TOUT EST DIT

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mardi 1 février 2011

La France doit sécuriser d'urgence son accès aux minerais rares

Les difficultés d'accès aux matières premières minérales stratégiques ont atteint un point critique. Consciente de cette situation, la Commission européenne a publié dès le 17 juin 2010 un rapport s'alarmant des conditions d'approvisionnement de 14 matières minérales de la plus haute importance du fait de leur usage et de leur non-substituabilité à ce jour dans certaines industries de pointe à fort potentiel, telles que les piles rechargeables, les fibres optiques, le photovoltaïque, ou encore dans des technologies avancées dans les domaines du laser, de l'optique ou du médical. Dans le même rapport, les experts de la Commission mentionnent que, pour nombre d'autres minéraux, par exemple la magnésie, la bauxite ou le lithium, une petite variation d'un des paramètres actuels d'approvisionnement est susceptible de rendre la situation également critique. Ceci se traduit d'ores et déjà par une forte hausse du prix de tous ces minéraux, facteur notable d'inflation, et, au-delà, pose la question de leur disponibilité.
Les ressources minières sont en effet de plus en plus rares dans notre monde occidental, leurs conditions d'exploitation de moins en moins aisées et leur détention concentrée. Il faut et il faudra donc de plus en plus aller les extraire dans des zones géographiques où le partage équitable de la rente minière est un sujet de forte actualité, le cadre juridique gouvernant leur détention souvent fluctuant et les environnements politiques généralement compliqués, instables, voire dangereux. C'est le cas par exemple dans la majeure partie de l'Afrique, la République démocratique du Congo étant le cas extrême, ou dans l'ancienne URSS, où le Kazakhstan et la Mongolie sont de nouvelles frontières pour certains métaux et minéraux. Et ceci dans un contexte où les besoins des grands pays émergés pour les mêmes ressources continueront à aller croissant. Parmi ceux-ci, nous voyons la Chine, qui dispose d'importantes ressources minières domestiques, en restreindre année après année les quotas d'exportation, afin d'y ajouter plus de valeur localement. Parallèlement, les groupes chinois investissent massivement au-delà de leurs frontières, en Afrique par exemple, où ils ont sécurisé un accès privilégié à la vaste majorité des projets miniers en développement, pour assurer l'approvisionnement de leur pays. Comme on l'a vu récemment dans le domaine des terres rares, la Chine n'hésite pas non plus à utiliser une position de quasi-monopole mondial comme levier géopolitique.
Dans un tel contexte, il est stratégiquement essentiel que la France se dote de tous les moyens et de toutes les structures nécessaires, non seulement pour sécuriser son approvisionnement dans les matières premières minérales qui sont déjà importantes pour notre industrie ou le deviendront, mais également pour jouer un rôle stratégique de premier plan dans cette nouvelle cartographie des ressources mondiales. Notre pays dispose de nombre d'atouts dans cette perspective :- des formations de second degré de premier plan (Ecole de géologie de Nancy, Ecole des Mines), continuant à former chaque année des géologues et des ingénieurs miniers d'une qualité qui n'a rien à envier à celle des grands pays miniers ;
- une population de cadres et d'ingénieurs ayant l'expérience et la capacité de gérer des projets miniers et industriels dans les contextes les plus difficiles ;
-une excellente connaissance des applications de ces métaux et minéraux rares, du fait de notre excellence dans certaines filières industrielles ;
 des relations amicales, voire privilégiées, avec nombre des pays dans lesquels il faudra aller chercher les ressources minières de demain ;
- la présence de deux grands groupes industriels, Areva et Eramet, qui, quoique de plus petite taille que les géants miniers globaux comme Rio Tinto Alcan ou BHP-Billiton, disposent aujourd'hui de positions de leadership mondiales dans certains métaux rares (nickel, uranium, manganèse). Sans oublier le BRGM, qui reste dépositaire de bases de données et de compétences uniques dans le domaine de l'exploration minière.
La ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Christine Lagarde, semble consciente de ce besoin lorsqu'elle affirme qu' « il nous faut un pôle minier solide répondant aux objectifs stratégiques de la France ». Il faut espérer que cela donne le signal d'une réelle volonté de surmonter les obstacles, capitalistiques ou autres, pour mettre en commun rapidement, sous une forte égide publique, tous les moyens permettant d'atteindre cet objectif, ce qui permettra de libérer toutes les capacités d'investissement qui seront nécessaires. Comme le montrent les énormes opérations récentes de consolidation entre sociétés minières dans le monde, la flambée des cours des minéraux et les positionnements géopolitiques sur le sujet, la course aux ressources minières mondiales est engagée. Sachant qu'il faut, au minimum, entre cinq et dix ans entre l'identification d'une ressource minière viable et la mise en oeuvre de son exploitation, le temps nous est déjà compté.

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