Honnêtement, en d'autres temps et en d'autres lieux, l'information n'aurait sans doute fait qu'un entrefilet.
À la différence de Michèle Alliot-Marie en Tunisie, François Fillon, invité officiel des autorités égyptiennes aux mêmes dates, n'excerçait là qu'une activité normale de Premier ministre. Au moment de ce voyage, personne de bonne foi n'avait détecté les prémices d'une contagion contestataire au Caire et personne ne peut invoquer la cécité des autorités françaises. Enfin, la transparence très réactive avec laquelle Matignon s'est expliqué et a anticipé, hier, les révélations du Canard enchaîné contraste avec l'amateurisme de la défense de la ministre des Affaires étrangères.
Alors, pourquoi un voyage du Premier ministre à Assouan et à Abou-Simbel deviendrait-il un événement politique ? Manque de chance pour lui, la révélation de ce déplacement surgit au plus mauvais moment.
Elle survient alors que tout le monde assiste, en direct, aux explications emberlificotées de Michèle Alliot-Marie dont l'absence de flair politique a bien failli lui coûter cher.
Il n'est pas donné à tout le monde de se voir offrir les services gratuits d'un jet privé pour aller visiter une palmeraie dans le désert tunisien. Cet abus de position, qui ne peut qu'encourager la bienveillance d'un chef de la diplomatie vis-à-vis d'un régime hôte, heurte forcément le citoyen lambda.
Le même citoyen appréciera, en son âme et conscience, le séjour égyptien d'un Premier ministre, symbole de la rigueur et de la droiture. Le fait qu'il s'agisse d'un voyage en partie privé, au moment des fêtes et partiellement payé par un État loin d'être irréprochable, change la donne.
Les événements du Caire et le recul du temps en offrent, a posteriori, une lecture facile. Mais il faudrait être naïf pour croire qu'ils ne seraient pas utilisés à des fins politiques. Les arguments de François Fillon pour absoudre Michèle Alliot-Marie donnent même l'impression que le Premier ministre se défend autant lui-même qu'il soutient sa ministre.
La révélation de ce voyage survient alors que monte l'exigence, promise par le pouvoir lui-même, d'une République irréprochable et que se développe le débat sur la manière de mettre fin aux conflits d'intérêts pour rendre à la politique sa crédibilité. Les exemples répétés de capillarité entre intérêts personnels et politiques alimentent une légitime demande d'exemplarité, contrariée par les faits.
L'épisode égyptien survient enfin au moment choisi par l'exécutif pour repartir à la conquête de l'opinion. Les Français ne lui ayant pas été reconnaissants pour la réforme des retraites et pour le remaniement gouvernemental, Nicolas Sarkozy essaie de faire mentir les sondages. D'une part en se présidentialisant, d'autre part en faisant la pédagogie de sa politique.
C'est tout le sens de son rendez-vous télévisuel, demain soir. Un rendez-vous préprésidentiel qui risque d'être éclaboussé par les vagues du Nil et obscurci par les sables tunisiens.
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