TOUT EST DIT

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vendredi 18 février 2011

Lieber Nicolas !

Le 17 février, la Belgique a battu le record du monde de la plus longue période sans gouvernement : 249 jours. Loin de se désespérer, les Belges affrontent la chose avec humour, comme en témoigne cette lettre d’Angela Merkel à Nicolas Sarkozy sur la "question belge", imaginée par l’éditorialiste du Soir Maroun Labaki. 

Le 11 mars, nous allons nous retrouver de nouveau à Bruxelles, pour un sommet de la zone euro, autour de ce bon Herman. Avec notamment Yves Leterme ! Car, d’après ce que mes diplomates me disent, il sera encore là, 271 jours après les élections. Unglaublich ! Incroyable !
Chaque fois, nous pensons que c’est la dernière fois que nous le voyons. Yves semble en pleine forme, ces temps-ci, il est détendu, agréable, et même charmeur, mais nos homologues – tu as pu le constater lors du sommet européen de ce 4 février – sont las. Avoir l’air ravis de le revoir, et à la fois désolés pour son pays, qui n’en finit pas de se déchirer : marre ! Il est peut-être temps que l’axe Berlin-Paris prenne les choses en main, une nouvelle fois.

Cher Nikolaus !

L’Union européenne ne doit-elle pas dépêcher un envoyé spécial en Belgique, comme elle vient de le faire en Albanie, en proie elle-même au funeste blocage politique que tu sais ? Je ne suis pas la seule à me poser la question. Mais la chose ne serait imaginable, et encore, qu’à la demande de la Belgique elle-même.
Nous en parlerons avec Yves ! Rappelons-lui un précédent récent. Au plus fort de la crise financière qui a ébranlé son pays, en 2010 – et alors que, entre nous, je tentais de le mettre à genoux – le Premier ministre grec, Georges Papandréou, n’a-t-il pas pris comme conseiller économique l’ancien ministre italien de l’Economie Tommaso Padoa Schioppa ? Pauvre Tommaso, il n’est plus là pour raconter aujourd’hui, mais je n’y suis pour rien…
Pour la crise belge, nous aurions l’embarras du choix, dans le stock des has-been disponibles, et pouvant se prévaloir d’une expérience en conflits ethniques de nature comparable.
Il y a l’Italien Romano Prodi, qui a eu sa N-VA à lui : la Ligue du Nord. Il y a l’Espagnol Felipe Gonzalez, qui a eu ses Catalans et ses Basques, même s’il a pris depuis du recul avec les velléités de clocher. Il y a le Britannique Tony Blair, qui s’est frotté aux Ecossais, aux Irlandais du Nord et à d’autres, et, ces dernières années, aux Israéliens et aux Arabes, ce qui est un gage de sérieux – à défaut d’être, comme on sait, un label d’efficacité. Tous de gauche ? Je t’entends le dire, avec ta schöne petite moue…
Prenons alors l’un des nôtres ! Le Suédois Carl Bildt, ex-Premier ministre, mais toujours dans le circuit, a passé longtemps à empêcher les Bosniaques de s’entre-tuer avec frénésie. Une véritable expérience de terrain ! Tu voudrais qu’on leur propose une femme, peut-être ? L’Irlandaise Mary Robinson ? Sie ist eine Dame. Tu comprends un peu l’allemand, ou tu fais semblant ?
Cependant les Belges, me dit-on, n’aiment pas les personnages providentiels. Les francophones en tout cas. Et si nous leur suggérions alors une méthode européenne : la Convention ? Avant sa dernière grande réforme, nous venions de sacrifier le mark, tu t’en souviens, l’Europe avait réuni 105 délégués venus de toutes les institutions et de tous les horizons pour tranquillement dessiner l’avenir. L’exercice s’était langsam étalé sur deux ans, sous la présidence impériale de ton prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing. Nous n’y étions pas, ni toi ni moi, mais Dominique de Villepin pourrait te raconter – si tu acceptes encore de l’écouter. C’est un bel homme, un peu comme Yves…
Les Belges qui en étaient pourraient témoigner devant leurs toujours compatriotes : Jean-Luc Dehaene, Louis Michel, Karel De Gucht, Elio Di Rupo et Anne Van Lancker. C’est qui, elle ?

Lieber Nicolas !

Soyons plus proactifs qu’en Tunisie ou en Egypte ! Gare toutefois à WikiLeaks ! Si la crise politique belge continue à s’éterniser, une intervention underground commune de nos services devra être organisée. Les sympathiques manifestants du 23 janvier pourraient "spontanément" redescendre dans la rue, cette fois au rond-point Schuman, pour exiger de la Commission européenne qu’elle mette les responsables politiques belges en demeure d’accélérer. Les manifestants brandiraient la Charte européenne des droits fondamentaux, partie intégrante de notre Traité de Lisbonne, qui parle entre autres, en son article 41, du "droit à une bonne administration". Les francophones de la périphérie du Land de Bruxelles auraient au préalable photocopié en format poster l’article 21 sur la "non-discrimination" et l’article 22 sur la "diversité culturelle, religieuse et linguistique". Chacun crierait : "Ich bin eine Brüsseler !" Oui, j’ai une très bonne équipe autour de moi…
Les juristes de la Commission européenne tiqueront, c’est sûr, mais ils savent se montrer dociles, lorsque le couple franco-allemand – comme vous dites, vous les Franzosen – le demande…

Nikolaki !

(Georges Papandréou, je l’appelle "Yorgaki"…) Tu sais que j’ai dix élections régionales dans l’année qui vient, toutes cruciales. Mes électeurs non plus ne veulent plus payer pour les fainéants pauvres…
Je serai donc intraitable ! Avec les Espagnols, socialistes ! Avec les Portugais, socialistes ! Avec les Belges, sinon socialistes du moins indexés ! Affaires courantes ou pas, plus aucun laxisme budgétaire ne sera toléré. Seule s’il le faut, je prendrai des sanctions ! Hélas ! si les Belges divorcent, Niko, ce ne sera pas mieux. Avec la séparation de leur dette, l’euro va encore trinquer davantage ! Il faudra en parler à Yves, la prochaine fois. Il est sympathique, Yves. Quel gâchis tout ça. Amitiés à Carla. Kuss.

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