TOUT EST DIT

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mercredi 9 février 2011

Barack Obama face au défi égyptien


Plus de trente ans après la révolution iranienne de 1979 qui a chassé du pouvoir le shah et installé une république islamique, les Etats-Unis sont confrontés à un nouveau séisme d'une grande ampleur dans l'un des pays clefs du Moyen-Orient : l'Egypte. Un séisme qui menace aujourd'hui d'autres régimes arabes alliés de Washington comme celui du président Ali Abdullah Saleh au Yémen ou, dans une moindre mesure, celui du roi Abdallah II en Jordanie. Certes, jusqu'à aujourd'hui, ces régimes tiennent mais ils sont obligés de faire de plus en plus de concessions. Et si, en Egypte, Hosni Moubarak n'a pas choisi l'exil comme ce fut le cas dans l'Iran révolutionnaire ou, très récemment en Tunisie, avec la fuite du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, chacun sait que ses jours sont comptés.


Ce qui oblige l'Amérique à repenser toute sa stratégie dans la région. Les Etats-Unis, écrivait récemment Steven Cook du think tank américain Council on Foreign Relations (1), n'ont certes pas été responsables des exactions du pouvoir mais ils ont très largement profité du régime de Hosni Moubarak. De fait, en échange d'une aide financière, le raïs du Caire a maintenu sans discontinuer l'ouverture du canal de Suez, l'un des points névralgiques du globe pour le transport du pétrole. Il a par ailleurs lutté sans relâche contre les fondamentalistes et - surtout -il a maintenu la paix avec Israël qu'avait conclue son prédécesseur Anouar el-Sadate. Ce n'est pas un hasard si le président américain Barack Obama avait d'ailleurs choisi Le Caire pour appeler en juin 2009 à une refondation des relations entre l'Amérique et l'islam. Une façon claire de marquer son souci de maintenir, au moins symboliquement, la bonne relation de Washington avec Hosni Moubarak.


Comme la majorité des chancelleries du monde et des services de renseignement - y compris ceux du Mossad israélien -, l'Amérique a été prise de court par les événements de Tunisie, d'Egypte et ailleurs dans le monde arabe.


Mais surtout ses moyens d'action sont limités face à une lame de fond d'une telle ampleur dans le monde arabe. Un soulèvement qui, à certains égards, rappelle la contagion des « révolutions » démocratiques en Europe au XIX e siècle, comme le « printemps des peuples » de 1848.


La première raison est d'ordre géostratégique. Après l'implosion de l'Union soviétique, l'Amérique s'est affirmée comme l'unique superpuissance de l'après-guerre froide, possédant non seulement le pouvoir militaire mais aussi le pouvoir de persuasion. Comme en témoigne d'ailleurs son influence sans précédent sur les pays d'Europe centrale et de l'Est, libérés du terrible joug soviétique. Mais aussi sa capacité à organiser des grandes coalitions internationales, en 1991 lors de la première guerre du Golfe contre l'Irak de Saddam Hussein après l'invasion du Koweït, puis en Afghanistan en 2001 pour renverser le régime des talibans qui avait donné l'abri au Saoudien Oussama ben Laden et à ses sbires, organisateurs des attentats du 11 septembre 2001. Une puissance qui a fait croire à l'Amérique de George W. Bush fils en sa capacité à réorganiser le Moyen-Orient selon ses voeux en faisant de l'Irak « une démocratie exemplaire » après avoir culbuté le régime de Saddam Hussein. Mais cette période est largement révolue. Militairement, l'Amérique a montré les limites de sa puissance dans des guerres asymétriques menées par des forces de guérillas. Comme en leur temps les puissances coloniales telles que la France ou la Grande-Bretagne n'avaient pu se maintenir dans les pays qui avaient constitué, à un moment, leur empire. De plus, les Etats-Unis ont prouvé, comme l'avaient prédit d'ailleurs des généraux américains lors d'auditions au Congrès en 2002, leur difficulté à mener de front deux opérations militaires de grande ampleur loin des frontières, en Irak et en Afghanistan alors que Washington doit maintenir des forces importantes en Corée du Sud, au Japon et dans d'autres régions du globe.


L'autre raison est que l'Amérique est aujourd'hui défiée par d'autres puissances en devenir comme la Chine mais aussi l'Inde et le Brésil. En projetant les tendances futures dans le monde en 2025, un rapport daté de 2008 de la Direction du renseignement national (DNI) américain (2), soulignait que non seulement « la domination des Etats-Unis » en 2025 serait moindre mais aussi que « le système international, construit après la Seconde Guerre mondiale » - donc par les Etats-Unis -serait « méconnaissable » en raison de l'émergence de nouvelles puissances mais aussi de l'influence croissante d'acteurs non étatiques ainsi que du « transfert historique de richesse et du pouvoir économique de l'Ouest vers l'Est ».


Après les années de George W. Bush fils, tout l'enjeu, pour l'Amérique est de reconstruire son pouvoir d'influence, son « soft power », dans le « grand Moyen-Orient », cet espace allant du Maroc à l'Afghanistan et au Pakistan. Un pouvoir largement entamé par les interventions militaires, mais aussi par le soutien apporté aux régimes autoritaires vus, de Washington, comme les seuls à même de faire barrage à l'islamisme.


Or c'est justement ce « soft power » lié à une puissance commerciale sans précédent qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a construit l'influence américaine, et non la voix des armes. Reprendre ce fil en Egypte et dans le monde arabe et musulman est le défi lancé à la diplomatie américaine. Mais la partie est loin d'être gagnée. Pour Barack Obama, elle est en tout cas au moins aussi importante qu'en Iran il y a trente-deux ans pour Jimmy Carter.

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