mercredi 2 février 2011
Quelle sortie pour le raïs égyptien ?
Combien étaient-ils ? Un million ? Un peu moins, le double ? Les chiffres ne comptent plus. C'est un signal sans précédent que le peuple égyptien a lancé hier en défilant massivement dans les rues du Caire. Toutes les différences de sensibilité étaient gommées au nom d'un objectif commun : chasser Moubarak du pouvoir. Quand la révolte prend une telle ampleur, quand un président d'un régime autoritaire catalyse une telle colère sur sa personne, la sortie est inéluctable. Reste, et c'est le plus dur, à en définir le mode et le moment.
Au terme de cette journée historique, le vieux raïs en a annoncé le principe, en promettant qu'il ne se représentera pas aux prochaines élections, qu'il allait oeuvrer pour un changement de la Constitution répondant au désir d'ouverture, et assurer la transition politique. En clair, Moubarak, sous la pression intenable de la rue, de l'armée, de son allié américain et des répercussions économiques déjà perceptibles, a accepté de faire un pas en arrière. Mais pas tout de suite, contrairement à ce que lui demandaient les manifestants. Il accepte de partir, mais refuse de fuir.
Trop peu, trop lent, trop tard. C'était sans doute, hier soir, le sentiment des centaines de milliers de manifestants qui, après avoir passé une journée relativement joyeuse, sous le regard bienveillant des militaires, apprenaient que le départ du Président n'était plus si imminent.
Grâce à l'attitude de l'armée égyptienne, qui a ouvertement laisser violer le couvre-feu, et même cautionné la légitimité de ces manifestations, le bain de sang a été évité. Après la Tunisie, l'Égypte ose dire, haut et fort, que la dictature d'un homme, d'un parti, d'un clan, est illégitime. Un grand espoir démocratique traverse cette partie du monde et fait trembler plus d'un autocrate.
Depuis ce week-end, plusieurs options avaient circulé. Beaucoup avaient en tête un exil immédiat, alertés par le départ à Londres de son propre fils. Un départ type Ben Ali, emblématique. La foule serait radieuse. L'effet domino garanti. L'impact immédiat sur les mouvements de protestation à Amman, Sanaa ou Khartoum. Et c'est précisément ce qui préoccupe toutes les capitales de la région, Washington et même la Chine, dont les dirigeants ont dû repenser hier à Tien'anmen en voyant la place Tahrir si vivante.
Alors, une transition plus maîtrisée ? Un départ programmé ? C'est ce que Moubarak a promis hier, même si les Égyptiens demandaient des gages pour un changement sans délai. Un vrai. Le bras de fer n'est donc pas terminé. Beaucoup va dépendre des contacts établis par les militaires eux-mêmes avec le fidèle et généreux allié américain. Beaucoup va dépendre également des gages réels, en matière de réforme, donnés à l'opposition et notamment à Mohamed ElBaradeï, dont le rôle pourrait être moins secondaire qu'on n'a pu le penser dans un premier temps.
La seule annonce d'un retrait de la bataille électorale n'est pas à la hauteur des attentes d'une foule surprise elle-même par son audace. Le vieux raïs voit agoniser en direct trente ans de règne, passé à sécuriser son pouvoir et à tisser de solides alliances. En une semaine, cette construction s'est envolée. Il veut sauver la face, réussir sa sortie, mais rien ne dit qu'il sera maître du temps. On a vu, en une semaine, Washington passer du soutien initial à la demande de transition puis de renoncement. Si la rue continue de pousser, rester pourrait devenir intenable.
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