mardi 14 décembre 2010
Sondages : que pèse réellement Strauss-Kahn ?
Quand on est loin, on est toujours populaire. » Lorsqu'il relativise par cette lapalissade, prononcée début décembre, la popularité insolente de Dominique Strauss-Kahn, François Hollande tente un bon mot pour faire entendre sa voix dans le brouhaha socialiste. Mais il met aussi le doigt sur l'une de ces bizarreries de la pré-présidentielle : le niveau qu'atteint le directeur général du FMI dans les sondages l'impose comme un candidat quasi incontournable pour l'élection de 2012, au moment même où chacun s'accorde à dire, y compris parmi ses proches, que sa cote est artificiellement gonflée par son éloignement. Il a fallu que Jacques Chirac quitte le pouvoir en 2007 pour voir enfin sa courbe sondagière grimper en flèche. Simone Veil et Bernard Kouchner sont depuis des années en tête des études d'opinion, alors que les Français savent bien qu'ils n'exerceront pas le pouvoir. A moins que ce ne soit justement pour cela.
Le cas DSK est pourtant plus complexe. Il ne caracole pas seulement en tête des personnalités politiques préférées des Français, il devance de plusieurs coudées ses rivaux sur tous les autres indices. Quelque 41 % des électeurs potentiels voteraient pour lui à la primaire socialiste, contre 16 % pour Ségolène Royal et 14 % Martine Aubry (BVA). Il battrait largement Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle : à 62 % contre 38 % pour TNS Sofres, et 59-41 pour l'Ifop ; et le devancerait désormais également au premier tour : à 29-24 pour TNS Sofres, 27-24 pour l'Ifop. En coulisse, les instituts de sondage glissent même que les chiffres qui sortent bruts de leurs enquêtes sont encore supérieurs à cela. « On n'a jamais eu un candidat virtuel aussi haut et un président sortant aussi bas à dix-huit mois d'une élection », relève Gaël Sliman, le directeur adjoint de BVA. Avec à chaque fois cette même réserve : « Il est protégé, car il n'est pas dans le chaudron national », indique Jérôme Fourquet, de l'Ifop. D'où cette question majeure à l'heure où s'ébauchent les stratégies de campagne : combien « vaut » réellement Dominique Strauss-Kahn ? A combien retomberait-il dès lors qu'il annoncerait sa candidature et se retrouverait de facto dans le « chaudron » ?
Les précédents n'apportent que peu de réponses. Jacques Delors bénéficiait, comme DSK, d'une aura sondagière hors norme en 1994, mais en refusant de se porter candidat, il n'a pu la frotter au « réel » national. Ségolène Royal était plébiscitée tant qu'elle n'était qu'une icône sur papier glacé avant de sévèrement chuter ensuite, mais les Français ne la connaissaient sans doute pas autant qu'ils connaissent Dominique Strauss-Kahn aujourd'hui. « Dans nos études qualitatives, les gens ont une vison très nette de ses forces (notamment de sa compétence économique) et de ses faiblesses, ce qui n'était pas le cas pour Ségolène Royal au moment de son envolée », explique Gaël Sliman.
Dès lors, une seule certitude : il perdra vite, et sans doute beaucoup (ce qui n'empêchera pas une remontée par la suite). « Une baisse de dix points n'est pas exclue, mais il part de si haut qu'il restera devant Nicolas Sarkozy », avance Michel Sapin, proche de François Hollande.
Son silence sur les enjeux nationaux provoque aujourd'hui un effet de miroir : tout le monde y projette ses désirs, ce qui lui permet d'allier des soutiens contradictoires, de la gauche de la gauche à la droite qui rêve de nouveauté. C'est cette dernière qui pourrait se détourner le plus rapidement de DSK, dès ses premières prises de position. « Les sympathisants de droite ne le voient pas comme un concurrent à Nicolas Sarkozy, mais comme le directeur du FMI », estime-t-on à l'Elysée, « dès qu'il prendra position sur la burqa, les salaires, la mondialisation, cela changera. » « Et de toute façon, cela se termine toujours à 50-50 », martèle Nicolas Sarkozy. Pour les autres, la décrue dépendra d'un certain nombre de facteurs : du positionnement que Dominique Strauss-Kahn adoptera en entrant en campagne, de ses arguments justifiant qu'il quitte le FMI en pleine crise, du climat dans lequel se déroulera la primaire, et peut être plus encore de la façon dont il se positionnera par rapport au projet du PS.
A droite, la perspective de ces difficultés strauss-kahniennes suffisent pour garder - officiellement -le moral. « Il vaut mieux passer de 30 %à 50 % que de tomber de 60 % à 50 %, car ce qui compte, c'est la dynamique », assure Franck Louvrier, le conseiller en communication de Nicolas Sarkozy. Un argument que développait Dominique Strauss-Kahn lui-même en 2006 à propos de Ségolène Royal : « Ceux qui sont en tête des sondages à six mois d'une élection (Giscard, Balladur, Jospin) ont chaque fois perdu. »
Ses proches savent en tout cas qu'il leur faut anticiper cet atterrissage difficile. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ont trouvé les moyens d'y parvenir. A l'adresse des électeurs socialistes, DSK s'est dépeint, mi-novembre sur France Inter, comme un patron du FMI « de gauche ». Dans le même temps, ses amis estiment qu'il ne pourra l'emporter qu'en « transcendant le PS » et en « restant lui-même ». Les sondages sont à relativiser, martèlent-ils également. Comme Laurent Habib, le PDG d'Euro RSCG C&O qui vient de publier un livre appelant à « s'en abstraire quand ils sont bons comme lorsqu'ils sont mauvais... Ce qu'il faut, c'est avancer avec une vision claire de ce qu'il y a à faire », explique-t-il (1). Et pourtant, disposent-ils d'une meilleure arme pour imposer « l'évidence » d'une candidature Strauss-Kahn ? Sans doute pas. Les strauss-kahniens n'hésitent pas à évoquer la popularité de leur champion. Ils mettent aussi tout leur poids pour contraindre le PS à des primaires tardives , histoire de lui permettre de profiter le plus longtemps possible du vent porteur des sondages.
Si la campagne est courte, peut être la chute n'aura-t-elle pas le temps d'être fatale.
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