TOUT EST DIT

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mardi 27 juillet 2010

Une guerre dans le désert

Entretenir la peur, désigner un ennemi, assassiner des innocents et capitaliser politiquement le fruit de l'horreur. C'est le mode de fonctionnement de toute entreprise terroriste. Michel Germaneau n'avait qu'un tort : être un civil français sur un territoire, le Sahel, convoité ¯ et de plus en plus contrôlé ¯ par les bandes d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Il était venu aider les populations locales. Son assassinat n'en est que plus choquant.

Sur une immense bande de territoire qui traverse le continent, des côtes de la Mauritanie au Tchad, l'islamisme radical se répand. Depuis trois ans, les attentats et les enlèvements d'Occidentaux dans cette partie de l'Afrique se sont multipliés. Ressortissants espagnols, britanniques, autrichiens ou français en ont fait les frais.

Toutefois, jusqu'ici, seul un otage britannique avait été tué, l'an dernier. Un autre Français, Pierre Camatte, avait, lui, été libéré il y a quelques mois, après une tractation menée de concert avec les autorités maliennes. Une marge de négociation existait-elle aussi pour Michel Germaneau ? C'est la question qui taraude les proches de la victime et, avec eux, tous les proches des autres otages français encore détenus en Afghanistan ou en Somalie.

En l'absence totale d'information sur le sort du septuagénaire depuis plus de deux mois, les autorités françaises ont considéré que le raid mené par l'armée mauritanienne, la semaine dernière, auquel des éléments français ont participé, constituait un risque nécessaire pour tenter de le sauver. L'opération s'est révélée positive du point de vue mauritanien, car elle a permis de démanteler une base logistique importante des organisations terroristes qui opèrent dans le nord du Mali. En revanche, le résultat est beaucoup plus compliqué pour la France, même si nombre d'observateurs estiment que l'otage était peut-être déjà mort.

Car, dans la guerre contre le terrorisme, chaque geste compte, et un état démocratique a beaucoup plus à perdre qu'à gagner. Très mobiles sur ces terres du Sahel qui échappent à tout contrôle étatique, les bandes affiliées à Aqmi, notamment le groupe d'Abou Zeid, qui détenait l'otage, traquent toutes les occasions de monter en puissance. Les liens directs avec la maison-mère d'Al-Qaida ne sont pas nécessaires pour y ouvrir des « franchises ». Tous les trafics sont là, à portée de la main, pour les financer. Drogue. Armes. Trafic d'otages.

C'est sur ce champ de bataille qui ne dit pas son nom que Michel Germaneau est tombé, comme dans un piège. À la bourse terroriste, tous les Occidentaux ont un prix. Dans cette partie de l'Afrique, les otages français ont, en plus, une valeur ajoutée. Le passé colonial, la laïcité et le voile, le soutien au régime algérien du président Bouteflika et à sa lutte sans quartier contre leur organisation sont autant de motifs de haine pour les responsables d'Aqmi, contraints, depuis trois ans, de se replier plus au Sud pour mener le Jihad.

Les spécialistes du renseignement affirment qu'Al-Qaida a subi de sérieux revers, sous la pression internationale, et serait, justement, en repli. Son pouvoir de nuisance n'en reste pas moins considérable, dès lors qu'elle investit un territoire de non-droit, dans le Sahel comme en Afghanistan ou dans l'océan Indien. Visée, la France n'est toutefois pas sa seule cible. Ce n'est qu'en renforçant la coopération internationale dans la lutte antiterroriste que la menace pourra être contenue.

Laurent Marchand

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