lundi 28 février 2011
Réveiller Berlaymont !
Il faut remercier les commissaires européens Michel Barnier et Antonio Tajani de tenter de rompre le maléfice qui frappe actuellement l'Union européenne, saisie de stupeur par l'accélération de l'histoire. Dans le silence épais qui, comme celui de « La Belle au bois dormant », enveloppe actuellement le palais Berlaymont, siège bruxellois de la Commission européenne, ils relancent officiellement une vieille controverse : celle de la réciprocité en matière de commerce international. Même en se cantonnant à la seule sphère économique, le sujet est inépuisable : commerce, politiques monétaire, fiscale, environnementale, sociale... Le sujet du jour concerne les investissements étrangers, même si l'on comprend bien qu'il n'est qu'une métaphore de tous les autres. En clair, faut-il, à l'instar de nos partenaires américains ou chinois, créer la possibilité d'opposer un veto communautaire à la tentative de rachat d'une entreprise européenne jugée stratégique ? Tentons une réponse un brin jésuitique : ce serait économiquement inutile, mais politiquement nécessaire.
Première terre d'accueil des investissements étrangers au monde, l'Europe en tire plus de profit que d'inconvénients. Ils sont synonymes d'emplois et de recettes, et permettent bien souvent de sauver, même temporairement, des entreprises de la faillite. Que seraient les Chantiers de l'Atlantique sans leur investisseur coréen ? Et Areva sans ses financeurs du Golfe ? De plus, si aucun mécanisme communautaire n'existe, chaque pays se débrouille toujours pour bloquer les opérations qui le dérangent. La France ne s'est pas gênée pour empêcher l'an dernier le rachat du spécialiste des terminaux de paiement Ingenico sans avoir besoin de démontrer le caractère supposé stratégique de l'entreprise ni d'en appeler à Bruxelles.
Et, pourtant, il faut le faire, et ce pour trois raisons qui se rejoignent. Pour exister dans le rapport de force qui s'installe entre les Etats-Unis et la Chine, pour pousser les partenaires à plus de transparence et, enfin, pour affirmer l'existence politique de l'Europe, si facilement contestée à l'extérieur de ses frontières. L'Union sait se faire entendre en matière de concurrence. Elle a su gérer le débarquement des japonais dans les années 1980. Elle a les moyens de peser sur la marche du monde, il lui reste à en avoir la volonté et à l'exprimer au moyen de quelques symboles forts. Réveillons Berlaymont !
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