Les divergences stratégiques s'amplifient entre syndicats, qui doivent décider ce lundi soir des suites à donner au mouvement contre la réforme des retraites après une huitième journée de mobilisation en net reflux.
Deux thèses s'affrontent : la CGT, FSU et Solidaires entendent prolonger la contestation quand la CFDT, la CFE-CGC, l'Unsa et, dans une moindre mesure, la CFTC jugent qu'il est délicat de s'opposer à une loi votée et sur le point d'être promulguée sauf censure du Conseil constitutionnel.
L'intersyndicale, qui se réunit à partir de 18h00 au siège de la CGT à Montreuil, a adopté jeudi dernier le principe d'une nouvelle journée d'action pour la semaine du 22 au 26 novembre et doit en décider les modalités précises dans la soirée.
Si la réunion de l'intersyndicale de lundi promet d'être "sportive", selon les mots d'un dirigeant syndical, toutes les confédérations, à l'exception de Force ouvrière, se disent à la recherche du bon compromis pour ne pas briser l'unité qui prévaut depuis le printemps.
La CGT estime qu'il faut battre le fer tant que la loi n'entre pas en vigueur, en juillet 2011, mais beaucoup sont entrés dans la séquence d'après, évoquant le retour à des grandes manifestations pour la défense de l'emploi et du pouvoir d'achat, sur le modèle de ce qui avait été fait à l'hiver 2009.
Après une mobilisation citoyenne inégalée depuis des années, même si les syndicats n'ont pas obtenu gain de cause sur le fond de la réforme, "on ne doit pas faire au gouvernement le cadeau de se désunir", prévient Alain Olive, secrétaire général de l'Unsa.
"VOIES DE PASSAGE"
"L'enjeu, c'est de montrer que sur un des éléments essentiels du pacte social français, les organisations syndicales sont capables de se retrouver: cela vaut pour les retraites et pour l'avenir", ajoute-t-il.
Cette volonté de faire durer le front commun coûte que coûte, notamment son duo de tête CGT-CFDT, pourrait déboucher sur une feuille de route la plus souple possible.
Tout en appelant à la poursuite de la mobilisation et en fixant la date exacte de la journée d'action, probablement le mardi 23, l'intersyndicale renverrait à des actions locales telles que des rassemblements devant les préfectures ou des manifestations décentralisées.
"Multiplier les formes d'action différentes, c'est ce qui a fait la force du mouvement", rappelle Bernadette Groison, qui dirige la FSU.
Son syndicat défendait l'idée d'une manifestation nationale le samedi 26 novembre mais il regardera lundi soir "ce qu'il est possible de faire ensemble", a-t-elle dit.
"Des débats vifs et sincères, il y en a toujours eu entre nous depuis le début. Notre force a été de trouver à chaque fois des voies de passage", ajoute la dirigeante syndicale qui n'a "pas le sentiment que l'intersyndicale soit au bord de l'implosion".
Les critiques de Force ouvrière, qui parle désormais ouvertement de "gâchis" dans la gestion du conflit, viennent alourdir l'ambiance.
Formellement, le syndicat de Jean-Claude Mailly ne fait pas partie de l'intersyndicale et prône une journée de grève générale depuis le printemps mais il s'est joint à toutes journées d'action de ces six derniers mois.
Le bureau confédéral de FO doit se réunir dans l'après-midi pour décider de sa participation, ou non, à l'intersyndicale de lundi soir.
"Il n'est pas question de tourner la page des retraites", souligne son secrétaire confédéral Jacques Valladon, pour qui la mobilisation de samedi était "encore tout à fait respectable".
Quant à passer à des manifestations aux mots d'ordre plus généraux, le dirigeant syndical est plus que sceptique. "En 2009, on a fait des manifs en janvier, en mars, en mai et en juin pour des clopinettes, dit-il. "Pas sûr qu'on en sera à nouveau ce coup-là".