La logique économique et verbale de Michel Sapin est devenue impossible à suivre sans une forte prescription de Doliprane.
Il y a quelques jours à peine, le 3 septembre, Michel Sapin le ministre dit des Finances nous annonçait qu’en raison de la faiblesse de l’inflation (sic), il ne pourrait pas tenir l’objectif de 21Md€ d’économies en 2015 (sur les 50 Md€ prévus sur 2015-2017). On « ne peut pas avoir », nous disait-il alors, « les mêmes objectifs avec une inflation qui devient très faible »… Aujourd’hui, revenant sur ses propos déjà stupéfiants, il nous assure qu’il ira désormais jusqu’au bout de l’objectif de 50 milliards d’économies prévues à commencer par les 21 milliards prévus en 2015…
La logique économique et verbale de Michel Sapin est évidemment devenue impossible à suivre sans une forte prescription de Doliprane. Et toutes ses pirouettes argumentaires prêteraient à rire si elles n’étaient pas aussi graves pour la France qui vient de se voir durement rappelée à l’ordre par Bruxelles.
Pendant qu’Angela Merkel déclarait « nous sommes fiers du budget allemand », la Commission européenne rappelait les pays européens à leur devoir de discipline budgétaire et demandait à la France de présenter des « mesures crédibles » et d‘agir concrètement pour réduire son déficit public en 2015. Le projet de budget, que Sapin doit envoyer à la Commission d’ici mi-octobre, « doit clairement spécifier des mesures crédibles pour mettre en place l’ambitieux plan de réduction des dépenses pour 2015 et après ».
On imagine la perplexité de Michel Sapin qui n’a pas dans son système mental et idéologique de quoi comprendre de quoi on lui parle exactement quand on lui demande de la rigueur. Forcément, lui et Valls sont persuadés qu’il faut dépenser davantage pour relancer la croissance ; et ils passent leur temps à dire qu’ils refusent “l’austérité” alors que ce n’est même pas ce qu’on leur demande : juste de la rigueur mais de la vraie dans le cadre d’un ambitieux plan de réduction des dépenses.
Des économies sans cesse reportées…
Je ne reviens pas sur les prétendues économies budgétaires qui ne sont évidemment qu’un leurre comptable : elles ne sont pas seulement « peu documentées » comme l’a souligné la Cour des Comptes dans son dernier rapport – mais surtout ce sont uniquement des « économies tendancielles ». Je n’y reviens pas car cela a déjà été expliqué ici en détail.
Pour justifier sa timidité face aux nécessaires économies, le ministre des Finances nous répète à l’envi : « Ma responsabilité, ce n’est pas de plonger le pays dans l’austérité »… Toujours la même formulation désuète et la même rengaine qu’il répète à la suite de Manuel Valls qui, lui aussi, affirme sans cesse son refus de l’austérité.
Pourquoi parlent-ils toujours d’austérité dès qu’on leur parle d’économies ? Le choix des mots est très important : ils savent en effet que les Français sont terrifiés par le mot « austérité » (qu’ils identifient à la Grèce), et donc ils l’agitent comme un chiffon rouge pour ne rien faire, se dispenser d’avoir du courage et reporter sans cesse le redressement à une date ultérieure : en fait après leur départ du pouvoir. Ils doivent gagner du temps coûte que coûte…
Des échéances sans cesse repoussées
Bien sûr – mais juste pour la rhétorique – Michel Sapin prend soin d’ajouter que « le cap du gouvernement, c’est celui de la réduction de nos déficits à un rythme compatible avec le retour de la croissance »… Mais là encore il joue sur les mots : « réduction des déficits »… Mais… « compatibles avec le retour de la croissance »… Or comme il n’y a pas de croissance et qu’ils s’imaginent qu’en dépensant encore davantage ils vont la relancer, ils ne peuvent donc pas réduire les déficits. C’est le serpent qui se mord la queue et le cycle infernal de la crise qu’ils amplifient : ils refusent les économies au nom de la croissance et ils pénalisent la croissance en ne faisant pas d’économies !
Curieusement, ils semblent persuadés que cette rhétorique et leurs « éléments de langage » dérisoires vont nous rassurer, mais plus un seul Français ne les croit.
Bêtabloqués par le mot « austérité »
Sapin nous assure que « la maîtrise de la dépense publique constitue un des piliers de notre politique économique ». Il n’en est évidemment rien : les dépenses publiques continuent bel et bien d’augmenter et les déficits budgétaires continuent de se creuser. Le mot d’austérité semble curieusement agir comme un bêtabloquant cérébral dans la tête de Michel Sapin. Il ne sait plus s’il doit dire qu’il va « économiser pour réduire les déficits » ou « dépenser pour relancer la croissance »… Il est en fait complètement perdu et du coup il affirme les deux en se contredisant au fil des semaines. Ravageur pour la confiance des acteurs économiques.
Le pire évidemment est que les solutions de Valls et Sapin ne marchent évidemment pas : pas de croissance (qui a été revue fortement à la baisse à 0,4% cette année) et un déficit public qui continue de déraper (contrairement aux engagements pris au niveau européen, il atteindra 4,4% du PIB en 2014 et 4,3% en 2015). Le seuil de 3%, maximum toléré par les traités européens serait atteint, non pas en 2015 comme prévu initialement, mais seulement à l’horizon de… 2017. Facile de faire des promesses pour quand on aura quitté le pouvoir !
Pour repousser sans cesse l’échéance du redressement d’un État en faillite et au bord du dépôt de bilan, Valls et Sapin rejettent ce qu’ils appellent l’austérité. Précisons qu’on ne leur demande évidemment pas de l’austérité : juste de la rigueur (mais en actes et pas en mots) et de la discipline budgétaire (mais de la vraie, qui taille dans les dépenses).
En fait il y a deux sortes d’austérité :
- Il y a celle qu’il faut évidemment combattre, qui est celle que l’État inflige indûment aux contribuables sous forme de matraquage fiscal parce qu’il refuse de réduire son train de vie et ses gaspillages. Cette austérité qu’ils disent maudire, ils n’ont pas hésité une seconde à l’imposer aux Français depuis deux ans : hausse des impôts, hausse des taxes, baisse des retraites, baisse des salaires, baisse des allocations, baisse des prestations, baisse du pouvoir d’achat…
- Et celle qu’il faudrait imposer de toute urgence à l’État – appelons-la cure d’austérité – pour qu’il réduise enfin son périmètre, son emprise et ses gaspillages (ce qui réduirait d’autant les recettes nécessaires pour les financer). C’est évidemment cette grande « bureaucratie ministérielle d’État » qu’il faut en priorité tronçonner et découper à la hache pour faire des économies (dans les ministères, les préfectures et sous-préfectures, les directions départementales ou régionales en surnombre, les comités Théodule innombrables, les hauts conseils et hauts comités inutiles et coûteux… etc.)
L’austérité : bonne pour les Français, jamais pour l’État !
L’austérité c’est donc toujours bon pour les Français, mais jamais pour l’État. L’État pas touche, c’est sacré, chasse gardée. Même la Cour des Comptes s’y est cassé le nez en exigeant la fin des gaspillages. L’État c’est leur terrain de jeu et il n’est pas question d’en réduire le périmètre ou qu’il se serre la ceinture. Le mot « austérité » leur sert donc d’épouvantail et suffit à évacuer toute interrogation concernant le poids de l’État. Circulez, il n’y a pas d’économies à faire. Dans l’État tout est bon ! Pas de gaspillages et c’est la Cour des Comptes qu’il faudrait supprimer !
Il faudrait qu’ils arrêtent de dire aux Français que faire des économies budgétaires, c’est faire de l’austérité ou que ça entraînera la fermeture des services publics. C’est faux, contreproductif, et ça bloque toute possibilité de réforme. Donc qu’ils fassent les choses dans l’ordre : en commençant d’abord par réduire massivement les dépenses et les gaspillages de l’État (ce qui réduira ipso-facto et immédiatement les recettes correspondantes qui saignent les Français). Supprimons en priorité les dépenses et les gaspillages condamnés par la Cour des Comptes et supprimons tous les organismes bidon de la grande lustrine administrative. On verra ensuite comment on peut aller plus loin. Mais que le Gouvernement arrête de faire peur aux Français en leur faisant croire que la « discipline budgétaire » ou la maîtrise des dépenses de l’État c’est de « l’austérité » et qu’il faut y renoncer pour sauver la croissance. Qu’il arrête car c’est faux et cela nous a déjà fait perdre assez de temps, de croissance et d’emplois !
Tailler dans les gaspillages ce n’est pas de l’austérité !
L’État se croit compétent et indispensable et veut s’occuper de tout. Et, naturellement, il le fait de plus en plus mal. Il prétend gérer nos vies de A à Z et, en échange de cette servitude volontaire, les Français croulent sous les impôts, les taxes, la dette et les formulaires… C’est donc là qu’il faut en priorité faire des économies et tailler dans les dépenses.
Il y a un ministre – et un ministère – pour chaque activité. Ils prétendent s’occuper de tout : de la défense, des affaires étrangères, de l’éducation, de la justice – jusque-là, bon, je ne dis rien, encore que… – du commerce extérieur, de la santé, du logement, des sports, de l’artisanat, de l’innovation, de la famille, des transports, des droits des femmes, de l’agroalimentaire, du tourisme, de la communication, du commerce, des personnes handicapées, de la recherche, de l’économie sociale et solidaire, des personnes âgées, de la vie associative, de la jeunesse, de l’agriculture, du dialogue social, de la réussite éducative, de l’éducation populaire, de la ville, du redressement productif, de la dépendance, de la culture, de l’économie maritime, de la francophonie, des petites entreprises, des moyennes entreprises, des anciens combattants, du commerce extérieur, de la formation professionnelle, de l’économie numérique…
Vous imaginez l’empilement de fonctionnaires et de bureaux pour surveiller tout ça ? Et ils osent prétendre que réduire le périmètre de l’État ce serait de « l’austérité » ? Allons donc !
Que Sapin et Valls arrêtent d’agiter inlassablement l’épouvantail de l’austérité car c’est le meilleur moyen de ne rien changer à ce qui plombe la France. Le vrai problème c’est de réduire les gaspillages au lieu d’augmenter sans cesse les recettes pour financer la grande bureaucratie d’État.
Ne pas accepter de réduire aujourd’hui ce poids de l’État, c’est se condamner à laisser croître la courbe de la dette qui plombe l’avenir :
Le pire est que le jour où la dette publique atteindra 100% de la richesse nationale, ils nous diront qu’ils ne savaient pas !
Donc M. Sapin : non seulement vous devez faire les 21Md€ d’économies sur les dépenses publiques en 2015 ; non seulement vous devez faire les 50 Md€ prévus sur 2015-2017. Mais vous devez en faire davantage encore : en réduisant avant qu’il ne soit trop tard le poids et le périmètre de l’État qui coûte trop cher aux Français qui n’en peuvent plus fiscalement. Et ne nous parlez plus de vos prévisions de croissance car vous n’avez strictement aucune influence sur elles : ce sont les entreprises qui la feront, pas vous. Libérez-les en réduisant le poids de toute votre grande bureaucratie étatique qui étouffe les initiatives ! Faites des économies et la croissance reviendra. Et par pitié, arrêtez de nous dire qu’en augmentant encore vos déficits vous la ferez revenir !