TOUT EST DIT

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mardi 30 novembre 2010

L'hypermarché et l'équation du commerce moderne

C'est « la » question du moment pour les acteurs de la grande distribution (avec, il est vrai, celle du commerce électronique) : l'hypermarché classique, « à la française », inventé par Carrefour en 1963 à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans la banlieue parisienne, est-il un modèle d'avenir ? Le magasin de grande surface qui offre « tout sous le même toit » installé dans une zone périphérique et obéissant à l'adage « no parking, no business » de Bernardo Trujillo, le théoricien américain du commerce moderne, auprès duquel les pionniers français du secteur ont tout appris, correspond-il encore aux besoins du consommateur ? Ce dernier, écocitoyen soucieux de réduire son empreinte carbone, donc ses déplacements, toqué de produits de proximité et méfiant à l'égard des marques multinationales, s'étourdit moins dans la société de consommation, que symbolise l'hyper. La multiplication des foyers monoparentaux, par ailleurs, ne rend-elle pas désuet le traditionnel « plein » de courses mensuel ?

Les chiffres de la dernière enquête du cabinet Kantar sont éloquents : les enseignes emblématiques des grands hypermarchés, Carrefour, Géant Casino, Auchan, perdent des parts de marché ou stagnent. Et les données publiées par les deux premiers groupes, cotés, pointent une baisse de la fréquentation. Un comble alors que l'on pensait qu'en période de crise les acheteurs se rueraient dans les points de vente qui offrent traditionnellement les prix les plus bas (avec les « hard discounters », qui perdent eux aussi des parts de marché…) !

Pour inverser cette tendance, Lars Olofsson, directeur général de Carrefour, a lancé le nouveau concept Carrefour Planet. Le but : réenchanter l'hypermarché, faire qu'il redevienne un « destination store ». Les moyens : plus de services, l'abandon de certains rayons non alimentaires non concurrentiels, l'amélioration globale de l'« expérience client ». Vainqueur, avec Système U, du jeu récent de la concurrence, Leclerc, prétend à l'inverse que le format hyper n'est pas condamné et que tout cela n'est que la conséquence d'un mauvais positionnement prix. Pour Michel-Edouard Leclerc, c'est simple : son enseigne étant la moins chère, ses hypers se portent bien. Qui dit vrai ? Pour comprendre, il faut rappeler l'évolution du paysage. Les spécialistes, comme Leroy Merlin pour le bricolage ou Darty pour l'électrodomestique, se sont fortement développés. Certains ont même lancé des versions discount, comme Castorama avec Brico Dépôt, ou Boulanger avec Electro Dépôt. Sur toute une gamme de produits, l'hypermarché ne peut donc plus rivaliser que difficilement, tant en termes d'offre qu'en termes de prix avec les « category killers ». A l'exception de quelques produits à prix d'appel sacrifiés. « Longtemps, Carrefour perdait 100 euros sur la vente de chaque télévision grand écran », caricature un consultant. L'expansion du e-commerce a mis, par ailleurs, plus de 70.000 magasins virtuels à un clic de chaque consommateur internaute. Enfin, les groupes de distribution, à commencer par Carrefour, ont tous entrepris de rénover leurs réseaux de proximité. Plus modernes, plus compétitives aussi, en termes de prix, afin de survivre face aux « hard discounters », ces moyennes et petites surfaces ont créé une nouvelle concurrence pour les hypers. Pourquoi faire 10 kilomètres pour se rendre dans un hyper Carrefour, quand on a au pied de son immeuble un Carrefour Market qui propose pour l'essentiel les mêmes marques nationales et les mêmes marques de distributeur ?

Pour résoudre la nouvelle équation du commerce moderne, Auchan a choisi non pas la révision du concept, mais l'affirmation plus forte encore des standards du « tout sous le même toit ». A Vélizy, à l'ouest de Paris, le premier magasin de France - 300 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel -étale sans vergogne ses 200.000 références, juxtaposant les produits de luxe et de niche, jambon Bellota-Bellota et autres macarons faits maison, avec les palettes d'articles de première nécessité disposées dans ce qui constitue un véritable magasin de « hard discount » implanté au coeur de l'hypermarché. Chez Leclerc, les hypers sont plus petits en moyenne, car souvent implantés dans des zones semi-rurales. Mais les adhérents n'hésitent pas à surdimensionner leurs rayons non alimentaires, afin de fixer leur clientèle et d'éviter qu'ils n'effectuent quelques kilomètres pour se rendre chez le spécialiste de la grande ville voisine. Ils continuent donc d'offrir un large choix, tout en ayant la capacité, en tant qu'indépendants gérant leur affaire de façon patrimoniale, de sacrifier 2 points de marge à la guerre des prix.

Au final, quelle solution choisir pour sauver ses hypermarchés ? Les experts et consultants de tout poil ont fait tourner la machine à idées. Pour arriver à la conclusion que le consommateur veut tout : une offre large, du discount, du « hard discount », des services et du confort d'achat. Et toutes les enseignes ont cette ambition. Toutes savent, au surplus, que le prix demeure le principe a priori de la raison commerciale et qu'un magasin devra toujours s'adapter à sa zone de chalandise. En réalité, plus que la stratégie, c'est sa mise en oeuvre qui fera la différence. Chez Leclerc, l'indépendant gérera sa boutique au plus près. Chez Auchan, le directeur de magasin et les chefs de rayon conserveront une motivation et une réactivité proportionnelles à leur degré d'autonomie. Et chez Carrefour, tout ou presque sera centralisé au siège de Massy, le personnel administratif des hypers étant envoyé sur le front de vente. C'est la gestion des ressources humaines la plus efficace qui l'emportera. Le commerce est une affaire d'hommes autant que de concepts. Qui aurait dit que les grands magasins afficheraient aujourd'hui des progressions à deux chiffres, sinon leurs exploitants qui ont cru en leur avenir ?

1 commentaires:

Eric - Moins chère a dit…

Le Auchan de Vélizy 2 est tout de même impressionnant par le nombre et la qualité de ses rayons. Je pense que la meilleure voie est celle-ci pour surtout faire concurrence à Internet.