TOUT EST DIT

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lundi 25 novembre 2013

L'économie n'est pas une science morale


Dans le cadre de la crise économique et financière qui sévit aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis, la manipulation pratiquée sur les opinions publiques atteint son paroxysme.

Nous pensons que nous savons. Dans le cadre de la crise économique et financière qui sévit aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis, la manipulation pratiquée sur les opinions publiques atteint son paroxysme. Certes, cette intox n’est-elle (et de loin) pas un phénomène récent. Déjà en 1996, un sondage avait révélé que la majorité des citoyens américains était persuadée que le déficit budgétaire s’était détérioré sous la Présidence Clinton…alors que – en réalité - il n’avait fait que s’améliorer ! 


Pour autant, la désinformation subie par nos sociétés devient aujourd’hui carrément dramatique. Ainsi, un sondage conduit il y a quelques semaines par Google indique une majorité convaincue de l’aggravation du déficit budgétaire US depuis 2010, sachant que 40% des sondés vont jusqu’à déclarer que ce chiffre s’est même très substantiellement détérioré. Alors que seuls 12% des sondés semblent au courant de la réalité, qui est que le déficit budgétaire américain s’est considérablement amélioré depuis 2010 ! Nous pensons que nous savons. Mais nous sommes induits en erreur par des responsables politiques ultra-libéraux, dont l’unique objectif est de conditionner notre réflexion et nos réactions en faveur d’un strict conservatisme économique. 

Restons sur le terrain américain où l’affrontement entre progressistes et orthodoxes prend des allures de pugilat. A cet égard, soyons sans illusion sur la situation prévalant en Europe, même si cette ligne de fracture – qui existe aussi très clairement – évite pour le moment de sombrer dans les excès verbaux. Ou dans des déclarations ambigües et fallacieuses, quand elles ne sont pas ouvertement mensongères, comme cela se pratique quotidiennement aux Etats-Unis. A l’instar de ce parlementaire Républicains éminent, Eric Cantor, qui affirmait tout récemment  que le déficit de son pays était en augmentation. Ou comme le Sénateur Rand Paul qui accuse le gouvernement US actuel d’accumuler depuis des années un déficit d’« un trillion de dollars », alors que ce dernier – qui ne fait que baisser- serat de seulement 642 milliards en 2013 ! Sachant que ce même Rand Paul, expert auto-proclamé en économie et potentiel candidat à la Présidentielle américaine, fit une réponse incroyable à une question posée par un journaliste. En effet, interrogé sur son candidat idéal à la succession de Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale, Rand Paul devait afficher sa préférence pour … Milton Friedman, décédé en 2006 et qui – même encore vivant- aurait largement dépassé la limite d’âge pour diriger une banque centrale puisqu’il aurait eu 101 ans en 2013 ! 

Par delà cette bourde anecdotique et ridicule attestant de la culture et de la compétence économiques des « austériens », l’assainissement des déficits passe très clairement pour eux (bien) avant l’emploi. Leur pierre angulaire se décline donc en remboursement immédiat toutes les dettes et en réductions drastiques de toutes les dépenses publiques. Même si les travaux de leurs théoriciens – les économistes Reinhart et Rogoff cités à outrance pour leurs calculs déterminant un cliquet des endettements publics à 90% supposé nuire à la croissance – sont passés à la trappe pour des « erreurs excel » pitoyables. 


Même si l’institution dont ils se réclamaient tous – à savoir le F.M.I. – a admis dès 2012  avoir sous-estimé les conséquences néfastes de la rigueur instaurée en Europe. En réalité, cette psychose de la dette est distillée pour des raisons identifiées il y a déjà près de 150 ans par Marx : pour asseoir et pour consolider l’emprise du capital sur nos sociétés.  Et décrites il y a 70 ans par l’économiste Kelecki dans son ouvrage –«  Les aspects politiques du plein emploi  «   – à une époque où il était encore du devoir des Etats d’assurer le plein emploi. Kalecki avait en effet lucidement décrit l’opposition féroce du monde des affaires, des patrons d’entreprises et du capital en général à l’encontre des dépenses publiques. Pour eux, toute intervention étatique était à bannir et à honnir – y compris dans le cadre d’une récession sévère -, car elle remettait en cause le climat de confiance, préalable à tout investissement. 

Dès lors, la régulation, les dépenses sociales excessives, l’assurance-santé (comme on le voit aujourd’hui aux Etats-Unis) et les hausses d’impôts visant les nantis seraient autant d’écueils fragilisant la confiance, l’investissement et en définitive l’emploi ! Cette désinformation – ou ce chantage ! – se poursuit bien entendu de nos jours, tout en prenant une ampleur inédite puisqu’il nous est quotidiennement assené que l’expansion monétaire provoque l’hyperinflation, que les déficits budgétaires aboutissent à l’escalade des taux d’intérêt, que la rigueur budgétaire favorise l’emploi,  que la croissance s’inverse dès que les déficits publics dépassent 90% du P.I.B, et que la politique activiste de certaines banques centrales (Fed, Banque du Japon) empêche une croissance saine… Des forces à la puissance redoutable sont donc à l’œuvre – la droite conservatrice, les néo libéraux, la Bundesbank, la nation allemande, l’ignorance de nos politiques des mécanismes macro économiques –  dont l’objectif est d’instaurer toujours et partout la discipline et la culture de l’argent qui se doit d’être durement gagné. 

Les organes de cette orthodoxie partent donc du principe dogmatique selon lequel souffrance et privations sont un chemin de croix incontournable pour lutter contre la dépression de nos économies. Ces austères austériens exigent une inflation nulle tout en récusant violemment une banque centrale dont la préoccupation serait de rétablir l’activité économique. Ces adeptes de l’ « école autrichienne » vivent dans un monde pré-copernicien, celui où l’on était encore persuadé que la Terre était plate ! Car, pour eux, tout doit être sacrifié – y compris l’emploi qui n’est en finalité qu’une variable – dans le but de conserver une inflation quasi-nulle, car leur morale leur enseigne que l’argent est une valeur sacrée. Tandis que la reflation est diabolique, parce que trop facile. 

  

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