jeudi 6 janvier 2011
L'Allemagne profite de la reprise, pas Angela Merkel
L'économie allemande, loin de subir le ralentissement annoncé à la fin de l'été dernier, démarre l'année en trombe. L'indice IFO, qui mesure le moral des entrepreneurs, est ressorti à son plus haut historique en décembre. Les exportateurs affichent une grande confiance. Les ventes à l'étranger, après avoir progressé de quelque 15 % en 2010, pourraient encore croître de 10 % en 2011 et donc franchir, pour la première fois, la barre des 1.000 milliards d'euros. Les difficultés des pays les plus fragiles de la zone euro devraient être plus que compensées par le dynamisme des pays émergents. La Chine pourrait ainsi devenir, dès cette année, le deuxième débouché pour le « made in Germany », derrière la France. Les industriels allemands s'intéressent de très près au douzième plan quinquennal de Pékin, qui vise, entre 2011 et 2016, à réorienter le modèle économique chinois vers les énergies renouvelables, les technologies vertes, les voitures à propulsion alternative. Tous domaines dans lesquels les entreprises allemandes estiment avoir d'importants avantages concurrentiels. L'autre poids lourd du continent asiatique, l'Inde, leur semble également très prometteur. Les pays qui croissent le plus vite actuellement sont gourmands en machines-outils et biens d'équipement allemands. La frange de leur population qui s'enrichit rapidement affiche volontiers son nouveau statut avec des voitures de luxe… allemandes. Daimler espère vendre en 2015 quelque 300.000 véhicules en Chine, trois fois plus que l'an dernier. Le constructeur a indiqué avoir atteint les limites de ses capacités de production et prévenu ses clients qu'ils devront s'armer de patience.
La nouveauté des derniers mois, c'est que les commerçants aussi ont retrouvé le sourire : les consommateurs, frileux depuis des années, ont repris le chemin des magasins. Ils ont été rassurés par plusieurs éléments : le programme gouvernemental de réduction des déficits ; les hausses de salaires arrachées par les syndicats ; la bonne volonté des employeurs, qui souvent accordent les revalorisations plus tôt que prévu, comme Bosch ou Siemens ; un chômage en repli régulier. Les ventes de Noël 2010 pourraient être supérieures de 2,5 % à celles de 2009. La consommation des ménages pourrait assurer une part majoritaire de la croissance de 2011, qui devrait tourner autour de 2,5 %, selon la plupart des instituts de conjoncture. Après son rebond estimé à 3,7 % en 2010, l'économie allemande devrait donc rattraper son niveau d'avant-crise au cours du second semestre 2011.
Un institut en particulier, Kiel Economics, a publié une étude remarquée, dans laquelle il pronostique une expansion durable, de l'ordre de 2,5 % par an jusqu'en 2015, notamment grâce à la politique monétaire accommodante de la BCE. Il est vrai que la crise de l'euro produit des effets positifs : la monnaie unique a baissé face au dollar ; les taux d'intérêt sont inférieurs à ce qui serait approprié pour la seule Allemagne ; et les difficultés des pays périphériques devraient exercer une pression à la baisse sur les prix de leurs produits, pour le plus grand bonheur de leurs clients allemands. Certes, on trouve aussi des conjoncturistes beaucoup plus pessimistes pour 2012 et les années suivantes. L'institut IMK, par exemple, n'exclut pas une nouvelle récession en 2012, en fonction des développements de la crise de l'euro et d'autres risques exogènes comme l'immobilier chinois.
Mais, pour l'instant, Angela Merkel peut se flatter d'avoir sorti le pays de la crise de 2009 de manière magistrale. Les finances publiques s'améliorent rapidement. Le déficit budgétaire devrait revenir, dès cette année, largement sous la barre des 3 % du PIB prévue par le Pacte de stabilité. Selon l'institut IWH, l'Etat fédéral pourrait même dégager un excédent dès 2014, en avance sur le mécanisme de frein à la dette inscrit dans la Loi fondamentale en 2009. Cette performance et la validation du modèle exportateur placeront Angela Merkel en position de force sur l'échiquier européen, alors que l'Union doit avancer cette année sur la voie d'une meilleure coordination des politiques économiques. Comme en 2010, Berlin restera au centre du jeu quand il s'agira de doter l'UE d'une meilleure gouvernance et de corriger les différentiels de compétitivité en son sein. Les Européens devront donc encore compter sur une chancelière très exigeante, pour ne pas dire autoritaire.
D'autant plus qu'en politique intérieure, le succès économique ne semble pas du tout profiter aux partis de la coalition au pouvoir. C'est une situation problématique pour la chancelière, car 2011 est une « super année électorale », avec pas moins de sept scrutins régionaux. Le scénario noir qu'on redoute à la chancellerie, c'est une victoire de la gauche à Hambourg, le 20 février, avec un effet d'entraînement sur les trois élections de mars, en Saxe-Anhalt, en Rhénanie-Palatinat puis dans le Bade-Wurtemberg. Compte tenu de l'effondrement du parti libéral, tombé fin 2010 à quelque 3 % des intentions de vote, il n'est pas impossible que Stuttgart, bastion conservateur depuis l'après-guerre, bascule à gauche. Un nouveau revers électoral majeur, après celui que la droite a subi en Rhénanie-du-Nord-Westphalie en mai dernier, aurait un effet symbolique désastreux. Au-delà, il compliquerait encore la tâche du gouvernement face à une opposition de plus en plus revigorée au Bundesrat, la Chambre haute du Parlement. La gauche y a déjà montré ses muscles, en décembre, en bloquant pour la première fois un texte adopté par le Bundestag : la réforme des minima sociaux. Quelles que soient ses réussites économiques, Angela Merkel risque donc d'être confrontée à une cohabitation de plus en plus inconfortable, avant même d'avoir atteint la moitié de son deuxième mandat.
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