TOUT EST DIT

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dimanche 16 octobre 2011

France-Soir, un quotidien qui a écrit l'histoire de la presse

Peu de journaux ont une histoire aussi brillante et désespérante que France-Soir. Une naissance héroïque, avec le génial Pierre Lazareff qui transforme, au sortir de la guerre, un journal de résistants né dans la clandestinité, Défense de la France, en grand journal populaire. Des débuts fracassants, avec des tirages qui atteignent rapidement plus d'un million d'exemplaires. Une suite illuminée par des plumes prestigieuses. Une chute lente mais inexorable, émaillée de nombreux changements de propriétaires.

France-Soir s'est imposé comme le premier quotidien français dès la Libération. Racheté par Hachette en 1949, le journal vit son âge d'or dans les années 1950 et 1960. Il franchit la barre du million d'exemplaires en 1953-1954, alors que la France s'enlise dans les guerres de décolonisation, en Indochine d'abord, puis en Algérie. Les Français partent au front et France-Soir tire à plus de 1,5 million d'exemplaires. Un bandeau à la une proclame : «Le seul quotidien vendant plus d'un million d'exemplaires».
À coups de scoops, de manchettes percutantes et de photos grand format, France-Soir devient une référence. «Ramasser le monde en un jour et le jeter aux hommes chaque matin», le journal fait sienne cette définition du journalisme de Joseph Kessel, qui a couvert les procès de Pétain et Nuremberg. Les morceaux d'anthologie de Lucien Bodard, Françoise Giroud, Jean Ferniot ou Philippe Labro côtoient les fielleux «Potins de la commère» de Carmen Tessier, le feuilleton à la rose Angélique, marquise des anges et les «faits div» sordides comme l'affaire Dominici. Le cocktail est parfait.
Au sommet de sa gloire, France-Soir fait travailler 400 journalistes et sort jusqu'à huit éditions par jour. Les ventes dépassent deux millions d'exemplaires en novembre 1963, après la mort de John F. Kennedy et en novembre 1970 après celle du général de Gaulle.
Le vent tourne dans les années 1970. Quand Lazareff meurt, en 1972, la presse quotidienne commence à être bousculée par les radios et la télévision. La ligne éditoriale du journal est de moins en moins claire. Comme ses concurrents, France-Soir balance entre le tabloïd à l'anglo-saxonne et le journal généraliste. Les fréquents changements d'actionnaires à partir de cette époque n'arrangent pas les choses. Le «papivore» Robert Hersant, qui possède alors Le Figaro, prend le contrôle de France-Soir en 1976. Première hémorragie à la rédaction qui perd 80 journalistes sur 200… Mais en 1983, la diffusion s'inscrit encore à 400.000 exemplaires.
La suite est une succession de plans de relance et de restructurations. Entre 1982 et 2004, onze directeurs de la rédaction vont se succéder au chevet du malade. En 1998, Yves de Chaisemartin, à qui Robert Hersant a confié les clés de la Socpresse, passe le journal au format tabloïd en baissant fortement le prix de vente. Mais le titre est gravement déficitaire. Il change de mains en 1999, en 2000 et en 2002. Philippe Bouvard, qui a déjà officié dans le journal entre 1973 et 1989, revient alors aux manettes. France-Soir +, recentré sur la télévision et le sport, ne renoue pas avec son passé glorieux.
Exsangue, sans cap, France-Soir est placé en redressement judiciaire fin 2005. L'année suivante, le journal est racheté par le promoteur immobilier Jean-Pierre Brunois. Les journalistes en grève brandissent des tracts : «Bal tragique au tribunal : 80 morts» . L'inspiration vient toujours des tabloïds anglais. Mais le quotidien a perdu la recette du succès. Les deux plans de relance d'Alexander Pugachev, qui a acquis le journal en 2009, n'ont pas permis de renverser la vapeur.

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