lundi 28 février 2011
Steve Ballmer peut-il encore relancer Microsoft ?
A qui le tour ? La valse des dirigeants au sein de Microsoft a surpris au cours des derniers mois. En moins d'un an, ils sont quatre, parmi les cinq patrons de divisions du groupe, à avoir quitté leurs fonctions exécutives. Si le départ de Stephen Elop, ancien responsable de la division Entreprise, était motivé par une nouvelle orientation de carrière - il est devenu PDG de Nokia depuis l'été 2010 -, les trois autres responsables seraient partis sur fond de désaccord stratégique avec le directeur général, Steve Ballmer. C'est le cas notamment de Robert Muglia, patron de la division Serveurs, annoncé partant le mois dernier, alors qu'il est réputé pour être l'un des plus proches collaborateurs du patron de Microsoft. Cette succession de départs intrigue et laisse imaginer au sein de la communauté high-tech, qu'ils pourraient en annoncer un autre : celui de Steve Ballmer lui-même.
Lancinante depuis un an, la rumeur peine encore à prendre corps. Et pour cause : en un peu moins de dix ans, le charismatique dirigeant a imposé sa marque à la tête du géant informatique, devenant une véritable figure historique à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise, malgré l'ombre planante de Bill Gates, qui reste président du conseil d'administration de la société qu'il a fondée en 1975. Cependant, le bilan de Steve Ballmer reste aujourd'hui sujet à caution, alors que le numéro un mondial des logiciels éprouve les pires difficultés à se diversifier et à trouver un nouveau souffle dans l'univers changeant de la high-tech. La sanction de la Bourse est éloquente : la valorisation du groupe est aujourd'hui équivalente à celle d'il y a cinq ans. Dans le même temps, l'action de Google a rebondi de près de 60 % et la capitalisation d'Apple a été multipliée par cinq, installant la firme à la pomme sur le podium des plus grandes sociétés en Bourse.
Le principal grief fait à Microsoft, et à son responsable exécutif, reste encore et toujours son incapacité à prendre le virage de la mobilité. Jusqu'à présent, le groupe est passé à côté du boom des « smartphones » initié par Apple en 2007, avec la sortie de l'iPhone, et qui profite largement à Google, dont le système d'exploitation Android deviendra majoritaire cette année dans le mobile. Fin 2010, Windows Mobile équipait moins de 5 % des terminaux dans le monde, selon le cabinet Gartner. Si le lancement du Windows Phone 7 en octobre 2010 a été salué par les experts, il reste à convaincre les consommateurs. Les ventes n'ont pas encore décollé (2 millions de téléphones vendus lors des deux premiers mois de commercialisation). L'alliance conclue avec Nokia pour équiper les terminaux du fabricant finlandais devrait permettre à Microsoft de se repositionner plus favorablement dans la course. Mais le pari n'est pas gagné d'avance.
Distancé dans les « smartphones », la firme de Redmond accuse aussi un train de retard sur le marché prometteur des tablettes. Un comble, quand on sait que le géant informatique fut l'un des pionniers sur le sujet avec plusieurs projets envisagés au cours des dix dernières années. Mais le groupe n'a malheureusement jamais trouvé la recette pour les populariser. A l'occasion du Salon de l'électronique de Las Vegas, il a certes annoncé qu'il travaillait sur une nouvelle version de Windows pour tablettes, mais qui ne devrait pas être disponible avant 2012. D'ici là, les positions pourraient bien être établies entre les différents acteurs du secteur que sont Apple, Google, BlackBerry ou encore HP.
A la peine dans l'univers mobile, Microsoft l'est tout autant sur Internet. Le groupe éprouve les pires difficultés à rentabiliser sa division de services en ligne, qui comprend le portail Internet MSN et le moteur de recherche Bing. En 2010, la perte s'est élevée à 2,5 milliards de dollars, et elle ne cesse d'augmenter trimestre après trimestre. Là aussi, sur Internet, le numéro un mondial des logiciels souffre d'une position de challenger face au monopole de Google. La situation promet d'être plus difficile encore à l'avenir alors que le navigateur Internet Explorer continue de perdre du terrain face à Firefox (Mozilla) et Chrome (Google). Le navigateur est en effet un outil indispensable dans la stratégie de monétisation des services en ligne, car il constitue l'unique point d'entrée sur le Web pour chaque internaute. Les difficultés rencontrées par Microsoft dans sa stratégie Internet font irrémédiablement écho à celles dans le mobile. Avec le boom des « smartphones » et des tablettes, Internet devient de plus en plus mobile. Les deux univers sont intimement liés désormais. Et il devient urgent pour le groupe de trouver le moyen de s'imposer pour ne pas être mis à l'écart de ces nouveaux relais de croissance.
Le bilan de Steve Ballmer à la tête du groupe ne doit toutefois pas se résumer à ces seules impasses stratégiques, si grandes soient-elles. Microsoft reste de très loin le numéro un mondial du logiciel, et équipe encore plus de 90 % des PC vendus sur la planète en systèmes d'exploitation. Le succès de Windows 7 sorti en octobre 2009 en atteste (7 licences vendues par seconde dans le monde). La suite logicielle Office (Word, Excel, Powerpoint...) reste également plébiscitée par les particuliers comme les entreprises. Les ventes de la console de jeux Xbox n'ont jamais été aussi importantes depuis le lancement du nouveau système de contrôle sans manette Kinect. Et Microsoft n'a pas à rougir non plus du bon démarrage de ses offres de services dans le « cloud computing », cette nouvelle technologie qui permet d'héberger données et applications sur Internet, et promise à un bel avenir dans le monde professionnel.
Ces réussites suffiront-elles à éteindre la rumeur d'un éventuel départ ? Face à une telle éventualité, Steve Ballmer reste serein. Interrogé sur le sujet par un analyste en fin d'année dernière, l'intéressé répond qu'il déborde d'idées et de projets pour le groupe et il n'a qu'une seule hâte, c'est de les mettre en application. Il sait en outre que son bilan financier plaide pour lui. Microsoft demeure l'une des plus formidables machines à cash de la planète économique : en 2010, la trésorerie s'élevait à plus de 50 milliards de dollars. De quoi assouvir encore une montagne de projets...
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