Les ventes s’envolent, les dépenses publicitaires redécollent, les inaugurations de magasins somptueux ont repris… Bienvenue dans le secteur où la crise n’est déjà plus qu’un souvenir.
Certes, la vénérable entreprise, contrôlée à 73,4% par la famille, a aussitôt claironné qu’elle ne céderait jamais à ces avances et les héritiers Puech, Dumas et Guerrand, une bonne soixantaine au total, ont annoncé la création d’une holding afin de mieux protéger leur trésor. «Mais le dogme de l’inviolabilité d’Hermès a volé en éclats, explique Serge Carreira, maître de conférences à Sciences po et spécialiste du luxe. Bernard Arnault rêve depuis des années d’accrocher ce joyau à son tableau de chasse.»
Cet assaut surprise mené avec un mégachèque de 1,45 milliard d’euros a mis le monde du luxe en ébullition. Le signal est fort et clair : fini, la crise, l’argent fou est de retour et, avec lui, les juteuses recettes pour le commerce extérieur français, dans un secteur où nos entreprises s’arrogent 40% du marché.
Dopées par des résultats record qui alimentent la hausse vertigineuse de leurs cours en Bourse, les grandes maisons se remettent à investir comme jamais. Dans le capital d’un concurrent, comme LVMH. Dans la pub et l’ouverture de nouvelles cathédrales du luxe sur les avenues les plus chics du monde. Et dans la conquête de la Chine, leur nouvel eldorado.
Pendant deux ans, les entreprises du secteur se sont découvertes vulnérables : pour la première fois, leur chiffre d’affaires global a chuté de 10%, à 153 milliards d’euros fin 2009. Un temps, au plus fort de la crise, il fut même de bon ton de remettre en cause le bling bling des années 2000. Pouvait-on décemment s’offrir une Rolex au nez de son voisin licencié ? Prudentes, les élégantes se mirent à exiger des sacs banalisés pour dissimuler leurs emplettes chez Chanel ou Tiffany.
Mais cette pudeur est déjà passée de mode. En 2010, les achats ont repris de plus belle. Résultat ? Des hausses de chiffre d’affaires record : + 17% pour LVMH, + 21% pour Burberry et + 23% pour Hermès au cours des six premiers mois de l’année. Fin décembre, le chiffre d’affaires du luxe mondial devrait culminer à son plus haut niveau historique, autour de 170 milliards d’euros. Et les experts de Bain & Company s’attendent à un nouveau record dès 2011.
En Bourse, alors que les indices industriels se traînent, la cavalcade du luxe est effrénée. Aucun autre secteur n’est aussi attractif. «Le luxe bénéficie à la fois de la démocratisation des prix, de la prolifération des boutiques et de l’essor d’une clientèle à hauts revenus dans les pays émergents», explique Joëlle de Montgolfier, chez Bain & Company.
Le secteur est largement dominé par les Français
Exit aussi les top models, place aux actrices devenues les véritables égéries des marques. Au menu : glamour, célébrité et buzz. Le retour sur investissement ? Excellent : les ventes du dernier sac Lancel ont explosé quand Isabelle Adjani en est devenue l’emblème.
Pour alimenter la machine à rêve, les groupes mettent aussi la main sur les emplacements les plus coûteux afin d’y bâtir leurs nouvelles cathédrales. Aucun lieu n’est trop original ni trop cher pour ces vitrines extravagantes. Hermès vient ainsi d’ouvrir un espace de 1 470 mètres carrés dans l’ancienne piscine de l’hôtel Lutetia, au cœur du VIe arrondissement, l’un des plus chers de Paris. Coût estimé de cette réalisation ? Au moins 50 millions d’euros.
Seuls les leaders du secteur peuvent s’offrir ces hyper-vitrines qui leur donnent une visibilité exceptionnelle. «Ils raflent ainsi des parts de marché, au détriment des marques plus petites qui ne peuvent suivre cette course à la démesure», assure Serge Carreira. La rentabilité est elle aussi exceptionnelle. «En moyenne, on considère que ces magasins gagnent de l’argent au bout de trois ans. En Russie, il suffit même d’un an», estime Joëlle de Montgolfier, chez Bain & Company.
La Russie ? Comme le Brésil et l’Inde, c’est l’un des relais de croissance pour ces marques qui affolent les nouveaux riches. Mais la véritable bataille se déroule en Chine. Là-bas, Cartier, Hermès, Prada et consorts ont déjà ouvert plus de 500 boutiques pour s’accaparer un marché qui explose au rythme de 30% par an (lire page 51) et figure déjà au quatrième rang mondial.
La production des sacs, robes, montres et parures pourra-t-elle suivre la spectaculaire croissance du marché mondial ? Les grandes maisons, promptes à mettre en avant leur tradition artisanale, assurent qu’elles embauchent. Comme Louis Vuitton, qui inaugurera son douzième atelier en France en juin 2011.
Mais elles délocalisent aussi. Le même Vuitton vient d’ouvrir un troisième site de production en Espagne. D’autres multiplient les unités en Inde, en Roumanie, en Turquie (lire page 58). Sans s’en vanter. Sans baisser les prix non plus. «C’est le seul secteur dans lequel la délocalisation ne s’accompagne pas d’une révision des étiquettes», note un expert. De quoi préserver les marges en or du secteur.
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