TOUT EST DIT

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mardi 1 février 2011

Pourquoi le couple Microsoft-Intel bat de l'aile

Une page se tourne. En annonçant, début janvier, au Consumer Electronics Show de Las Vegas que Microsoft allait développer une version de Windows pour des puces ARM, Steve Ballmer, le PDG de l'éditeur a provoqué une véritable onde de choc. Qui annonce la fin d'une époque.

Celle où le micro-ordinateur n'avait aucun autre rival dans l'informatique personnelle, par la magie d'une alliance jalouse conclue entre Intel et Microsoft dans les années 1980. Grâce à elle, les deux acolytes sont devenus des icônes de l'industrie high-tech américaine, dominant un marché mondial passé de 60 millions de dollars en 1975 à plus de 300 milliards de dollars l'année dernière.

Un marché qui continue de croître, au moins en volume, alors qu'on estime à près de 1,5 milliard le nombre de PC déjà en service. Dont plus de 90 % dotés d'une puce Intel et d'un système d'exploitation Windows...

C'est ce monopole dont Microsoft a annoncé, de fait, la fin prochaine puisque, en théorie, rien n'empêchera les principaux fabricants de puces ARM (Texas Instruments, Qualcomm, Nvidia) d'entrer enfin sur ce marché. Pas avant deux ans, néanmoins : le temps que Microsoft écrive son nouveau système d'exploitation. Mais cette perspective était proprement inimaginable à l'époque des procès antitrust intentés contre Microsoft...

Car le verrouillage du marché induit par l'alliance « Wintel » est précisément ce que combattaient le gouvernement américain, puis la Commission européenne, lorsqu'ils accusaient Microsoft d'abus de position dominante. Pourquoi ce dernier en vient-il aujourd'hui à baisser les armes ?

C'est qu'Internet et la mobilité ont grandement déplacé le centre de gravité de l'informatique. L'avènement rapide de terminaux portables et souvent ultralégers, la fusion entre téléphonie et micro-informatique connectée (« smartphones ») ont bouleversé la donne. A tel point que ces terminaux seront bientôt plus nombreux et plus stratégiques que les PC.

Pour le malheur du couple Wintel, cette redistribution des cartes ne s'est faite ni au profit de Microsoft ni à celui d'Intel. Aucun des deux, c'est un euphémisme, n'est une force dominante sur ces nouveaux marchés. Les puces Intel, pourtant ultrapuissantes, sont en effet trop consommatrices d'électricité (un défaut majeur pour les performances et les prix). Quant au système d'exploitation de Microsoft, il est considéré comme mal adapté aux terminaux légers dotés d'écran tactile et d'interfaces utilisateurs simplifiées.

Le choix de Microsoft constitue donc un acte défensif - radical, espère l'éditeur -pour tenter d'éviter que son système d'exploitation ne soit définitivement marginalisé sur des marchés qui représentent l'informatique de demain.

Mais cette décision, courageuse, va réclamer d'importants investissements. Le travail d'adaptation de Windows aux puces ARM et à la mobilité va en effet exiger des ressources considérables. Et rien n'indique encore, malgré des moyens financiers pratiquement illimités, que l'ex-firme de Bill Gates parviendra à ses fins, tellement la tâche est considérée comme ardue par les spécialistes.

Mais l'éditeur avait-il encore le choix ? Alors qu'ils mettent en commun tant de ressources techniques et financières, et depuis si longtemps, Microsoft et Intel n'ont su inventer ni l'iPhone, ni l'iPad, ni même une architecture de mini-PC.

Circonstance aggravante : au-delà de son propre échec, Microsoft voit son partenaire de toujours s'éloigner peu à peu pour tenter de s'imposer, de son côté. Sans lui.

Un pari qui n'est pas non plus gagné d'avance : les puces Atom, concurrentes de celles basées sur ARM, sont loin d'être dominatrices dans les terminaux mobiles : Apple, qui a choisi Intel pour les puces de ses Macintosh, a préféré l'architecture ARM pour ses terminaux mobiles.

Intel voit dans son échec relatif la nécessité d'adopter avec plus d'agressivité encore une stratégie « hors Microsoft » dont plusieurs actes significatifs ont déjà été joués.

Ainsi, le numéro un mondial des puces a choisi Nokia pour développer un système d'exploitation pour terminaux mobiles, MeeGo, basé sur Linux. A l'été 2009, déjà, Intel rachetait son voisin californien Wind River, spécialisé dans les systèmes d'exploitation pour terminaux électroniques embarqués. Enfin, Intel développe des liens étroits avec Google pour optimiser le système d'exploitation du moteur de recherche Chrome, sur les systèmes informatiques équipés de ses puces.

Autant d'efforts qui, s'ils ne sont pas dirigés spécifiquement contre Microsoft, ne pourront que nuire à l'éditeur s'ils se révèlent payants.

Au final, quel est donc l'avenir du couple Intel-Microsoft dans le paysage informatique de demain ? La réponse à cette question dépend d'abord de la place exacte que les terminaux mobiles occuperont finalement. Plus elle sera forte, moins ce qui reste du couple Wintel sera influent.

De ce point de vue, il est permis d'être pessimiste : les premières enquêtes montrent que moins de un an après sa sortie, l'iPad commence déjà à cannibaliser les mini-PC. A mesure que celui-ci - et ses concurrents -deviendront plus riches fonctionnellement, qu'ils seront dotés de davantage de possibilités de connexions et que leur capacité de calcul rivalisera avec de vrais PC, nul doute que la tendance se renforcera encore. Si Intel et Microsoft ne sont pas parvenus à dominer, ensemble, l'informatique mobile, y parviendront-ils chacun de leur côté ?

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