TOUT EST DIT

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vendredi 18 février 2011

Juppé : «Soyons optimistes pour 2012»

Le ministre de la Défense estime que le paysage de la prochaine présidentielle «n'est pas encore campé».
- Vous êtes revenu au gouvernement il y a trois mois. Vous qui avez été premier ministre, diriez-vous que le fonctionnement du couple exécutif a changé ?
Alain JUPPÉ. - Je ne ressens pas de bouleversement institutionnel. Le président et le premier ministre ont trouvé un régime de croisière. Nicolas Sarkozy est un président très actif. François Fillon a son espace et il joue son rôle vis-à-vis du Parlement. C'est entre l'exécutif et le législatif que les équilibres ont été bouleversés avec la révision constitutionnelle de 2008, qui constitue une vraie révolution. Organiser le débat parlementaire autour d'un texte amendé en commission est un véritable changement. J'en suis un peu surpris moi qui ai la culture du parlementarisme rationalisé.
Que pensez-vous du style de la présidence Sarkozy ?
Chacun a son style, avec ses forces et ses faiblesses. On m'a suffisamment dit que je devais changer. Au sujet de Nicolas Sarkozy, il y a peut-être eu des erreurs. Mais tout cela est derrière nous.
Un ministre avait dit à Jean-François Copé : «Si tu revenais au gouvernement,tu ne reconnaîtrais pas le job.» La fonction a-t-elle évolué ?
Là encore, il n'y a pas de changement fondamental. Je suis très libre de mes mouvements. Je dirige le ministère de la Défense en transparence avec l'Élysée. Si les ministres étaient tellement frustrés de la façon dont ils travaillent, ils auraient une solution très simple : sortir du gouvernement. Or, aucun d'eux ne l'a fait spontanément.
Partagez-vous l'inquiétude de la majorité pour 2012 ?
Ce n'est pas gagné. Il faut remonter la pente. Nous y parviendrons. Ne cédons pas à un pessimisme prématuré et excessif. Au contraire, soyons optimistes pour 2012. Début 1995, on me répétait encore que Jacques Chirac allait perdre. Le paysage électoral n'est pas encore campé. Qui va sortir des primaires socialistes ? Quel sera le projet des socialistes ? Nicolas Sarkozy, lui, a choisi d'être très présent sur le terrain et de donner, en même temps, une perspective de moyen et long terme aux Français.
Les polémiques sur les vacances des ministres font pourtant passer les messages du président au second plan.
On est parti vers une exigence de transparence absolue. Très bien. Mais est-ce à la hauteur des problèmes qui se posent à la France ? En ce qui me concerne, je suis un homme libre. Je continuerai à prendre mes vacances où j'ai envie de les prendre et à mes frais.
Quel serait, pour vous, le candidat PS le plus coriace pour Nicolas Sarkozy ?
Dominique Strauss-Kahn a beaucoup d'adversaires dans la gauche dure et un coefficient de sympathie assez contrasté au sein du PS. Martine Aubry serait peut-être une candidate plus coriace.
Faut-il une candidature centriste pour permettre à Nicolas Sarkozy d'avoir des réserves de voix au second tour ?
Je crois plus aux vertus du rassemblement qu'à celles du ratissage. Si nous avons une extrême droite forte, et trois ou quatre candidats centristes, cela risque de compliquer le premier tour.
Pensez-vous que Dominique de Villepin sera candidat ?
Je n'ai pas eu de réponse lorsque je lui ai posé la question. Les tentatives de réconciliation avec Nicolas Sarkozy ont échoué. On a raté le coche. Peut-être que le coche n'est pas définitivement passé.
Et François Bayrou ?
Il ne faut pas désespérer non plus. J'ai des affinités intellectuelles et personnelles avec lui, même si je ne partage pas sa sarkophobie.
Jugez-vous Marine Le Pen plus « présentable » que son père ?
C'est ce que l'on dit. Ce n'est pas mon opinion personnelle. Le corps de doctrine du Front national n'a pas changé et la fragilité de Marine Le Pen dans le domaine économique est égale à celle de son père.
Pensez-vous, comme Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron, que le multiculturalisme est un échec ?
Nous avons une capacité d'oubli extraordinaire. Il y a quelques années, la mode était d'aller vers le multiculturalisme et de souligner l'échec du modèle républicain d'intégration. Or, le multiculturalisme est étranger à notre culture républicaine. La République, ce sont des citoyens porteurs de droits et de devoirs en tant que personnes, avant d'être membres d'une communauté. La loi républicaine doit s'appliquer dans des conditions d'égalité pour tous. Bien sûr, la diversité existe. Mais le principe républicain, dont je ne veux pas dévier, est que la loi ne peut accepter des différenciations fondées sur des critères religieux ou ethniques. Nicolas Sarkozy souhaite réfléchir à la laïcité. C'est nécessaire. N'éludons pas la question de l'islam. Mais il faut piloter et maîtriser ce débat parce qu'il peut déraper. L'islam est la deuxième religion de France et il n'est pas imaginable de la stigmatiser.
Comment maîtriser ce débat ?
En rappelant des choses simples. La laïcité doit s'imposer à tous. Aucune religion ne peut prendre le pas sur la sphère publique et les valeurs de la République. Le débat doit donc déboucher sur un code des droits et des devoirs du citoyen. Concernant les droits, il est impératif de réaffirmer que les musulmans, comme les catholiques, les juifs, les protestants et les autres, ont le droit de pratiquer leur culte. Concernant les devoirs, c'est le respect des valeurs républicaines et notamment de l'égalité homme-femme.
Les révolutions tunisienne et égyptienne pourraient-elles faire boule de neige dans le monde arabe ?
Des manifestations populaires se produisent dans plusieurs pays mais chaque situation est différente. Ce qui s'est passé en Tunisie et en Égypte ne peut être transposé partout. C'est pourquoi la France a raison de réagir avec sang-froid, en rappelant son attachement à la démocratie et aux droits de l'homme, sans pour autant s'ingérer dans le choix des peuples. Nous devons faire le pari de la modernisation du monde arabe. Bien sûr, ce pari est risqué parce qu'il n'y a pas par définition, sous les régimes autoritaires, d'opposition démocratique constituée. Et parce que ceux qui gagnent le pouvoir, au cours de transitions démocratiques précipitées, confisquent parfois la démocratie.
Quel message la France doit-elle adresser aux Algériens et aux Français d'origine algérienne ?
Nous avons une histoire, un présent et un avenir communs avec le peuple algérien. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Algérie parce que nos destins sont liés. Mais, nous ne prendrons pas position dans le débat politique interne.
Quelles sont vos priorités à la Défense ?
Ma première priorité, c'est de réussir la réforme des armées. Entre 2009 et 2010, 50.000 personnels de la défense ont bougé d'une unité à une autre, d'une région à une autre. C'est un bouleversement immense. En 2015, 54.000 postes auront été supprimés. L'objectif est de mieux équiper nos forces grâce aux économies ainsi réalisées, afin qu'elles soient encore plus efficaces dans les opérations dans lesquelles la France est engagée. Durant cette réforme, j'apporterai la plus grande attention à la condition du personnel du ministère de la Défense. Ma deuxième priorité est de renforcer notre industrie de défense. La France a de très belles entreprises : Safran, EADS, Dassault, DCNS, Thales, etc. Mais cette industrie est trop fragmentée et certaines de ces entreprises manquent d'implantations à l'international. Nous réfléchissons à la façon de les restructurer. Ma troisième priorité est redonner de l'élan à la politique de sécurité et de défense européenne commune comme nous nous y sommes engagés lorsque la France a réintégré le commandement de l'Otan.
Trouvez-vous les Européens volontaristes dans ce domaine ?
Nous sommes dans un monde imprévisible et il serait irresponsable que l'Union européenne ne mutualise pas ses forces. Il faut accompagner, pousser ce mouvement qui ne se fait pas spontanément, entraîner la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Pologne. Des progrès sont en cours, comme le traité franco-britannique ou l'initiative franco-germano-polonaise en faveur d'une relance de l'Europe de la défense. J'essaie de travailler à un Conseil européen sur la défense. Ce n'est pas encore tout à fait acquis. Il faut le nourrir avec des propositions concrètes.
Comment la situation en Afghanistan peut-elle évoluer ?
Je suis préoccupé. La stratégie définie à Lisbonne est cohérente. Sa mise en œuvre sur le terrain est difficile. Dans le courant de l'année, nous pensons pouvoir passer le témoin à l'armée afghane dans la région de Surobi. Mais il y a encore des secteurs où les affrontements avec les insurgés sont sévères. Par ailleurs, la gouvernance afghane est perfectible, tout comme le dialogue avec le Pakistan. Malgré toutes ces difficultés, il faut persévérer. Je l'ai dit au secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, que j'ai rencontré la semaine dernière.
Vous aviez critiqué le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan. Avez-vous changé d'avis ?
À l'époque, on avait simplifié mes propos. J'avais dit que l'intégration ne me choquait pas. Nous l'avions d'ailleurs engagée avec Jacques Chirac en 1995. Mais j'avais aussi ajouté qu'il fallait s'assurer des contreparties en termes de prise de responsabilité au sein de l'Alliance elle-même et du côté de la politique de sécurité et de défense européenne. Nous avons obtenu à Lisbonne une réforme profonde de l'Alliance. Elle est engagée. Au final, les avantages l'emportent sur les inconvénients.

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