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lundi 31 janvier 2011

Christine Lagarde : "Le G20 français vise moins de volatilité et plus de croissance"

Quels seront les propositions françaises du G20 ? Où en est le chantier de l'intégration économique européenne et la réforme fiscale en préparation en France ? A toutes ces questions, Christine Lagarde, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, répond ce lundi dans un entretien à La Tribune dont voici la version intégrale.

A Davos, la France a présenté ses objectifs pour la présidence du G20. On est loin du "nouveau Bretton Woods" que le chef de l'état avait annoncé il y a un an. Pourquoi a t-on revu revu les objectifs à la baisse ?
L'ambition est identique, mais elle est teintée du réalisme résultant des travaux déjà entrepris. L' ambition vise le long terme, le réalisme, le court terme. L'objectif est double. Parvenir à moins de volatilité, et éviter aux grands pays émergents d'être déstabilisés par les arrivées massives de capitaux, qui restent utiles à leur développement. Au final, nous visons à assurer une croissance solide, équilibrée, durable, et créatrice d'emplois. Pour cela, il est indispensable que le commerce mondial puisse se développer dans des conditions non faussées par une concurrence monétaire déloyale.
Comment cette réforme du système monétaire international va t-elle se préparer ?
D'abord en créant une instance appropriée pour débattre des taux de change, à laquelle évidemment participeraient les Chinois. On peut imaginer un sous-groupe au sein du G20. Autre possibilité, regrouper les pays dont les devises composent le Droit de tirage spécial, l'instrument monétaire de réserve international. Encore faudrait-il qu'on élargisse le panier de monnaies sur lequel est basé le DTS, pour y intégrer le yuan chinois. Cela pourrait inciter les Chinois à s'orienter vers la convertibilité du yuan. Parallèlement, nous devons opter pour un code de conduite permettant de réguler, tempérer et contrôle les mouvements de capitaux. C'est un point qui ressort très fortement des discussions informelles de Davos.
La France sera t-elle en mesure d'afficher des résultats concrets pour le sommet G20 de Cannes, en novembre prochain ?
Rappelez-vous ce qu'est le G20 : ce n'est pas un organisme décisionnel, mais une instance de concertation, de proposition, et d'élaboration de principes. Le G20 est une machine à former du consensus, qui débouche sur des principes. Chacun des dirigeants rentre ensuite dans son pays et décline les principes au plan national, sous la forme de règlements, de directives, de lois...
L'une des étapes sera le séminaire programmé en mars en Chine sur les monnaies, qu'en attendez-vous ?
Ce qui me parait très important, c'est que sur ce thème comme sur celui des matières premières, on arrive à rassembler les points de vue, à dégager des consensus. Le séminaire sur le système monétaire international rassemblera les experts les plus qualifiés, gouverneurs de banque centrale, ministres concernés, anciens responsables monétaires, universitaires et académiques, pour confronter leurs vues. Nombre d'entre eux ont commencé à fournir des pistes de réflexion. Cette réunion inclura bien sûr sur les universitaires et les acteurs chinois, concernés au premier chef, d'autant qu'ils n'appartiennent pas au groupe sur les taux de change du G7, qu'ils ne sont pas dans le panier du G7, alors que la question du rythme de la réévaluation du yuan est un des points de débat entre eux et les Américains et qu'ils détiennent des milliers de milliards de dollars de réserves
La France veut préparer son projet de taxe sur les transactions financières avec un groupe de pays pionniers. A quels pays pensez-vous ?
Nous commençons seulement le travail d'explications et de convictions... Il faut admettre que nombre de pays sont aujourd'hui très rétifs. C'est un travail que nous entamons avec les Allemands. Et nous sommes prêts à accepter des idées pour soutenir le développement. Le comité sur les financements innovants a par exemple réfléchi sur les taxes sur les containers, les nouvelles routes aériennes ou maritimes, il y a des propositions pour augmenter la taxation sur les produits d'addiction comme le tabac...
C'est-à-dire que vous envisagez déjà l'éventualité qu'il n'y ait pas de groupe pilote ?
Non, le président a été clair, il a dit qu'il y aurait un groupe, une coalition des pionniers. Maintenant, il ne faut pas qu'on soit seuls au monde !
Quelle forme prendrait cette taxe ?
Celle d'une transaction sur les changes, car c'est ce qu'il y a de plus identifiable et de plus traçable. Son taux n'est pas défini. Mais nous savons qu'il faudra à partir de 2020 dégager près de 100 milliards de dollars par an de nouvelles recettes pour respecter les engagements pris à Copenhague sur l'aide au développement.
Comment ont été perçues à Davos vos propositions pour mettre fin à la volatilité du prix des matières premières ?
J'ai été très surprise de l'accueil favorable réservé à ce sujet, qui est un point clé pour le développement. Nous proposons d'abord de travailler sur les marchés physiques des matières premières, en améliorant les infrastructures de stockage régional et de transport. En Inde, 30% des récoltes pourrissent sur place parce qu'il n'y a pas de moyens pour les acheminer. A cela peuvent s'ajouter des mécanismes assurantiels, des prévisions météo plus fiables, etc... En outre, il y a le travail sur les marchés financiers, pour éviter les abus de marché. A ce sujet, il faut faire le départ entre les mouvements de marché normaux, déterminés par le rapport entre l'offre et la demande, et la spéculation
La spéculation est-elle la vraie raison de la volatilité des cours de matières premières ?
Il y a beaucoup de travaux qui ont été engagés sur le marché du pétrole. Bien souvent des facteurs fondamentaux jouent dans un marché de faible élasticité. Des études faites à Londres arrivent à la conclusion : la spéculation joue un rôle, sans qu'elle soit le seul facteur. Ces études montrent aussi que les investisseurs de long terme, eux, jouent un rôle contra-cyclique sur le marché des matières premières. Ils vendent quand ça monte et rachètent quand ça baisse. Du coup, ça a un effet contra-cyclique, qui est favorable.
La crise de la zone euro semble s'apaiser. Mais les Allemands réclament plus que jamais la mise en place de sanctions quasi automatiques pour les membres qui contreviendraient à la rigueur. La France soutient-elle cette demande ?
Oui, absolument, et sans réserve. En cas de comportement déviant répété de la part d'un état, la sanction tombera automatiquement, sauf si il y a une majorité qualifiée pour estimer qu'un pays était légitime à ne pas respecter ces engagements.
Quelles seront les prochaines étapes de la convergence franco-allemande ?
En matière de politique économique, nous sommes tombés d'accord pour ne pas nous limiter à la correction et la sanction des déséquilibres budgétaires ou relatifs à la compétitivité, mais à faire de la prévention, en discutant entre nous. C'est une nouvelle étape de l'intégration de la zone euro
La chancelière a donné un exemple très précis de convergence souhaitable : l'âge de la retraite. On va vers un âge de la retraite unique en Europe ?
Nous avons entamé un large rapprochement, c'est indéniable. On ne peut se donner des objectifs communs de politique économique sans aborder des questions de fiscalité - nous avons commencé à faire - ou sans aborder le financement des entreprises, l'offre de travail... Quant à penser qu'on va aligner tous les âges de la retraite en Europe sur la dernière réforme espagnole, qui remonte à vendredi, on n'en est pas là ! Et il ne faut pas oublier que l'âge légal n'est que l'un des paramètres.
A Davos, la chancelière Angela Merkel a mis l'accent sur les négociations commerciales de Doha. On sent la France moins pressée de conclure...
Premièrement, ces questions de commerce international sont de compétence communautaire et relèvent du commissaire en charge du portefeuille à Bruxelles. Deuxièmement, la difficulté aujourd'hui en termes d'OMC et du cycle de Doha n'est pas en Europe mais dans la partie d'équilibristes qui se joue entre les Etats-Unis et l'Inde tout particulièrement. Enfin, le président de la république est convaincu que le cycle ne peut se terminer sans décision des politiques. La mécanique actuelle de l'organisation mondiale du commerce, qui lie tous les sujets avec un "tout ou rien", c'est l'échec assuré.
Maintenez-vous votre prévision de croissance pour la France à 2,5% pour 2012 ?
Je n'ai pas de projets de révision. On en reste à 2,5%, et nous verrons comment se déroule l'année 2011. Idem pour 2011 où, à ce stade, je ne vois aucune raison d'amender notre prévision de 2%. Rappelez-vous ce qu'on disait il y a un an sur la prévision de croissance de la France: en définitive, la croissance pour 2010 sera proche de 1,6% soit supérieure à la prévision de la Loi de Finances initiale et pour 2011, l'objectif est à notre portée comme le montre l'amélioration des enquêtes de conjoncture.
En France, le débat sur la fiscalité du patrimoine est lancé, certains redoutent la construction d'une nouvelle "usine à gaz"...
Le processus doit tenir compte à la fois des propositions des parlementaires, des objectifs que l'on poursuit et ne doit pas coûter à l'Etat. Je suis quant à moi favorable à quelque chose de simple, et donc d'assez radical.

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