les conséquences que cela provoque sur le niveau de vie de dizaines de millions de personnes ou les risques de déséquilibre politique, est aberrant.
 
Un rôle délétère : les agences viennent anéantir les efforts des pays en difficulté. En dégradant les notes de ces pays, les agences renchérissent le taux d’intérêt qui leur est demandé par les marchés (les « spreads »), donc leur coût de refinancement, annulant ainsi les efforts de rigueur budgétaire qu’ils peuvent accomplir. 
 
C’est ce qui vient de se passer avec le Portugal : Moody's a annoncé qu'elle plaçait la note du Portugal en catégorie spéculative au moment même où le pays venait d'adopter un plan de rigueur exigeant, cassant ainsi ses efforts de redressement. Selon la Commission européenne, aucun élément chiffré nouveau ne permettait d’étayer le jugement de Moody's, puisque la première mission de la troïka - BCE, FMI et Commission européenne - pour contrôler le programme de redressement du pays ne démarrera qu'à la fin août, conformément aux règles du contrôle trimestriel des pays sous assistance financière !
Un autre rôle délétère : le déclenchement de paniques de marché. Pourquoi Moody’s a-t-elle brusquement dégradé la note du Portugal de quatre niveaux en une seule journée, alors que le processus d’évaluation des risques pays est censé constituer un processus d’analyse continu et itératif ?
 
 

II - Le procès des agences de notation : les éléments à charge et à décharge

 

2. 1 - Les arguments de l’accusation

- Une situation malsaine d’oligopole
 
Il n’y a que trois agences internationales pour se partager le marché de la notation (même s’il existe plusieurs centaines d’agences locales ou régionales). Elles se partagent par ailleurs un petit nombre de clients, chaque agence ayant de l’ordre d’une centaine de contrats par an. Cette situation est par construction malsaine. Les agences sont dépendantes de leurs gros clients et peuvent être tentées de leur « faire plaisir » avec des notes favorables pour les conserver. Une politique hétérodoxe – par exemple l’attitude agressive de Moody’s aujourd’hui, qui investit ses marges dans la conquête commerciale de nouveaux clients – peut déstabiliser toute la profession.
 
- Un secteur largement dérégulé
 
Pour faire bref, les agences de notation peuvent faire à peu près ce qu’elles veulent, tant dans leur méthodologie, leur mode de financement ou leur niveau de transparence.
Il n’y avait jusqu’à récemment aucun cadre réglementaire. La crise financière a toutefois hâté une première évolution : le passage d’une logique d’autorégulation par les acteurs vers une forme minimale de réglementation.  
 
C’est aux Etats-Unis que le premier tour de vis a été réalisé. Dès 2007, des procédures d’homologation des agences auprès de la SEC avaient été mises en place, au titre de « Nationally Recognized Statistical Rating Organisations » (NRSRO).
 
La principale réglementation qui s’applique est issue du Dodd Franck Act, pris après la crise. Encore convient-il de prendre toute la mesure du caractère limité des dispositions qui y sont prescrites : celles-ci portent pour l’essentiel sur l’augmentation des exigences en termes de documentation des processus et de la méthodologie (les agences de notation doivent justifier d’une « reasonable investigation »).
 
Un point toutefois pourrait être réellement impactant : il consiste à attribuer aux agences, sur des critères de compétences, de professionnalisme et de ressources, un « statut d’expert », sur la base duquel les investisseurs peuvent leur intenter un procès pour chaque « erreur d’expertise » dans leurs pratiques de notation. Il reste que ce statut fait toujours l’objet d’une âpre bataille aux Etats-Unis, où les agences font aujourd’hui travailler des bataillons de juristes sur le sujet pour éviter d’être requalifiées d’« expert ».
 
En Europe, une régulation sur les agences de notation a été adoptée en 2009.
 
Elle repose sur l'obtention désormais obligatoire d'un visa européen. Les agences doivent s'enregistrer auprès du Comité européen des régulateurs (le CESR) après avoir apporté la preuve qu'elles ont les moyens humains suffisants pour assumer leur mission. Elles doivent rendre publiques leurs méthodes d'évaluation, de même que les informations et documents sur lesquels elles ont construit leur notation. Elles doivent aussi noter les produits complexes selon une grille d'évaluation distincte de celle utilisée pour la notation de la dette des États. Surtout, elles n’ont plus le droit de faire du conseil. Elles devront rendre publics tous leurs contrats. Et les analystes en contact avec les entités notées devront tourner tous les cinq ans.
 
- Un problème de business model : des conflits d’intérêts structurels, la tentation permanente du « délit d’initiés »
 
Le business model des agences de notation est défaillant. Elles sont payées par l’émetteur du titre qu’elles notent. C’est comme si un juge pénal était payé par l’accusé qui est à la barre … Payées directement par les émetteurs, elles ne peuvent pas être indépendantes. Le conflit d’intérêts est structurel. Moody’s est par exemple en ce moment très agressif commercialement : comment ne pas soupçonner qu’elle note ses clients mieux que ne l’auraient fait ses concurrents…
 
Pire, les agences détiennent une information – l’évolution d’une note – qui aura un impact crucial et connu sur les cotations de marché. Tous ses clients sont par ailleurs des acteurs de marché. Comment ne pas soupçonner, par exemple, que la dégradation brutale de la note portugaise, qui n’est justifiée par aucun élément factuel nouveau, n’obéisse pas à d’autres logiques…
 
- Un biais autoréalisateur : les « pompiers pyromanes »
 
La crise financière l’a montré. En période de crise, les agences ont un rôle violemment procyclique et renforcent la spirale à la baisse. Pour plusieurs raisons.
 
Hors environnement de crise, les investisseurs pondèrent les avis des différentes sources d’information. En période de crise, à l’inverse, chaque information négative tend à renforcer la crainte des investisseurs et chaque dégradation de notation (downgrade) a donc un impact fort.
 
Cet effet « pompier pyromane » est par ailleurs directement lié aux méthodologies utilisées pour la notation, et en particulier à la très forte pondération de la « flexibilité financière », dans la notation des souverains (notamment des souverains se finançant dans leur propre monnaie), c’est-à-dire de la capacité à se refinancer. Il y a là un mécanisme de cercle vicieux purement autoréalisateur : les conditions de financement sur les marchés se durcissent, entraînant la dégradation des notes des agences de notation, qui provoquent elles-mêmes un durcissement des conditions de financement… CQFD.
 
Enfin, l’effet « pompier pyromane » peut être renforcé par les pressions politiques. Il est difficile pour les agences de notation de passer les downgrades sur des Etats souverains, même quand elles les estiment justifiés, car elles savent que cela aura de fortes répercussions sur les économies. Les agences ont donc souvent la tentation de décider d’une dégradation une fois que le marché est déjà à la baisse, renforçant ainsi la spirale à la baisse.
 

2. 2 - La parole à la défense

Les agences ont beau jouer de dire que leurs notes ne sont que le thermomètre d’une situation critique. Casser le thermomètre ne fera pas partir la fièvre. Certes. Mais ce n’est pas ce qu’on leur reproche : le thermomètre est accusé de faire augmenter la fièvre, voire de tuer le malade.
 
A leur décharge, les agences ont raison de souligner que le problème est moins dans leurs notes que dans l’utilisation qui est faite de leurs notes.
 
- Une utilisation laxiste. Les analystes des grandes institutions financières, payés pour apprécier les risques économiques ou des émetteurs, auraient trop facilement abandonné le terrain aux agences, en utilisant les travaux de ces dernières comme substitut à leurs propres travaux d’analyse.
 
- Une utilisation fautive. Les agences évaluent la solvabilité à long terme d’un emprunteur : remboursera-t-il sa dette aux échéances ? Or leurs notes sont utilisées pour juger de la liquidité à court terme du titre sur le marché. Par exemple, sur les produits titrisés à partir des subprimes, leur solvabilité à long terme est bonne : ce sont des produits adossés à des actifs réels, des biens immobiliers, dont la valeur de long terme est plus solide que du simple « papier ». Cela n’a pas empêché ces produits de devenir totalement illiquides pendant la crise (impossibilité de vendre sur les marchés, et donc valeur nulle à court terme), mais ce n’est pas l’objet de l’évaluation des agences. De même, il s’agit de notations relatives, dans la mesure où l’appréciation donnée sur un titre ou instrument émis et/ou sur un émetteur n’est jamais qu’une appréciation relative dans un contexte donné, par rapport à une classe d’actifs comparables. Or elles sont utilisées pour des jugements en valeur absolue.
 
- Une utilisation, surtout, défaillante car systématique. Il y a quinze ans, les notations faisaient partie d’un panel d’indicateurs et de travaux d’analyse, internes et externes, utilisés par les investisseurs financiers pour faire leurs choix. Or les ratings des agences sont devenus ultra-dominants, pour ne pas dire exclusifs, dans les choix d’investissement. Pire, ce rôle est devenu automatique : ils ont été intégrés dans les programmes informatiques des gérants et investisseurs pour la composition de leur portefeuille. Pour un portefeuille d’investissements sans risque, par exemple, la dégradation de la notation d’un titre entraîne non seulement la cessation de tout achat mais aussi la revente immédiate de l’intégralité des titres en portefeuille, alimentant ainsi la spirale à la baisse. Même la Banque centrale européenne utilisait initialement un seuil de notation pour accepter de prendre en pension (repo) des titres. Cela avait entraîné une défiance des marchés sur la dette grecque : les opérateurs, anticipant la chute de la notation en-dessous du seuil, se débarrassait des titres de dette grecs auprès de la BCE, de peur de ne plus pouvoir le faire. Pire encore, la prise en compte des ratings a été rendue juridiquement obligatoire : les notations des agences ont été intégrées dans les exigences de fonds propres de la régulation « Bâle 2 ».
 
 

III - Quelles réformes ?

 
1.        Créer un régulateur fort, le cas échéant en charge de l’organisation du service public de la notation financière
 
Pour que leurs notes soient véritablement indépendantes, objectives et de la meilleure qualité possible, les agences de notation qui exercent sur un marché oligopolistique doivent cesser d'agir en toute liberté : il faut qu'elles soient soumises et surveillées par un régulateur puissant. La réforme est en cours, avec l’obligation pour les agences de s’enregistrer auprès du CESR.
 
On peut aller plus loin et transformer le secteur en service public (il est au cœur du financement de l’économie), en en confiant la responsabilité d’organisation au CESR. Les agences seraient alors des délégataires de service public, soumises aux régulations du CESR.
 
Dans ce schéma, le régulateur européen confierait aux agences la gestion du service d’analyse et de suivi des risques de crédit. En contrepartie de cette délégation, le délégant serait en droit d'imposer aux agences un ensemble de mesures qui seraient seules à même de modifier leur mode de fonctionnement. Par exemple, le délégant pourrait imposer aux agences le soin de réinvestir une partie de leurs marges en ressources humaines, un point clé lorsqu'on sait à quel point elles souffrent d'un manque chronique de ressources (la rentabilité étant déterminée par le contrat, cela permettrait à ce titre d’éviter les efforts agressifs de commercialisation).
 
2.        Créer une agence de notation publique européenne en complément des agences de notation existantes
 
Casser l'oligopole des agences de rating en créant une agence de notation indépendante adossée au FMI ou à la Banque centrale européenne constitue une piste a priori attrayante.
 
Cette mesure permettrait de créer les conditions d’une plus grande concurrence, de lutter contre le problème de business model – le financement proposé pourrait reposer sur une cotisation obligatoire de la part de toutes les entreprises européennes cotées ou émettant des obligations –,  tout en permettant de contrôler les baisses de rating et d’émettre sur le marché un avis alternatif à celui des agences « traditionnelles ». La mesure permettrait également de contrôler la qualité des actifs pris en pension à la BCE.
 
La principale limite toutefois de cette proposition serait de soumettre cette nouvelle agence aux soupçons de collusion avec les autorités publiques qui seraient soit directement ses actionnaires, soit indirectement, si le capital de cette nouvelle institution devait être détenu par des capitaux communautaires. Cela poserait évidemment un problème pour la notation des dettes souveraines. On peut toutefois imaginer qu’un adossement au FMI, voire même à la BCE, garantirait une indépendance suffisante.
 
Cette proposition est en débat depuis plusieurs mois au niveau de la Commission européenne, mais n’a toutefois pas encore recueilli un accord entre Européens sur l’actionnariat, le contrôle de l’agence, ni sur la mise à disposition des bases de données de défaut détenues par les banques centrales.
 
3. Organiser davantage de concurrence parmi les agences, dans le sillage des propositions faites récemment par le Commissaire français Michel Barnier. Une solution qui nous paraît toutefois peu réaliste, tant il serait en pratique difficile pour un nouvel acteur privé de se créer une réputation ex nihilo sur le marché.
 
4.        Modifier le système de rémunération des agences de notation actuelles
 
Comme indiqué, les agences sont aujourd’hui payées par les émetteurs et les entreprises qu’elles notent. Une manière de lever ce soupçon serait d’établir en Europe un financement de ces agences par une taxe sur l’ensemble de l’économie et/ou du secteur financier, indépendamment de leurs courses aux mandats.
 
5.        Renforcer les obligations de transparence et d’éthique professionnelle
 
La Commission européenne mettra sur la table cet automne de nouvelles règles pour imposer aux agences plus de transparence sur leur méthodologie. En cas de non-respect des règles, elles doivent pouvoir être sanctionnées financièrement et/ou se voir interdire l'exercice de leur profession pendant un certain temps.
 
6.        Créer une responsabilité civile des agences en cas de fautes manifestes d’appréciation entraînant des conséquences néfastes et majeures sur les économies et les entreprises
 
Cette piste, inspirée du « statut d’expert » de la loi américaine Dodd Franck, fait également partie des propositions de la Commission européenne pour l’automne. Leur surveillance devrait aussi porter sur la fiabilité de leur notation : des investisseurs mécontents d'une notation doivent pouvoir saisir le CESR qui, en cas de notation défaillante, pourra vérifier si elles ont conduit leurs travaux selon les méthodes annoncées.
 
7.        Prévoir la possibilité de suspendre la notation d'un pays qui fait l'objet d'un plan de soutien
 
Cette piste fait également partie des propositions de la Commission européenne que Bruxelles discute en ce moment avec le Fonds Monétaire International.
 
 
Sans conteste, une réforme d’ampleur des agences de notation doit aujourd’hui être menée à l’échelle de l’Union européenne. Il y a urgence, vu les circonstances.

COMBIEN COÛTE AUX PARISIENS CETTE FUMISTERIE SOCIALISTE RIDICULE ET PATHÉTIQUE ?


La zone euro éteint l'incendie grec

Le sommet exceptionnel réuni jeudi à Bruxelles a, à la fois, donné un feu vert à un sauvetage de la Grèce et suffisamment de gages d'unité pour espérer enrayer la contagion de la crise sur les marchés. 

Pour sauver sa monnaie commune, l'Europe fait la part du feu. Les dix-sept pays de l'euro ont transgressé un interdit collectif, en assumant le risque d'une possible faillite partielle de la Grèce. Mais les dirigeants nationaux ont aussi bousculé leurs propres tabous, afin de restaurer la confiance et de ressouder l'équipe face à l'incendie.
Le sommet de Bruxelles, déminé la veille par un dîner à trois à Berlin, a vu chacun y mettre du sien. Jean-Claude Trichet, gardien sourcilleux de l'orthodoxie monétaire, a accepté à contrecœur la possibilité d'un «défaut de paiement» de la Grèce, même s'il veut croire qu'il sera conjuré. Nicolas Sarkozy a rempoché sa taxe sur les banques - un projet précisément conçu pour éviter à Athènes l'épreuve de la faillite, fût-elle limitée. Angela Merkel paie en retour. Elle accepte de muscler substantiellement le fonds de sauvetage européen des pays endettés, ignorant les doutes qui minent sa coalition à Berlin. Et elle adresse un «très grand merci» à ses interlocuteurs.
Inespéré, voire courageux, le dispositif arrêté jeudi soir est aussi un saut dans l'inconnu. Le danger était que l'onde de choc redoutée d'un possible défaut «sélectif» d'Athènes vienne balayer les nouvelles défenses de la zone euro. Le chef de l'État a soigneusement évité les mots «défaut de paiement» ; mais il a assuré que la zone euro prodiguerait le moment venu «toutes les garanties nécessaires». Signe encourageant, l'accord a été salué jeudi par une hausse de l'euro et un rebond des marchés.

Réduire le fardeau de la dette

En sacrifiant un principe, le sommet cherche aussi à circonscrire la contagion. «Ce que nous faisons pour la Grèce, nous ne le ­ferons pour aucun autre pays», avertit Nicolas Sarkozy. La déclaration finale du sommet explique que «la Grèce est dans une situation de gravité unique dans la zone euro (…) C'est pourquoi elle requiert une solution exceptionnelle». À l'inverse, les 16 autres pays de l'euro «réaffirment leur inflexible détermination à honorer individuellement leur signature» d'emprunt. Pas question de laisser dériver d'autres maillons de la chaîne, comme le Portugal et l'Irlande déjà sous perfusion européenne, ou comme l'Espagne et l'Italie régulièrement bousculées sur les marchés.
Pour la Grèce, l'objectif immédiat est de réduire le fardeau de la dette en impliquant les banques et les fonds d'investissement privés. «Il s'agit de s'attaquer à la racine du problème» de l'insolvabilité, ajoute Angela Merkel. Le sommet a retenu un «menu d'options», calqué sur le plan proposé par la communauté financière internationale. Celle-ci était d'ailleurs représentée jeudi à Bruxelles par Baudouin Prot, le directeur général de BNP Paribas, et Josef Ackermann, le patron de la Deustche Bank. Volontairement, mais sous forte incitation, les banques devront renoncer à une partie de l'argent qui leur est dû, notamment en France et en ­Allemagne. Sur le plan financier, l'innovation la plus spectaculaire est le feu vert donné au FESF pour «intervenir sur le marché secondaire», en clair pour racheter de la dette publique aux investisseurs. Dans les cas grec, irlandais et portugais, cela permettrait de soulager les banques qui détiennent des ­titres dépréciés.

158 milliards d'euros 

Les Dix-Sept instaurent cependant deux garde-fous. L'un à la requête de Jean-Claude Trichet, puisqu'il reviendra à la BCE d'établir a priori l'«existence de circonstances exceptionnelles». L'autre à la demande d'Angela Merkel, puisque le feu vert sera donné «par accord mutuel» des membres du fonds de sauvetage. Cela laisse un droit de quasi-veto à Berlin : pas question de laisser une institution européenne disposer à sa guise des garanties apportées par l'Allemagne
Le sommet a chiffré à 109 milliards d'euros le montant des financements publics dans le second plan de renflouement d'Athènes. En tenant compte de la participation du privé, la facture grimpe à 158 milliards d'euros. Le FMI a confirmé dans la soirée sa contribution, sans en préciser le montant. Comme prévu, la zone euro a décidé d'allonger de 7,5 ans «à un minimum de 15 ans et jusqu'à 30 ans» la durée de ses prêts aux pays en difficulté. Parallèlement, le taux d'intérêt sera réduit à 3,5 %. Le sommet évoque pour finir «une stratégie globale de croissance et d'investissement» en faveur de la Grèce, via les fonds structurels européens. Il a renoncé à la baptiser «plan Marshall» européen et se garde encore de la chiffrer.

Une amorce de solution à confirmer


Rumeurs d'accord, frémissements en Bourse, montage technique incompréhensible pour le commun des mortels. Le sommet européen réuni hier à Bruxelles a donné toute la mesure de la complexité de la crise déclenchée par la dette grecque. Après un marathon franco-allemand mercredi à Berlin, et hier en Conseil, les responsables de la zone euro ont présenté leur difficile remède. Un cocktail censé compenser l'impossibilité désormais reconnue d'Athènes de rembourser ses emprunts en temps voulu.

Le cocktail comprend plusieurs mesures fortement emblématiques. Renforcement du Fonds de secours (amorce de Fonds monétaire européen) qui est autorisé pour la première fois à intervenir directement sur les marchés obligataires. Échanges d'obligations avec un allongement des échéances à long terme. Implication du secteur privé, sur base volontaire, à qui plusieurs options seraient offertes.

Tous les détails techniques seront épluchés par les acteurs de la complexe machine financière. Hier après-midi, les marchés semblaient saluer positivement la perspective d'un accord. Simple prise de bénéfice après une semaine très spéculative ou réelle conviction ? On saura rapidement si ces mesures sont considérées comme un défaut de paiement d'Athènes, même partiel. Ce qui serait un signal politique plus grave que son appellation technique ne peut le laisser penser.

La complexité technique des mesures annoncées est, certes, inhérente aux règles du jeu écrites et non écrites des marchés financiers. Elle cache aussi, pourtant, un déficit de clarté politique des dirigeants européens dans leur ensemble, fortement dénoncé récemment par plusieurs anciens hauts responsables, dont Jacques Delors.

La crise place l'Europe devant un choix qu'elle avait déjà fait au moment de l'adoption du traité de Maastricht. En 1992, le choix de l'intégration monétaire fut fait, mais il demandait à être complété par l'intégration fiscale et budgétaire. Ce qui ne fut pas fait. Nicolas Sarkozy a parlé, hier soir, d'une ambition renouvelée, d'annonces d'ici à fin août, d'une vraie gouvernance économique de la zone euro. Une Europe à dix-sept serait née. Hypothèse confortée par les propos de Londres hier après-midi. On attend confirmation.

Aujourd'hui, en pleine crise financière et alors que le réflexe nationaliste pointe aux quatre coins de l'Europe sous les habits de la colère populiste, ce choix se repose de façon dramatique. Soit on renonce à l'intégration, et c'est le saut dans le vide au plus mauvais moment. Soit on complète la construction et, là, les décisions purement techniques ou comptables ne peuvent suffire.

C'est d'un projet, d'un projet politique, que les sommets de Bruxelles ont besoin, pas d'une collection de béquilles. Un projet de divorce, et la spéculation se déchaînerait. Un projet d'union, et pour qu'elle soit viable il faut la vouloir et le dire. La possibilité donnée au Fonds de secours d'acheter de la dette souveraine est un pas vers la mutualisation, de facto, de la dette grecque. Mais il doit être accompagné d'un engagement de nature politique sur cette même voie.

La Grèce paie aujourd'hui, au prix fort, ses manquements, erreurs et trucages comptables. Elle en prend pour trente ans. Mais il serait naïf de penser que le problème est seulement dû aux errances d'Athènes. C'est la préparation d'une réelle intégration économique de la zone euro, annoncée hier par Nicolas Sarkozy, qui est en jeu. Annoncée hier, mais à confirmer.

Dette : Les détails du nouveau plan pour sauver la Grèce

Le deuxième programme de sauvetage pour la dette grecque est désormais connu dans ces principaux termes. Un défaut de paiement partiel du pays n'est plus exclu alors que l'introduction d'une taxe bancaire aux pays de l'UE pour aider la Grèce, envisagée par la France notamment, n'est plus d'actualité.

Les dirigeants de la zone euro étaient réunis ce jeudi à Bruxelles pour établir un deuxième plan de sauvetage de la Grèce. Ils se sont mis d'accord en fin de journée. Voici les principaux points de ce nouveau plan, qui prévoit notamment de racheter la dette publique aux investisseurs privés sur les marchés avec plus de capacité pour le Fonds de secours de l'Union monétaire. Mais aussi d'allonger au sein de la zone euro la durée de ses prêts aux pays en difficulté, et de réduire le taux d'intérêt demandé à ces pays.

Montant. Le montant de l'aide pour la Grèce est en discussion, mais un chiffre de 71 milliards d'euros de prêts nouveaux est évoqué. En tout, une aide de109 milliards d'euros de prêts qui viendront en comptant l'aide du Fonds monétaire international.

Prêts assouplis pour les pays en difficulté. La zone euro compte allonger de 7 ans et demi à 15 ans au minimum la durée de ses prêts aux pays en difficulté comme la Grèce, l'Irlande et le Portugal, et réduire le taux d'intérêt qu'elle leur demande de 4,5% à 3,5%.
Une contribution des créanciers privés. Les créanciers privés de la Grèce (banques, assurances, fonds de pension...) vont eux aussi participer à l'effort. Leur contribution n'est pas encore chiffrée, mais ils auront le choix entre se faire racheter leurs créances à un prix moindre ou échanger les obligations grecques contre d'autres titres à plus longue durée, jusqu'à 30 ans pour rééchelonner la dette. Les créanciers ne pourront donc pas retrouver une partie des sommes qui leur sont dues. 49,6 milliards d'euros devraient donc provenir du secteur privé. Mais à plus long terme, Nicolas Sarkozy a déclaré jeudi soir qu' « au total, l'effort sera de 135 milliards d'euros » pour les seuls créanciers privés de la Grèce.
Un défaut de paiement certain. Si les créanciers privés ne récupèrent pas la totalité des sommes initialement dues, les agences de notation devraient donc considérer qu'il s'agit d'un défaut de paiement sélectif, ou partiel, de la Grèce. Ce qui veut clairement dire que les dirigeants européens reconnaissent qu'il est fort probable que la Grèce soit en défaut de paiement au final, tout en prévenant d'une situation « exceptionnelle » qui ne serait pas autorisée pour les autres pays en difficultés à l'avenir (Irlande et Portugal notamment).

La Grèce préservée de la noyade

Les dix-sept pays de la zone euro ont accouché au forceps, hier soir, d'un accord permettant d'éviter la mise en faillite de la Grèce et de rassurer les marchés financiers sur leur détermination à soutenir tous les autres pays européens en difficulté: la capacité d'action du fonds de secours qu'ils ont créé en mai 2010 sera en effet élargie.
Réunis en sommet extraordinaire, les chefs d'Etats ou de gouvernement des Dix-Sept se sont entendus sur le financement d'un second plan de sauvetage de la Grèce, dont le montant sera probablement similaire à celui qui avait déjà été élaboré en 2010: 110 milliards d'euros.
Le Fonds monétaire international (FMI), qui avait dépêché sa nouvelle directrice générale, la Française Christine Lagarde, à Bruxelles hier, participera sans doute à ce programme, qui recèle une nouveauté: les créanciers privés d'Athènes - banques, compagnies d'assurances, fonds d'investissement - seront eux aussi mis à contribution, à hauteur d'un montant évalué entre 15 et 30 milliards d'euros.
Les Dix-Sept ont abandonné la piste d'une taxe bancaire dont les institutions financières ne voulaient pas entendre parler.
Le secteur privé contribuera de deux autres façons à l'effort général: d'une part, il a accepté de rallonger le délai de remboursement des obligations d'Etat grecques arrivant à échéance avant 2019 - de leur côté, les Etats de la zone euro allongeront (à 15 ans au moins) les nouveaux prêts qu'ils consentiront à Athènes, à des taux d'intérêt réduits. D'autre part, les institutions financières revendront, à un prix inférieur à leur valeur nominale, une partie des titres grecs qu'elles détiennent au fonds de secours - la Facilité européenne de stabilité financière (FESF) - que les Dix-Sept ont créée en 2010. A cette fin, le statut de la FESF sera modifié.
L'élargissement du champ d'action de ce fonds, basé à Luxembourg et dont la capacité d'emprunt effective, aujourd'hui limitée à 500 milliards d'euros, devra être augmentée, profitera également aux autres pays de la zone euro en difficulté.
Ainsi, ont décidé les Dix-Sept, le FESF (auquel se substituera en 2013 un Mécanisme européen de stabilité) pourra également acheter à titre préventif des obligations d'Etat - italiennes, par exemple - sur le marché secondaire. Il allongera par ailleurs la maturité des prêts qu'il a faits à l'Irlande et au Portugal. Il s'agira ainsi d'éviter une contagion de la crise grecque de la dette.
L'avantage du système, c'est qu'il permettra de réduire la masse de dette souveraine de pays fragiles en circulation et, partant, de réduire les risques de spéculation.
Le désavantage, c'est qu'il risque de provoquer certaines perturbations sur les marchés.
Les Dix-Sept et la Banque centrale européenne (BCE), dont le président, Jean-Claude Trichet, avait également fait le déplacement, hier à Bruxelles, se sont finalement résignés à admettre que leur sauvetage de la Grèce placera Athènes dans une situation de "défaut sélectif" de paiement - en clair, les agences de notation constateront qu'elle est incapable de rembourser aux échéances prévues une partie de sa titanesque dette publique (plus de 350 milliards d'euros, soit 150% de son produit intérieur brut).
Ce "défaut sélectif", fût-il de courte durée, pourrait engendrer des problèmes de liquidités en Grèce. La BCE, notamment, a déjà annoncé qu'elle ne pourrait plus octroyer de prêts aux banques grecques qui ne lui fourniraient, en guise de garantie, que des bons d'Etat du pays. Les banques seraient menacées de faillite et l'ensemble de l'économie en pâtirait.
Afin de prévenir une catastrophe, le fonds de secours européen apportera sa garantie aux titres grecs, que la BCE pourra ainsi continuer d'accepter.


commentaire

Un rêve dévalué

Ce devait être le symbole achevé de la construction européenne, le ciment de ces Etats-Unis du Vieux Continent dont, bien avant tout le monde, avait rêvé Victor Hugo.
Ce devait être le rêve réalisé des "pères fondateurs". De l'antique Communauté européenne du charbon et de l'acier à la devise unique, chaque consommateur du beau et grand marché aurait dans son porte-monnaie le signe sonnant et trébuchant d'un demi-siècle de rapprochement dans la paix et la prospérité. Las!
C'était sans compter avec le maquillage comptable et les filouteries institutionnelles d'Etats s'écartant des critères de convergence pour masquer déficits abyssaux et dettes boulets. C'était sans compter avec les chocs boursiers à répétition déclenchés par la sauvage déréglementation ultra-libérale. C'était sans compter avec la voracité des spéculateurs et les ukases des agences de notation qui dictent les niveaux d'une confiance que l'on ne leur prête même pas. Si l'euro a joué un temps son rôle de monnaie de référence, la "crise de la dette" ne cesse de le dévaloriser aux yeux du monde. Nicolas Sarkozy s'agite pour sauver la face de cet euro pas franc qui prend la pile. Angela Merkel fronce les sourcils car avec l'euro, l'Allemagne a perdu son image de marque. Les pays du sud qui y avait vu en lui leur planche de salut voudraient retrouver leur planche à billets.
En dix ans, l'euro semble avoir atteint son taux d'usure. Face à la montée de l'euroscepticisme, les chefs d'Etats et de gouvernements se battent pour le sauver, mais ils sauvent seulement sa peau car, en coulisses, c'est un rêve européen qui se dévalue...

la fuite des jeunes cerveaux continue

C’est décidé, Ioanna Giannopoulou boucle ses valises et part pour la France. Cette diplômée en informatique «galère» depuis des mois pour trouver un poste décent en Grèce et ne reçoit que des propositions de stage et d’emploi à 500 euros par mois.

Alors qu’une réforme de l’université tentant d’assouplir et adapter le système au marché du travail devrait arriver au parlement en août, les jeunes Grecs diplômés comme Ioanna sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance à l’étranger, sous l’effet de la crise de la dette qui plombe la Grèce.
L’offre faite par une entreprise de télécommunications à Paris est bien plus gratifiante pour la jeune fille, âgée de 23 ans, titulaire d’une maîtrise en informatique.
Sa famille est très perturbée par ce nouveau départ. L’aînée, Evgenia, doctorante en bio-informatique, est chercheuse à l’université Cornell, installée aux Etats-Unis depuis deux ans.

« Ces derniers mois, les départs s’accélèrent»

Selon le professeur Lois Lambrianidis, économiste et géographe à l’université de Salonique, 9% des jeunes diplômés grecs sont partis travailler à l’étranger de mai 2009 à février 2010, et « ces derniers mois, les départs s’accélèrent».
Comme en Irlande ou au Portugal, les futures élites grecques fuient le pays: 51% des diplômés titulaires de doctorat ont choisi de s’expatrier. Les statistiques de l’emploi sont éloquentes: 9,8% des détenteurs d’un master ou d’un doctorat sont au chômage en Grèce en 2011. En 2008, ils n’étaient que 5,4%.
Rien d’étonnant donc à ce qu’ils prennent le chemin d’horizons plus prometteurs, et aillent grossir les rangs de la diaspora grecque déjà installée en Australie, aux Etats-Unis, ou ailleurs.
La réforme des universités qui devrait être présentée au parlement en août fait depuis quelques jours débat en Grèce. L’enjeu de l’émigration des jeunes diplômés a-t-il été pris en compte par la ministre de l’éducation, Anna Diamandopoulou?
Pour Yannis Mitsos, conseiller au cabinet de la ministre, le gouvernement est préoccupé par le chômage des jeunes diplômés et les départs à l’étranger, et souhaite donc « préparer au mieux les étudiants grecs au marché du travail».
La réforme qui a déjà été appliquée dans la plupart des pays européens, entend aligner les universités grecques autour de cycles unifiés: trois ans pour une licence, cinq pour un Master, et huit pour un doctorat, qui permettent des équivalences européennes de diplômes et rendent les universités plus compétitives.
L’évaluation des enseignants devrait aussi être plus transparente grâce à une commission composée de personnalités extérieures, et la possibilité de rester étudiant « éternellement» devrait être abrogée.
Mais selon Dionysis Gouvias, professeur de pédagogie à l’université de Rhodes, la réforme risque surtout d’aggraver la condition des jeunes chercheurs et d’encourager leur désir d’ailleurs: la diminution du nombre de postes de lecteurs ainsi que la fusion de plusieurs universités régionales sont prévues.
« Si les jeunes doctorants restaient en Grèce, ils pourraient aider au développement du pays», regrette-t-il, mais il faudrait alors que leurs connaissances et leur talent soient reconnus, une mission difficile en cette période d’austérité et de décroissance en Grèce, admet-il.

Une économie axée sur les services et le tourisme, sans industrie

De plus, l’exil des diplômés ne saurait se résoudre uniquement par une réforme des universités, car le problème de la Grèce reste aussi la structure de son économie, axée sur les services et le tourisme, sans industrie.
Pour M. Lambrinidis « le marché du travail grec n’a besoin que d’un nombre restreint de chercheurs». Embourbée dans la crise, la Grèce semble d’autant plus impuissante à retenir les jeunes gens.
Dans les faits, M. Lambrianidis estime que seul 16% des diplômés ayant travaillé à l’étranger sont revenus en Grèce ces dernières années.
Mais Ioanna s’est fait une promesse: « Je ne veux pas vivre toute ma vie à l’étranger».
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Clap de fin pour les navettes spatiales américaines

En atterrissant jeudi sur la piste de Cap Canaveral, Atlantis a mis un point final au programme des navettes spatiales américaines, une "belle et onéreuse mécanique" au service de l'innovation technologique.
Ironie du sort, la navette Atlantis s'est posée, à 09h57 GMT, à quelques kilomètres du lieu où elle sera amenée à passer le reste de ses jours, le célèbre musée du cap floridien.
De retour d'un voyage de routine, destiné à ravitailler la Station spatiale internationale (ISS) en nourriture, vêtements et équipement scientifique, la navette Atlantis a achevé sa 135e mission sans encombre, sous un ciel de Floride baigné par la douce lumière de la lune.
"Houston. Mission accomplie", a dit pour la dernière fois le commandant Chris Ferguson, juste après l'atterrissage.
Une formule consacrée à laquelle a immédiatement répondu le chef des opérations de la tour de contrôle de Cap Canaveral, Barry Wilmore, également astronaute.
"Nous allons profiter de cette opportunité pour vous féliciter personnellement Atlantis, tout comme les milliers d'individus passionnés de cette nation férue d'espace qui a conçu cette navette incroyable, qui au cours de ces trois dernières décennies, a inspiré des millions de gens sur la planète."
Selon l'administrateur délégué de la Nasa Lori Garver, le programme des navettes américaines, lancé en 1981, "a eu des conséquences et des retours sur investissement considérables pour le contribuable américain".
La nature de cet investissement, si l'on inclut les sommes consacrées au développement et les coûts de fonctionnement liés aux navettes ces quarante dernières années, est de l'ordre de 200 milliards de dollars, selon une étude réalisée par l'Université du Colorado.
"DU SANG, DE LA SUEUR ET DES LARMES"
Les navettes auront placé 180 satellites en orbite, donné naissance à une centaine de retombées technologiques dans l'industrie ou la médecine, des voitures carburant au GPL jusqu'à une micro-pompe cardiaque de 113 grammes, et participé activement - 37 de ses 135 missions y ont été consacrées - à la construction et la mise en service de l'ISS.
La Nasa table d'ailleurs beaucoup sur les futures recherches menées dans la station orbitale internationale. "Nous l'avons assemblée, notre tâche est désormais de l'utiliser", souligne le responsable de l'agence spatiale américaine Mike Suffredini.
"Ces recherches bénéficieront à l'humanité et à notre planète. Ce que nous allons apprendre grâce à l'ISS, nous n'en avons encore aucune idée aujourd'hui", s'enthousiasme-t-il.
La fin du programme des navettes américaines devrait permettre à la Nasa d'économiser quatre milliards de dollars par an de coûts opérationnels et de développer d'autres engins capables, contrairement aux navettes, de voyager au-delà de l'ISS, vers la Lune, des astéroïdes, voire Mars.
Seule la Russie assurera par la suite le transport des astronautes américains vers l'ISS, moyennant 50 millions de dollars par personne.
"Pour moi, cette navette restera dans les mémoires comme une bonne machine, mais très chère", tranche Peter Diamandis, fondateur de l'Ansari X Prize, qui organise une compétition au cours de laquelle des équipes sont mises en concurrence pour construire un aéronef spatial, via des moyens privés, en vue d'assurer un vol suborbital.
"Cette navette donnait l'impression de voler facilement dans l'espace, mais en fait, on était loin de tout ça. Elle a pris 'le sang, la sueur et les larmes' d'une armée de soldats talentueux pour continuer à voler", rappelle-t-il, allusion churchillienne aux deux accidents majeurs des navettes Challenger, en 1986, et de Columbia, en 2003, au cours desquels 14 astronautes ont péri.
"Mais heureusement", conclut-il, "on pourra tirer des leçons de tout ça et construire un système moins coûteux et beaucoup plus sûr."

La zone euro implique le privé en Grèce, se réforme

La zone euro a mis jeudi tout son poids derrière la Grèce en mettant sur pied un nouveau plan de soutien impliquant le secteur privé et en réformant de manière spectaculaire son fonds de stabilité pour en faire un embryon de "Fonds monétaire européen".

Avec cet accord, arraché au forceps à l'issue de dix heures de sommet et après plusieurs jours d'intenses consultations bilatérales, les dirigeants de la zone euro espèrent arrêter la contagion de la crise, même s'ils assument le risque d'un défaut partiel de la Grèce, dont les conséquences sont imprévisibles.
Les Etats de la zone euro ont donc pris leurs précautions au cas où les agences de notation décidaient de déclarer la Grèce en situation de défaut partiel. Ils s'engagent à fournir à la Banque centrale européenne les garanties nécessaires pour qu'elle continue de refinancer la Grèce et ses banques.
Le nouveau plan grec, d'un montant total de 109 milliards d'euros, sera par ailleurs rehaussé, comme l'avait demandé l'Allemagne, d'une participation des banques et assureurs européens dont le montant restait peu clair jeudi soir mais qui pourrait aller jusqu'à 37 milliards d'euros, selon le communiqué final du sommet.
"Les décisions d'aujourd'hui garantissent la soutenabilité de la dette grecque et assurent les besoins de financement du pays jusqu'en 2020", s'est félicité le Premier ministre grec George Papandréou à l'issue de la réunion.
"Nous avons conclu une difficile négociation. Aujourd'hui, l'Europe a pris des décisions significatives non seulement pour la Grèce mais aussi pour la zone euro", a-t-il ajouté.
Le succès des décisions prises jeudi se vérifiera toutefois au cours des prochains jours sur les marchés.
Jeudi, les Bourses mondiales et l'euro ont été largement portées par l'anticipation d'un accord, tandis que l'or et les obligations allemandes et américaines étaient délaissées.
SECTEUR PRIVÉ
Les nouveaux prêts publics et cette participation privée permettront de réduire à parts égales la dette grecque de 24 points de PIB, a déclaré Nicolas Sarkozy.
Ceci représenterait une diminution de la dette grecque d'environ 52 milliards d'euros selon les estimations de certaines délégations. La dette grecque représente actuellement environ 350 milliards d'euros.
Le secteur financier privé participera de manière "volontaire" à ce nouveau plan selon les modalités suivantes : 135 milliards d'obligations grecques arrivant à maturité d'ici à 2020 seront échangées contre de nouveaux titres à 30 ans et 20 milliards de prêts de l'UE et du FMI seront consacrés à un programme de rachat d'autres obligations.
Les détails de cette participation des banques ont été définis au cours de la journée lors de plusieurs réunions parallèles au sommet auxquelles ont participé Baudouin Prot de BNP Paribas - la banque française la plus exposée à la dette grecque - et Josef Ackermann, président du directoire de la Deutsche Bank, sous l'égide de l'Institut de la finance internationale (IFI), qui représente les banques.
DÉFAUT
Alors qu'elle s'était vivement opposée à toute solution impliquant un "événement de crédit" en Grèce, la BCE a finalement dû rendre les armes lors d'une réunion à trois entre Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Jean-Claude Trichet qui s'est tenue mercredi soir à Berlin.
Le président de la BCE qui, fait exceptionnel, a tenu sa propre conférence de presse à l'issue du sommet, a néanmoins insisté sur le fait que le cas grec resterait exceptionnel.
Pointant une phrase du communiqué final, il a déclaré que "tous les autres pays de la zone euro réaffirm(ai)ent solennellement qu'ils sont fermement déterminés à honorer pleinement leur propre signature souveraine".
Il s'est par ailleurs félicité des engagements des Etats à assumer les conséquences d'un éventuel défaut grec en fournissant à l'institution de Francfort les garanties qui lui permettront de continuer à refinancer le système financier grec.
Il a enfin salué leur décision de recapitaliser les banques grecques à hauteur de 20 milliards d'euros et leur volonté d'avancer sur la voie d'une meilleure gouvernance de l'euro.
"FONDS MONÉTAIRE EUROPÉEN"
Car au delà des décisions à court terme sur la Grèce, les Européens ont surtout procédé à une complète refonte du Fonds de stabilité financière (FESF) et du mécanisme européen de stabilité (MES) qui lui succèdera à partir de 2013.
Ces deux organismes, qui pouvaient déjà intervenir sur les marchés primaires de la dette publique européenne, pourront désormais le faire sur les marchés secondaires pour, par exemple, venir en aide à des pays chahutés par les marchés.
Surtout, ils pourront désormais agir de manière préventive sans attendre qu'un pays soit dans une situation de non-retour, en émettant des lignes de crédit dites flexibles sur le modèle de ce que fait déjà le Fonds monétaire international pour aider des Etats à traverser des crises de liquidité.
Enfin, alors qu'ils avaient été qualifiés de "punitifs" à la création du FESF en mai 2010, les prêts servis par ces fonds le seront désormais à un taux à peine supérieur à celui auquel ils se financent sur les marchés, soit environ 3,5%. Les maturités de ces prêts seront par ailleurs portées de 7,5 à 30 ans.
Nicolas Sarkozy a jugé que cette réforme permettait désormais à l'Europe de disposer d'un véritable "fonds monétaire européen" et il a annoncé que la France et l'Allemagne n'en resteraient pas là.
De nouvelles propositions visant à faire converger les économies européennes pour renforcer l'intégration économique seront mises sur la table d'ici la fin août, a-t-il dit.

Un plan à triple détente pour calmer les marchés

La dette grecque est allégée, l'Europe se dote d'un outil «anticontagion». 

Les dirigeants européens ont mis jeudi soir sur la table toute une série de mesures destinées à aider la Grèce, mais surtout à convaincre qu'il y a bien une ­solidarité dans la zone euro.
Sauver la Grèce 

Après les 110 milliards d'aide de l'an dernier, le second programme est équivalent. Mais, cette fois, s'y ajoute une contribution du secteur financier privé qui va permettre d'aménager en plus quelque 135 milliards d'euros de dette grecque d'ici à 2019, si 90 % des créanciers privés jouent le jeu.
Côté public, le soutien de l'Union européenne et du FMI, s'il officialise sa participation pour un tiers, s'élèvera à 109 milliards d'euros, et consistera en des prêts réalisés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) à un taux d'environ 3,5 % sur 15 à 30 ans.
Côté privé, le tribut consenti par le secteur financier est estimé à 37 milliards d'euros, sur la période 2011-2014. Un chiffre qui grimpe à 106 milliards d'euros sur la période 2011-2019. Il s'agit de la perte de valeur nette que devront constater les banques, assureurs et autres fonds sur leur stock de dette grecque. Car, comme prévu dans le dispositif imaginé par les banques françaises et proposé par l'Institut de la finance internationale, les créanciers de la Grèce pourront choisir entre trois grandes options : des échanges de dette essentiellement contre des obligations à 30 ans, un «roulement», c'est-à-dire un réinvestissement des crédits remboursés par Athènes dans de nouveaux emprunts émis à 30 ans, ou la participation à un programme de rachat.
Concrètement, pour cette dernière option, c'est le FESF qui rachètera de la dette «d'occasion» sur le marché, à un prix cassé (vraisemblablement 60 % de leur valeur faciale). L'impact de ces «buy-backs» sur le secteur privé est estimé à 12,6 milliards d'euros supplémentaires.
Pour la Grèce, l'ensemble de ces opérations auront pour effet d'alléger considérablement le poids du stock de dettes et de ses intérêts. La part publique et la part privée diminueraient chacune le poids de la dette de 12 points de PIB à l'horizon 2019. Pour faire bonne mesure, le Portugal et l'Irlande bénéficieront des mêmes améliorations que la Grèce sur les taux et la durée des prêts du FESF.
Plan anticontagion  
Aucune référence directe à un défaut de la Grèce dans le communiqué des gouvernements. Ce sera aux agences de notation d'en juger, mais il est vraisemblable qu'elles décréteront un «défaut sélectif». L'obsession de la zone euro, et de la BCE, est bien de ­limiter la portée d'un tel événement. Il a donc été martelé que la Grèce était un cas «unique», ainsi que l'engagement «solennel» des autres États européens à honorer leur signature. Le secteur privé ne devrait donc pas être mis une deuxième fois à contribution, une perspective qui avait motivé la récente dégradation de la note portugaise par exemple. Si les marchés persistaient, malgré tout, à vouloir tester les failles de la solidarité européenne, l'Europe se dote d'un arsenal «anticontagion». Comme le souhaitait la France, les pouvoirs du FESF sont étendus. Désormais, il aura non seulement la capacité - comme on l'a vu avec la Grèce - de racheter des obligations souveraines sur les marchés secondaires, mais il pourra aussi recapitaliser les banques à travers des prêts aux États. Une fonction qu'il pourrait rapidement étrenner en Grèce.
Gouvernance économique 
Angela Merkel avait prévenu qu'il n'y aurait pas de grand bouleversement sur ce volet. Mais rendez-vous est pris fin août au niveau franco-allemand, puis en octobre avec les présidents du Conseil européen et de l'Eurogroupe pour formuler des propositions destinées à tendre vers un gouvernement économique européen. En parallèle, la Commission se voit confier une mission visant à réduire l'influence des agences de notation sur la politique européenne.

Papandreou-Besoins de financement grec couverts jusqu'en 2020


Les mesures adoptées jeudi soir à Bruxelles garantissent les besoins de financement de la Grèce jusqu'en 2020, a déclaré le Premier ministre grec George Papandreou.


Le chef du gouvernement grec, qui participait à la réunion des dirigeants de la zone euro, a ajouté que les discussions avaient progressé sur la voie de la création d'obligations européennes, ou "eurobonds".


"Nous n'avons pas arrêté de décision, mais nous en sommes proches", a-t-il dit.

Des moyens enfin à la hauteur des enjeux

Les chefs d'État et de gouvernement et les hiérarques des institutions européennes, dont le président de la Banque centrale européenne, étaient attendus sur deux fronts et ils s'en sont manifestement bien sortis.

À voir le soulagement des marchés financiers, la remontée des Bourses européennes et la détente sur les taux d'intérêt des dettes souveraines dans tous les pays du Sud, les autorités européennes ont remporté une bataille. Les chefs d'État et de gouvernement et les hiérarques des institutions européennes, dont le président de la Banque centrale européenne, étaient attendus sur deux fronts et ils s'en sont manifestement bien sortis.
L'urgence était de consolider le financement de la Grèce au-delà des 110 milliards d'euros d'argent public promis en mai 2010 par l'Union européenne et le FMI, qui se sont révélés insuffisants. Mais il fallait également empêcher que l'incendie ne se propage au Portugal et à l'Irlande, d'ores et déjà sous perfusion de l'aide internationale publique, voire à l'Italie et à l'Espagne. Et au-delà de la crise des dettes souveraines, c'était la pérennité même de l'euro qui était sur la sellette.
La tension est retombée d'un cran sur ces différents fronts. «Plus que sa remontée vis-à-vis du dollar, guère significative en soi tellement le billet vert est fragilisé par la crise de la dette fédérale américaine, le fait que l'euro se soit ressaisi vis-à-vis du franc suisse constitue un gage de confiance. De même, il était essentiel que les taux à dix ans sur la dette espagnole redescendent en deçà de 6 %, un niveau insupportable», analyse François Chevallier, de la banque Leonardo.
Les marchés saluent avant tout un regain de crédibilité des décideurs européens. Après des mois de bisbilles, un compromis a pu être trouvé entre la BCE et les gouvernements, enfin mis d'accord pour définir leurs responsabilités respectives. Jean-Claude Trichet, le patron de la BCE, ne voulait pas entendre parler d'un défaut, même partiel, de la dette grecque. Il prétendait que cela devait déclencher inéluctablement un effet de domino, rendant alors impossible le refinancement des banques grecques auprès de la BCE. Il a fini par céder aux injonctions d'Angela Merkel, jugeant avec l'ensemble des économistes de la planète qu'Athènes était dans l'impossibilité pratique d'honorer ses échéances et qu'il était impératif d'alléger son fardeau.

La BCE se démarque des agences 

La BCE va devoir ravaler une certaine orthodoxie, ce qui consistera pour elle à se démarquer des critères des agences de notation. En revanche, Jean-Claude Trichet a obtenu une clarification des rôles : désormais, il reviendra exclusivement aux États européens eux-mêmes de porter secours aux gouvernements en difficulté à travers le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Si les munitions de ce dernier, actuellement de 440 milliards d'euros, ne sont pas, semble-t-il, revues à la hausse, ses modes d'intervention sont renforcés : il prêtera à des taux moindres pour des durées plus longues (15 ans) et pourra racheter des titres sur le marché secondaire pour en soutenir le cours. Ce rôle «d'acheteur en dernier ressort», selon l'expression de Philippe Ithurbide, directeur de la recherche d'Amundi, la BCE l'avait assumé à partir de mai 2010 avant d'y renoncer en avril dernier. Dorénavant, il sera endossé par le FESF, autrement dit par les États qui le garantissent.
Cette force de frappe, aurait-il fallu la doubler ou la tripler ? «Il n'y aura pas de stratégie de 'choc et stupeur'», regrette Jonathan Loynes, le chef économiste Europe de Capital Economics. On voit là les limites de la stratégie mise en place à Bruxelles : les gouvernements de l'Euroland ne veulent pas donner trop de moyens à ce qui est l'amorce d'une institution financière fédérale. Tous ceux qui avaient espéré que le rendez-vous du 21 juillet 2011 permettrait de fédérer la dette européenne, comme l'avaient fait à New York en juin 1790 Jefferson, Hamilton et Madison pour les États-Unis, seront évidemment déçus. Ce sera pour une autre fois.