La réforme de la gouvernance de la zone euro induit désormais la mise en place de plusieurs stades d'intégration européenne avec, au centre, les pays à triple A de la zone euro. Une évolution que contestent les autres pays, à commencer par le Royaume-Uni.
Deux sommets pour une Europe ? Ce mercredi soir, les vingt-sept membres de l'Union européenne se réuniront pour trouver la « solution durable » à la crise budgétaire... avant que dix pays ne quittent la salle pour laisser les dix-sept membres de la zone euro plancher à leur tour. La scène pourrait sembler cocasse si elle n'était pas l'allégorie d'une Europe que la crise de la dette soumet à des forces centrifuges massives. Les dix pays de l'UE non membres de la zone euro ne veulent plus jouer les spectateurs de sommets censés sauver le processus d'intégration économique.
Il est vrai que toucher à l'organisation de la zone euro, c'est toucher à celle de l'ensemble de l'Union. Car, comme le précise le traité de Maastricht, l'euro est la monnaie de l'union européenne et tout membre de l'UE a vocation à rejoindre à plus ou moins long terme l'union économique et monétaire. Du coup, le projet de réforme de la gouvernance de la zone euro, qui sera présenté ce mercredi par Herman Van Rompuy, ne concerne pas que les Dix-Sept. Si le traité de Lisbonne doit être modifié, ce seront bien les vingt-sept membres de l'UE qui devront approuver le nouveau texte. Si le président du Conseil européen propose une plus étroite surveillance des budgets nationaux, la création de nouvelles instances, comme le secrétaire permanent à la zone euro ou encore le renforcement des pouvoirs de la Commission, sans parler, peut-être, de l'abandon de la règle de l'unanimité dans certains cas, l'Europe à plusieurs vitesses risque de devenir une réalité.
Le ticket d'entrée dans l'euro sera en effet plus élevé. Il risque, du coup, d'éloigner la perspective d'une adhésion pour des pays considérés comme peu vertueux comme la Hongrie, la Lettonie ou la Roumanie. Et pour ceux qui choisissent de rester en dehors de cette évolution plus « fédérale » de la zone euro, comme l'ont fait le Danemark, le Royaume-Uni ou la Suède, le risque de marginalisation va augmenter. La crise de la dette a en effet convaincu le « coeur » de la zone euro, France et Allemagne comprises, qu'il fallait avancer vers une intégration plus forte dans le domaine économique et financier.
Donner des gages
Du coup, la position des Britanniques ou des Suédois voulant ménager les avantages de l'adhésion, tout en conservant son indépendance économique, est difficilement tenable, à moins d'accepter de se voir reléguer dans un cercle extérieur de l'Europe. Le même dilemme se pose pour des pays comme la Pologne et la République tchèque, pays à forte croissance encore en dehors de l'UEM, où l'opinion publique regarde désormais, crise grecque oblige, la monnaie unique avec scepticisme. Quant à l'appartenance actuelle à la zone euro, elle est loin d'être une garantie d'appartenir à un seul et même cercle. Pour ceux qui n'entrent pas dans le schéma de vertu qui sera esquissé ce mercredi, la potion risque d'être rude à avaler. Et pas seulement sur le plan économique et social.
La souveraineté de la Grèce est, on le sait, dans la balance depuis longtemps. Et Silvio Berlusconi, sermonné ce dimanche par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy et prié de réformer rapidement son régime des retraites, a sans doute eu un avant-goût de la rudesse du gourdin qui frappera les mauvais élèves de l'UEM. On comprend alors mieux le soudain ralliement de Nicolas Sarkozy aux propositions allemandes sur la réforme du Fonds de stabilité, le FESF. Pour conserver sa place dans un « premier cercle » européen dominé par une Allemagne qui pousse à la réforme des traités européens, la France doit désormais donner des gages. Mais pour rester dans ce cercle, Paris devra surtout conserver son triple A en prenant, comme l'a annoncé François Fillon, les mesures d'ajustement budgétaire qu'impose le ralentissement de la croissance.
mercredi 26 octobre 2011
L'Europe en morceaux
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