TOUT EST DIT

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vendredi 26 novembre 2010

Comment restructurer les dettes européennes

Transformons les dettes privées excessives en fonds propres et restructurons intelligemment les dettes publiques excessives, afin de sortir vite et bien de la crise qui mine la zone euro, plombe notre croissance et menace nos Démocraties.

L’Europe sort de la plus grande bulle de crédit de l’Histoire. Trop de dette partout. Vouloir tout rembourser nous condamne à la déflation par la dette, à la stagnation et aux risques d’extrémisme politique. Dans les pays périphériques (Espagne, Grèce, Irlande, Portugal), ce désendettement massif devrait se réaliser alors même que les coûts et salaires doivent baisser de 15 à 30% pour restaurer la compétitivité : économiquement impossible et démocratiquement suicidaire ! Ensuite, la zone euro n’allègera pas ses dettes excessives par l’inflation : le Traité de Maastricht l’interdit et les Allemands n’en voudront jamais (ils ont raison, car la taxe d’inflation est à très injuste et très inefficace).
La seule solution est la restructuration des dettes excessives. Le fardeau doit être porté par ceux qui ont pris les risques, tout en permettant à ces pays de renouer vite avec la croissance. C’est la logique des procédures de faillite aux États-Unis (Chapter 11) : transformer les anciennes créances en fonds propres (debt equity swap), en écrasant les actionnaires historiques (qui ont pris les mauvaises décisions), puis donner une séniorité forte aux nouveaux créanciers. Appliquons cela aux banques des pays périphériques : à leur passif, les fonds propres actuels seraient écrasés jusqu’à absorber les pertes des actifs toxiques. Si c’est insuffisant, les pertes devraient être absorbées par la dette subordonnée, voire (cf. Irlande) par une partie de la dette senior des banques, l’État ne garantissant que les dépôts à vue. En pratique, on ne mesure pas aujourd’hui l’ampleur des pertes des banques. La solution : le régulateur doit imposer de couper les banques en difficulté en deux.

1) La mauvaise banque, avec les actifs les plus pourris et, au passif, les fonds propres (actions), la dette subordonnée et une partie de la dette senior de l’ancienne banque.
2) La bonne banque, avec les actifs les moins risqués et, au passif, les dépôts à vue et le reste de la dette senior de l’ancienne banque, dont une partie serait transformée en fonds propres et dette subordonnée de la nouvelle banque. Au besoin, l’État injecterait des fonds dans la bonne banque. L’État éviterait ainsi la crise systémique bancaire, créerait de bonnes banques finançant l’économie, sans assumer les pertes des banques. C’est le seul moyen efficace et démocratiquement acceptable de régler la crise bancaire. Pour éviter les réactions en chaîne dans le reste de l’Europe, utilisons des airbags en chaîne : les banques créancières trop affaiblies par ces debt equity swaps devraient se voir imposer elles-mêmes des debt equity swaps. Pour les autres, les régulateurs bancaires devraient imposer l’émission de fonds propres supplémentaires.

Pour la dette souveraine des États périphériques, la restructuration va venir vite. D’abord, ces dettes sont insoutenables (et les marchés le savent), sauf à ce que l’Allemagne paye (ce qu’elle refuse -à raison). Ensuite, les pays européens ont annoncé au G20 de Séoul une participation des créanciers à la restructuration des dettes souveraines émises à partir de mi-2013. Mais les investisseurs, sachant que les pays périphériques ne pourront plus accéder aux marchés de dette après 2013 (trop grand risque de restructuration alors), ne vont évidemment pas aujourd’hui prêter à ces mêmes États sur des maturités postérieures à mi-2013. L’annonce de Séoul rend donc impossible dès aujourd’hui l’accès des États périphériques au marché de dette. Certes, ces États pourront, en 2011-13, recourir au FMI et au Fonds Européen, mais ceci ne règlera pas la question de leur stock de dette.
2011 sera donc l’année de la restructuration des dettes souveraines périphériques en Europe. Pour cela, je crois toujours aux dettes Bleues et Rouges. Chaque État diviserait sa dette en une dette senior (Bleue) jusqu’à 60% du PIB et une dette junior (Rouge) au-delà. Les dettes Bleues seraient fusionnées avec une garantie conjointe et solidaire de tous et des conditions drastiques sur les finances publiques, créant une dette super-sûre. Pour les États périphériques, la dette excessive actuelle serait transformée en dette Rouge, avec un taux proche de zéro, remboursable dans 10 ou 20 ans, une fois que les réformes structurelles auront porté leurs fruits.

Certains croient encore que les restructurations de dettes bancaires et publiques doivent être évitées à tout prix. C’est oublier la séquence des années 1930, dernière bulle de crédit comparable : la déflation par la dette engendra la Dépression, puis un chômage vertigineux, suivis des crises des Démocraties, du fascisme et enfin de la Guerre.

C’est oublier aussi qu’après 1945, nombre de pays Européens (à commencer par l’Allemagne et la France) ont de facto fait défaut sur leur dette souveraine en la réduisant par l’inflation. L’argument que les grands pays européens n’ont jamais fait défaut depuis la Guerre est économiquement faux. À partir du moment où nous avons (avec raison) renoncé à l’inflation au sein de la zone euro, le seul mode crédible de régulation des dettes excessives est la restructuration ordonnée, surtout au sortir de la plus grande crise de dette de l’Histoire de l’humanité.

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