vendredi 20 juin 2014
Aux p’tits soins !
Notre ministre de la Santé a présenté hier les orientations de la future loi santé. C'est peu de dire que Marisol Touraine dévoile ses intentions à doses homéopathiques, comme s'il fallait ménager le malade. La loi sera en effet évoquée en septembre en Conseil des ministres et sera examinée à l'Assemblée début 2015. Pourtant, l'objectif du gouvernement est ambitieux puisqu'il s'agit de réaliser 10 milliards d'euros d'économies de 2015 à 2017 pour la branche maladie de la Sécu. Mais hier, Marisol Touraine s'est soigneusement abstenue de présenter la future « douloureuse ». Elle a, au contraire, opté pour la bobologie.
Voilà une ministre qui a voulu se montrer aux « p'tits soins » avec les Français en se gardant bien de tout chiffrage, mais en multipliant les sages recommandations et les gestes prévenants. Nul ne contestera le souci de faciliter l'accès aux soins des « plus modestes », ni l'importance des mesures de prévention, pas plus que l'octroi de droits supplémentaires aux patients. Il n'empêche que l'on décèle invariablement dans les propos de Marisol Touraine, les virus symptomatiques de l'idéologie et du dirigisme étatique.
On ne fait, hélas, pas seulement une politique de santé avec de bonnes intentions. Il y faut des moyens. Marisol Touraine a beau parier sur le sens des responsabilités des Français, nul ne peut affirmer que la généralisation à terme du tiers payant ne générera pas des surcoûts (à l'image de la CMU) en favorisant le sentiment diffus d'un « Demain on soigne gratis » ! Sans parler des contraintes administratives pour les généralistes.
Il manque donc le volet « économies structurelles » à la présentation d'hier. On pense bien sûr aux hôpitaux qui représentent, à eux seuls, 44 % des dépenses de santé. En dépit d'annonces réitérées, la chirurgie ambulatoire reste très en retard en France. On y ajoutera des efforts sur les génériques, les tarifs des examens médicaux, les transports des patients, le calcul des congés de maladie. En somme, aux « p'tits soins » prodigués par le ministre, il reste à adjoindre les grands remèdes.
« Et ce sont eux qui sont chargés d’éduquer nos enfants » !
« Et ce sont eux qui sont chargés d’éduquer nos enfants » !
Ils ne serrent pas la main des « fachos ». Ils ne s’asseoient pas à côté des « nazis ». Voilà à peu près le niveau de « débat » qu’ont opposé les profs cégétistes (à majorité féminine) du lycée professionnel Paul-Langevin de Beaucaire (Gard) au maire (FN) et à ses adjoints lors du conseil d’administration du lycée, le premier depuis l‘élection de Julien Sanchez. Il a répondu à Présent.
« Lorsque nous sommes entrés », déclare Julien Sanchez, « les enseignants ont immédiatement fixé leurs chaussures pour ne pas croiser notre regard ». Ambiance.
Puis ils ont refusé de serrer la main que leur tendait Stéphane Vidal, adjoint au maire, celle du maire et conseiller régional Julien Sanchez, et celle de Chantal Sarrailh, adjointe au maire.
« Et ce sont eux qui sont chargés d’éduquer nos enfants, en leur apprenant notamment à dire bonjour…» commente ironiquement Julien Sanchez.
Les enseignants militants ont refusé de siéger en sa compagnie au conseil d’administration, non sans avoir balancé quelques insultes au passage. Le conseil a dû être ajourné faute de quorum. Les profs sont ensuite entrés dans la salle de réunion pour prononcer un discours type, d’une folle originalité, sur le thème « FN raciste, xénophobe, etc. »
« Ces enseignants font passer leur intérêt militant avant l’intérêt des adolescents et de leur établissement », déclare Julien Sanchez. « Ce ne sont pas quelques syndicalistes enseignants sans éducation, privilégiés, aigris et sectaires, dont le comportement n’a rien à envier à celui de “racailles”, qui impressionneront la municipalité. »
Le proviseur du lycée, Pascal Lorblanchet, a parfaitement confirmé les faits. En bon stalinien, il estime pour sa part que le sectarisme, la goujaterie, l’insulte, l’intimidation, l’obstruction, l’entrave étaient tout ce qu’il y de plus légitimes et que c’est le comportement de la municipalité qui a été totalement déplacé :
« Ce genre d’appréciations (de la part de la municipalité, ndlr) pourraient entraîner un dépôt de plainte de la part de certains enseignants. Ce sont des représentants syndicaux. Il n’y avait pas de montée de ton. Ils ont exposé calmement leur point de vue, sans agressivité » (sic ).
Avant d’ajouter : « On n’a pas vraiment besoin de ce genre de polémique ». Qu’ils commencent donc par ne pas la provoquer !
Populismes, attention danger !
10% des membres du futur Parlement européen devraient appartenir à une formation qualifiée de "populiste". Un danger pour l'avenir de l'Union européenne. A la veille des élections, Myeurop, en partenariat avec Citizens for Europe, a enquêté dans huit pays pour comprendre la stratégie d'implantation de ces partis et celle des partis traditionnels pour les contrer. Cette semaine Myeurop vous propose deux reportages chaque jour.
60, 70, voire 75 ou 80 eurodéputés qui seront élus du 22 au 25 mai prochains appartiendront à une formation "populiste". Cela signifie que 10% des membres du Parlement européen seront des opposants farouches à la construction européenne telle qu’elle se déroule actuellement où même, dans certains cas, défendront des positions franchement anti-européennes, voire europhobes.
Il ne s’agit pas ici de porter un jugement normatif sur le caractère "démocratico-compatible" de ces formations qui sollicitent le suffrage des électeurs. Ni de donner a priori une connotation négative ou sulfureuse au terme "populisme", corpus idéologique consistant à contrer les dérives d’une démocratie qui serait confisquée par les élites en appliquant des politiques censées refléter le "bon sens" des masses populaires.
Au demeurant, les partis ou mouvements populistes européens sont très divers et offrent une combinaison de recettes allant d’un libéralisme à caractère poujadiste à un nationalisme ardent, parfois proche du fascisme ou même du nazisme (Hongrie, Grèce). Les idées les plus généralement défendues prônent le retour au protectionnisme, le rejet de toute tutelle européenne ou une résistance identitaire face à la mondialisation et à la montée du multiculturalisme.
Ces formations sont toutes hostiles à l’immigration et, pour certaines, ouvertement islamophobes (Pays-Bas, Scandinavie, Autriche). A l’Est de l’Europe, cette islamophobie s’estompe ou s’efface au profit de l’anti-sémitisme et/ou du racisme anti-Roms.
Myeurop, en partenariat avec la plateforme Citizens for Europe et sa page spéciale élections européennes, vous propose de regarder en face ces populismes dans huit pays où ils sont particulièrement actifs : France, Italie, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Autriche, Hongrie, Grèce. A l’exception de ce dernier pays où le très extrémiste mouvement "Aube Dorée" ne devrait pas dépasser 10% des suffrages, les populistes devraient obtenir dans les 7 autres pays des scores supérieurs à 15% voire à 20% en Italie, Danemark, France, et Hongrie.
François Hollande, le président-ornement
Après avoir assisté à un concours d'improvisation théâtrale au mois de mai, hier soir François Hollande a participé à la remise d'un prix journalistique dans les locaux du "Monde". Lui-même ne semblait pas trop savoir ce qu'il faisait là. Sans que nous le sachions, la Ve République aurait-elle disparu et la IIIe République réapparu ? Serions-nous revenus au temps du chef de l'Etat purement décoratif ?
Intriguée, une dame s’approche : « Que se passe-t-il ? Dans la rue, la police a fait enlever les voitures. Qui vient ? Ce n’est quand même pas le président de la République ! », plaisante-t-elle sans trop y croire. Mais si, Madame, c’est bien le président de la République, François Hollande — précisons-le — qui provoque toute cette agitation, sur les trottoirs du boulevard Auguste Blanqui, à Paris, devant le siège du Monde. Une interview exclusive ? L’annonce d’une grande réforme ? Non, le chef de l’Etat vient… remettre un prix. Un prix
journalistique, le premier prix Erik Izraelewicz de la meilleure enquête économique. En une heure de temps, un chef de l'Etat peut parler Irak, SNCF, intermittents, ou bien choisir de récompenser des journalistes. En mai dernier, notre homme avait déjà décidé d'assister à la finale d'un concours — ça ne s'invente pas — d'improvisation théâtrale. Avec Hollande, c'est retour donc à la Troisième République, au temps du président-ornement. Il ne lui reste plus qu'à inaugurer les chrysanthèmes et l'on connaîtra enfin la douceur d'une Toussaint au mois de juin...
En attendant, tout le beau monde était là, dans les locaux du journal « de référence » pour assister à ce grand moment : élites économiques, politiques et donc journalistiques. Pour alimenter les fantasmes, rien de tel ! L’ancien PDG d’Essilor, Xavier Fontanet, le producteur d’émissions de télévision, Emmanuel Chain, la direction des écoles partenaires du prix, HEC et le CFJ, et tout le service de sécurité de l’Elysée. Dans leur plus beau costume, les étudiants d’HEC échangent quelques mots en franglais — « C’est trop nice, non ? » — pendant que les invités s’installent tranquillement dans leur siège. Plus on est au centre de l’amphithéâtre et plus on a le sentiment que l’événement est important.
Pourtant, quand ils ont appris la nouvelle, les invités n’en revenaient pas. Le président, vraiment ? Personne ne savait pourquoi il était là. Qu’ils se rassurent, lui non plus ! « Je me suis demandé pourquoi on m’invitait, a-t-il commencé. Sans doute pour ma politique économique ! » On ne change pas une tactique qui gagne : quand on ne sait pas quoi répondre, en politique comme dans le grand monde, une pirouette, c’est toujours chouette ! Alors autant en abuser. « J’ai été journaliste, a rappelé le président pour tenter de se justifier, je sais donc qu’il n’est pas facile d’être un journaliste de gauche quand la gauche est au pouvoir. Et encore moins d’être au pouvoir quand la presse de gauche ne vous soutient pas ! » Eclats de rire. On recommence : « Après tout,Le Monde parle de moi, je viens donc parler au Monde ! » Au journal, précise-t-il. Le monde, le vrai, lui, est resté à l'extérieur. « Et puis Erik Izraelewicz était mon ami ». C’est déjà mieux. Une dernière ? « On peut vouloir le changement sans être pour autant libéral. »
Cette boutade-là, a bien fait rire Alain Frachon. Après avoir vanté les mérites de« l’esprit critique », le directeur des rédactions du Monde par intérim, s’est mué en chantre du libéralisme. Et, c’est la mode, en présentateur météo. « La mondialisation économique, c’est comme la météo : c’est un fait qui s’impose à nous (…), un horizon indépassable, a-t-il professé. Ce qu’on appelle libéral en France n’est en fait que l’adaptation nécessaire à la mondialisation. » L' « esprit critique » en prend pour son grade, mais tant pis : le public, lui, est conquis. François Hollande aussi. « Ce qui compte c'est de laisser sa trace et sa pensée dans le temps », a répondu le président. Raté ! Dans son compte-rendu de l’événement, Lemonde.fr n’a pas jugé bon de mentionner sa présence. Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ? Tout ça pour rien donc, le résident de l’Elysée n’ayant même pas pu toucher au buffet. Décidément, c’est la crise.
L'inutile de service |
En attendant, tout le beau monde était là, dans les locaux du journal « de référence » pour assister à ce grand moment : élites économiques, politiques et donc journalistiques. Pour alimenter les fantasmes, rien de tel ! L’ancien PDG d’Essilor, Xavier Fontanet, le producteur d’émissions de télévision, Emmanuel Chain, la direction des écoles partenaires du prix, HEC et le CFJ, et tout le service de sécurité de l’Elysée. Dans leur plus beau costume, les étudiants d’HEC échangent quelques mots en franglais — « C’est trop nice, non ? » — pendant que les invités s’installent tranquillement dans leur siège. Plus on est au centre de l’amphithéâtre et plus on a le sentiment que l’événement est important.
Pourtant, quand ils ont appris la nouvelle, les invités n’en revenaient pas. Le président, vraiment ? Personne ne savait pourquoi il était là. Qu’ils se rassurent, lui non plus ! « Je me suis demandé pourquoi on m’invitait, a-t-il commencé. Sans doute pour ma politique économique ! » On ne change pas une tactique qui gagne : quand on ne sait pas quoi répondre, en politique comme dans le grand monde, une pirouette, c’est toujours chouette ! Alors autant en abuser. « J’ai été journaliste, a rappelé le président pour tenter de se justifier, je sais donc qu’il n’est pas facile d’être un journaliste de gauche quand la gauche est au pouvoir. Et encore moins d’être au pouvoir quand la presse de gauche ne vous soutient pas ! » Eclats de rire. On recommence : « Après tout,Le Monde parle de moi, je viens donc parler au Monde ! » Au journal, précise-t-il. Le monde, le vrai, lui, est resté à l'extérieur. « Et puis Erik Izraelewicz était mon ami ». C’est déjà mieux. Une dernière ? « On peut vouloir le changement sans être pour autant libéral. »
Cette boutade-là, a bien fait rire Alain Frachon. Après avoir vanté les mérites de« l’esprit critique », le directeur des rédactions du Monde par intérim, s’est mué en chantre du libéralisme. Et, c’est la mode, en présentateur météo. « La mondialisation économique, c’est comme la météo : c’est un fait qui s’impose à nous (…), un horizon indépassable, a-t-il professé. Ce qu’on appelle libéral en France n’est en fait que l’adaptation nécessaire à la mondialisation. » L' « esprit critique » en prend pour son grade, mais tant pis : le public, lui, est conquis. François Hollande aussi. « Ce qui compte c'est de laisser sa trace et sa pensée dans le temps », a répondu le président. Raté ! Dans son compte-rendu de l’événement, Lemonde.fr n’a pas jugé bon de mentionner sa présence. Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ? Tout ça pour rien donc, le résident de l’Elysée n’ayant même pas pu toucher au buffet. Décidément, c’est la crise.
Pour en finir avec l’enfer du rail
Pour en finir avec l’enfer du rail
Bilan –provisoire– de ces dix jours de conflit à la SNCF : une grève dure pour une réforme ferroviaire molle. Le ministre des Transports a tenu, lui qui présentait sans rire sa loi comme « une avancée contre le libéralisme débridé ». Les syndicats les plus radicalisés ont tenu et obtenu le caractère « indissociable et solidaire » de leur société.
Mais les Français ? Circulez ! Dindons à plumer plus que clients à ménager, ils n’ont eu droit qu’à assister, en otages résignés, à cette caricature de crise à la française. Les contribuables ? Circulez et payez… La SNCF reste sous perfusion financière – plus de 12 milliards d’euros de dotations et autres subventions publiques par an, dont 3,3 milliards pour le régime des retraites. Et malgré ce soutien abusif, sa dette (notre dette) demeure explosive. Les entrepreneurs ? Circulez et perdez… Minée par le statut exorbitant de ses agents, la productivité du mastodonte, et d’abord de son fret, érode la compétitivité tout entière du site France.
L’avenir même de l’entreprise enfin ? Circulez et oubliez… Avec Keolis, Systra ou Geodis, la SNCF décroche des contrats à l’international mais croit pouvoir verrouiller son marché intérieur, comme si ce deux poids deux mesures au nez de Bruxelles pouvait perdurer…
Au final, tout cela fait cher, très cher la préservation des avantages de la « famille cheminote ». Dans la douleur, les Français ont – enfin ! – compris que plus de dettes signifiait plus d’impôts. Combien de temps encore pour prendre conscience que moins de rentes équivaut à plus d’emplois ? Et que pour se sauver, la SNCF ne doit pas se préserver de la concurrence, mais y plonger ?
Rémi Godeau
Le triomphe de Yo
Le triomphe de Yo
Il n’est sans doute jamais facile de décrypter son époque. La nôtre est particulièrement ardue. Il s’y produit tant de phénomènes inexplicables et tant de succès injustifiés. Faute de comprendre, il faut donc se contenter d’observer. C’est déjà un lourd travail. Que penser par exemple du triomphe de « Yo » ? Cette application mobile ne sert qu’à une chose : s’envoyer des « Yo ». Plus on distribue de ces deux lettres magiques, plus on en reçoit, plus on est content et c’est tout. Pas étonnant que 50 000 utilisateurs réguliers en soient déjà adeptes et que 1,2 million de dollars soit en voie d’être levé pour la développer. De fait, il y a là un énorme progrès de civilisation : grâce à cette nouveauté, on peut désormais s’échanger sans raison et communiquer sans rien se dire.
Fabius en «Monsieur Météo» : le ridicule peut-il tuer en politique ?
Après Ségolène Royal en Marianne et Arnaud Montebourg en marinière, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se met en scène à la une du Parisien magazine en «Monsieur Météo». En tant que spécialiste de la communication politique, que pensez-vous de cette couverture? Quel est le message que cherche à envoyer ce type d'opération de communication?
Le ridicule, bien porté par la gauche caviar |
Christian Delporte: Il y a une version rose: le ministre des Affaires étrangères n'hésite pas à donner de sa personne pour alerter sur les dangers du changement climatique, alors que la France organisera la conférence mondiale sur ce thème, en 2015. Laurent Fabiusen sera le pilote. Notons, au passage, la confusion entre météo et climat qui fera bondir les professeurs d'histoire-géographie, au lendemain du bac! Par l'image et le support (Le Parisien-Magazine), Fabius cherche la proximité avec les gens ordinaires, pas toujours sensibles avec cette question planétaire. Mais il y a aussi la version plus sombre: le décalage d'image avec ce que représente un ministre des Affaires étrangères - la grandeur de la France dans le monde, la solennité de la fonction - ouvre la voie à la moquerie. Il est d'autant plus net que le sourire de Fabius sur la photo reste celui des clichés officiels: en la matière, un sourire plus large, une attitude plus détendue auraient souligné la volonté d'autodérision.
A peine la couverture connue, twitter s'en est emparée, la détournant sans ménagement. En communication, on peut chercher à surprendre, recourir à l'humour, verser dans l'autodérision, mais à condition de maîtriser le message et de contrôler son image. Ici, l'écart entre l'image de Fabius et la couverture du journal est tel que l'opération de communication risque de se retourner contre lui. Comme la marinière de Montebourg, le nœud à papillon de Fabius «Monsieur Météo» peut lui coller longtemps à la peau.
Quel peut en être l'effet sur l'image de Laurent Fabius?
Le trouvera-t-on plus sympathique, moins guindé? Pas sûr. Laurent Fabius est une figure importante du gouvernement. L'opinion reconnaît sa compétence et lui qui fut longtemps impopulaire a réussi, grâce au Quai d'Orsay, à la reconquérir. Nous verrons bien si elle lui pardonne ce moment d'égarement. On se rappelle la sévérité des propos de Fabius à l'égard de la peopolisation, au temps - nous étions en 2006 - où il visait le comportement de Ségolène Royal : «Je préfère dire: «Voici mon projet», plutôt que «Mon projet, c'est Voici»». La mise en scène du Parisien-Magazine relève d'une tendance «people» qui lui reviendra peut-être au visage, comme un effet boomerang.
Le risque de ridicule parait important. Comment expliquez-vous que Laurent Fabius, qui a une longue carrière derrière lui, puisse s'y laisser prendre?
On a échappé au pire, puisque le premier projet du Parisien-Magazine était de photographier Laurent Fabius sur un bout de banquise en polystyrène, au côté d'un ours polaire empaillé! La photo a été négociée avec son cabinet pendant plusieurs semaines. Il faut croire que les communicants ont encore beaucoup à apprendre des médias et que leur capacité à anticiper les effets médiatiques sont toujours perfectibles!
Fabius a toujours été soucieux de contrôler son image. Quand il était jeune Premier ministre, il y a 30 ans, il était considéré comme l'un des hommes politiques les plus doués en communication, à la télévision. Pour se rapprocher et se faire comprendre des Français, lui l'agrégé de Lettres et l'énarque avait volontairement appauvri son vocabulaire et adopté le langage ordinaire. A cette époque, il était aussi friand de coups de com' qui faisaient de belles images dans les médias: arrivée de son épouse Françoise en 2 CV Charleston dans la cour de l'Elysée ou fausse photo «volée» d'un Fabius en charentaises sortant de chez lui, place du Panthéon, pour acheter des croissants. Ces images excessives lui avaient été reprochées. Le rejet de l'opinion après l'affaire du sang contaminé l'avait persuadé d'y renoncer.
Fabius est-il grisé par sa popularité? Le naturel revient-il au galop, alors qu'il n'a plus d'ambition présidentielle? S'agit-il d'un plan-com? En tout cas, ce dernier coup suit immédiatement un autre: la réception très médiatisée, il y a quelques jours, des présentateurs météo de toutes les télévisions et radios.
Ce type de communication est-il totalement nouveau ou cela a-t-il toujours existé? Peut-on parler de dérive de la communication politique?
L'humour ou l'autodérision comme modes de communication n'appartiennent guère à la tradition française. Dans le monde anglo-saxon, il en va différemment. En mai dernier, on a vu le prince Charles présenter la météo à la BBC. Deux mois plus tôt, Obama s'était invité au show humoristique de Zach Galifianakis, Between Two Ferns, succédant à de nombreuses vedettes d'Hollywood. On sait que, chaque année, le dîner des correspondants de la Maison-Blanche est l'occasion pour le Président de faire rire son public. Tony Blair, à son époque, s'invitait aussi dans les talk-shows humoristiques. Mais toutes ces prestations sont très scénarisées et les formules répétées. L'image est parfaitement maîtrisée. Dans le cas de Fabius (et avant lui Montebourg ou Royal), le sentiment est qu'ils ne contrôle rien. Si l'on invente de nouveaux modes de communication - et pourquoi pas l'humour et l'autodérision -, encore faut-il mesurer le degré de réceptivité de l'opinion et les effets médiatiques de l'opération.
A travers ce type d'opération, les politiques achèvent-ils de saper leur autorité et leur crédit?
Depuis près de 30 ans, les hommes politiques cherchent à donner un autre visage d'eux-mêmes. Naguère, Chirac, Jospin ou Léotard apparaissaient dans les émissions de Patrick Sébastien, Fabius allait chez Patrick Sabatier, Mermaz participait à Tournez manège. Aujourd'hui, les politiques contribuent au divertissement des talk-shows et Fabius pose en Monsieur Météo. Mais plus ils cherchent à se rapprocher du peuple, plus le peuple s'en éloigne. L'opinion juge d'abord les politiques sur les actes, dans l'exercice de leur fonction. Les Français ne demandent pas du show mais des résultats, a fortiori en période de crise.
«La grandeur a besoin de mystère. On admire mal ce qu'on connaît bien», disait De Gaulle. C'est aussi une posture de communication sur laquelle les hommes politiques d'aujourd'hui devraient méditer.
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