Réunis dans la salle des fêtes de l'Elysée pour assister à la conférence de presse de Nicolas Sarkozy sur la présidence française du G20, beaucoup de journalistes avaient sans doute en tête cette question : pourquoi le chef de l'Etat s'est-il fixé des objectifs si ambitieux ? Réformer le système monétaire international, combattre la volatilité des cours des matières premières agricoles, accompagner l'économie numérique, mettre en place des nouveaux moyens d'aider le développement - ce qu'on appelle dans la langue diplomatique les « financements innovants » -, lutter contre le « dumping social » et améliorer la gouvernance mondiale, qui n'y souscrirait pas ? Mais, en même temps, qui y croit ? Qui pense que la France, par le seul volontarisme de son président, et la dextérité de ses hauts fonctionnaires internationaux - un de nos plus solides points forts à l'exportation -, a des chances d'obtenir en quelques mois des avancées sur ces sujets qui occupent, souvent en vain, les grandes enceintes multilatérales depuis plusieurs années ?
Tout cela, le chef de l'Etat le sait mieux que d'autres. S'il a néanmoins privilégié cette stratégie très ambitieuse, c'est que ses avantages l'emportent de loin sur les inconvénients. On ne fait pas rêver avec un G20 et l'opinion française n'en voudra pas à son président d'avoir pris sa fonction particulièrement à coeur, même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. La palette des chantiers ouverts par la France est de toute façon suffisamment étendue pour que nos grands partenaires y trouvent matière à faire quelques gestes qui en sauveront le bilan. En revanche, le futur candidat à l'élection présidentielle de 2012 se met en position d'en tirer un double profit politique.
Le premier, comme le spectaculaire changement de style de l'orateur le laissait apparaître hier, tient dans la posture. Avec un tel programme au coeur de « son » G20, l'hyperprésident va devenir jusqu'en novembre, date du sommet de Cannes, une sorte de « supraprésident », au-dessus des partis et presque au-dessus de son pays. S'appuyant, selon ses termes, sur « l'opi nion internationale » pour mettre les autres chefs d'Etat face à leurs responsabilités au regard de l'avenir de notre planète et la lutte contre la spéculation. Des idées comme la taxe sur les transactions financières, le socle de protection sociale universelle, l'élargissement des droits de tirage spéciaux du FMI au yuan, ou la transparence sur les stocks de matières premières ne sont pas nouvelles mais elles sont aujourd'hui un peu orphelines. En se les appropriant, avec l'opiniâtreté qu'on lui connaît, Nicolas Sarkozy s'offre, lui, l'occasion de changer d'image et de donner une colorisation inédite, plutôt valorisante à son quinquennat.
Ce qui amène au deuxième atout : à sa façon, le président va ainsi réaliser une OPA sur le FMI dont il a d'ailleurs regretté, lors de sa conférence, certaines carences dans l'appréhension des déséquilibres mondiaux. Au même moment, contraint par l'agenda de ses camarades du PS, le directeur général du Fonds, Dominique Strauss-Kahn, devra faire la trajectoire inverse, et nettement moins avantageuse, s'il veut se présenter à la présidentielle de 2012 : abandonner avant l'été la noble tâche de la régulation internationale pour descendre dans l'arène des querelles picrocholines des primaires socialistes. Voilà un piège fort bien armé.
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