jeudi 10 février 2011
Lois bioéthiques : le statu quo
Prudence ou frilosité ? Tous ceux qui attendaient de la révision des lois bioéthiques de grandes évolutions libérales sont désappointés. « Tout cela pour cela ! » Trois ans de débats. Des consultations tous azimuts et, pour finir, un projet quasi identique à la loi en vigueur, celle de 2004. Quelques aménagements, aucun bouleversement. Le seul changement souhaité par le gouvernement ¯ qui était de lever l'anonymat des donneurs de spermatozoïdes ou d'ovocytes, de façon très encadrée ¯ a été bloqué, et par les députés de la majorité, et par ceux de l'opposition.
Roselyne Bachelot, l'ex-ministre de la Santé, défendait cette idée au nom du droit de tout être humain à connaître ses origines. Cela ne concerne pas que quelques personnes. Depuis 1982 et le premier bébé-éprouvette, 200 000 enfants sont nés d'un don en France. Elle avait l'appui de tout un courant de pensée, de sociologues, psychologues, psychanalystes et juristes, y compris celui du Conseil d'État, qui n'est pas un repaire de révolutionnaires. Elle a été désavouée. Le nouveau ministre, Xavier Bertrand, s'est rangé à l'avis des députés, « au nom des grands principes ». Anonymat, gratuité, dignité de la personne humaine. La filiation biologique doit rester secrète. Seule importe la filiation sociale, parentale.
En réalité, à quelques encablures de la présidentielle, en jouant le statu quo, le gouvernement cherche à indisposer le moins de monde possible.
Questions fondamentales
Car la bioéthique ne se résume pas à un paisible débat sur l'avenir des gamètes. Y bouillonnent des questions de société fondamentales, sur la famille, la place des enfants, la filiation, l'homoparentalité, la sexualité. Il n'y a que des coups à prendre, pense le ministre. En indisposant l'Église ou en se mettant à dos les chercheurs, en froissant les tenants de la tradition familiale, qui dénoncent le risque du « tout génétique » et du « tri eugénique », ou en irritant les modernistes qui refusent que le modèle familial se résume à « papa maman ».
La science a sa part dans cet ébranlement des normes sociales. En inventant la vie née en éprouvette, en substituant un acte technique à l'acte naturel, elle offre un enfant à des couples infertiles. Formidable bonheur. Mais elle a aussi suscité des vocations de docteurs Folamour de la fécondation, de Frankenstein du clonage, et de boutiquiers du corps humain. La législation bioéthique est née en réaction contre ce risque d'une recherche débridée. Elle est donc originellement prudente et conservatrice.
Il nous fallait renvoyer « dos à dos les marchands et les prêtres », raconte l'un des fondateurs des lois bioéthiques. Les uns étaient à l'affût d'un commerce des gamètes et des embryons. Les seconds, en imposant la sacralité de l'embryon, auraient interdit toute recherche sur les cellules souches. C'est ainsi que l'embryon fut déclaré « personne potentielle » et que fut inventé ce principe de l'interdit de la recherche avec dérogations possibles qui ne satisfait vraiment pas les chercheurs qui sentent peser sur eux une forme de suspicion permanente.
Aujourd'hui, le seul point de clivage important entre la majorité et l'opposition, entre l'UMP et le PS, porte sur ce point. Les socialistes jugent absurde le régime actuel de l'interdiction. Ils prônent une autorisation encadrée. Sinon, ce débat bioéthique, pour passionnant qu'il soit, ne risque pas de jeter l'émoi dans les travées de l'Assemblée.
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