C’est un curieux cocktail que viennent de concocter magistrats et policiers en mettant en garde à vue un ancien président de la République. Une mixture faite de suspicion et d’arrière-pensées, un mélange amer pour quiconque pense que la justice doit s’exercer sereinement.
Non qu’il faille traiter Nicolas Sarkozy différemment d’un justiciable lambda, même si, ancien chef de l’Etat et membre de droit du Conseil constitutionnel, il n’est pas tout à fait Mister Nobody. Mais sa garde à vue est un événement tellement spectaculaire qu’elle nourrit forcément le soupçon. D’abord sur les juges : s’acharnent-ils sur celui qui les a si souvent rudoyés, n’ont-ils pas un agenda directement corrélé au calendrier politique ? Soupçon sur le pouvoir, également : n’est-il pas à la manœuvre, n’instrumentalise-t-il pas dans l’ombre cette succession d’épisodes ? Soupçon sur les procédures : ces multiples affaires qui servent chacune de marchepied aux autres, alternant non-lieu et saisine connexe, illustrent-elles une bonne façon d’exercer la justice ? Soupçon sur Nicolas Sarkozy lui-même : l’accumulation des procédures finira-t-elle par ébranler la foi de ses partisans, et à tout le moins ne va-t-elle pas dégoûter de la vie publique l’ancien président ? Soupçon sur ses amis-ennemis de l’UMP : sont-ils tous dévastés par l’immobilisation même temporaire de celui qui pense pouvoir les battre tous ?
Rien de tout cela n’est démontrable, bien sûr. Mais ce doute profond crée le malaise. Dans un pays malade qui accumule les contre-performances économiques et sociales, cette suspicion qui s’insinue dans tous les interstices de la vie publique achève de convaincre le plus grand nombre que, décidément, la politique est irrécupérable. Mauvais signal pour la démocratie.