TOUT EST DIT

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lundi 31 janvier 2011

Moubarak en sursis

Un peuple qui défie le couvre-feu. Un dirigeant isolé dans son palais. Une armée érigée en arbitre. L'Égypte vit, depuis six jours, sous l'effet du syndrome tunisien. Des millions d'Égyptiens espèrent qu'aux mêmes protestations suivront les mêmes conséquences : le départ du Président.


La comparaison, pourtant, s'arrête là. Car Hosni Moubarak, pour l'heure, reste en place. Tenir, espérer voir le mouvement s'essouffler, compter sur l'armée. Depuis vendredi, c'est la stratégie du président égyptien. Une stratégie qui rend la situation au Caire particulièrement tendue, au point que plusieurs pays, et non des moindres comme les États-Unis et la Turquie, organisent déjà le rapatriement de leurs ressortissants.

Cette stratégie, Moubarak l'a déployée, pour l'heure, en trois temps. Par un geste politique, avec la nomination d'un nouveau gouvernement et surtout d'un vice-président, en la personne d'Omar Souleimane. L'homme est une personnalité de premier plan, colonne vertébrale du renseignement égyptien et connaisseur de tous les dossiers brûlants de la région, qui ne manquent pas. Il est respecté par l'armée, par tout le monde arabe, par Israël, par l'allié américain. Par la rue, même. Sa fonction nouvelle le désigne presque comme un successeur, puisque Moubarak était le vice-président de Sadate. Ce geste, toutefois, ne répond pas à l'attente de la population, qui continue de scander l'imprononçable il y a encore dix jours : « Moubarak dégage ! ».

Deuxième geste, retirer de la rue la police, l'instrument du régime. Ce n'est pas une faveur faite au peuple, mais un calcul très retors, puisque l'insécurité et les pillages ont contraint, dès samedi, des millions de Cairotes à s'auto-défendre. Sans moi le chaos. Pourrissement. Désordre. Reprise en main. Le schéma est classique, même si des milliers de manifestants étaient encore dans les rues hier soir.

Enfin, l'armée a été déployée, livrant aux caméras du monde entier un message ambivalent. Son rôle central est reconnu de tous, mais jusqu'où ira sa fidélité au Raïs ? Les scènes de fraternisation devraient être un signal d'apaisement. Or, l'usage de balles réelles et le décompte des victimes indiquent clairement qu'au sommet, la volonté de réprimer la révolte est intacte. Tout comme les coupures du service Internet et l'interdiction d'Al-Jazira.

Reste, et elle est centrale pour l'Égypte, la dimension internationale de ce qui se joue, en ce moment même, au Caire. Premier état à avoir signé la paix avec Israël (dont il est frontalier), voix dominante du monde arabe, pilier politique et militaire de la stratégie américaine dans la région, l'Égypte ne peut être déstabilisée sans que cela n'ait des répercussions considérables. L'Iran souffle sur le feu de la colère populaire, après avoir réprimé celle des Iraniens. Israël retient son souffle, trop conscient de l'incendie qui menace Gaza si l'armée égyptienne perdait le contrôle. Washington, enfin, tente de se dépêtrer de ses propres ambiguïtés.

Dans le cas tunisien, contrairement à Paris, les Américains ont clairement encouragé la demande de démocratie. Dans le cas égyptien, ils redoutent les conséquences d'une crise incontrôlable. Le soutien verbal aux aspirations démocrates est aussi timide que les pressions sur Moubarak. Après Ben Ali, un deuxième départ furtif minerait toutes les alliances occidentales dans la région. C'est la branche à laquelle Moubarak se raccroche. Si la rue le lui permet.

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