vendredi 22 novembre 2013
Rien ne les arrête : passage en revue des nouveaux impôts que prépare le PS
Dans l'œil des marchés : Jean-Jacques Netter, vice-président de l'Institut des Libertés, dresse, chaque mardi, un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers et politiques les plus en vue du marché.
Depuis des mois nous assistons à un Concours Lépine en matière de fiscalité : on augmente, on refiscalise, on dérembours
e, on introduit une décote, on supprime, on module, on gèle… Plusieurs mauvaises décisions ont déjà eu des effets très négatifs pour l’économie française et pour la création d’emplois. L’automne est meurtrier pour les entreprises françaises. Les faillites atteignent un niveau record : près de 13000 sociétés ont déposé le bilan au troisième trimestre, du jamais vu depuis 1993 !
L’imposition à 75% des revenus de plus d’1 M€ se révèle être dans la réalité une fiscalité spoliatrice à l’égard de ceux qui font la vitalité de notre tissu économique. Certaines entreprises ont du mal à garder leurs talents. Il faudra peut-être un jour remercier les clubs de football qui sont en train d’expliquer au grand public que l’on ne peut demander à des clubs d’être compétitifs sur le plan mondial et leur faire subir en même temps un véritable matraquage fiscal. Un club de football, cela peut mourir et voir ses meilleurs joueurs partir à l’étranger. C’est tout simplement comme une entreprise…
La taxation du capital à la même hauteur que le travail est une véritable ânerie. Celui qui investit de l’épargne qui a déjà payé l’impôt et qui peut tout perdre ne peut être fiscalisé au même niveau que le salarié qui est sûr d’être payé à la fin du mois et n’a pris aucun risque. L’alignement de la taxation des revenus du capital sur les revenus du travail entraine déjà une baisse sensible des investissements en France…
La taxation des dividendes à 3% est une autre erreur. Les sociétés réalisant plus de 50 millions de chiffre d’affaires et employant plus de 250 salariés devraient se voir imposer une taxe de 3% sur les dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires. Encore une grave erreur économique..
La taxe sur l’excédent brute d’exploitation était une initiative idiote, dont n’importe quel chef d’entreprise pouvait dire qu’elle pénaliserait l’investissement. Dans une administration comprenant de nombreux énarques et polytechniciens brillants, on aurait du trouver des intelligences capables de voir l’idiotie et de la dire. Cela n’a malheureusement pas été le cas…
Au Parti Socialiste, la créativité est permanente. Tout député, pour reprendre la formule d’Andy Warhol, peut avoir facilement son quart d’heure de célébrité en proposant un nouvel impôt stupide.
Yann Galut, député PS, propose une taxation des revenus des exilés. Lui qui a travaillé sur l’exil fiscal assure que “rien ne démontre une augmentation du phénomène d’émigration fiscale, car il n’y a pas d’instrument pour qualifier et quantifier l’exil fiscal”. Cela ne l’empêche pas de proposer de taxer les exilés fiscaux sur la base de “la fiction de la résidence continuée” (sic). La taxe viserait à “imposer les revenus des exilés comme ceux des résidents pendant les dix années suivant leur transfert à l’étranger”. Dans sa grande sagesse, Bercy a répondu que vu la complexité de la chose, la mesure n’était pas envisageable pour le moment…
Gérard Bapt, député PS, a eu l’idée d’une taxe sur les boissons énergisantes. Il s’agit de taxer les ventes de Red Bull et autres…Pour lui, "cette nouvelle taxe est conçue non pas dans une visée de recette mais à visée comportementale". Comme un rééducateur du peuple n’est jamais isolé, la ministre de la Santé Marisol Touraine a ajouté que "la fiscalité comportementale n’était pas le seul instrument des politiques de santé publique". On est en présence de gens qui veulent rectifier le comportement de citoyens adultes qu’ils jugent eux mêmes déviants…
Dominique Raimbourg, député PS, c’est une nouveauté, a inventé le concept de l’impôt sur l’impôt, en imaginant une taxe sur les droits de mutation. Ce nouveau prélèvement serait destiné à financer l’aide juridictionnelle !
Pour être tout à fait sûr d’achever l’économie française et de la sortir définitivement de la compétition mondiale, il ne reste plus qu’à mettre en place ce que François Lenglet, du Point, a appelé "l’extrême ponction" :
La proposition de Thomas Piketty, économiste dans "Pour une révolution fiscale…" : un impôt supplémentaire pour les propriétaires de logement, au prétexte que ne payant pas de loyers ils touchent l’équivalent d’un revenu, lequel doit être soumis à l’impôt !
Dans la foulée, il propose avec Philippe Van Parijs, fondateur du "No-Bullshit Marxism Group", la mise place d’un revenu d’existence. Ce serait une sorte de RMI donné à tout le monde sans conditions de ressources !
La proposition de supertaxe sur la capital, inspirée des travaux de Barry Eichengreen, économiste américain et Stefan Bach, économiste allemand. Elle consisterait à taxer de 10% l’ensemble de l’épargne des ménages pour éponger le déficit de l’Etat…
La cacophonie est telle sur le plan fiscal, que même Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, s’est autorisé à sortir de sa réserve pour expliquer dans le Financial Times que la taxe sur les transactions financières était un projet trop risqué pour les pays qui l’appliqueraient. Cela provoquerait selon lui une baisse de la liquidité sur les marchés et de graves pertes d’emploi. Ambiance….
En Europe, une correction des marchés devrait se produire autour de la fin de l’année selon Christopher Potts, le stratégiste de Kepler Cheuvreux. La croissance meilleure que prévue ne se répercute plus selon lui, dans les résultats des entreprises.
L’Europe périphérique devient le concept d’investissement à la mode. En Espagne, la compétitivité retrouvée du pays permet aux exportations de progresser. C’est la fin de la récession mais pas la fin de la crise. Pour saluer les efforts effectués, l’agence de notation Fitch a relevé la note de l’Espagne. En Italie, on a le sentiment que le pire est vraiment derrière. Le commerce extérieur et la balance des paiements courants sont de nouveau excédentaires. Quand on regarde le comportement de leurs marchés respectifs, les deux places avancent en tandem. Parmi les valeurs les plus achetées par les investisseurs, on trouve pour l’Espagne notamment : BBVA, Iberdrola, Repsol, Sacyr et Telefonica ; et pour l’Italie : Ansaldo, Enel, Fiat, Intesa San Paolo, Mediobanca, Unicredit.
Aux Etats-Unis, le dollar faible ne devrait pas mettre fin à la pagaille monétaire.
La création d’emploi par le secteur privé, la seule qui compte, est au plus bas depuis le mois de mai. Le Citigroup Economic Surprise Index est en fort recul. C’est la raison pour laquelle Chris Wood, le stratégiste de CLSA, pense que la première décision de Janet Yellen qui succédera à Ben Bernanke à la tête de la Federal Reserve, ne sera pas de réduire ses interventions mais de les augmenter ! Le problème reste donc posé de savoir si les marchés salueront cette nouvelle "injection de morphine" ou commenceront à penser que personne ne sait vraiment comment sortir de l’expérience monétaire que nous sommes en train de vivre. Il s’agit de ZIRP (Zero Interest Rate Policy) + QE (Quantitative Easing)…
Plusieurs signes ne sont pas encourageants : les introductions en bourse se multiplient comme en 1999 et les hedge funds ont été vendeurs d’actions dans des proportions comparables à celles précédant la chute des marchés en 2008. Andrew Garthwaite, le stratégiste de Crédit Suisse, estime qu’il faut maintenant diminuer l’exposition sur le marché américain. Michael Hartnett, de Bank of America Merrill Lynch, redit que plus on mettra de temps à normaliser les interventions de la Fed, plus les risques de bulles spéculatives seront importants…
Au Japon, la TVA augmentera de 5 à 8% en avril, moment où les salaires devraient commencer à augmenter. Les prix de l’immobilier au augmenté de 22% en un an.
Plusieurs sociétés ont annoncé des résultats décevants notamment Cummins, Goodyearou Michelin, pénalisés par les changes, ou encore Kuka, le numéro un de la robotique allemande, qui souffre de la baisse du Yen. Il vient d’ailleurs d’être recommandé à la vente par Warburg.
Les bonnes surprises sont plus rares. Geberit, le fabricant de toilettes suisses, a sorti de très bons résultats. Le marché américain des toilettes s’est complètement restructuré ces dernières années. Il reste Kohler (24% de part de marché); American Standard (18% du capital contrôlé par le japonais Lixil Corp ); Toto (9% la Rolls Royce des toilettes japonaises);Mansfield Plumbing Products (8% contrôlé par Organizacio Corona en Colombie). Pendant ce temps, un groupe de technocrates bruxellois a rédigé un rapport de 444 pages réalisant une étude minutieuse des toilettes urinoirs de la Communauté Européenne pour réduire la consommation d’eau dans les chasse d’eau. Cela a coûté 89 300€. On est vraiment heureux de savoir que les fonctionnaires de la Communauté Européenne se penchent sur les problèmes importants…
Les sociétés qui rachètent leurs propres titres font partie des thèmes les plus performants du marché américain. Parmi les valeurs qui figurent sur la dernière liste de Goldman Sachs figurent notamment : Northtrop Gruman, Western Digital, Coca Cola Enterprises, Marathon Petroleum, L Brands (Victoria Secret), Yahoo et Pfizer.
Les fusions acquisitions se multiplient, c’est la raison pour laquelle le Crédit Suisse a sorti un tracker des valeurs les plus susceptibles de faire l’objet d’une opération. Parmi les valeurs françaises figurent Alcatel Lucent et Arkema ; parmi les valeurs anglaises figurentBurberry, Sage, Spectris ; parmi les valeurs allemandes figurent Dialog et parmi les valeurs suisses figurent Sonova et Straumann.
Solex, l’art de relancer une vieille marque en pédalant longtemps
C’est le sixième repreneur à vouloir faire redémarrer le célèbre vélomoteur. A force de persévérer, ça va peut-être marcher.
Soixante-sept ans au compteur. Voilà ce qu’affiche Solex, le mythique deux-roues. Souvenez-vous : le moteur à galet qu’il fallait ajuster sur le pneu avant, les coups de pédale dans le vide à donner pour obtenir la pétarade du démarrage, le cambouis sur les mains et les 35 kilomètres à l’heure de vitesse de pointe, en pente et le vent dans le dos. Lancée en 1946, la «bicyclette qui roule toute seule», un temps propriété de Renault et de Yamaha, s’est vendue à 8 millions d’exemplaires à travers le monde. Puis sa production a été arrêtée, en 1988.
Objet culte. Peut-on relancer un produit légendaire lorsque sa technologie est dépassée, que ses usines sont fermées et que les salariés qui en possédaient les secrets de fabrication ont pris leur retraite ? Plusieurs sociétés s’y sont risquées. Un fabricant hongrois, en 1998, sans succès ; Fiat, en 2000, sans jamais sortir le moindre modèle ; puis Jean-Pierre Bansard, «serial» entrepreneur et fondateur d’Usines Center, en 2006 ; et finalement, en avril 2013, le dernier repreneur du fameux engin, Grégory Trébaol, patron du fabricant de vélos électriques Easybike (sous ce nom et en marque blanche pour Decathlon, Feu vert…). Jean-Pierre Bansard a été le premier à avoir l’idée de repositionner Solex sur le créneau encore balbutiant du deux-roues électrique. Pour réveiller la belle endormie, il a demandé au designer italien Pininfarina (qui a officié, entre autres, pour Ferrari) de redessiner sa bécane. L’e-Solex, sorti en 2007, n’a plus grand-chose à voir avec son illustre ancêtre. Seul un léger renflement abritant le phare avant rappelle la silhouette d’antan. Pour le reste, un moteur silencieux de 400 watts (36 chevaux), caché dans le cadre et la roue arrière, lui permet d’atteindre lui aussi 35 kilomètres à l’heure.
Le vélo, c’est le salut. Le modèle s’écoule à 3 000 exemplaires en un an, puis les ventes chutent. Arrivé trop tôt pour le marché, il est trop lent pour un scooter (il est considéré comme tel, et nécessite donc une assurance et le port d’un casque) et pâtit surtout d’un SAV peu réactif. «La marque a mis longtemps à déployer un bon réseau de revendeurs, explique un marchand de cycles parisien, et les pièces de rechange, fabriquées en Chine, n’arrivaient pas assez vite.» Bansard a, en parallèle, étoffé sa gamme, en sortant deux «vélos à assistance électrique» (dont le moteur ne peut s’activer que lorsqu’on pédale), dont un pliant. Bien vu. Dans l’Hexagone, ce marché a enfin passé la seconde et croît de 15% par an, à 40 millions d’euros. «Et encore, ça n’inclut pas les achats des collectivités !» ajoute Laurent Garrigues, de la revue «Bike éco».
Avec l’arrivée de nouvelles marques, dont Smart ou BMW, Grégory Trébaol, le nouveau propriétaire, veut accélérer l’effort de diversification. «Pas question de rester monoproduit, martèle le patron d’Easybike. Pour occuper le terrain, augmenter nos volumes, abaisser notre point mort, nous devons élargir notre offre.» Il vient ainsi de présenter deux nouvelles gammes. L’une électrique, bien sûr, mais sur le segment des VTT. L’autre, plus surprenante, de vélos classiques : deux modèles pour adultes, un pour enfants (le Solexkid) et même un «fixie», vélo sans vitesses ni garde-boue, très en vogue chez les adolescents.
Opération Montebourg. Pour fabriquer ces modèles, Grégory Trébaol a annoncé la relocalisation dans la Manche d’une partie de sa production : 1 000 unités en janvier, 3 000 fin 2014, soit 30% de son assemblage, le reste continuant d’être fabriqué à Shanghai. Produire en France devrait permettre à Easybike de trouver de meilleurs fournisseurs, Bosch par exemple, qui refuse d’envoyer en Chine ses très bons moteurs électriques. Et de se rapprocher des fabricants de selles ou d’éclairage, installés en France. «Le surcoût de production est de 15 à 20%, on peut y arriver», assure le PDG, qui a réuni 8 millions d’euros pour transformer une vieille usine de vélos rachetée pour l’occasion. Et l’a fait savoir : Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, s’est déplacé pour se réjouir devant la presse, après trois coups de pédales sur le parking, du renouveau de l’industrie française.
Mine de rien, ce coup de pouce marketing va permettre à l’entreprise de se renforcer… à l’export. De l’Australie à l’Italie, en passant par la Thaïlande et les Etats-Unis, l’international représente déjà 75% des ventes de Solex. Le rapatriement va lui permettre d’afficher le label «made in France». Et de mieux cibler les pays qui y sont sensibles, comme la Chine, premier marché du vélo électrique. «Cela dit, la marque elle-même est déjà une carte de visite efficace dans ces pays», tempère Guillaume Hemmerlé, directeur de participations chez Sigma Gestion, un fonds actionnaire d’Easybike.
A l’étranger comme en France, Grégory Trébaol a fait le ménage dans la distribution. Il a supprimé une partie des intermédiaires, pour remonter le niveau de marge des détaillants. «Désormais, ces derniers gagnent environ 30% sur nos modèles, un niveau conforme à ce qui se pratique dans le secteur», explique le boss. Plus motivés, les détaillants n’ont plus de raisons d’être négligents dans leurs conseils au client. Et le nombre de points de vente a augmenté, de 130 à 200.
Fan-club. Grégory Trébaol ne mise pas sur la pub pour soutenir la croissance de son réseau. «La marque n’en a pas encore les moyens.» Mais il emporte ses Solex dans tous les salons spécialisés de la planète, en Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis. C’est sa seule dépense de com hormis un partenariat avec le Tour de France, qui a cobrandé une série limitée de Solex. Pour le reste, Trébaol compte sur l’enthousiasme des 300 clubs de passionnés pour relancer sa notoriété en France.
«La nostalgie, c’est bien, mais Solex doit aussi mettre en avant le plaisir et l’émotion», relève Bertrand Chovet, directeur de l’agence Interbrand Paris, spécialiste de la valorisation de marques. Le plaisir de ne plus avoir de cambouis sur les mains après avoir pédalé comme un fou pour entendre la pétarade du démarrage ?
«La nostalgie, c’est bien, mais Solex doit aussi mettre en avant le plaisir et l’émotion», relève Bertrand Chovet, directeur de l’agence Interbrand Paris, spécialiste de la valorisation de marques. Le plaisir de ne plus avoir de cambouis sur les mains après avoir pédalé comme un fou pour entendre la pétarade du démarrage ?
La gamme a évolué doucement :
e-Scooter :
Lancé en 2007. Son moteur s’actionnant sans pédaler, il est considéré comme
un scooter et exige casque et assurance. Pour une vitesse maxi de 35 km/h…
Lancé en 2007. Son moteur s’actionnant sans pédaler, il est considéré comme
un scooter et exige casque et assurance. Pour une vitesse maxi de 35 km/h…
Vélo pliable :
En 2009, Solex sort un premier VAE, vélo à assistance électrique (qui fonctionne quand on pédale), mais pliable. Un marché de niche.
En 2009, Solex sort un premier VAE, vélo à assistance électrique (qui fonctionne quand on pédale), mais pliable. Un marché de niche.
Vélo électrique :
Solex s’attaque enfin, en 2011, à la catégorie des VAE classiques, en plein boom. Avec trois modèles, du moyen au haut de gamme.
Solex s’attaque enfin, en 2011, à la catégorie des VAE classiques, en plein boom. Avec trois modèles, du moyen au haut de gamme.
Fiche d’identité :
- Le premier VéloSolex a été lancé en 1946 par Solex, à l’époque spécialiste des radiateurs et des carburateurs. Il s’en est vendu près de 8 millions avant l’arrêt de la fabrication, en 1988.
- La marque Solex a appartenu tour à tour à Renault, à Yamaha,à un fabricant hongrois, à Fiat et au groupe Cible (Usines Center), avant d’être rachetée cette année par Easybike.
- Un tiers de la production va être relocalisé à Saint-Lô,en Normandie.
- Le premier VéloSolex a été lancé en 1946 par Solex, à l’époque spécialiste des radiateurs et des carburateurs. Il s’en est vendu près de 8 millions avant l’arrêt de la fabrication, en 1988.
- La marque Solex a appartenu tour à tour à Renault, à Yamaha,à un fabricant hongrois, à Fiat et au groupe Cible (Usines Center), avant d’être rachetée cette année par Easybike.
- Un tiers de la production va être relocalisé à Saint-Lô,en Normandie.
Quand Harvard démolit la politique de la gauche
Un professeur de la prestigieuse université démontre par A + B que notre politique économique est un désastre. Pourtant rien ne change. Silence, on coule !
Tandis que la France s'enfonce dans un marasme absolument sans précédent, tellement lourd qu'on ne sait plus comment faire en sorte que les socialistes s'en aperçoivent, ceux-ci ne trouvent rien de plus urgent que de s'attaquer au problème du racisme. Tous les jours, des usines ferment et des entreprises sont liquidées, mais c'est à la une d'un journal que personne ne lit que la gauche tout entière consacre son attention. Ne craignant pas de se caricaturer elle-même, cette grande famille fiscale s'est réunie ce week-end dans un cinéma de Saint-Germain des Prés, à l'initiative de Bernard-Henri Lévy.Le président de la République en personne y est allé de son commentaire depuis Israël, où il était interviewé par une Ruth Elkrief qui s'adressait à lui comme on parle à une personne très âgée dont on n'est pas certain qu'elle nous comprenne bien. Ce qui frappait, comme d'habitude, c'est la joie de ce bonhomme, qui en dépit de sa chute libre dans l'opinion continue de discourir avec gourmandise, semblant par moments contenir un rire malvenu montant irrépressiblement du fond de son indéfectible optimisme. Espérons qu'il donne son corps à la science : des voies nouvelles s'offriront à la neurologie. La politique économique de la France est une catastropheLes élections présidentielles ont donné le pouvoir politique à des fous. Ces gens sont tellement aveuglés par leur dogme qu'ils prennent des mesures qui sont en train d'achever le malade. Notre pays observe, interloqué, son médecin lui administrer (c'est le cas de le dire) les dernières doses de poison. Une bonne nouvelle : si nous nous relevons de ce quinquennat, nous pourrons conquérir le monde, et au-delà.Le professeur Philippe Aghion, conseiller de François Hollande pendant la campagne présidentielle, et qui enseigne l'économie à l'université de Harvard - laquelle sera bien sûr accusée par l'Unef d'être une fac de droite, néfaste, inféodée à Goldman Sachs, bien moins utile au bien commun que le département sociologie de Lyon 2 -, a publié une tribune lapidaire dans Le Monde du 16 novembre dernier. Il dit en substance : 1. Il y a des politiques économiques qui marchent. 2. Elles ont été testées ailleurs et ont démontré leur efficacité. 3. La politique économique de la France est une catastrophe.Il écrit notamment que "les comparaisons internationales montrent que les ajustements reposant sur les réductions de dépenses publiques ont permis de rétablir la croissance, tandis que l'ajustement basé sur des chocs fiscaux a entraîné des récessions fortes et prolongées".Pourquoi les chauves qui nous gouvernent n'écoutent-ils pas cet homme ? Qui d'autre écoutent-ils ? Cécile Duflot et sa licence de géographie ? Benoît Hamon et sa licence d'histoire ? Yamina Benguigui et son remarquable apport à la vie politique française ? À qui avons-nous confié le fameux monopole de la violence légitime, la faculté de faire des lois, de donner des ordres aux préfets, de commander à l'administration, d'édicter des circulaires, de nommer tel ou tel directeur de telle ou telle institution, de nous représenter sur la scène internationale, de décider de la politique migratoire, des interventions militaires, des programmes scolaires ? Jusqu'où iront-ils, et qui les arrêtera ? Gaspard Proust a eu raison de souligner que grâce aux sondages, le chef de l'État allait bientôt pouvoir connaître l'identité de ceux qui le soutiennent. Les journalistes de Minute, peut-être. Par gratitude.
La grande illusion Kennedy
La grande illusion Kennedy
Vivant, Kennedy séduisait. Mort, il a pris la dimension d’un mythe. À Dallas, l’Amérique a perdu bien plus qu’un président. Elle a dit adieu à une forme d’optimisme et de croyance en un avenir meilleur. Les Américains ne furent pas seuls à subir cette perte. Aujourd’hui encore, les contemporains du drame se rappellent ce qu’ils faisaient lorsqu’ils encaissèrent le choc.
Kennedy succédait à de vieux présidents. Eisenhower était l’homme du Débarquement de 1944. Il était d’un autre temps. L’Amérique de 1960 aspirait à tourner la page d’un siècle douloureux. Kennedy a fait rêver ses compatriotes, y compris en leur promettant la Lune. Sa nouvelle frontière a séduit la génération de l’après-guerre. Son sourire, sa famille, sa vie étaient aussi clinquants qu’un pare-chocs de Cadillac. En un mot comme en cent, il était jeune. De Gaulle, Churchill étaient de grands hommes, mais ils étaient vieux, gris, tristes. Surtout, ils étaient le souvenir vivant de l’horreur du monde des parents.
Dallas a sonné le glas de cette insouciance. On ne l’a pas su tout de suite. Pourtant, très vite, la statue de l’idole a été érodée par les révélations, les critiques. Pêle-mêle, la Baie des Cochons, l’affaire Marylin, les amitiés douteuses avec des mafieux, le passé du père ont éclaboussé sa légende. La vie de l’idole est sortie ternie par cette grande lessive.
À peine le sang de Dallas avait-il séché que les boys sont partis en masse au Vietnam. La guitare électrique était remplacée par les rotors des hélicos. Puis vint le temps des contestataires. Une nuit de juillet 69, les Américains décrochèrent la Lune. Kennedy avait gagné, au-delà de la mort. Mais les Trente Glorieuses n’avaient plus que quelques années à vivre.
Un demi-siècle après sa mort, Kennedy hante toujours la planète. Ses succès comme ses turpitudes passionnent. Il fut le dernier président américain qui fit croire à ses compatriotes que tout était possible. Sa mort, nul ne pouvait alors le prévoir, mettait fin à notre croyance en un monde sans limite, où tout est possible. À l’heure de la survie planétaire, JFK redevient plus que jamais ce qu’il fut : une grande illusion. La nôtre.
Cap dissolution
Cap dissolution
“Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est celui où il commence à se réformer”, disait Tocqueville. Hollande a peu d’issues devant lui.
Remise à plat. Jean-Marc Ayrault l’annonce (les Échos de ce 19 novembre) : il faut remettre à plat notre fiscalité, trancher dans les dépenses publiques, réaliser plus d’économies. Très bien. Si ce n’est que, prévoyant cela pour le budget 2015, il donne comme exemple de ce qu’il veut faire sa propre réforme des retraites — autant dire une réforme pour rien, qui ne comporte que des hausses de cotisations… Il faut ajouter que ce gouvernement s’est d’avance disqualifié pour conduire cette remise à plat fiscale, son premier ministre en particulier, lequel nous affirmait il y a un an que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôts, avant de prévoir en septembre dernier une “pause fiscale” en 2015, quinze jours après que le chef de l’État en eut parlé pour 2014…
Tocqueville rappelait que « le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer ». Or celui-ci ne commence même pas à se réformer, il déclare seulement par la voix de son sous-chef qu’il va le faire, et c’est pire. L’agence Standard & Poor’s, qui dégradait la note de la France le 8 novembre, accompagnait sa décision par un commentaire dans le droit fil de l’observation de Tocqueville : toute réforme a besoin, pour être menée à bien, du soutien et de la confiance du public. Le gouvernement Hollande-Ayrault n’a plus ni l’un ni l’autre.
Il faut pourtant changer de politique, l’actuelle n’ayant abouti qu’au blocage général et à la révolte fiscale. Ségolène Royal l’affirmait dimanche dernier sur France 3 : il est temps, disait-elle, de fixer un nouveau cap, de redonner des perspectives au pays, de libérer ses énergies. Mais cette nouvelle politique dont commence à parler Ayrault (c’est-à-dire Hollande), qui peut la mettre en oeuvre ? Qui peut faire voter une telle réforme fiscale, c’est-à-dire non pas une pause mais une baisse massive des impôts et des charges sociales ? « Ce n’est pas une question de casting gouvernemental », dit Ségolène Royal. Certes, car il faudrait pour cela que notre équipe dirigeante soit capable de défaire (excepté l’accord sur le marché du travail) tout ce qu’elle a fait depuis dix-huit mois, et qu’elle le fasse approuver par une majorité parlementaire, constituée pour moitié d’apparatchiks du Parti socialiste, qui s’est ingéniée à aggraver par ses amendements les pires mesures gouvernementales. Elle devrait, en outre, le faire contre son électorat le plus à gauche.
« Le mal qu’on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dès qu’on conçoit l’idée de s’y soustraire », poursuivait Tocqueville. Arrivera donc le moment où le président de la République ne pourra pas éluder le choix : ou bien il est convaincu qu’il faut effectivement une nouvelle politique (changer de cap) pour redresser le pays avant qu’il ne soit trop tard, même pour lui, et dans ce cas, il rend la parole au peuple ; ou bien il continue d’espérer que les choses s’arrangeront d’elles-mêmes et annonce une réforme en trompe l’oeil qui lui permettra de conserver sa majorité actuelle ; il préparerait alors la crise finale.
Pour le pays, il faut souhaiter la dissolution de l’Assemblée, incapable de voter une autre politique. « La dissolution, disait Jacques Chirac le 14 juillet 1996, n’a jamais été faite, dans notre Constitution, pour la convenance du président de la République. Elle a été faite pour trancher une crise politique. » Neuf mois plus tard, alors qu’il n’y avait pas de crise politique à proprement parler, il prit la décision de dissoudre l’Assemblée et l’on en connaît les résultats : les triangulaires avec le Front national, la large victoire de la gauche plurielle de Lionel Jospin. Aujourd’hui, François Hollande pourrait d’autant plus s’inspirer des propos tenus par Jacques Chirac, le 21 avril 1997 (voyez l’Histoire de la Ve République de Chevallier, Carcassonne et Duhamel) que nous traversons une vraie crise politique : « J’ai acquis la conviction qu’il faut redonner la parole à notre peuple afin qu’il se prononce clairement sur l’ampleur et le rythme des changements à conduire… »
La dissolution déboucherait sur une nouvelle cohabitation, président de gauche, majorité de droite (Mitterrand en a connu deux). C’est alors que la remise à plat annoncée pour 2015 pourrait effectivement entrer dans les faits. Naturellement à une condition, que Jean-François Copé et l’UMP se soient préparés, que leurs projets aient été rédigés et connus de l’opinion. Même si M. Hollande ne se résout pas à dissoudre, la droite aurait au moins montré qu’elle se tenait prête. Ce ne serait déjà pas si mal.
L’entraîneur
L’entraîneur
Il faut donc croire aux miracles. Les Bleus ont transformé le stade de France en grotte de Lourdes, et il s’en est fallu de peu que le Christ qui surplombe Rio ne lève les bras d’allégresse. Les plus athées diront que rien ne vaut un bon coup de pied au… but pour ramener les cancres dans le droit chemin.
Oubliés les états d’âme, le découragement et les imprécations. Ribéry et ses potes iront donc au Brésil, grâce à un Deschamps qui a su, enfin, trouver la bonne clé. Du coup, la France a ressorti ses trois couleurs, brandi les drapeaux et réappris à compter jusqu’à trois (sans attendre la réforme des rythmes scolaires). Il y a bien quelques grincheux pour remarquer qu’à côté des résultats en dents de scie des Bleus, les montagnes russes sont aussi plates que la Beauce. Les mêmes adeptes du FC Saint-Thomas attendent les résultats brésiliens pour croire en la résurrection du football français.
Et comme le veut la tradition, 60 millions de Français se retrouvent derrière les vainqueurs d’un soir. Cette unanimité a interpellé un autre spécialiste des grands moments de solitude : François Hollande. Le chef de l’État a évidemment puisé dans ce résultat des raisons d’espérer. Usant à son tour de la parabole, le président a confié aux caméras que « les victoires, en ce moment, on les goûte particulièrement ». Doux euphémisme, si l’on songe à l’équipe de Matignon qui marque plus de buts contre son camp qu’elle n’en inscrit dans sa politique économique. L’homme de l’Élysée pensait-il à Vincent Peillon, coûteux ailier gauche qui joue la montre dans les cours de récré ? À moins qu’il n’ait voulu mettre en garde Manuel Valls, brillant avant-centre, mais trop « perso ».
François Hollande a prononcé un autre commentaire qui a interpellé les journalistes en remarquant que la victoire est due « à l’équipe de France, et à l’entraîneur. L’entraîneur, ça compte ». Pour l’heure, le coach élyséen est aussi populaire que Raymond Domenech et son bus raté en Afrique du Sud. Va-t-il, comme Deschamps, changer de joueurs pour, enfin, gagner ? Attention : quand une équipe perd, on vire souvent l’entraîneur. Et en matière politique, le Brésil est très, très loin.
Le pire est encore à venir
Le pire est encore à venir
François Hollande, qui promettait la reprise et l’inversion de la courbe du chômage, va devoir gérer une année 2014 bien plus mauvaise que prévu.
Winston Churchill aimait à dire que « s’occuper des choses les plus sérieuses du monde n’est possible qu’à condition de comprendre aussi les choses les plus dérisoires ». Ce que d’autres résument avec la traditionnelle formule selon laquelle « le diable est dans les détails ». Justement, ce sont toutes ces gouttes d’eau faisant déborder le vase trop plein du ras-le-bol fiscal qui ont créé le climat délétère dans lequel baigne aujourd’hui la France. Mais quand la coupure entre le peuple et ceux qui sont censés le représenter est profonde à ce point, toutes les marges de manoeuvre dévolues à une majorité qui a tous les pouvoirs disparaissent, s’évanouissent et entraînent l’évaporation de la confiance des Français.
Que l’on ne s’y trompe pas : le mouvement des “bonnets rouges” ne va pas s’arrêter là. L’exaspération est telle en Bretagne, chez les agriculteurs, les pêcheurs ou les routiers, que la journée du 30 novembre risque d’être très difficile à vivre pour le gouvernement. Le mouvement des camionneurs et celui des ambulanciers viennent se greffer là-dessus. Les opérations escargots de chauffeurs vont se multiplier pour déboucher sur une possible paralysie des grands axes routiers. Comme cela s’est déjà passé sous Pierre Bérégovoy, obligeant le premier ministre à envoyer les chars pour démanteler les barrages de poids lourds.
Mais nous franchissons en ce moment le cap le plus difficile dans le climat actuel d’exaspération qui règne dans le pays. Car, alors que tous les membres du gouvernement ne parlent que de “pause fiscale”, c’est un vrai “choc fiscal” estimé à 7 milliards d’euros qui attend les Français en 2014 quand vont prendre effet, à partir du 1er janvier, les nouveaux taux de TVA. Et la peur commence à gagner ceux qui seront les premiers affectés : les artisans, notamment dans le domaine du bâtiment, mais aussi tous les petits entrepreneurs qui manifestent eux aussi leur mécontentement. Quant aux consommateurs, c’est maintenant que la douloureuse va leur être présentée. Si bien que le début de l’année 2014 va être marqué par une série de hausses de prix dans tous les domaines, avec en premier les transports publics et l’énergie.
Tout cet environnement est explosif sur le plan social, comme l’affirment nombre de voix autorisées à droite comme à gauche. Mais il est plus qu’inquiétant sur le plan purement économique. La gauche, qui promettait la reprise et l’inversion de la courbe du chômage, va devoir gérer une année 2014 bien plus mauvaise que prévu. Déjà, contrairement à toutes les attentes, la croissance française au troisième trimestre a enregistré un recul de 0,1 %, et la plupart des indices économiques qui étaient à l’orange passent progressivement au rouge. La consommation des ménages décélère, faute de pouvoir d’achat. Les exportations baissent à nouveau : moins 1,5 % après une hausse de 1,9 % au deuxième trimestre, tandis que les importations augmentent de 1 %, signe d’une nouvelle perte de compétitivité du pays.
Mais le plus grave, c’est que l’investissement vient de connaître, pour le septième trimestre consécutif, un nouveau recul. Cela concerne les ménages, qui réduisent leurs achats dans la pierre pour des raisons qui tiennent au matraquage fiscal. Comme les entreprises, qui renoncent à prendre des risques à cause d’une trop faible profitabilité et par manque de débouchés.
Les anticipations — un mot horrible mais fondamental en économie — sont tellement négatives que les entreprises n’investissent pas, même pour renouveler leurs équipements. Un sondage réalisé il y a quelques jours par l’Ifop auprès d’un échantillon représentatif de 2 millions de patrons de très petites entreprises montrait que 72 % d’entre eux ont renoncé à investir et 46 % à embaucher, à cause de la politique fiscale menée depuis dix-huit mois.
Le problème, c’est que François Hollande et Jean-Marc Ayrault, ainsi que leurs entourages respectifs sont toujours dans le même déni de réalité. Avant d’être élu à l’Élysée, l’actuel président niait la dureté de la crise économique qui affectait l’Europe. Aujourd’hui, il refuse de regarder en face tous ces chiffres et leur traduction concrète à travers les jacqueries qui se multiplient dans le pays. Et quand la principale agence de notation dégrade la note attribuée à la dette publique française, Pierre Moscovici et son ministre délégué au Budget paradent dans les médias sur le mode “même pas peur, même pas mal”. Il reste que l’OCDE, Bruxelles et surtout l’Allemagne, qui jusqu’ici faisaient preuve de mansuétude à notre égard, s’inquiètent désormais publiquement. Que François Hollande touche le fond sur le plan de la popularité, c’est son problème. Mais qu’il entraîne la France dans sa chute au point d’en faire la bombe à retardement de l’Europe entière, c’est notre problème à tous.
La métaphore du sursaut national
La France humiliée la semaine dernière s'est redressée face à l'Ukraine. Une situation dont il ne faudrait pas tirer trop vite des conclusions politiques...
Mardi soir, l'équipe de France de football a gagné. La partie, retransmise par TF1, s'est déroulée sous les yeux de 13,5 millions de téléspectateurs, avec un pic à 18 millions, pulvérisant les records d'audience. À la suite du match catastrophique qui avait eu lieu à Kiev vendredi dernier, j'avais écrit un billet titré "La France qui perd". Un internaute contributeur écrit sous ma chronique : "Chère Madame Rheims, ayant écrit un article assassin sur l'équipe de France, associant sa défaite à la situation politique actuelle, je ne doute pas qu'après cette belle victoire votre déontologie vous oblige à en rédiger un qui rendra hommage au courage des joueurs... et du chef de l'État :-)."
Ce message rejoint les moqueries qui sont tombées, après cette victoire inespérée, sur la tête de tous les chroniqueurs qui avaient laissé exploser leur colère contre cette équipe après le match calamiteux de vendredi, en particulier Pascal Praud et Pierre Ménès. Si je ne me sens pas du tout "obligée", par "déontologie", à rendre "hommage aux joueurs et au chef de l'État", comme le demande Éric-91360, force est de constater que le contraste entre les deux matchs à quatre jours d'intervalle a de quoi faire réfléchir.
De la France qui perd à la France qui gagne
Derrière cette question, on entend une demande de reconnaissance valable aussi bien pour le football que pour la politique, puisqu'il s'agissait, avec la "France qui perd", d'une métaphore entre les deux. Il faudrait reconnaître qu'il peut y avoir, aussi peu probable que cela puisse paraître, un sursaut national qui nous ferait tourner la page et passer brusquement à la "France qui gagne " après des mois, des années de déprime et de pessimisme. On imagine que la décision au dernier moment de François Hollande d'être présent dans les tribunes relevait de cet espoir. Il annonça d'ailleurs d'emblée que la nation tout entière était derrière son équipe nationale.
Il est évident que, d'un match à l'autre, on ne voyait pas la même équipe et le fait de jouer au Stade de France avec des supporteurs qui chantaient la Marseillaise comme jamais n'explique pas tout. L'équipe du match aller était celle d'un regroupement d'individualités, stars bien payées dans leurs clubs internationaux, soucieuses de ne pas se blesser face à l'agressivité de joueurs ukrainiens qui avaient beaucoup moins à perdre en cas de blessure et beaucoup plus à gagner en cas de victoire. Cette équipe de France, celle "qui perd", est un symbole d'un pays dans la tourmente de la mondialisation face au diktat de la finance toute-puissante.
La métaphore a ses limites
La question que tout le monde se posait était de savoir si cette équipe de la "désagrégation" nationale face à la mondialisation était capable de se ressaisir, en tant que collectif, au nom du patriotisme, du maillot bleu, de la nation et de la Marseillaise, afin d'aller au combat, pour l'honneur et pas pour l'argent, comme des soldats qui acceptent leur destin sur le champ de bataille au nom d'une communauté qui les transcende.
C'est là où la métaphore trouve peut-être ses limites, car ce qui est possible avec un petit groupe de sportifs de haut niveau qui sont le dos au mur et risquent de perdre la face en étant éliminés de la coupe du monde, avec de graves conséquences pour leurs carrières, n'est pas comparable à ce qu'on peut attendre d'un pays de 66 millions d'habitants connus pour leur individualisme et leurs particularismes, et surtout qui n'entendent pas tous la même chose quand on leur parle de "sursaut national".
Certains pourraient même aller jusqu'à n'entendre par là qu'une victoire possible du Front national, d'une France sauvée par les valeurs de Marine Le Pen
Le temps des sycophantes
Auréolé du prix Renaudot de l'essai, Gabriel Matzneff est la cible d'une pétition sur sa prétendue immoralité. Donnons-lui la parole.
Une amie friande d'Internet m'apprend qu'y circule une pétition où un écrivain qui vient d'obtenir un important prix littéraire est attaqué par des sycophantes qui dénoncent ses mauvaises moeurs, sa vie scandaleuse, et demandent aux jurés dudit prix de lui retirer la couronne qu'ils viennent de lui décerner.
Juger un livre, un tableau, une sculpture, un film non sur sa beauté, sa force d'expression, mais sur sa moralité ou sa prétendue immoralité est déjà une spectaculaire connerie, nos amis italiens diraient una stronzata megagalattica, mais avoir en outre l'idée malsaine de rédiger ou de signer une pétition s'indignant du bel accueil que des gens de goût font à cette oeuvre, une pétition dont l'unique but est de faire du tort à l'écrivain, au peintre, au sculpteur, au cinéaste, est une pure dégueulasserie.
Certes, ce n'est pas Internet qui a créé la lamentable race des sycophantes. Les délateurs ont toujours existé, et sous l'occupation allemande les lettres de dénonciation s'entassaient sur les bureaux de la Gestapo ou de la Milice. À l'époque, ce que cafardaient les citoyens honnêtes, ce n'étaient pas les mauvaises moeurs de tel auteur, mais le fait qu'il écoutait Radio Londres ou cachait un aviateur anglais dans son placard, ou avait une grand-mère juive. En démocratie, les conséquences de pareilles saloperies ne sont, grâce à Dieu, pas les mêmes que sous un régime totalitaire, mais le caractère ignoble de ces dénonciations destinées à nuire est, lui, absolument identique.
Les réseaux sociaux exacerbent la jalousie
Internet n'a donc rien inventé, mais les mouchards s'y multiplient comme des cafards dans un garde-manger. Les réseaux sociaux pourraient être d'extraordinaires truchements de l'amitié, de la fraternité, mais hélas, pour des raisons que je laisse aux sociologues le soin de nous expliquer, ils favorisent surtout l'exacerbation de la jalousie, du ressentiment, de la violence, du lynchage. La haine des Romanichels, les insultes racistes contre la garde des Sceaux (pour ne donner que deux exemples actuels, mais il y en a bien d'autres), la mise au pilori du prochain s'y donnent libre cours. Le coeur de l'homme s'y dévoile dans toute sa médiocrité, son infamie.
Vous vous souvenez de la magnifique chanson qu'interprétait Serge Reggiani, Les loups sont entrés dans Paris. Aujourd'hui, ce n'est pas qu'à Paris, c'est sur la planète entière que, grâce à ce qu'il est convenu d'appeler les réseaux sociaux, les sycophantes s'impatronisent. On y trouve de tout : les ringards surexcités qui signent leurs éructations, les ringards surexcités aux éructations anonymes, mais dans l'un et l'autre cas, c'est la même malveillance, le même pharisaïsme, la même ringardise venimeuse.
La seule maîtresse à laquelle je sois, depuis mon adolescence, resté rigoureusement fidèle est la langue française : les dons, le talent, l'énergie créatrice dont Dieu a bien voulu me doter, je les ai entièrement consacrés au service de cette langue qui est l'instrument de mon art et grâce à laquelle j'écris des livres qui, je l'espère, sont beaux et font honneur à mon pays. Pourtant, jusqu'à ce jour, je n'avais jamais été reconnu par mes pairs. Je viens, à soixante-dix-sept ans, de l'être par mes confrères du prix Renaudot, et je pensais que tous les amoureux de la langue française, de la littérature française, s'en réjouiraient, comme tous les cinéphiles se réjouirent quand mon cher Totò, longtemps tenu à l'écart, reçut enfin, peu de temps avant de mourir, le "nastro d'argento" pour son rôle dans Uccellacci e Ucellini de Pasolini.
L'art n'a rien à voir avec la morale, absolument rien
Ce prix, s'il réjouit en effet les coeurs généreux, excite simultanément la rage de la racaille pharisaïque qui glapit ses anathèmes contre mes moeurs, mon style de vie. Ces misérables sycophantes ne sont pas tous idiots, ils savent aussi bien que moi qu'en art, et notamment en littérature, tout est sujet, qu'il n'y a pas de grands et de petits sujets, de sujets nobles et de sujets ignobles ; qu'un écrivain, c'est une sensibilité modelée par une écriture, un univers soutenu par un style. Que l'art n'a rien à voir avec la morale, absolument rien. Ils devraient en tout cas le savoir s'ils ont lu mes livres, ne serait-ce que le chapitre que je consacre à la censure dans l'essai qui me vaut ce prestigieux prix Renaudot. Mais m'ont-ils lu ? Lisent-ils ? J'en doute. Ces zozos citent des extraits "scandaleux" de mes livres, toujours les mêmes, qu'ils ont sans doute dénichés sur Internet, mais je ne crois pas qu'ils aient mes livres dans leur bibliothèque ; je crois qu'ils n'ont pas de bibliothèque, qu'ils n'aiment ni la beauté, ni la liberté, ni l'art. Ce qu'ils aiment, c'est haïr, c'est dénoncer, c'est ameuter les foules anonymes d'Internet contre un homme seul.
J'ignore quelle tronche peuvent avoir ces brûleurs de livres. Je les imagine assez bien sous le trait du type qui a tiré au fusil sur un photographe de Libération et dont je viens de voir l'image à la télévision. Car, si Bernanos a raison d'écrire qu'il n'y a qu'un amour, j'ai semblablement raison de croire qu'il n'y a qu'une haine.
Le « choc fiscal » selon Ayrault
Le « choc fiscal » selon Ayrault
On ne parle plus que de ça. L’Etat socialiste aux abois devant le ras-le-bol fiscal – des familles de modeste classe moyenne qui se sentent impuissantes et menacées, aux plus riches qui peuvent bien plus facilement aller ailleurs en emportant avec eux leurs richesses – a sorti de son chapeau une « remise à plat de la fiscalité ». Elle sonnerait presque bien sur le papier dans un pays où la complexité de l’imposition et des prélèvements obligatoires est une réalité. Mais l’« initiative » de Jean-Marc Ayrault, aussitôt approuvée par François Hollande, à telle enseigne qu’on devine de la part du Président et du Premier ministre une gestion de crise d’extrême urgence destinée à désamorcer la colère sociale, n’a qu’un objectif qui disqualifie d’emblée le projet : répartir autrement une pression fiscale devenue insupportable.
Autrement dit, faire miroiter à son électorat naturel l’espoir de voir certaines charges qui aujourd’hui explosent migrer vers d’autres assiettes. Du point de vue socialiste, il y a là sans doute une grosse manœuvre tactique : préserver le réservoir électoral des populations d’origine étrangère qui, souvent « défavorisées » (on nous le dit assez !) ont tout intérêt à voir préservé le niveau de dépenses de l’Etat et qui savent l’exprimer dans les urnes ; mais aussi séduire de nouveau les ouvriers, employés, gens de petits moyens aux prises avec l’incapacité de l’Etat à assurer ses fonctions régaliennes et qui se tournent vers ce qu’ils perçoivent comme des votes « contre le système ».
La manœuvre a ses limites, aussi : le PS est aujourd’hui un parti de riches – voyez Paris de plus en plus boboïsé et de plus en plus à gauche – qui n’aiment pas davantage signer des chèques au Trésor que les autres.
La grande mise à plat selon Ayrault n’annonce, on peut le dire avec certitude, rien de bon, même dans son état de flou actuel et même si, prudent, le Premier annonce qu’il faudra plusieurs années pour qu’on arrive à quelque chose de cohérent : « jusqu’à la fin du quinquennat », a-t-il prévenu. En butte à une insatisfaction spectaculaire, presque aussi importante que celle dont François Hollande fait l’objet, Ayrault et son compère de l’Elysée lancent là un avertissement qui, en lui-même, a de quoi miner la confiance économique : ils n’ont pas l’intention de s’en aller.
Plusieurs mesures sont déjà à prévoir. Le prélèvement de l’impôt à la source est un bien vieux rêve du pouvoir mais il faudra soit oser doubler les contributions sur une année, pour récupérer à la fois les sommes dues sur les revenus de l’année précédente et celles de l’année en cours, soit renoncer à un an de prélèvements – impensable !
La fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu est une autre piste certaine, couplée avec une protection des revenus les plus faibles ; ce qui annonce évidemment des prélèvements encore plus lourds sur les classes moyennes et supérieures sans, probablement, que la composition familiale soit prise en compte.
Et nul n’ose vraiment dire l’injustice de cette progressivité de l’impôt, qui décourage l’initiative, offre une prime à ceux qui se démènent le moins, et chasse les plus libres de s’en aller. On oublie trop de rappeler que l’impôt progressif était au nombre des dix exigences du Manifeste de Karl Marx. Aujourd’hui que 8 000 foyers paient déjà plus de 100 % de leurs revenus en impôts, la réforme Ayrault apparaît comme une gigantesque opération de matraquage supplémentaire.
A quoi s’ajoute d’ailleurs la fameuse « mise à plat » de la fiscalité locale déjà évoquée par le Premier ministre dans le cadre de son « choc » qui s’annonce tout sauf positif.
On peut se demander aussi, dans un contexte de hausses multiples rétroactives, absolument sans complexes, de la taxation de l’épargne, du démantèlement des justes avantages familiaux et d’une augmentation des dépenses « idéologiques » – pour l’Education nationale notamment – pourquoi l’Etat Hollande ne s’en prendra pas aux déductions fiscales pour les dons aux associations.
En rebattant les cartes de l’impôt, il n’a certes pas pour objectif de préserver et étendre les libertés. Ça se saurait !
Un bon tour de fisc !
Un bon tour de fisc !
On pensait que Jean-Marc Ayrault pourrait être prochainement « remanié » et le voici, bien au contraire, qui remanie les autres sans ménagement. Il a même donné un sacré « tour de fisc » à Bercy ! Non content d'avoir tenu à l'écart les ministres concernés directement par son projet de remise à plat du système fiscal, il devrait nommer sous peu deux nouveaux directeurs au Trésor et au Budget. Histoire d'asseoir son autorité sur ce vaste chantier qu'il a décidé de saisir à « bras le corps ». Histoire aussi de se rendre indispensable pour les mois à venir en redonnant du sens à sa fonction.
Il est clair qu'il entre dans cette réforme à risques une indéniable dimension d'engagement personnel. Jean-Marc Ayrault, qui n'a plus grand-chose à perdre, aurait convaincu François Hollande… de le suivre (malgré les réticences exprimées depuis des mois), en lui servant de fusible. Ces considérations tactiques ne doivent pourtant pas occulter le fond du dossier. Une « remise à plat » aussi importante ne saurait répondre à de simples considérations d'opportunité.
Au-delà de l'effet de surprise, il reste donc, pour Jean-Marc Ayrault, à tenir un pari très difficile. D'abord parce qu'il ne dispose d'aucune marge budgétaire. Ensuite parce qu'il n'y a rien de tel qu'une refonte des impôts pour susciter des espoirs et générer des frustrations. Le Premier ministre a assuré que la réforme se ferait à prélèvements constants. Inutile de se voiler la face : cela signifie, en période de croissance faible ou nulle, qu'il n'y aura pas de gagnants sans perdants.
Comment satisfaire à la fois ceux qui réclament une restitution de pouvoir d'achat aux salariés et ceux qui demandent la baisse des charges des entreprises ? Comment gérer une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG qui, sauf importante progressivité de celle-ci, aboutirait à des pertes de recettes insupportables ? Où placer le curseur pour qu'un légitime système redistributif ne devienne pas confiscatoire et démobilisateur ? La morale fiscale passe d'abord par la chasse aux « optimisations », aux niches et à la fraude. Ensuite, il ne peut y avoir de justice fiscale sans justesse dans la sollicitation des contribuables.
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