En France, tout emprunt populaire est d’abord une aventure politique. Pinay, Giscard, Balladur : les grands sages de la rigueur y ont eu recours pour rassurer les Français. Le futur grand emprunt Sarkozy, même conduit par deux inspecteurs des finances, Michel Rocard et Alain Juppé, est financièrement inutile (l’Etat emprunte déjà plus de 250 milliards cette année).
Mais il peut être politiquement utile : réfléchir "aux priorités nationales" afin de "permettre de préparer au mieux l’avenir de la France". Un peu comme le faisait à sa grande époque le commissariat au Plan de Jean Monnet qui faisait rêver d’avenir.
Des priorités de long terme, non solvables par le marché : au début de la semaine prochaine, le gouvernement recevra les propositions de la commission. Depuis deux mois, chaque mercredi matin, les 24 membres se réunissent à l’hôtel Marigny en toute discrétion. L’écrivain Erik Orsenna débat avec Nicole Notat, l’ancienne patronne de la CFDT reconvertie dans l’économie socialement responsable, l’ancien patron de Thales, Denis Ranque, affronte le polémiste Jean de Kervasdoué, économiste de la santé, la philosophe Monique Canto-Sperber se frotte à la banquière franco-marocaine Fatine Layt.
Ces experts s’appuient sur un diagnostic peu optimiste : dans le monde qui s’ouvre, la croissance future, en France, sera faible et le chômage de masse durable. Face aux urgences, il y aura donc moins de moyens mobilisables pour le long terme. Entre chaque plénière, les lobbyistes de tout poil se précipitent pour obtenir une part, voire les miettes d’un gâteau dont personne ne connaît la taille. Le nombre de secteurs appelés à devenir « priorité nationale » grossit chaque jour !
D’après nos informations, la commission a écarté les projets qui peuvent être financés par les acteurs privés. Peu de grands travaux classiques. Les nanotechnologies – les micro- technologies de demain – devraient être portées par le marché. Mais la généralisation de la fibre optique, pour l’ultra haut débit, devrait bénéficier d’un coup de pouce. Comme les grands projets « verts ». Mais la priorité de la commission sera la mise à niveau de notre appareil de recherche et d’enseignement supérieur. L’idée est de renforcer les points forts de la France plutôt que de partir vers des terres inconnues.
François Fillon a fixé la limite à 30 milliards contre Henri Guaino qui rêvait de 100 milliards. Les financiers plaident pour que ce grand emprunt soit réservé aux marchés financiers contre les banquiers qui voudraient en percevoir les commissions. Cela coûterait plus cher de faire appel au grand public (1 à 1,5 %). Mais si cet emprunt est un projet politique, pourra-t-on le lancer sans les Français ? Pas facile d’être rassurant.
Olivier-Jay
vendredi 30 octobre 2009
Un "grand emprunt" très politique
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire