TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 30 novembre 2010

Evaluer la gouvernance des entreprises

Durant les années 90, les investisseurs pouvaient faire mieux que le marché en se basant sur les dispositifs protégeant les entreprises de prise de contrôle. Aujourd’hui, ils ont appris à évaluer ces dispositions, mais il est possible d’utiliser d’autres critères de gouvernance pour investir.
CAMBRIDGE – Les marchés savent-ils évaluer correctement la gouvernance des entreprises ? Dans le cadre d'une nouvelle étude empirique, Alma Cohen, Charles C.Y. Wang et moi avons montré comment les marchés ont appris à évaluer les dispositions destinées à éviter une prise de contrôle hostile. Ce savoir a des conséquences importantes pour les entreprises cotées en Bourse et leurs investisseurs.
En 2001, trois économistes financiers (Paul Gompers, Joy Ishii et Andrew Metrick) ont identifié une stratégie d'investissement basée sur des mesures de gouvernance qui auraient rapporté des bénéfices boursiers très élevés durant les années 1990. Elle comportait l'obligation de réunir une large majorité au sein du conseil d'administration pour certaines décisions, le renouvellement de ce conseil sur plusieurs années et des mesures anti-OPA qui isolent les gestionnaires de la discipline des marchés en ce qui concerne le contrôle des entreprises.
Le lien entre gouvernance et bénéfices a disparu
Durant les années 1990, avoir des actions d'entreprises qui peuvent prendre toutes leurs décisions (ou la plupart d'entre elles) à la majorité simple ou adopter des positions de vente de titres d'entreprises qui ne peuvent prendre certaines décisions qu'à une majorité importante aurait permis de faire mieux que le marché. Quand elles ont été rendues publiques, ces conclusions ont intrigué les entreprises, les investisseurs et les experts en gouvernance d'entreprise et ont suscité le développement de produits financiers basés sur la gouvernance d'entreprise.
Même si les dispositifs anti-OPA des entreprises limitent leurs résultats, les investisseurs risquent de ne pouvoir faire de bénéfices si les prix reflètent les effets de ces dispositions connues du public. Cohen, Wang et moi avons montré que le lien entre gouvernance et bénéfices qui existait dans les années 1990 a disparu par la suite et n'a pas réapparu. Après avoir mieux fait que le marché durant les années 1990, les entreprises qui  ont eu une stratégie basée sur la gouvernance se sont retrouvées par la suite au même niveau que le marché.
Comment comprendre le lien entre gouvernance et bénéfices durant les années 1990 et sa rupture ultérieure ? Nous avons trouvé que cette évolution est due au fait que les marchés ont appris au cours du temps à évaluer la différence de bénéfices attendus entre les firmes qui ont une bonne gouvernance et les autres, en terme de niveau de protection contre une prise de contrôle hostile.
Les marchés ont appris à identifier les firmes bénéficiant d'une bonne gouvernance
En liaison avec cet apprentissage, au début des années 2000, les médias, les investisseurs institutionnels et les chercheurs ont soudain porté beaucoup plus d'attention à la gouvernance d'entreprise - une attention qui se maintient depuis. Ainsi le nombre d'articles qui évoquent des questions de gouvernance dans les journaux américains a triplé entre 2000 et 2002. Et le nombre de résolutions en rapport avec la gouvernance soumis à un vote par les investisseurs institutionnels a plus que doublé (beaucoup de ces résolutions portaient sur des dispositifs anti-OPA). Le nombre de ces articles et de ces résolutions reste élevé depuis cette époque.
L'intérêt accru porté à la gouvernance paraît avoir affecté les prix sur les marchés. Nous avons ainsi découvert qu'en 2001 les marchés avaient appris à identifier les firmes bénéficiant d'une bonne gouvernance en terme de prévision de rentabilité.
Nous avons cherché à mesurer la surprise des marchés à l'annonce des bénéfices des entreprises (en observant l'évolution du prix de leurs actions au moment de ces annonces) et celle des analystes boursiers (à partir de la différence entre bénéfices annoncés et prévisions). Nous avons découvert que durant la période 1990-2000, mais pas après, les annonces de bénéfices des firmes ayant une bonne gouvernance surprenaient plus fréquemment les marchés et les analystes que celles des firmes ayant une mauvaise gouvernance.
Soulignons que si après 2000 les dispositifs anti-OPA n'ont plus permis de faire mieux que les marchés, ils ont conservé toute leur importance pour évaluer une entreprise. Durant les années 2000, les firmes dont la réglementation prévoit que nombre de décisions doivent être prises à une très large majorité ont eu une capitalisation boursière inférieure aux autres (relativement à leur valeur comptable). Il est devenu impossible de tirer partie de la rentabilité d'une entreprise en utilisant le niveau de majorité nécessaire à son conseil pour prendre certaines décisions. Cela tient à la prise en compte de ce facteur par les marchés.
Dans l'ensemble, nos conclusions sont en faveur de l'idée que si les marchés ne sont peut être pas capable sur le champ d’évaluer correctement de nouvelles dispositions ou de nouvelles pratiques de gouvernance, ils sont capables d'apprendre à le faire - même s'il y faut parfois un temps considérable.
Les gestionnaires et les investisseurs devraient prendre en considération le savoir acquis des marchés et l'augmentation potentielle de la capitalisation boursière qui pourraient résulter de la suppression des dispositifs anti-OPA par les entreprises. Beaucoup d'entre elles les ont supprimés récemment en revenant sur le renouvellement échelonné des mandats des administrateurs et sur l'exigence d'une large majorité pour autoriser une fusion. Baisser le niveau de cette majorité permet encore aux actionnaires de réaliser de substantiels bénéfices.
Par ailleurs, si les marchés savent maintenant évaluer les dispositifs anti-OPA hostile, nos conclusions montrent que pour l'instant ils n'évaluent sans doute pas les autres caractéristiques de la gouvernance d'entreprise dont l'émergence est plus récente. L'introduction de nouvelles mesures de gouvernance et leur intégration dans l'évaluation d'une entreprise est un processus lent.
Les investisseurs ne peuvent peut-être plus réaliser des bénéfices en basant leurs décisions sur les dispositifs anti-OPA habituels. Néanmoins nos conclusions n'excluent pas qu'une stratégie d'investissement basée sur d'autres caractéristiques de la gouvernance d'entreprise soit efficace. Aussi les gestionnaires ne devraient-ils pas se désintéresser de réformes de gouvernance potentiellement utiles, même si elles ne soulèvent pas encore l'intérêt des investisseurs et si les marchés ne les évaluent pas encore.
Les investisseurs finissent par apprendre. Ils sanctionnent ou récompensent alors de manière appropriée les entreprises en fonction de leurs choix de gouvernance.

0 commentaires: