TOUT EST DIT

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mardi 30 novembre 2010

Egypte : les Frères musulmans annoncent leur lourde défaite aux législatives

Les résultats du premier tour des élections législatives égyptiennes n'avaient pas encore été publiés, lundi 29 novembre, que l'issue du scrutin qui s'est tenu dimanche dans un climat de fraude et de violence ne faisait guère de doute : les Frères musulmans se voyaient pratiquement éliminés du Parlement égyptien.


La confrérie, théoriquement interdite par le pouvoir mais tolérée dans les faits, détenait jusqu'à présent un cinquième des sièges dans l'ancienne chambre basse du Parlement et, sous l'étiquette "indépendants", constituait la première force d'opposition au gouvernement du président Hosni Moubarak, avec quatre-vingt-huit élus. Si les résultats officiels du premier tour du scrutin ne sont pas attendus avant mardi, Saad al-Katatni, chef de file des élus islamistes de l'assemblée sortante, a indiqué lundi qu'aucun des cent trente candidats présentés par les Frères musulmans n'avait décroché l'un des cinq cent huit sièges de député en jeu à l'issue du premier tour. Et seule une poignée d'entre eux pourra briguer les suffrages des électeurs lors du second tour prévu le 5 décembre.
"Il y a eu des trucages et nous avons déposé un recours contre les procédures de vote", a indiqué M. Katatni, qui n'a pas conservé son siège de député à Minah, au sud du Caire, un mandat qu'il avait remporté en 2005 avec trente cinq mille voix, contre douze mille pour son principal rival.
"UN GOÛT DE SANG, UNE ODEUR DE POUDRE"
La presse et des observateurs indépendants ont en effet rendu compte de très nombreux cas de fraude et de violences lors du premier tour. Le quotidien indépendant Chourouq citait par exemple le témoignage d'un juge de la région de Guizeh, près du Caire, affirmant avoir vu des officiers de police bourrer des urnes. Selon les sources, deux à quatre égyptiens auraient trouvé la mort dans des affrontements entre militants ou provoqués par des hommes de main recrutés par des candidats, une pratique fréquente en Egypte.
"Ces élections ont un goût de sang et une odeur de poudre. Les citoyens ont été sacrifiés pour que le PND [le Parti national démocratique d'Hosni Moubarak] reste au pouvoir", a affirmé la Coalition indépendante pour l'observation des élections. Cette fédération d'observateurs non gouvernementaux égyptiens a diffusé un dossier décrivant en détail quatre-vingt-trois cas d'irrégularités ou de violences, dans treize des trente gouvernorats d'Egypte. Le PND est mis en cause dans un grand nombre de cas, mais des candidats indépendants ou d'autres partis sont aussi cités. "L'exclusion répétée de représentants de l'opposition et d'observateurs des bureaux de vote, de même que les informations faisant état de violence et de fraude, suggèrent que les citoyens n'ont pas pu prendre part à des élections libres", écrit de son côté un responsable de Human Right Watch, Joe Stork, dans un communiqué.
Le ministre de l'information, Anas al-Feki, s'est en revanche félicité dans un communiqué du "haut degré de transparence" du scrutin. Il a assuré que les incidents, "limités", n'avaient "pas affecté la conduite générale et l'intégrité de l'élection".
Des analystes avaient prédit que le pouvoir ferait tout pour marginaliser les islamistes sur la scène politique avant l'élection présidentielle de 2011 à propos de laquelle le chef de l'Etat, âgé de 82 ans et de santé fragile, reste muet. "C'est un niveau de fraude entièrement différent, indiquait ainsi Chadi Hamid, du Brookings Doha Center. "Cela laisse penser que le régime s'inquiète de la transition qui arrive et ne compte prendre aucun risque."


En Egypte, le poids des Frères musulmans reste une inconnue
  Le score que remportera la puissante institution des Frères musulmans aux élections législatives d'Egypte, dimanche 28 novembre, reste le principal point d'interrogation de ce scrutin en grande partie joué d'avance. Face à l'énorme machine électorale du Parti national démocratique (PND, au pouvoir), auquel tout le monde prédit une large victoire, la Confrérie islamique dispose d'un important réseau de mosquées, d'écoles, de crèches et de centre de soins médicaux – autant de secteurs où l'action de l'Etat est jugée insuffisante par de nombreux Egyptiens – et de la capacité avérée de mobiliser les foules.

Ces dernières années, les Frères musulmans ont également bénéficié du phénomène de réislamisation de la société égyptienne qui a accompagné l'appauvrissement d'une partie de la population et la grogne croissante envers un régime indéboulonnable depuis 30 ans.
TIMIDES OUVERTURES DÉMOCRATIQUES
Fort du soutien populaire, les Frères musulmans avaient opéré une percée remarquable lors du précédent scrutin de 2005, remportant 88 sièges (contre 11 en 2000), soit un cinquième du Parlement. Elus sous l'étiquette "indépendants" pour contourner l'interdiction officielle qui pèse sur ses membres, la Confrérie aurait sans doute pu faire mieux, si le scrutin n'avait pas été entaché d'irrégularités. Pour limiter ce succès qu'à l'évidence il n'avait pas anticipé, le régime avait réagi en barrant l'accès de nombreux bureaux de vote, dès le deuxième jour des élections qui se déroulaient, à l'époque, en quatre journées réparties sur un mois.
Depuis, le gouvernement a mené une campagne de harcèlement à l'encontre de la Confrérie, en multipliant les arrestations de ses membres. Plus de 5 000 d'entre eux ont été arrêtés en 2009. A la veille du scrutin de 2010, ils sont encore plus de 1 000 dans les prisons, dont plusieurs candidats. Plus pénalisant encore, le pouvoir a procédé au gel d'une partie non négligeable des avoirs financiers de la Confrérie.
CONFLITS INTERNES
Fin 2009, les Frères musulmans ont par ailleurs connu des dissensions internes, largement couvertes par les médias, suscitant de nombreux débat sur l'affaiblissement que ces disputes étalées au grand jour pourraient provoquer. Tandis que traditionnellement, seule la mort mettait un terme aux fonctions de guide suprême des Frères musulmans, le guide Mohammed Mahdi Akef avait alors déclaré qu'il ne poursuivrait pas son mandat. Son départ a été suivi de mises à l'écart de personnalités importantes au sein de la Confrérie.
"La bureaucratie minait nos affaires internes", explique au Monde Mohammed Habib, numéro deux de l'époque, aujourd'hui écarté. "En outre, l'interdiction que le régime fait peser sur les Frères a engendré des auto-restrictions, un repli sur soi de la Confrérie, une propension au secret et, finalement, une situation dans laquelle les décisions ne sont plus prises que par une minorité d'entre nous, aux dépends de notre tradition de consultation. Selon moi, la Confrérie a commencé à souffrir des mêmes maux que le régime égyptien : le manque de démocratie que, justement, nous combattons." M. Habib insiste cependant sur le fait qu'après son départ, la décision de participer aux élections législatives, alors qu'une partie de l'opposition égyptienne appelait au boycot, a été le résultat d'un important débat interne.
Porte-parole de la Confrérie, Essam El-Erian, interrogé par Le Monde juge, au final, "impossible de rééditer le score de 2005", notamment en raison de "l'atmosphère politique étouffante" et du "manque de transparence du scrutin" (la supervision des juges à été supprimée dans les bureaux de vote suite à un amendement constitutionnel de 2007).
REPRISE EN MAIN DE LA VIE POLITIQUE
D'autres Frères ont évoqué également l'absence de pressions étrangères sur le régime égyptien. En 2005, dans un changement de ton significatif à l'égard de son principal allié au Moyen-Orient, l'administration américaine de George Bush s'était dit en effet "préoccupée par l'avenir des réformes égyptiennes lorsque des militants pacifiques de la démocratie ne sont pas préservés de la violence." Dans un discours, prononcé à Charm al-Cheikh en juin 2005, la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice avait même déclaré : "Pendant 60 ans, les Etats-Unis ont recherché la stabilité aux dépens de la démocratie au Proche-Orient, et nous n'avons accompli ni l'un ni l'autre."
Ce constat peu encourageant reste valable aujourd'hui. Les timides ouvertures démocratiques concédées à cette époque par le président Hosni Moubarak ont en outre cédé à une reprise en main très stricte de la vie politique en Egypte.
Selon les spécialistes, les Frères musulmans sont toujours aussi puissants en nombre de militants, voire davantage. Mais les conditions de vote, le contexte international et égyptien – notamment les inconnues et les inquiétudes entourant la succession du président Hosni Moubarak –, estiment-ils, ne leur permettront pas de conserver leur position de principale force d'opposition au sein du Parlement.
Cécile Hennion

 Egypte : violences et accusations de fraude en marge des élections

Des violences ont été signalées, dimanche 28 novembre en Egypte, en marge d'élections législatives décisives pour la mouvance islamiste, et contre lesquelles les accusations de fraude se multiplient.

Un jeune homme de 24 ans, Omar Sayyed Sayyed, a été tué d'un coup de poignard dans la nuit de samedi à dimanche alors qu'il collait des affiches pour son père, Sayyed Sayyed Mohamed, candidat indépendant dans le nord-est du Caire. La famille estime que le meurtre est lié aux élections, mais la police soutient qu'il s'agit d'une "dispute privée".
Des heurts entre partisans de différents candidats ont par ailleurs été rapportés dans plusieurs villes du pays, faisant notamment un blessé par balle près de Mansourah, dans le delta du Nil, et trois autres à Sohag, en moyenne-Egypte, selon des sources au sein des forces de sécurité.
A Samanoud, dans le delta, des heurts entre Frères musulmans et force de l'ordre ont aussi fait plusieurs blessés. De nombreux incidents ont été liés au refus de laisser entrer dans les bureaux de vote les délégués des candidats islamistes ou indépendants, censés surveiller les opérations électorales.
En certains endroits la police a dispersé les manifestants avec des gaz lacrymogènes.
"Dès le tout début du vote, il y a eu toute une série d'irrégularités et une utilisation de la force qui menacent le processus électoral", a affirmé dans un communiqué la Coalition égyptienne pour la surveillance des élections.
SCRUTIN CRUCIAL POUR LE POUVOIR
Une autre organisation non-gouvernementale, la Coalition indépendante pour l'observation, a fait état d'agressions "contre des candidats, leurs représentants ou des journalistes" par les forces de l'ordre.
Cet organisme a assuré que des "criminels ont été utilisés pour attaquer des candidats et leurs partisans". Il dresse une longue liste de cas d'obstruction pour surveiller les urnes, dans un pays où les précédentes élections ont déjà été entachées d'accusations de fraude.
Quelque 40 millions d'électeurs, sur 82 millions d'Egyptiens, étaient appelés renouveler l'Assemblée du peuple qui compte 518 sièges -508 ouverts au vote et dix attribués par le président Hosni Moubarak. Le second tour est prévu le 5 décembre.
A un an de la présidentielle de 2011, le Parti national démocrate (PND) de M. Moubarak a promis de laminer la représentation parlementaire des Frères musulmans, qui avaient raflé un cinquième des sièges en 2005. Le pouvoir entend ainsi affirmer sa solidité au moment où le pays traverse une phase d'incertitude due à l'âge et à la santé de M. Moubarak, 82 ans, et aux interrogations sur sa possible succession.
La confrérie islamiste, officiellement interdite mais tolérée dans les faits, soutient 130 candidats se présentant comme "indépendants". Elle a dénoncé une vaste campagne d'arrestations et d'intimidations de la part du pouvoir à l'encontre de ses militants au cours des dernières semaines. Le président Moubarak a promis de son côté un vote "libre et régulier".

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