TOUT EST DIT

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mardi 25 janvier 2011

Viens donc en Allemagne, Pepe !

D’un côté, l’Allemagne qui cherche de la main d’œuvre pour nourrir sa reprise économique. De l’autre, l’Espagne en crise où les jeunes diplômés n’ont pas d’avenir. Comme dans les années 60, une nouvelle immigration pourrait se mettre en place entre les deux pays. 

Du temps de l'acteur Alfredo Landa, pendant la forte émigration espagnole des années 1960 vers l'Allemagne, celui à qui l'on disait "¡Vente a Alemania, Pepe!" [“Viens donc en Allemagne, Pepe !”, titre d'un film de 1971] était un paysan de Galice, d'Estrémadure ou d'Andalousie. Aujourd'hui, ce dont l'Allemagne a besoin, c'est d'un Pepe sans béret, qualifié et diplômé. C'est en tout cas ce qu'affirme un récent rapport allemand, qui pourrait donner un os à ronger aux médias lors du sommet hispano-allemand du 3 février à Madrid.
L’Allemagne souffre d'un déficit de techniciens qualifiés. Mais l'émigration pourrait-elle servir de palliatif au problème du chômage espagnol, comme ce fut le cas dans les années 1960? Ce qui frappe d'emblée, c'est la différence entre ces deux époques.
En 1960, l'Espagne avait signé un accord de recrutement avec le vaste secteur industriel d'Allemagne de l'Ouest, à l'origine du "miracle allemand". Jusqu'en 1973, dans le cadre de ces contrats de travail gérés par l'Institut espagnol d'émigration, plus de 500 000 Espagnols immigrèrent en Allemagne, dont plus de 80% rentrèrent ensuite dans leur pays. Le phénomène fut une importante source de devises pour l'Espagne franquiste, et permit de combler les manques de main-d'œuvre de l'Allemagne de l'époque. Le contexte actuel est bien différent.

Deux axes de travail pour plusieurs millions d'emplois

L'Allemagne d'aujourd'hui ne vit aucun "miracle", même si elle continue d'enregistrer un bon taux de croissance grâce à ses exportations, mais elle souffre, comme il y a 50 ans, d'un important déficit de main-d'œuvre qualifiée. Pour y remédier, l'Agence fédérale pour l'emploi vient donc de publier un plan en dix points. Ce projet repose d'abord sur l'amélioration de l'éducation et la promotion de l'intégration des femmes dans le marché du travail. Ces deux axes de travail, s'ils portent leurs fruits, devraient permettre de pourvoir plusieurs millions d'emplois d'ici à 2025.
Et s’ils ne remplissaient que l’objectif d'intégration des femmes, trois millions de postes à plein temps pourraient être pourvus. Cependant, le problème ne pourra en aucun cas être résolu sans un appel à l'immigration, insiste Raimund Becker, membre du comité directeur de l'Agence fédérale pour l'emploi, dans un entretien donné à la Frankfurter Allgemeine Zeitung : selon lui, il faudra faire venir 800 000 travailleurs étrangers.
Un chiffre qui fait écho à deux impératifs politiques. A Madrid, celui d'un gouvernement en difficulté dont la souveraineté est retenue en otage par les autorités européennes, et qui a besoin d'envoyer un message d'espoir sur le front de sa politique de l'emploi. A Berlin, celui d'un gouvernement décrié à Bruxelles pour sa politique économique égoïste et arrogante, et qui a quelque intérêt à adresser des signaux aux paniers percés du Sud, asphyxiés et en difficulté en raison de l'austérité qu'exige d'eux l'Allemagne. C'est avec ces impératifs en tête que les deux gouvernements vont se rencontrer au sommet de Madrid et, à en croire le Spiegel, le sujet figure en bonne place dans l'ordre du jour du 3 février.

Une offre ouverte à tous les pays européens en difficulté

L'offre d'embauche en Allemagne ne s'adresse pas seulement à l'Espagne, mais à tous les pays européens en proie à des difficultés, y compris les intelligences inexploitées de l'Est de l'Europe. Le gouvernement espagnol, qui ne discute pas le diktat allemand et s'est contenté de formuler de légères objections à Berlin, s'apprête à accueillir son offre comme une manne inespérée. Mais que vaut-elle en réalité?
L'émigration vers l'Allemagne de jeunes Espagnols diplômés de l'Université est déjà une réalité : ils sont des milliers à Berlin, occupant souvent des postes précaires à temps partiel. Ainsi, lorsque le député allemand Michael Fuchs, porte-parole de la CDU, déclare que "de nombreux jeunes sont au chômage dans le Sud et l'Est de l'Europe", il ne fait qu'enfoncer une porte ouverte.
Une chose est sûre, l'Allemagne entend modifier le tableau de son immigration : moins de paysans d'Anatolie (de Pepe turcs, en somme), et plus de diplômés sans avenir venus d'Espagne, de Grèce et de l'Est de l'Europe. Cela fait beaucoup de monde, or il ne s'agira peut-être que de quelques milliers d'emplois à l'horizon 2025. Plus qu'un Vente a Alemania Pepe, c'est peut-être vers un remake du Bienvenue Mister Marshall de Luis Garcia Berlanga [film espagnol de 1953 sur les vaines espérances suscitées par le plan Marshall dans un petit village espagnol] qu'on s'achemine : "Bienvenido Mister Müller".

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