mercredi 15 août 2012
L’euro, chef-d’œuvre en péril…
Présage d’une prochaine chute de l’euro ? En tout cas la nouvelle qui
court les agences de presse depuis vendredi dernier, souvent sous forme
de brèves, chagrine les européistes fervents : « Francfort déboulonne l’euro » ! Ce
déboulonnage ne concerne pour l’instant qu’une « sculpture bleue de
quinze mètres » en forme de E, « entourée des dix-sept étoiles »
représentant les pays de l’euro-groupe. Sculpture donc hautement
symbolique, qui s’offrait orgueilleusement aux regards admiratifs des
passagers de l’aéroport de Francfort, capitale financière de
l’Allemagne. Et accessoirement, depuis 1998, siège de la Banque centrale
européenne (BCE). Inaugurée en 2001 devant
tout le gratin européen, cette sculpture monumentale, se trouve, onze
ans après, sur le point d’être mise au rebut.
Une décision certes non politique. Elle a pour origine la
construction d’un troisième terminal destiné à désengorger cet aéroport
très fréquenté. Mais comment ne pas voir, dans cet escamotage statuaire,
au moment ou la zone euro chancelle, un signe supplémentaire du
désenchantement des Allemands (renforcé par la totale indifférence des
européens de tous pays débarquant à Francfort), à l’égard de cette
monnaie unique de plus en plus considérée par ses utilisateurs comme un
handicap ? « Nous devons nous assurer que la sculpture ne tombe pas »,
expliquent les autorités en charge des travaux, pour justifier le
retrait du totem monétaire. Une phrase ambigüe, qui nous renvoie aux
vacillements de la zone euro.
En outre, à Francfort, le symbole frappe deux fois. Un autre E gigantesque, ornant le siège BCE s’apprête à subir lui aussi le même retrait. Prétexte invoqué : la BCE change d’immeuble. « Et rien ne dit que la structure de 26 tonnes suivra. » De toute façon, cet euro sculptural est, selon les chargés de presse de la BCE, « en très mauvais état et ne répond plus aux normes actuelles ». Comme la monnaie qu’il symbolise ?
Planifier la sortie de l’euro
C’est aussi l’avis d’un ancien ministre des finances du Brésil, Luiz Carlos Bresser-Pereira, qui s’exprimait dans Le Monde
du 7 août dernier. « Une monnaie commune ne peut exister que dans un
Etat fédéral où les Etats fédérés n’ont plus guère d’autonomie fiscale,
où la dette est contrôlée par l’Etat fédéral… » Ce qui ne peut être le
cas des nations européennes. Donc, nous prévient l’ancien ministre des
Finances : « Si vous persistez à maintenir en vie l’euro, la
probabilité de le voir s’effondrer de façon incontrôlée grossit de jour
en jour. » Et de préconiser : « La voie la plus sage est de
mettre fin à l’euro de façon bien planifiée (…). Il faudrait un plan de
sortie extrêmement balisé : chacun des dix-sept pays reviendrait le même
jour à sa propre monnaie… » C’est la voie du bon sens. Celle que Présent
n’a cessé d’indiquer. Mais que nos dirigeants politiques, englués dans
leur grande songerie européiste, refusent d’emprunter.
Des dirigeants dont Silvio Berlusconi incarne bien l’euro béatitude
jusqu’au-boutiste… L’ancien président du Conseil italien affirme en
effet dans un quotidien français de gauche, qu’il était favorable « à un
saut fédéral européen ». Comme le « bond en avant » maoïste lors de la
révolution culturelle, dont on sait où il a conduit les Chinois ? Avec,
en prime, « l’élection du président de l’UE au suffrage universel ».
L’ancien chef d’Etat italien ajoute : « J’ai toujours rêvé des Etats-Unis d’Europe. » On avait pourtant cru entendre, il y a peu, ce même Berlusconi déclarer : « Sortir de l’euro n’est pas blasphématoire. »
Eh bien ! nous avions mal entendu (ou mal lu). « Je n’ai jamais utilisé
cette expression. J’ai toujours au contraire affirmé que la sortie de
l’euro d’un ou de plusieurs pays entraînerait la désintégration de la
zone euro. Ce serait l’échec du projet historique d’une Europe unie et personne ne peut le souhaiter. »
Fermer le banc… En insistant un peu, on obtient de l’ex-chef italien
cette explication. « L’hypothèse d’une sortie de l’euro a sans doute été
brandie par certains membres de mon parti de manière tactique, pour
infléchir la position allemande. Mais, au sein du PDL, nous considérons que la sortie de l’euro serait un désastre » A quoi M. Luiz Carlos Bresser lui avait répondu par avance : « Croire que l’extinction de l’euro marquerait la fin de l’UE est absurde. Elle marchait très bien avant… »
Une absurdité en forme de troposphère idéologique dans laquelle, à
l’instar d’un Silvio Berlusconi, baignent la plupart des élites
européennes. Mais qui, vue de l’étranger, apparaît pour ce qu’elle est
vraiment : une ineptie.
Remplacer le logiciel de cette monnaie unique asphyxiante devient,
comme le soulignent les économistes lucides, de plus en plus urgent.
Changer de dirigeants politiques, irréparablement formatés dans les
moules de l’UE, également. Rangeons ces derniers au fond de quelque
musée-débarras, avec les sculptures surannées d’un euro agonique…
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