Dans un contexte de rigueur, syndicats et patronat doutent des marges d'action de l'exécutif et se préparent à relancer eux-mêmes le dialogue social.
mercredi 24 novembre 2010
Fillon V : les partenaires sociaux prêts à négocier entre eux
« Cette semaine et compte tenu de la crise irlandaise, le plus important serait de rappeler l'engagement européen de la France », estime la présidente du Medef. « Nous comptons sur le Premier ministre pour que la France pèse de tout son poids pour une vraie réforme de la gouvernance économique de l'Europe ». Au-delà, le Medef juge, au nom de la compétitivité, qu'il « convient à la fois de réduire les déficits et la dette en travaillant sur les dépenses publiques et en poursuivant sans relâche la RGPP ». Pour l'organisation patronale, « il est temps de réfléchir sur le financement de la protection sociale » et d'engager le débat fiscal : « Pour alléger le coût du travail, faut-il ou non taxer davantage la consommation ? Les émissions de CO2 ? », questionne Laurence Parisot. En matière de dialogue social, « un espace semble s'ouvrir pour que nous nous mettions d'accord sur un agenda social. Si cela se confirme, il faudra que l'Etat nous laisse travailler entre nous ».
« Nous attendons des réformes structurelles qui ne coûtent rien », explique la CGPME. Par exemple : « Comment décomplexifier la situation des entreprises ? » « Nous savons que nous sommes dans un contexte budgétairement contraint, nous n'osons donc pas redemander des mesures comme un taux d'impôt sur les sociétés réduit pour les bénéfices réinvestis », poursuit Jean-François Roubaud. Concernant le dialogue social, « que l'Etat ne se mette pas trop en travers des discussions entre partenaires sociaux », demande aussi la CGPME, qui, par ailleurs, temporise : « Nous n'avons pas d'obligation de résultat dans les semaines qui viennent. »
« Compte tenu de la situation budgétaire et de l'état du pays, avançons au rythme de ce qu'on peut se payer : une politique sur l'emploi des jeunes et des seniors, mais pas une politique de réindustrialisation », recommandent les artisans, inquiets de la situation des collectivités territoriales. « Elles sont à court de ressources, or beaucoup de nos emplois dépendent de leurs investissements », explique Jean Lardin. Après le conflit sur les retraites, « si le gouvernement veut mettre une goutte d'huile ou donner un coup d'accélérateur dans les discussions entre partenaires sociaux, pourquoi pas, mais le dialogue social est notre affaire », prévient-il.
« Le conflit sur les retraites a montré un sentiment très fort d'injustice. Or, un des moyens de réduire les inégalités, c'est une grande réforme fiscale. C'est comme cela qu'on pourra dégager des moyens », a insisté hier Jean-Claude Mailly sur BFM. Il demande « la réévaluation » de l'ensemble des exonérations de cotisations patronales et des aides fiscales accordées aux entreprises. « Cela fait 140 milliards d'euros, d'après la Cour des comptes. Ce n'est pas rien ! Il faut regarder si on peut mieux les réaffecter. » Il souligne en outre que la suppression de l'ISF et du bouclier fiscal ne lui semble « pas aller dans le bon sens ». « Commençons par remettre sur pied un vrai impôt sur le revenu, plus progressif et vraiment payé par tous », défend-il.
Le discours de François Fillon ? « Pas de commentaires », car Bernard Thibault « n'en attend rien », évacue son entourage. L'hommage rendu par Nicolas Sarkozy aux syndicalistes la semaine dernière à la télévision ? « Assez facile dans la mesure où on se fout de leur opinion », a cinglé le leader cégétiste hier sur France 2. Le ton est donné : la CGT ne place aucun espoir dans la politique gouvernementale et se raidit d'autant plus que malgré les craintes exprimées lors du conflit sur les retraites, « le gouvernement, le pouvoir, le chef de l'Etat, font comme s'il ne se passait rien. »
Les syndicats plus réformistes sont eux aussi peu prolixes sur l'évolution de la politique gouvernementale. Dans un contexte de rigueur budgétaire, leurs regards se tournent vers le patronat. François Chérèque avait donné le ton dans la foulée de l'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy : « Le président ne tire aucune leçon de la situation économique et sociale […] Preuve est faite que maintenant, c'est aux partenaires sociaux de se saisir des sujets. » Pour Bernard Van Craeynest (CFE-CGC) aussi, « le gouvernement doit arrêter de céder à la tentation de tout contrôler et laisser avancer les partenaires sociaux. »
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