Une croissance de 1,5 % seulement, contre 1,7 % pour la moyenne en zone euro. Un déficit extérieur qui replonge à 51,4 milliards d'euros. Un chômage en hausse de 80.000 (+ 3 %) qui touche au total 2,7 millions de personnes. Un déficit budgétaire de près de 150 milliards d'euros, 7,7 % du PIB. Le bilan 2010 de l'économie française est mauvais et franchement inquiétant. « La France a bien passé la crise », s'était vanté Nicolas Sarkozy l'an passé. C'était vrai. Les gigantesques dépenses sociales ont amorti le choc. Mais elle repart mal. Langueur, manque de compétitivité, impuissance à créer des emplois et comptes publics au bord du gouffre : voilà la triste réalité du pays. A seize mois de l'élection présidentielle, il serait temps que les Français et leur classe politique en prennent conscience et que le débat public sorte des faux sujets (les faits divers et les conflits depersonnes) et porte sur le ressaisissement.
La France n'est pas la Grèce et c'est bien dommage. Car un électrochoc serait salutaire aux hommes et femmes politiques pour comprendre que notre pays conserve beaucoup d'atouts de travail et de capital, mais qu'il subit une érosion longue de ses « fondamentaux ». Cette érosion ne cesse de s'accélérer et les réformes engagées depuis 2007, aussi nécessaires qu'elles soient, ne sont pas à la hauteur pour en inverser le cours, loin de là.
L'examen des moteurs de la croissance est révélateur. La France, petite Amérique à cet égard, a profité cette dernière décennie d'une bonne consommation, elle-même appuyée sur des évolutions positives des salaires, en gros de + 3 % l'an avec inflation réduite. Mais c'est fini. D'abord parce que les salaires réels vont être rognés par le coût des matières premières qui flambent et par les impôts inévitables (la seule question encore ouverte porte sur la modalité : directs ou indirects). Ensuite parce qu'il faudrait, en bonne politique, tenter maintenant de limiter les hausses sur moyenne période pour regagner en compétitivité et pas seulement face à l'Allemagne : nos coûts salariaux et plus encore les charges salariales pénalisent lourdement l'emploi. Mais dilemme : le risque macroéconomique est d'en faire trop et d'étouffer complètement la consommation, donc la croissance.
D'autant que l'autre composante de la demande, l'Etat, les collectivités et les organismes sociaux sont clairement à l'heure de l'austérité. Sous le regard suspicieux des marchés financiers, la France va devoir cesser de plaisanter avec son déficit dès l'an prochain, et ce sera dur sur une longue période.
Le principal des maux français est l'autre moteur de la croissance : l'investissement. Ici c'est un drame qui se joue autour du partage d'un faux diagnostic. Avec les énormes résultats du CAC 40 sous les yeux, les hommes politiques et l'opinion pensent que les entreprises gagnent trop d'argent en France et que tel est le problème. La vérité est exactement l'inverse. Les marges des entreprises n'ont cessé de reculer, de 9 % du PIB il y a dix ans à 6 % aujourd'hui, alors qu'elles ont fait le chemin inverse en Allemagne. Les quelque 85 milliards de profits du CAC 40 (+ 40 %) faussent toutes les statistiques nationales. En outre, et ce n'est pas anecdotique, les groupes du CAC 40 font en vérité leur profit hors de France ! Patrick Artus de Natixis, qui souligne cette faiblesse dramatique de nos PME « cachée sous des chiffres globaux trompeurs », en ajoute une seconde : les conditions d'accès au capital très difficiles. Pour investir, elles sont obligées d'avoir recours au crédit, ce qui est décourageant. Conclusion : les PME ont « une croissance faible de leurs chiffres d'affaires, de leur profitabilité, de leurs investissements et des emplois créés ». Voilà pourquoi votre fille est muette.
Le déficit du commerce extérieur vient confirmer ce sombre tableau : la France souffre d'un positionnement « moyenne gamme » qui la rend fragile (notamment à la valeur de l'euro). Mais elle souffre surtout de voir baisser le nombre d'entreprises qui tentent d'aller vendre à l'étranger. La raison en est la même : les PME en ont de moins en moins les moyens financiers.
La politique économique française est entrée dans une contradiction : il faudrait procéder à un gigantesque changement de rive du courant de la croissance : de la consommation vers l'investissement. Pour les dépenses privées comme d'ailleurs pour les dépenses publiques. Mais les conditions ne sont pas réunies et la France est en passe de se noyer au milieu du fleuve. Très pessimiste, Patrick Artus pense que la croissance 2011 ne dépassera pas 1,2 % quand le gouvernement espère 2 %. Peut-être sera-ce l'électrochoc nécessaire ?
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