mercredi 16 février 2011
L’humanitaire d’abord
Doit-on mêler culture, justice et pressions politiques ? Ce cocktail inédit est à l’origine de la brouille franco-mexicaine qui a failli devenir « affaire d’État », tant en France qu’au Mexique. Avec fierté nationale bafouée des deux côtés, avec de forts relents de politique intérieure aussi, toujours des deux côtés. Et dans cet embrouillamini, Florence Cassez paraît doublement otage…
Résumons. Pour son comité de soutien, la jeune Française condamnée à 60 ans de prison est l’innocente victime d’une machination policière. Son grand tort est d’avoir été la compagne d’un gangster notoire, spécialisé dans l’ « industrie du kidnapping », une plaie au Mexique. Florence Cassez dit avoir ignoré les activités criminelles de son ami, ce que ce dernier a confirmé. Par ailleurs, que de bizarreries lors de son arrestation (avec le gang des kidnappeurs) « reconstituée » pour les besoins de la télévision (?), des bizarreries poursuivies au long des divers procès ! Pour la grande majorité de l’opinion publique mexicaine relayée par la presse, la jeune femme est coupable, puisque formellement identifiée par deux victimes du gang de son compagnon. Malgré elle, Florence Cassez est devenue l’exemple - l’otage - de la lutte « victorieuse » que mènerait la police mexicaine contre le crime organisé. En réalité, une sanglante guerre ouverte contre les milices de narcotrafiquants, les kidnappeurs et les bandes armées de proxénètes. Le tout sur un fond de corruption qui gangrène des États entiers de la Fédération…
Mais la Française n’est-elle pas aussi devenue un autre symbole, celui de la politique volontariste que mène Nicolas Sarkozy jamais insensible au sort des otages, quels qu’ils soient ? Et une « otage » très médiatisée retient forcément plus l’attention, car dans le monde, d’autres Français croupissent en prison, purgeant des peines à vie pour trafic de drogue…
Le chef de l’État a longtemps cru pouvoir régler l’ « affaire » avec son homologue Felipe Calderon, tout en ne pouvant que laisser tourner les différents rouages de la justice mexicaine. Elle ne s’est pas « déjugée »… Une « spécialité » exclusivement mexicaine ?
Selon les plus hauts magistrats mexicains, il n’y a plus d’issue juridique. La Convention de Strasbourg ratifiée par le Mexique – qui est observateur auprès du Conseil de l’Europe – n’autoriserait (Mexico n’ayant pas signé un protocole additionnel plus souple) le « transfèrement » dans le pays d’origine du condamné que s’il y purge toute sa peine. Or 60 ans de prison sont impensables en France. Refaire sur le sol français le procès bâclé de Florence Cassez est tout aussi impensable.
Peut-être y a-t-il eu trop d’intervention politique dans cette malheureuse affaire. Jusqu’à l’exaspération, jusqu’à réveiller au Mexique le souvenir de la calamiteuse expédition militaire de Napoléon III…
Qu’après les poussées de fièvre, l’« année du Mexique » se déroule normalement. Pour qu’ensuite, le cas Florence Cassez soit examiné sous l’aspect qui, pour l’instant, convient le plus : l’aspect « humanitaire ». C’est aussi le vœu de Nicolas Sarkozy.
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